Did you miss me ? (PV Amelia)

Dans les entrailles de mon corps, cette température glaciale a les allures d'une mélancolie qui m'apparaît comme nouvelle. Ma vision se brouille comme obstruée par des émotions brillantes de tristesse. Cela fait plus d'une décennie et demi que ma conscience s'est éveillée, plusieurs mois qu'elle a achevé son voyage astral pour en revenir à cet univers au centre de tout. Je n'ai que de brefs souvenirs d'une crinière jaune, l'odeur des reptiles, une sensation au-delà de tout ce que j'ai connu jusque là. Je me sens effritée dans la certitude de n'être plus unique, et en même temps, j'ai l'impression de renaître d'un long sommeil.

Les raisons de mon départ trottent encore dans ma tête, et à la vue de ce décor que j'ai si longtemps quitté, je ne parviens pas à m'expliquer le pourquoi de ce départ. Le monde n'est pas aussi morne que je ne le prétends, et ce voyageur temporel a des allures d'une excuse pour un retour prémédité. C'est ta faute, je le sais. Ta faute à toi, cette main divine, à ces pensées rédigées. Je sais que quelque chose déraille, au fond de moi, ma volonté s'éparpille jusque dans des extrémités insoupçonnées. Je ne peux définir tout ça, mais je me sens vivante, une fois encore, nageant dans la joie de pouvoir à nouveau me découvrir.

Aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec Amy. L'appréhension se mêle à l'impatience de retrouver l'un des éléments d'un quotidien qui appartient au passé et que je peux m'approprier de nouveau. Pour une fois, je me sens tolérante - presque douce. Si c'est une bonne humeur, elle apaise mes désirs violents, ma volonté de recherche et cette impatience chronique quand aux raisons de l'existence. En l'instant, il n'existe que la chaleur ambiante, des retrouvailles étranges et une étreinte aussi attendue qu'elle demeurera incomprise.

Un contact sans chaleur, comme la plupart d'entre eux - je ne me permets le contact que pour entretenir mes instincts froids, comme la proximité dangereuse d'un reptile carnivore.
Je reste impassible devant ces habitudes puériles dont je ne vois pas plus l'utilité que je n'en comprends le désir, et ce n'est qu'à ses premiers mots que je daigne sourire enfin. Il est réel, et il mélange la réalisation tardive d'une évidence avec un agacement dont elle ne réalise même pas l'existence. Mais il n'arrivera rien, pas aujourd'hui - et ma main vient taper le haut de son crâne avec une douceur inconnue jusque là.

« Merci. J'y ai mis un peu d'efforts, pour une fois. »

Un sourire satisfaisant s'accompagne d'un geste de main pour rejeter mes longs cheveux en arrière. Il y a longtemps, depuis ce sombre jour où la persuasion m'a forcé à les couper, me privant de mon identité du passé en même temps que mes souvenirs.

Je me souviens d'elle, cette fille aux cheveux roses que je n'oublierai pas. Je me souviens d'avoir douté de moi-même, de mes désirs transformés, de cette auto-flagellation si inattendue que j'avais appris à en apprécier les enjeux. Cette magie pouvait me ré-écrire, et quelque part, ce sentiment ressemblait à celui au moment de mon départ. Les souvenirs embrumés, flous, comme si cette période de ma vie restait inexpliquée, disparue dans un oubli dont seuls les divinités avaient connaissance.

« Tu n'as pas changé, toi, en revanche. Et tu voulais me voir, j'aimerais que tu m'expliques pourquoi. »