« … Et c’est comme ça que j’ai gagné ma jolie Z750 RS aka Z2… » la sonnerie retentit… Je levais le bras au niveau de mon épaule pour faire signe aux élèves d’attendre la fin de ce son strident, j’avais quelque chose à leurs dire. « N’oubliez pas pour la prochaine fois, je veux que vous trouviez deux souvenirs intenses, un heureux, et un qui vous provoque de la peur, une décharge d’adrénaline. Nous ferons des jeux de rôles à l’extérieur si le temps nous le permet. Sur ce, bon appétit et à la prochaine. Je n’ai pas de temps pour les questions mais envoyez moi un message si besoin et n’hésitez pas à venir me voir. Je vous écouterai avec plaisir ! Salut ! »
Je m’éclipsais avant même que les élèves aient commencé à ranger leurs affaires. Je leurs racontais la fois où j’ai gagné ma Kawasaki que j’aime tant. Un bras de fer dans un bar au Texas… Le gars qui était si confiant avait un don, je l’avais senti, certainement de la force. Je l’avais annulé, et battu. Ce qui ne lui a pas plu… Ni à lui, ni à ses potes. Juste le temps de récupérer les clés et les papiers de la moto qui s’envolèrent avec la table et je m’enfuis habilement du bar, ils me suivirent… J’étais le capitaine de l’équipe de karaté à Prismver… Donc bon, j’ai mis une dérouillée éclair aux deux mecs les plus proches avant de m’enfuir avec la moto que j’ai vite fait de mettre à mon nom. Je devais leurs donner un exemple de souvenir qui provoque une décharge d’adrénaline… J’ai toujours le cœur qui s’emballe en me repassant cette journée. Et le bonheur de ma fuite en moto…
Aujourd’hui était un bon jour, j’allais enfin revoir mon petit cousin Gautier. Je l’avais invité au restaurant, il avait le choix du lieu, j’invitais. La famille c’était sacré. Je pense que Sully aurait aimé venir, mais bon, une petite virée entre homme ça fait du bien. Il est le petit frère que je n’ai jamais eu… Non Stephen est le bébé d’un mètre quatre-vingt que je n’ai jamais euh, ok ?
Nous avions rendez-vous devant l’école. Il avait envie d’être vu en ma compagnie, je l’avais taquiné sur un éventuel manque de popularité mais il n’a pas répondu… aurais-je touché un point sensible ? Je ris, bien sûr que non. Je me demande dans quelle salle il avait écrit qu’il allait déjeuner avec moi.
Il était onze heure quarante, Gautier doit arriver dans cinq minutes, j’étais devant l’école, il faisait beau et étrangement bon pour un jour de février. L’école était pleine de vie.
Aujourd’hui est un bon jour, et Gautier est en retard.
« Saluke. » lançais-je à sa vue avec un clin d’œil.
Calmez-vous. Il a l’habitude. Je le vois à son visage ; l’avantage, avec Luke, en dehors du fait qu’il a un pouvoir badass et qu’il est de ma famille, c’est qu’il est très ouvert d’esprit. Bon, je ne lui imposerai pas tous mes goûts musicaux mais c’est le genre de personnes qui ne vous casse pas dans vos délires cruellement. J’ai tendance à me faire troll régulièrement, mais je sais que ce n’est pas méchant - il a l’habitude, tout comme j’ai l’habitude de sa coiffure d’émo sur laquelle je faisais des remarques régulièrement. J’essaie de me contenir un peu plus depuis qu’il a le pouvoir de me coller des heures durant. Si Luke avait été présent durant mes dures années, je n’aurai pas eu tous ces problèmes.
Son pouvoir a le don de régler les situations assez facilement - mais il peut être parfois contraignant. Là, même si ça m’emmerde, je ne peux pas sentir les odeurs alentours et reconnaître les personnes présentes. C’est comme un ajout à mon pouvoir, même lorsque je suis sous forme humaine, mais ce genre de choses ne marche plus lorsque je suis près de Luke. Je fronçe les sourcils en le regardant - cherchant à savoir s’il fait exprès de m’embêter avec ça ou si c’est involontaire de sa part. Les deux explications se tiennent. C’est comme oublier son écharpe en plein hiver : ça fait chier, mais même si vous êtes mal à l’aise, ce n’est pas indispensable.
« On ne s’est pas vus depuis, allez, ton mariage ? Ça commence à dater. Sully va bien ? Je passerai la voir un de ces quatre. »
J’essaie de faire la conversation mais je ne suis pas très doué pour trouver des sujets intéressants. Tout en conduisant le cousin jusqu’au restaurant japonais que je connais par cœur tant je l’ai fréquenté, je réfléchis aux derniers jours que j’ai passé ici. Ah, le speech au micro. Kerstin ne m’a pas loupé sur les retenues - et même si je n’irai pas parce que, soyons clairs, je m’en cogne pas mal, j’imagine que Luke a quelque chose à y redire. Je le connais. Il aime se mêler de ce genre de choses, l’avantage, c’est que ce n’est pas toujours pour nous punir. Il est capable d’aider les E dans leurs conneries. Soyons clairs, je n’ai pas la moindre idée de ce que je vais faire avec les rouges mais je ne suis pas contre son aide, je sais qu’elle sera plus précieuse qu’aucune autre. J’ouvre la porte du restaurant et le laisse passer, salue le chef que je connais plutôt bien et m’assois à une table au fond. Je ne lancerai pas le sujet. S'il a envie de le faire, il le fera - et je sais qui'l en a envie.
