( fuck santa claus ) stephona.

Noël ça a jamais vraiment été ton truc. Et c'est de famille. Ton frère tirait la gueule pour plus tard s'enfermer dans sa chambre - une fois grand il sortait pour se bourrer la gueule ceci dit - et tes parents rendaient le repas tellement morose et glauque que c'était à se demander si ce n'était pas plutôt un enterrement. Quant à toi, tu fermais ta gueule et tu mangeais la bouffe toujours trop fadasse de ta mère. Même à Prismver, tu n'as jamais été trop friande des balles qu'on y faisaient. Même toi, reine du lycée. Tu te montrais rapidement pour raviver les souvenirs de ton existence dans l'esprit des gens avant de disparaître pour le reste de la soirée, la plupart du temps pour fricoter, boire, fumer ou ingérer toutes autres substances peu recommandables pour l'organisme et la santé. Et tu t'étais promis que cette année serait le même rituel que dans ton pays natal : une bière, une pizza et une émission pourrie jusqu'à cinq heure du matin pour mieux aller te pieuter, probablement bourrée.

C'était sans prendre en compte le facteur Robbins.

Une véritable saloperie ce virus ; ça vous ronge sans jamais s'arrêter et même quand vous vous secouer pour vous en débarrasser ça ne vous lâche pas - ça ne vous lâche jamais. Un enfer. Et il avait bien fallut qu'il t'invite - et toi comme une abrutie, tu as dit oui. A force de donner de faux espoirs à ce gars faudra pas s'étonner s'il s'accroche de plus en plus. Mais quelque part, ça t'fait du bien. Il te fait rire avec ses conneries et son humour débile, ça te permet de respirer un peu, alors autant en profiter.

Tu finis de mettre des boucles d'oreilles et de mettre du fard à paupière en rajustant ta robe pour mieux enfiler tes talons ; tu n'avais pas sorti de robe de soirée depuis la dernière remise de prix pour ton groupe. Et ça ne t'a pas manqué - même si ta robe est loin des couleurs pétantes de Noël - noir, noir, toujours du noir. Tu te lâches un peu ; c'est Noël après tout. Même si tu te doutes bien que tu n'auras pas de cadeaux. Tu finis par prendre ta pochette pour mieux descendre de ton appart et rejoindre le prof en bas ; un peu plus de vingt heure, parce qu'il faut bien le faire attendre quelques minutes. Tout sourire que tu es ; mensonge, tu n'attends pas plus longtemps que les quelques rituels de bienséances pour vous mettre en route. Au final, vous vous retrouver à passer par la forêt pour arriver devant une cabane miteuse ; mais on est à Prismver et tu es la première à savoir que derrière ce truc piteux se cache un décor grandiose qui ne tarde pas à se révéler à vos pupilles.

▬ Bienvenue à Poudlard.

C'était le cas de le dire.

© Y A M ▬

La galanterie ? J’connais pas.
Le respect ? J’m’en bats les couilles.

J’enfile un costard, coiffe mes cheveux, la barbe parfaitement rasée pour me faire un style plus adulte, parce que je me respecte, et je pars en direction du bal. J’ai même attaché une montre à mon poignet pour me donner un air plus sérieux et je n’ai rien à donner à ma cavalière, pas même la satisfaction de venir la chercher devant sa chambre. Rendez-vous là-bas c’est très bien, ça évite bien des complications, malgré tout je suis à l’heure pour éviter de la planter, je ne suis pas un enfoiré. Vous devriez le savoir depuis le temps, je ne suis pas quelqu’un de matériel, je ne m’encombre pas de politesse inutile ou de ce que je ne suis pas.

