Sujet: eye for eye — lolita Ven 6 Mai 2016 - 13:47
eye for eye
“Il paraît qu’il y a une fille borgne en D, on va voir ça ?”
Elle déteste ça Amelia. Elle déteste les rumeurs, la joie pour un autre, l’entrain qu’on porte à de telles entreprises. Elle déteste d’avoir à suivre ces personnes ou de ne pas avoir de raison de ne pas le faire. Elle déteste que les quelques personnes qui ne la fuient pas décident de fuir vers une autre. Elle doit vraiment avoir un problème pour se soucier de choses pareilles, mais le regard froid, le visage fermé, elle les suivait dans sa démarche habituelle et silencieuse. Elle n’aimait pas s’encombrer de sentiments inutiles, aussi, elle troqua vite son expression actuelle pour un visage impassible.
Ce dont elle se souciait, c’était de l’impact que pouvaient avoir les rumeurs sur les gens de sa classe. Elle avait vu ça bien trop souvent. Une rumeur, une amitié, parfois de l’amour et le groupe qui se brisait sous le poids d’une relation nouvelle, souvent fausse et charnelle. Ca débutait sur ce genre d’expéditions. Au final, Amelia se moquait bien des gens avec qui elle traînait en ce début d’après-midi, ce groupe d’amis qui l’avait accepté sans complexes. Elle ne comptait pas rester avec eux. Elle ne restait jamais avec personne et ceux qui aujourd’hui lui servaient d’appui ne seraient sûrement qu’un lointain et vague souvenir le lendemain.
Oh, non, Amelia n’avait presque plus de problèmes de mémoire - elle les avait troqué pour une mémoire sélective. Elle ne comptait pas s’encombrer de la présence de ceux qui n’avaient rien à lui apporter.
Une rumeur aujourd’hui, peut-être un peu d’amusement d’ici quelques jours, mais quelque chose était certain : ses sentiments étaient fermés à toute opposition. Il n’était pas question que ces gens s’immiscent dans ce qu’elle était. Elle était curieuse, rien de plus. Assez curieuse pour les suivre avec un maigre sourire qui lui évite d’afficher son visage glacial, pour que ce dernier ne refasse surface à la vue de la demoiselle à l’oeil unique. C’était la source de leur regard. Ce beau visage, ce petit corps qu’ils détaillaient avec une certaine admiration tout en se chuchotant qu’ils avaient eu raison ou bien fait de venir vérifier. Au milieu de la foule des jaunes, elle attirait les regards. C’était ça, être le centre de l’attention ? La russe considéra un instant la situation, puis rentra dans la salle en ignorant les complaintes de ses amis. Certains se frappaient le visage de la main, d’autres soupiraient - on voyait le manque d’habitude et de connaissance. Elle était curieuse. Elle s’assit sur le bureau devant la borgne, fit demi-tour sur sa chaise et posa ses coudes sur le bureau de la jeune femme, son visage dans le creux de ses mains.
Elle l’observait, un sourire aux lèvres. Elle l'observait, dangereuse, prédatrice.
« Pourquoi un cache oeil ? »
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Sujet: Re: eye for eye — lolita Lun 9 Mai 2016 - 20:16
EYE FOR EYE.
Du bruit. Encore et toujours. C’est un vacarme incessant qui s’amplifie dès qu’il n’y a plus de figure d’autorité. Les chaises et les tables grincent sur le sol. Le contact de la craie sur le tableau noir émet un son strident. Puis des mots recouvrent le tout. Tout le monde parle et personne n’écoute. On ne peut pas décrypter le moindre mot, se faisant engloutir sous des dizaines d’autres. Des rires naissent çà et là, certains plus timides que d’autres. Parmi eux, celui de Lolita. Un rire qu’on distingue facilement, tout comme elle. Elle était là au milieu des quelques D qui n’avait pas désertés la salle, assise à la place qui lui servait de trône depuis le début de l’année. C’était une place qu’elle affectionnait, proche de la fenêtre, pas trop près du radiateur et loin du professeur. La perfection. À cette heure-là, il n’y avait pas grand-monde dans la classe et pourtant le bruit qui subsistait faisait penser le contraire. La plupart des élèves étaient sortis profiter du soleil qui commençait à illuminer l’île depuis quelques semaines. Dans l’euphorie de cette saveur si douce, certains oublieraient sûrement leurs obligations de l’après-midi, mais c’était une coutume trop courante pour être remarquée.