« Saluke. » Facepalm intérieur, il n’avait pas changé ce sale môme. Je le regarde. « Ready ? Let’s Gau… tier. », je le suivais, le connaissant, ça puait le sushi avarié à mille pas. Enfin je suis de mauvaise foi. Je lui jetais des regards de temps en temps, il semblait nerveux une fois arrivé au cœur de ville. Il fronce les sourcils en me fixant. « C’est encore ton odorat ? Tu sais que c’est psychologique ? » je riais légèrement. « Le seul passif de mon petit “talent“ est de détecter les capacités des gens autour de moi et de savoir aussi s’ils s’en servent ou non. Autrement… Et rien d’autre. Je me maîtrise, je suis prof après tout. » lui dis-je en enfilant mes lunettes de soleil juste pour la beauté du geste, le besoin n’en était pas réel.
Il me demanda comme ça allait, je n’avais pas envie de l’ennuyer avec mes histoire de vieux. Mais je lui répondis. « Mon mariage ouep… Mais bon tu pouvais venir au Texas quand tu voulais, tu le sais ça, hein ? Sinon… ouais ça va, Sully est ravie d’être revenue sur l’île, elle en avait vraiment envie… Moi j’ai attendu d’être appelé au secours pour craquer. M’enfin bref, ça roule… Et toi alors quoi de neuf ? Pas de chouquette en vue ? » jlui demandai-je en lui collant un petit coup de coude bien beauf pour le taquiner.
Nous y étions et c’était un … roulement de tambour… un restaurant japonais… Je hais les sushis. Pourtant je me tue à répéter à mes élèves que les vrais sushis sont des œuvres d’art et coûtent facilement 500 prisms. Mais ils refusent de se mettre ça en tête, ça me tue. J’espère qu’il n’en prendra pas, la cuisine du pays du soleil levant a tellement plus à offrir… Nous nous posâmes à table, je jetais un œil rapide à la carte. Je me tournais vers le serveur avant même qu’il n’ait eu le temps de partir pour nous laisser réfléchir. « Un Oyakodon, et une Asahi 33cl s’il vous plaît. » je regarde Gautier avec un sourire dans le coin « Inutile de te dire de te faire plaisir hein ? » un clin d’œil discret. J’adorais ce mioche, qui semblait pourtant préoccupé, il semblait attendre quelque chose de moi. Je savais exactement de quoi il en retournait, mais je n’avais pas envie de plomber l’ambiance aussi vite. Après tout nous passons un agréable moment.
Oh et puis merde, il ne parlera pas tant qu’on n’aura pas aborder le sujet. « Bon, il se trame quoi en E. Pas besoin de te prévenir que je suis imperméable au bullshit. » mon tact légendaire venait de tacler ce pauvre Gautier en pleine face comme la tête de Zidane contre le torse de ce joueur italien au nom à l’orthographe douteuse.
« Il y a une chouquette, figure-toi. » répondis-je calmement.
Je ne suis pas du genre à raconter ma vie et encore moins ce genre de choses, mais surprendre Luke me donne toujours un souçon de satisfaction. Il ne s’attendait sans doute pas à cette réponse et je lui lâche un regard amusé mais qui témoigne que je n’en dirai pas davantage.
Il me connait, je suis du genre à ne pas m’étaler sur mon existence et cette réponse m’accorde simpement la satisfaction de l’étonner. En y repensant, Luke aurait pu régler tous mes problèmes durant mes mauvaises périodes, mais ça n’aurait pas aidé. Je me voyais mal passer ma vie près de mon cousin. Si je n’avais pas affronté tout cela sans lui, je n’aurai jamais pu me débrouiller une fois qu’il n’était pas là. Et puis, honnêtement, le Texas n’est pas ma tasse de thé. J’apprécie la région, mais je ne pourrai pas y vivre - et je refuse de lui imposer mon lieu de vie. Au final, je n’ai pas de regrets. J’aurai bien moins souffert s’il avait été là plus tôt, mais je ne regrette pas d’avoir surmonté cette épreuve par moi-même - bien qu’il m’aurait sûrement engueulé s’il avait apprit ce qu’il s’était passé.
D’un côté, je ne pense pas. Depuis le Texas, en train de vivre les premières années de son mariage, il s’est sûrement coupé des choses - et il aurait sans doute évoqué ça lors de nos discussions. Enfin, je réfléchis sûrement trop, mes problèmes sont réglés. Il y en a de nouveau, mais je ne renouvellerai pas ma décision - cette fois, nous allons discuter des choses ensemble.
« Je prendrai la même chose. » dis-je une fois sur place. « Et, hum… des takoyaki s’il vous plaît. »
La spéciale. C’était mon plat préféré au restaurant près de chez mes grands parents. Une fois la commande passée, je m’installe avec Luke et l’écoute ouvrir les hostilités. Je souris légèrement, ayant oublié sa façon de faire - il adore mettre les pieds dans le plat d’emblée. La vérité, c’est qu’il ne se passe rien, et c’est bien ça le problème.
« Je pense qu’on a le même point de vue sur le White Day. » tentais-je, connaissant le caractère de Luke. « Mais les E n’ont rien à gagner à rester dedans. Alors, Ansel et moi avons décidé de nous en retirer. Le problème, c’est qu’on a déjà tout essayé. » Je marque une pause. « Alors je me suis dit qu’on allait juste emmerder tout le monde. Mais, côté fun mis-à-part, ça ne nous apportera rien... on est bloqués et je ne sais pas quoi faire. »