Si l’on m’accepte, c’est comme je suis et pas question d’en séparer ce que je montre. Naturel en toute circonstance, car s’il fallait devenir quelqu’un d’autre pour qu’elle m’apprécie, j’aimais autant que ce soit pour ma vraie personnalité. Bien des femmes se plaignent de se marier à des hommes qui sont aimables dans les premières années de leur mariage, mais ce n’est pas comme ça qu’il faut voir les choses - les hommes se forcent simplement à changer pour elles. Et puis un jour, tout éclate. La vérité se dévoile, la personnalité se définit et fait sauter les limites de l’acceptable. La femme en a ras le bol. Pour éviter ça, autant lui casser les couilles dès le début et c’est ce que je faisais parfaitement. Le soucis c’est que les femmes qui aimaient cette part de moi étaient aussi faites pour les relations à longue durée que je l’étais et celles qui ne l’aimaient pas n’étaient juste pas faites pour moi. Midona était différente. Elle riait, elle m’appréciait pour ce que j’étais, mais quelque chose l’empêchait d’accepter de s’ouvrir vraiment. Très franchement, ça ne me gênait pas, et bien que j’avais eu cette discussion avec elle une fois, je n’abandonnerai pas. J’étais persistent.

Qui voudrait d’un homme qui s’arrêtait face au premier obstacle ? J’avais beau dire, c’est exactement ce que je fis en me mangeant la porte de la cabane - et l’insulte que je voulus lâcher mourut dans ma bouche face à la vision de l’intérieur. Je m’avançais, attrapais un verre sur une table en pleine marche juste pour avoir la classe et cherchais Midona dans cet océan de personnes. Elle ne fut pas difficile à trouver, elle était plus grande que la majorité des filles présentes : il fallait chercher la plus grande robe. « Salut. T’es bonne, mais tu le sais. » résumais-je.

Un clin d'oeil, je viens près d'elle et bus quelques gorgées de mon verre, déjà à l'aise. En l'instant, j'étais la définition de "s'en battre les couilles".

« Tu veux danser ? Chanter ? Parler ? On peut aussi retourner dans mon appart’, tout le monde est ici, on pourra faire autant de bruit qu’on veut. »

TENUE:

Quelque part tu te demandais si t'étais la dernière des garces ou si Stephen était vraiment un gros masochiste pour t'avoir invitée au bal malgré la dernière soirée que vous avez passée tous les deux. Et toi pour avoir accepté la dite invitation. Tu pensais pourtant avoir été claire avec lui, mais ça sert à rien. Il s'obstine.

C'est bien un E, ça n'apprend jamais.

Tu essayes de chasser ces préjugés qui se renouent en toi, mais sa remarque te fait grimacer à l'intérieur. Il ne cherche pas à arranger son cas dis donc.

▬ Heureusement que je le sais.

Après tout t'es la première concernée par le sujet. Et tu fais attention à le rester. Tu envies son aisance, toi la foule t'oppresse déjà. Tu envies également son verre. Tu as une sévère envie de te bourrer la gueule pour ne pas voir que tu rates encore une fois un réveillon. Mais quelque chose te dit que le prof à côté de toi profiterait sûrement de la situation.

Toi ?
Avoir une mauvaise opinion de lui ?

Ahah.
C'est peu dire.

Et ses dires te font lâcher un soupire dont tu retiens l'exaspération. Ce gars te donne envie de fumer tant il te tape sur le système.

▬ Même sous la contrainte je crois que ça serait non, t'as pas retenu la leçon la dernière fois semblerait-il, Robbins.

C'est dingue comme tu l'appelles toujours par son nom de famille quand tu passes sur la défensive, foutu réflexe. Tu lui adresses pourtant un sourire, remettant tes cheveux en arrière comme tu sais si bien le faire.

▬ Je serais curieuse de voir ce que tu donnes en danse. Je suis prête à parier que c'est toi qui va me marcher sur les pieds au final.