Alors oui, elle était assise dans la salle, le regard perdu. Ce regard qui exprimait tout ce qu’elle ne disait et ne montrait pas. Tout ce qu’elle n’osait qu’à peine penser, à voix basse, dans un murmure presque inaudible. La tête posée au creux de sa main, le bras accoudé sur la table, elle observait d’un air désintéressé les D qui s’agitaient. Certains écrivaient et dessinaient des absurdités au tableau, d'autres finissaient de manger et un petit groupe discutait, dont Lolita. Mais ça ne l'intéressait pas vraiment. Elle tourna légèrement la tête pour pouvoir apercevoir les formes à travers la fenêtre. Il ne se passait pas grand-chose et pourtant elle ne quittait pas des yeux les silhouettes rendues petites par la distance qui s’agitaient un peu plus bas. Des allées et venues répétitives, comme des fourmis qui s’attèleraient au travail. Elle s’ennuyait. L’ennui est un fléau. Il vous prend et ne vous lâche pas. Il vous engloutit, vous enrobe autour de lui. Il vous noie dans le néant du chaos. Des sourires de façades, des rires hypocrites, quelques mots échangés. Tout cela pour paraître la fille parfaite. Des années de travail. Et pourtant, cette réussite n’était pas suffisante. Ce n'était plus assez. Cette journée était d’une banalité absolue et la jeune femme ignorait que ça n’allait pas durer.
Un brouhaha se créait hors de la classe, recouvert par celui habituel. Un petit groupe de filles formait un attroupement devant la porte. Des visages que Lolita ne connaissait pas. Elles semblaient jeunes. Leurs paroles s’envolaient dans la pièce, mais leurs yeux fixaient un même endroit. Ou plutôt, une même personne. Lolita. La brune regardait du coin de l’œil ses touristes un peu trop curieuses, faisant attention à ce qu’elles ne remarquent pas l’intérêt que la septième année leur portait. C’était tout un art : voir sans être vu. Elle fit une moue agacée avant de reprendre la conversation qu’elle entretenait avec ses camarades de classe.
Être le centre de l’attention. C’est une réputation dont certains rêvent, mais une responsabilité que peu de gens sont prêts à porter. À supporter. Surtout quand c’est provoqué par sa différence. Cela en devenait malsain. Mais elle avait l’habitude, Lolita. Ça faisait plus de six ans qu’elle vivait ça quotidiennement. Elle essayait de s’en accommoder. Elle essayait de faire croire qu’elle s’en foutait. Oui, qu’elle s’en foutait d’être une bête de foire. Ses sourires superficiels n’effaçaient pas le dédain et la colère qui s’accumulaient au fond d’elle. Des ressentiments qui grandissaient. Mais aujourd’hui, tout allait voler en éclat. Se fissurer pour finir par se briser en mille morceaux. Par une simple gamine. Elle était déjà là, surplombant Lolita de toute sa hauteur. La D ne l’avait même pas vue s’approcher. Elle s’assit face à la brune, un air narquois marquant son visage. Elle observait l’étudiante et n’essayait même pas de le masquer. Au contraire. À croire qu’elle voulait marquer son insistance. Elle fixait les yeux de Lolly. Ou ce qu’il en restait. Le sourire qui ne quittait pas son visage n’annonçait rien de bon. « Pourquoi un cache œil ? »
Un regard, un sourire et puis tout vrille. Il suffit d’une personne pour vous pourrir la journée. De quelques mots pour assombrir votre esprit. Et cette fille fraichement arrivée paraissait toute désignée pour cette tâche. Lolita avait détourné la tête. Elle n’arrivait pas soutenir son regard. Elle avait le mauvais réflexe de détourner les yeux lorsqu’on observait les siens. Mais elle ne pouvait pas laisser cette gamine dominer ainsi. Alors elle redressa la tête. Elle plongea son regard dans les pupilles pourpres de l’inconnue. C’était un acte que Lolita n’avait jamais fait. Parce qu'elle n'en avait jamais eu besoin. Cette adolescente avec son air sadique était la première personne à oser. À oser la regarder en face. Oser aborder une conversation si délicate, avec cette question qu’elle avait posée sans aucune gêne. Elle était là et elle n’avait pas peur de savoir. Elle n’avait pas peur de demander. Comme personne n’avait jamais su le faire. Ces choses qu’on préfère murmurer à l’écart, en espérant que la personne concernée n’entendra pas l’immondice de ces propos. Mais cette gamine n’en avait rien à foutre des conventions. Non, elle, elle n’avait aucune limite. Ça se voyait dans son sourire. Ça se voyait dans ses yeux.