© Y A M ▬

Bien sûr que j’avais écouté ce qu’elle m’avait dit la dernière fois, si vous vous posez la question. J’étais conscient que je ne l’intéressais pas, mais ce refus restait à titre temporaire. Certaines personnes appelaient ça de la stupidité, je parlais de détermination - pour peu que je veuille faire des efforts en faveur d’une personne, je n’allais pas la laisser partir. Je coupe court à toute pensée niaise qui puisse vous parvenir : je ne suis pas comme ça, je ne compte pas le devenir pour qui que ce soit. Mais je ne suis pas stupide. J’ai beau profiter de mes belles années, je ne suis pas sans coeur, bien au contraire, j’ai des sentiments. Je me contente simplement de ne pas les écouter, d’avancer dans ma vie sans trop y penser, d’accepter les situations à mesure qu’elles venaient. J’ignorais la raison pour laquelle Midona m’apparaissait différente et je n’avais pas envie de me qualifier d’amoureux et de me mettre dans la même case que certains délires pitoyables de romance - ce n’était pas pour moi.
Pour autant, mes pensées n’y changeaient rien : elle était unique, c’était un fait, et j’agissais en conséquence. Vous pouvez trouver ça stupide de se laisser guider par ses impressions mais puisque ma vie a toujours bien fonctionné en ce sens, je ne vois pas de raison d’y changer quelque chose.

« J’ai tout retenu, Midona. La question est de savoir si je vais en tenir compte. » C’était aussi simple que ça. Quelles que soient les règles, les avertissements ou les limites, j’aimais agir à ma guise. J’étais respectueux des instances légales mais quand une personne m’imposait mes propres choix, je ne me laissais pas influencer quand une part de moi me soufflait que j’avais sûrement raison de continuer sur ma propre route. C’était le cas. Elle cachait quelque chose, son départ brusque me l’avait confirmé et ses doutes témoignaient de son manque de fermeté. Elle était indécise.

C’était ce qui m’exhortait à poursuivre. « Regarde bien, tu verras jamais un mec danser aussi bien. » lançais-je en me dirigeant vers la porte. Sur la route, je vidais mon verre et le déposais sur une table avant de me hisser sur la piste. Je lui adressais un sourire amusé avant de commencer à danser, improvisant totalement ma gestuelle. Un manchot aurait plus de facilités que moi - autant vous dire que ce n’était pas l’atout qui allait me donner raison dans cette soirée drague, mais au moins, c'était l'éclate.

▬ Bien sûr que non tu ne prendras pas ça en compte. Tu optes toujours pour les choix qui m'irritent le plus.

True Story.
Mais tu as toujours eu ce problème, Midona. Tu t'es toujours attachée à des choses qui ne sont pas faites pour toi, qui te posent des problèmes, qui t'énervent - t'insupportent. La musique, la célébrité, ton frère, Prismver - lui ? Non, lui n'en fais pas partie. Il n'a pas ce privilège, jamais. Comme si tu pouvais t'accrocher à lui qui possède tous ces défauts qui font que tu le trouves plus humain que les autres ; toi qui baignes dans un monde d'imperfection.

Tu n'es pas attachée, bien sûr que non.

Son assurance t'extorque un sourire du bout des lèvres alors que ton humeur se radoucit un peu - versatile, toujours. Il pose son verre pour mieux entrer sur la piste de dance avant que tu te figes.

Pitoyable, c'est le mot.
Et pourtant, il est totalement à fond.
Il a l'air aux anges à s'amuser ainsi - un véritable gosse. Et tu ne peux t'empêcher de rire de ses conneries ; honnête pour une fois, pliée par ses singeries qui ne préviennent jamais avant d'arriver - et tu rends ça inoubliable du bout de ton téléphone, prenant des dossiers tant vidéos que photos avant de ranger l'appareil pour finalement mieux te contenter de profiter de l'instant. Tu finis par te servir un verre, plus détendue, plus souriante, plus légère - vivante, peut-être. Tu as l'impression toi aussi de retoucher l'adolescence timidement, la frôler de la paume de tes mains sans trop oser y remettre les pieds de peur de te souvenir plus d'une ivresse mauvaise qu'une insouciance que tu envies désormais. Tu n'arrives pas encore à te lâcher. Tu sirotes un peu d'alcool sans te lasser du spectacle, attendant qu'il revienne à toi pour finalement lui accorder un sourire plus enfantin.

▬ Tu m'as convaincue : aucun mec ne danse aussi bien que ça, impossible.

Levons nos verres au sarcasme.

© Y A M ▬

Le plus triste dans son affirmation, c’est qu’elle n’était pas vraie. Même si je n’aurai aucun soucis à aller à l’encontre de ce qu’elle aimait dans le seul but de l’agacer, je restais naturel. Je n’agissais pas contre ses goûts mais simplement naturellement - et si cette situation pouvait s’apparenter à un choix téméraire, elle montrait sûrement que je n’avais presque rien en commun avec elle. Mais elle ne restait pas insensible pour autant : ricanant à mes conneries, les prenant même en photo, je continuais sans la moindre honte, me foutant totalement des dossiers qu’on pouvait avoir sur moi.

Je n’avais rien à prouver et m’amuser était la priorité d’une vie que j’estimais remplie bien qu’elle fut trop courte pour en voir la fin - alors, en toute logique, je profitais au mieux jusqu’à ce qu’elle soit trop courte pour en retrouver l’énergie du début. C’est ce qui m’aidait à avancer malgré les râteaux et les paroles méchantes - je n’y restais pas insensible, je les rangeais juste dans une part de mon cerveau qui ne s’éveillait qu’en cas de danger mortel - autant dire que je n’étais pas prêt de me pencher sur la question. Et comme je l’espérais, ça marchait. Elle s’ouvrait un peu plus, ce qui m’exhorta à ramener sur la table le sujet qui l’avait faite partir.

« Pour ma question de l’autre fois, comme j’suis pas Mère Térésa, j’me branle que tu veuilles pas me le dire. J’disais ça pour toi. Les gens se confient tous - sauf moi - donc j’suppose que t’en a besoin aussi. » Je haussais les épaules. Je ne faisais pas dans le sentimentalisme, ce n’était une surprise pour personne, mais les gens ne voyaient pas ce qui respirait l’évidence en vue de mon caractère : j’étais le confident parfait. J’écoutais, je faisais des réflexions ou pas selon ce que l’on me demandait - mais si j’en faisais, je ne me retenais jamais - et j’aurai crevé plutôt que dévoiler un secret ; d’autant que, avouons-le, rares étaient les gens capables de me l’extirper, en partie parce que j’avais tendance à oublier ce qu'on me disait.

« Allez, lâche ton téléphone et viens danser. » dis-je en lui tendant la main, un sourire de défi sur le visage - à mon tour de prendre des dossiers.

▬ Dommage, tu serais la Mère Térésa la plus sexy jamais vue si c'était le cas.

Y'en aurait beaucoup qui serait prêt à pécher pour la gueule d'ange de Stephen et tu le sais. Pour ta gueule aussi mais t'es loin d'être aussi généreuse que lui. Et contrairement à lui, tu es probablement la pire confidente au monde - tu sais garder les secrets et les tabous, mais tu t'en contrebalances des autres. Vraiment. Tu descends ton verre d'une gorgée.

▬ On dirait que tu as trouvé une seconde exception alors. Étaler ma vie, mes problèmes et tout le tsouin-tsouin c'est loin d'être dans ma nature.

Il aura appris un autre sur toi ce soir.
T'es plus du genre bombe à retardement, Midona. Tu le sais d'expérience. Tu l'as toujours vécu - mal, qui plus est. Tu assimiles, tu intériorises - tout, trop. T'es incapable de t'en dépêtrer toute seule mais t'accrocher aux autres t'es impossible, tu sais pas attraper la main qu'on te tend - ce qu'on a jamais fait pour toi, de toutes façons - mais c'est pas comme si tu le méritais. Bien fait pour toi. Alors tu prends sur toi, tu étouffes tes cris, tes crises, tes peurs, tes angoisses, ton stress, tu te laisses crever en silence derrière un sourire sans que personne ne remarque depuis des années.

Jusqu'à exploser.

Jusqu'à exploser la mâchoire de quelqu'un, casser un miroir puis tout le reste de ta chambre, te bourrer jusqu'au coma éthylique, tenter de te foutre en l'air - c'est à se demander comment t'es encore là aujourd'hui. Parce qu'au final, le plus dangereux c'est pas que tu sois effrayée, en colère, jalouse, déprimée ou instable.