Malgré le chahut des D et les murmures des E, un long silence se fit ressentir entre les deux filles. Comme si, soudainement, elles étaient coupées du reste du monde. Comme si, à cet instant, il n’y avait plus qu’elles. Elles et leurs yeux étranges qui ne se quittaient plus. Lolita n’avait toujours pas prononcé le moindre mot. Elle n’aimait pas la question de l’adolescente et encore moins son comportement. Elle ne voulait pas être la fille bizarre qu’on assimile à une différence physique. Mais elle était déjà cette fille-là. Et pourtant, la demoiselle qui la toisait du regard était tout aussi atypique qu’elle. Dans le pourpre de ses pupilles, Lolita revoyait le sang. Elle revoyait l’accident. Cette fameuse nuit dont elle n’avait pas reparlé depuis des années. Elle revoyait le liquide tiède recouvrir lentement le carrelage froid. Et tout cela refaisait surface maintenant, devant cette fille. Lolita se sentit frémir. Cette scène n’aurait jamais dû ressurgir. Elle l’avait enfouie trop profondément pour qu’elle revienne frapper les méandres de sa réminiscence maintenant. Il fallait qu’elle se ressaisisse.
— Pour faire joli. Tu ne trouves pas ça joli toi ? demanda-t-elle avant de marquer un blanc. Les pimbêches ont l’air d’apprécier en tout cas.
Elle répondit avec une assurance telle qu’on aurait pu croire que ces accessoires n’avaient jamais eu qu’une utilisation purement esthétique. Elle accompagna ses propos d’un regard en direction des filles qui s’agglutinaient derrière la porte sans oser la franchir. Celles-ci arrêtèrent leurs commérages pendant ce laps de temps puis les chuchotements s’amplifièrent lorsque Lolita détourna l’œil. Elle ne supportait pas ce genre de personnes. La jeune femme reposa son regard sur le visage de la rose. Elle était peut-être fourbe, mais ça avait l’air d’être la seule personne intéressante du lot. Elle n’aimait pas son insistance, mais elle se prêta à son jeu. Pour ne rien montrer de sa gêne et sa colère. Pour se voiler la face. Lolita se recula et s’adossa contre le dossier de sa chaise. Les jambes croisées, elle regardait toujours la demoiselle qui lui faisait face.
— Un jour, Tartiflette a mangé mon œil au petit-déj… J’aurais p’t-être dû porter plainte, mais bon, j’suis pas rancunière.
Un sourire à la fois ironique et amusé étira les lèvres de Lolita. Il était hors de question qu’elle montre ses faiblesses. Et plus que tout, il était hors de question de lui expliquer la raison de son cache-œil. La vérité, c’est qu’elle était un monstre. C’était l’unique explication à ce bandeau. Mais ça, ce n’était pas vraiment avouable. Elle s’avança sur sa chaise pour se rapprocher de la jeune fille et posa ses coudes sur la table.
Après tout, si la rose s’intéressait autant aux yeux de Lolita, peut-être était-ce par jalousie. C’est du moins ce qu’elle laissait sous-entendre. Ça lui permettait aussi de changer de sujet. En espérant que ça marche. Elle affichait un sourire plein d’arrogance.
Sujet: Re: eye for eye — lolita Jeu 12 Mai 2016 - 14:13
eye for eye
Elle n’avait pas apprécié. Son regard, le ton, les gestes effectués - Amelia sentait l’agacement se dégager de ce visage si bien taillé. Les apparences ne la trompaient jamais, tout simplement parce qu’elle détestait écouter les autres - et il n’était pas question de se laisser distraire par ce qu’ils essayaient de lui faire croire. Souvent sujet à reproche, son regard personnel sur les choses était cependant très juste dans certains cas, à l’encontre de certaines personnes qui refusaient de s’ouvrir. Il l’était, oui - tout simplement parce qu’elle était de la même trempe. Au royaume des menteurs, elle aurait eu sa place à la cour royale - et cette connaissance du domaine la rendait effrayante de pertinence lorsqu’il s’agissait de cerner les gens. Elle connaissait le processus avec une surprenante rigueur : dresser une image précise et emplie de personnalité pour dissimuler leur véritable - se fondre dans un mensonge par peur d’affronter la réalité de leur existence. Ainsi s’effaçait leur douleur.