Le pire, c'est que tu t'en branles de mourir.

A vingt-quatre ans, alors que t'as la vie devant toi. Alors t'essayes d'en profiter - mais t'es lasse, déjà. On dirait une vieille en fin de vie - tu ne trouves plus aucun éclat au monde qui s'offre à toi. Même à Noël, même durant ce genre de fête, une fois le rire passé tu redescends - rapidement, comme un mauvais trip trop sec. Tu retouches le sol et retombes dans l'ennui.

Mais il est toujours là.

Avec son putain de sourire, sa main tendue vers toi que tu regardes avec hésitation. Et tu finis par poser ton verre et ranger ton tél. Et un sourire renaît sur ton visage. Faible, mais présent. Faible, mais vivant. Il arrive à déterrer ce côté enfoui de toi - c'est peut-être lui le Père Noël pour toi.

▬ Tu vas être surpris.

Parce que t'es peut-être maladroite avec les mots, mais toi, tu sais danser. Entre les fêtes d'adolescents et les moments sur scène, tu as appris - et même avant tu avais le rythme dans la peau - qui l'eut cru de toi, la petite nerd réservée. Et à peine as-tu posé le pied sur la piste de danse que tu te lâches au milieu des autres, l'entraînant avec toi dans le processus, te moquant quand il n'arrive pas à suivre. Tu as l'impression de revenir huit ans en arrière quand t'étais qu'une ado', quand t'étais la reine et qu'ici, c'était ton terrain. C'était toi la prédatrice. Et c'était si bon.

Il te fait redevenir adolescente, vivante.
Le Père Noël a perdu du poids cette année.

© Y A M ▬

Si je vois un cul, je le gifle.
Si je vois un chat, je le brûle.
Si je vois un con, je le frappe.
Si je vois une fourmi, je l’écrase.

Ce genre de choses, elles tiennent du domaine de l’évidence. Et en l’instant, mon envie de me taper Midona n’allait pas tarder à les rejoindre. Oui, je sais, j’introduis la chose de façon plus fine et polie d’habitude, mais c’est sa faute aussi. Elle m’annonce que je suis sexy, fait montre d’une nouvelle qualité en me répondant qu’elle n’était pas du genre à se confier - fuck les dramas, soyons tous des hommes - et se mit à danser de façon sexy. Et bientôt, j’allais avoir besoin de mettre le mot sexy 10 fois dans une phrase pour décrire le temps passé avec elle, parce que si j’arrivais à empêcher le soldat de se mettre au garde à vous - olala, je vous jure, les vieilles habitudes de l’armée - je n’étais pas certain que ça dure très longtemps ; et si vous me traitez de faible, je vous défie de passer une soirée avec cette fille dans une maîtrise parfaite de votre boy scout.

Je n’avais même plus envie de sortir mon téléphone pour la prendre en photo, je me contentais de la regarder en profitant de l’instant, comme je l’ai toujours suggéré : que les gens rangent leurs téléphones dans les concerts ou autres soirées mémorables, vous en oubliez de regarder ce qu’il s’y passe. C’est ce que je ressentais en ce moment, et puis, avec un téléphone dans la main, on ne pelotte pas proprement - mais pour des raisons de sécurité, changeons cette fin de phrase en “on ne danse pas proprement”. « Tu vois, j’suis pas de si mauvaise compagnie. » glissais-je entre deux moves de l’espace, putain mais que je gère, j’ai déjà maîtrisé la danse après 30 secondes de pratique, j’arrête tout là, give me an oscar.

Tout en continuant de bouger au rythme de la musique, tout du moins, de mon point de vue, je repris. « J’ai appris un truc de folie en danse, aussi le seul que je connais. Check. » Je posais ma main sur ses fesses pour la déstabiliser un instant, me penchais sur elle pour l’embrasser. Un baiser rapide après lequel je reculais, cessant de danser. Ce n’était pas un signe que je la laissais tranquille, juste que je ne forçais pas, et j’étais certain qu’elle le comprendrait. C’était la sincérité de ce que je voulais lui offrir, parce que ouais gros, je crois que je la trouve pas juste bonne, mais belle aussi. Panique générale dans le vaisseau télécommandé Stephen Robbins, passage sur les générateurs de secours, élimination de la menace niaiserie dans les 10 secondes. Je croisais les bras sans détacher mon regard du sien. « Joyeux Noël, j’espère que mon cadeau te plaira. » conclus-je.

Ça fait longtemps que tu n'as pas autant apprécié un moment - ça fait tout aussi longtemps que tu n'as pas dansé en te lâchant réellement, sans penser à une quelconque chorégraphie, juste en te concentrant sur toi, tes pieds, ton corps et l'abruti en face de toi. Tu avais presque l'impression de retrouver une légère innocence - bien que ça soit impossible, parce que ce mot ne fait plus parti de ton être. Mais tu te disais que tout allait continuer comme ça, juste comme ça, simplement. Rien de compliqué. Peut-être est-ce de l'inconscience ou de l'insouciance tu ne saurais trancher, toujours étant que tu t'es figée au contact de sa main sur un endroit qu'il est le dernier à avoir le droit de toucher et, te faisant redresser la tête vers lui pour mieux rencontrer ses lèvres des tiennes.




Wait.
Attends, what ?
Fucking what ?
Tu ouvres de grands yeux, ne comprenant pas de suite ce qu'il vient de faire sous la surprise. Sérieusement ? Est-ce que Stephen vient de t'embrasser - avec douceur qui plus est ? Oh. Oooooooh. Ouhla, ouhlalala. Ahahah non mais ça va pas être possible. Et si ça n'était que ça - ce que tu lis dans ses yeux te terrifie ; rien. Y'a pas d'arrière-pensées (à part celle de te ken mais voilà), pas d'intérêt, pas de mensonges - y'a que toi. Tu sens une sueur froide te parcourir la nuque. Tu sais même pas quoi dire, il t'a bouche-bée pour le coup. Mais il faut que tu le recadres, que tu l'vires, que tu l'gertes, qu'il cherche pas à aller plus loin.

Ça te terrifie.
T'es morte de trouille.
Pourtant tu es terriblement impassible - juste un peu crispée. Tu essaies de parler mais ta voix flanche sur les premières notes ; tu te reprends rapidement, plus froide, sourcils froncés.

▬ Je crois que tu pouvais pas m'offrir pire. Refais. Plus. Jamais. Ça.

Et voilà, regarde-toi. Tu repars au quart de tour comme la dernière fois. T'es pas foutue de rester neutre. Il te fait toujours tomber de haut. Tu le supportes pas. Faut que tu sois plus sèche encore, que tu le repousses fermement, à deux mains, que tu mettes un terme à tout ça.

Parce que ça peut pas durer.

▬ J'vais me chercher à boire.

Tu tournes aussi sec les pieds de la piste de danse - tu fuis, sale lâche, même si tu vas bel et bien te chercher à boire ; tu as besoin d'alcool. En grande dose. Tu as envie de recommencer tes conneries d'ado à te bourrer la gueule jusqu'au coma. Tu portes ton verre à tes lèvres, prenant une gorgée en savourant l'amertume de la chose.

C'est mal parti.

© Y A M ▬

Tout en la rejoignant sans la moindre gêne, je tâchais d’effacer mon sourire de mes lèvres pour arborer un visage plus sérieux en sa compagnie. Compte tenu du fait que je venais de l’embrasser, je comprenais qu’elle pouvait mal voir le fait que je me sente fier de moi-même. Je m’avançais le plus naturellement possible et me calais de nouveau à côté d’elle, et si je pus retenir une remarque pour le moins désagréable, le sourire ne put disparaître. En même temps, c’est dur d’être sérieux dans ce genre de situations - elle n’était tellement pas crédible quand elle m’envoyait chier.