Elle avait beau mentir elle aussi, Amelia était différente - elle mentait, mais sans rien cacher. Elle était entièrement cette personne menteuse et mystérieuse, et ce qui semblait être une facade était l’entièreté de sa personnalité. C’est ce qui la rendait différente de la plupart des gens - et c’est ce qui la rendait incapable de comprendre leurs raisons. Fuir la douleur, peut-être - mais le suicide était bien plus rapide. Elle n’aimait pas les situations qu’elle ne comprenait pas. Cette borgne avait beau sembler simple de compréhension, Amelia descellait dans son mensonge grossier une touche de sombre cynisme qui ne la rassurait pas quant aux raisons de son comportement ou même de ce cache-oeil.
Elle ne cherchait pas à convaincre les gens en mentant. Elle mentait et assumait ce mensonge qui ne servait qu’à éloigner les curieux - une façon de faire qui rendait Amelia encore plus insistante. Le sourire de la D aurait dû l’agacer, mais étant donné la façon dont cette discussion avait commencé, elle avait l’étrange impression qu’elle n’aurait pas à le faire pour obtenir ce qu’elle voulait. Un surplus d’arrogance, sans doute, mais elle aimait à croire qu’elle avait des arguments. Après tout, au départ de tout ça, elle n’avait même pas osé soutenir son regard - la franchise d’Amelia était bouleversante pour quelqu’un qui n’avait sûrement pas l’habitude de se faire ainsi brusquer. Pourtant, elle s’était si bien reprise que la russe laissa un maigre sourire se dessiner sur ses lèvres - et elle garda ses iris plantés dans celui de la borgne.
« J'aime beaucoup mes yeux rouges. » répondit-elle sans la moindre hésitation. « Mais je n’ai pas besoin d’eux pour provoquer de l’intérêt, à ce qu'il paraît. Même si, personnellement, je ne fais pas attention à ça. »
Bizarre. On la qualifiait de cette façon. Elle allait à l’encontre des conventions et de la plupart des comportements attendus - elle était d’une indépendance sans égale. Si certaines limites, certaines réactions pouvaient dissuader les gens d’agir d’une façon ou d’une autre, ce n’était pas le cas d’Amelia. Elle se moquait bien des circonstances de ses actes, mais elle en affronterait les conséquences sans détourner les yeux.
Peut-être que le groupe qui l’avait guidée ici refuserait de lui adresser la parole après ça ; très franchement, la russe s’en moquait. Peut-être qu’un des amis de la D viendrait lui faire payer son manque de politesse - Amelia ferait avec. Elle n’avait pas spécialement de moyen de défense, elle ne maîtrisait pas le pouvoir qu’elle s’était découvert il y a peu et elle n’avait pas envie de provoquer de conflit. Bon, peut-être que si - mais à choisir, elle préférait voir les autres se battre entre eux.
« Mmh, tu es surprenante. Tu ne cherches même pas à rendre ton mensonge crédible. Mais ça m’intéresse. »
Elle fronça les sourcils, le visage contrarié. Un brin de sincérité - elle cherchait véritablement à connaître les raisons d’une pareille cicatrice. C’était une curiosité enfantine et sans réelle raison, mais Amelia était bien trop immature pour se résigner. Levant les yeux vers le plafond, elle imagina plusieurs scénarios intéressants mais rien ne lui vint. Elle aurait aimé avoir, comme Ashley, le pouvoir de voir le passé des gens, mais à la place de ça, elle avait le contrôle sur leur sang. Quel pouvoir naze. Elle soupira, un air déçu sur le visage, et affronta de nouveau le regard de la D.
« Qui a eu le génie d’ôter un oeil à ce si beau visage... ? » questionna-t-elle à voix haute. « Je m’appelle Amelia, au fait. Je m’excuse pour mon impolitesse. »
Elle sourit, cette fois, d’un air plus doux. Elle avait beau être bourrée de défauts, elle restait très bien élevée - et elle pouvait le rappeler lorsque cela s’avérait nécessaire.
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Sujet: Re: eye for eye — lolita
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