La première fois, je dois avouer que c’était plutôt mal passé, mais le fait qu’elle soit plus douce témoignait bien du fait qu’elle n’était pas indifférente à tout ça. Je n’étais pas soulagé parce que je me savais capable de passer au dessus d’une réaction adolescente stupide, mais tout de même, j’avais moins le seum que la première fois et c’est une révélation en soi. Mais pour revenir à quelque chose d’autre que mon glorieux nombril, je venais de rejoindre la blondasse et je pouvais clairement voir ses intentions dans son regard. Je le sais, car Tyler le sait.

Enfin, je le sais surtout parce que j’ai le même de temps en temps, mais placer une punchline de Fight Club était trop tentant pour que je passe à côté de l’occasion.

« Les gens s’amusent souvent à me rappeler mes défauts en gueulant quand je fais des trucs pareils, comme si j’en étais pas déjà conscient. Genre, comme quoi je m’intéresse qu’aux boules des gens ou que j’en visite beaucoup trop. C’est ce que tout le monde pense parce que j’ai la flemme de m’attarder sur le romantisme poli qu’on attend de tous. »

Je prends un verre pas loin et le lève tout avant d’en avaler quelques gorgées. Ce n’est pas l’alcool qui parlait - j’avais l’habitude d’en boire et je le tenais bien, et c’était le problème.

« Mais je sais ce que je veux, je le dis, je le fais et je l’assume. Je te force pas à quoi que ce soit mais je suis bien placé pour savoir que l’alcool résout rien. Et si c’est moi qui te met dans cet état, je suis prêt à te foutre la paix pour le reste de tes jours, si tu me garantis que tu finiras pas mal. »

Je lançais mon verre devant moi sans même regarder où il allait finir et me tournais vers Midona pour l’observer le plus sérieusement du monde.

Angoisse. Tu sens le fourmillement trop familier au bout de tes doigts un peu engourdis, retenant ton corps de se rendre intangible sous la pression que tu n'as jamais su maîtriser - les sentiments c'est pas pour toi, ça t'ouvre en deux et te déchire. Pire qu'une opération sans anesthésie. Tu retiens un tremblement, ton estomac se tordant sous le stress qu'il te file. Et tu fermes les yeux quelques secondes sous les sensations trop familières qui s'implantent sous ta peau - l'alcool, la facilité de franchir le pas des conneries trop dangereuses, le goût que t'y avais pris ; le mal être qui te rongeait si tôt déjà et qui hante toujours ton ombre. C'est sa voix qui te rappelle à l'ordre dans un lieu trop éblouissant pour tes yeux alors que tu tentes de te concentrer sur lui pour ne pas dévier.

Et tu souris.

A ses dires, sa façon d'être, sa confiance, son regard, sa gestuelle. Ridicule. Tu retiens presque un rire au fond de ta gorge - c'est probablement un sanglot de la veille qui l'a étouffé. Et tu le toises, avec ce dédain qui t'était propre avant ; celui des gens un peu trop abîmés aux trop nombreuses cicatrices qui brûlent en présence de personnes comme lui.

▬ Ce que tu peux être présomptueux.

Tu reposes ton verre.
Tu veux partir, rentrer chez toi. Tu ne sais pas ce qui te retient, par ailleurs. C'est toujours toi à céder à tes pulsions, tout laisser en plan avant de péter un plomb, ragequit.

▬ J'ai pas besoin de toi dans ma vie pour finir mal, Stephen.

T'es toute aussi sérieuse que lui, pour une fois.

▬ Et j'ai pas besoin de toi dans ma vie tout court. Tu comprends, là ? C'est clair ou j'dois te le dire autrement ? Je ne t'aime pas, tu m'intéresses pas et tu m'intéresseras jamais. Et même si un jour ça arrivait, j'te l'dirais pas et j'continuerais de t'envoyer chier parce que je compte pas avoir une relation avec toi qui n'est pas professionnelle alors, pitié oui dégage et fous moi la paix.

Et tu tournes les talons, ceux-ci claquant froidement contre le sol.

▬ Joyeux Noël, Robbins.

Quelle sans cœur égoïste tu es.

© Y A M ▬