C'est pas qu'il aime ça - personne affectionne particulièrement le fait d'être secoué par un processus de dégobillage incontrôlé - mais à force d'expériences il sait que ça ira mieux après. Qu'c'est bon pour lui. Les phalanges blanches à force de s'agripper à la faïence, épaules saillantes, agenouillé à même le sol, rien à foutre. Comme si un poing serrait à intervalles réguliers son estomac, y pressant l'alcool et le bile jusqu'à la dernière goutte. L'impression de crever à chaque remontée acide. Il boit des cocktails sucrés car ça rend le goût moins atroce au retour. Prévoyant. Putain. Ça restait quand même hypra dégueulasse. Bordel.

Va m'chercher un Diet Coke tu veux.

Ouverture puis fermeture de la porte des sanitaires pour seule réponse, et Stan' pousse un long soupir, attendant que la pièce arrête de tourner pour prendre la moindre initiative. C'est ça de boire à excès sur un ventre vite. On se demande s'il le fait pas exprès. Peut-être. Mais c'est qu'il est friand d'ivresse, la vraie, celle où plus rien n'a d'importance, celle qui rend la musique plus forte, les couleurs plus criardes, les gens plus beaux. Celle qui le change, lui, aussi, Stan', qui provoque comme un retour dans le passé, à une époque insouciante.
Personne se mettrait intentionnellement dans des états pareils. Mais lui si.
Plus rien dans le ventre, des étoiles dans son champ de vision lorsqu'il se relève, s'appuyant aux parois taguées de la cabine. On lisait.
"JOY SUCE POUR 5 PRISMS" barré rageusement
"M+J = <3" gerbant
"EXCELLENTE BAISE EN CES LIEUX 04.07.17 10/10 WOULD BANG AGAIN" niiice.
Les néons lui feraient presque saigner les yeux lorsqu'il titube jusqu'aux lavabos, croise son reflet blafard dans le miroir, plonge aussitôt la tête sous l'eau froide. Bain de bouche direct pour enlever toutes traces du goût infâme, se réhydrater, tenter d'être frais et dispo'. N'importe qui jurerait "plus jamais". Stan' pense plutôt "not too bad pour cette fois". Comme un défi.

Portes qui s'ouvrent, canette de Coca Light dans les mains du nouveau venu, Stan' se redresse, s'adosse aux lavabos pour s'emparer direct de la boisson qu'on lui tend, un minimum requinqué.

T'as une mine horrible.
Bien sûr que nan.
Mais pourquoi du Diet Coke, Klaus ?
Le Regular c'est une grosse arnaque. Y a tellement d'sucre pur dans une canette, s'ils foutaient pas tous ces additifs, tu vomirais au bout d'trois gorgées.

Psshit de la canette qu'il craque, porte à ses lèvres pour descendre la moitié du soda, l'aspartame lui file comme un coup de fouet chimique, grisant. Et Stan' arbore un air sûr de lui lorsqu'il relève les yeux vers Figaro, s'essuyant la bouche avec le revers de la manche de son sweat.
Ça t'dit on s'casse d'ici ? La musique est à chier et j'ai envie d'fumer comme jamais.

La douce étreinte de la soirée d'automne, léger frisson une fois dehors, main dans la poche arrière de son jean, Stan' cherche ses clopes. Paquet souple, un truc de cow-boy. Le truc, c'est qu'il s'était assis sur les banquettes du Fiat Lux, et il lâche un tss agacé en remarquant que l'emballage a morflé. Seconde où il retient son souffle, vérifie l'état de ses cigarettes, en sort une intacte. Mine satisfaite. Tandis que Figaro se paie sa tête.
De quoi ?
Haussement de sourcils, Stan' se tourne, tente de discerner son reflet dans les grandes vitres noires à coté de l'entrée du club. Une dizaine de centimètres carrés de suçon dans le cou, nice. Effectivement c'est pas super esthétique. Mais rien à foutre. Il se tourne vers Figaro à nouveau, tandis qu'il coince le filtre entre ses lèvres, cherche son briquet cette fois ci.
M'en parle pas, j'ai cru qu'à force de m'pomper la clavicule le type allait m'faire un caillot, j'commençais à plus sentir mon bras gauche.
Haha la baise.
Stan' se tait, le temps d'allumer sa garrot, avant de plisser les yeux lorsqu'il dévisage le grand brun en face de lui, expirant la fumée par le nez.
Toi t'as peur de choper la gale ou quoi ? T'sais le VIH ça s'attrape pas en tapant la bise hin. T'as nexté trois meufs dans la soirée.. j'vais finir par plus t'croire quand tu m'dis qu't'es 100% straight.
Et il pouffe de rire, tandis qu'il reprend le bâtonnet empoisonné entre son pouce et son index.

C'est fou ce qu'il ressemble à Ani'. Ce qui lui traverse l'esprit de Stan' là tout de suite, tandis qu'il dévisage le russe, planté en face de lui. Un bras croisé, l'autre portant le filtre à ses lèvres, une fois, alors qu'il affiche une mine pensive depuis quelques secondes. C'est les airs c'est les mots, c'est cette remarque qui a l'air de rien. Ani' aussi il jouait le type au dessus de tout ça, alors que Stan' il savait bien qu'il aimait les jolies histoires. Stan' se dit alors qu'il verrait bien Figaro suivre la même trame. Sûr que le garçon vivrait quelque chose de bien trop romanesque, une histoire de bouquin, dont Stan' se moquera gentiment. Obligé.
Ani', Anatole, qu'est-ce qu'il devient ?
Bouffée de mélancolie, battement de paupière, Stan' déglutit, comme pour ravaler la question. Zappe. Next. Expire un geyser de fumée, ocre à cause de l'éclairage orangé des lampadaires, sourit pour répondre à la confession de Figaro, hausse un sourcil.
Attend t'es pas né en septembre toi ?
Si, et donc, quel rapport Klaus.
Bah alors les gens nés en septembre c'est le fruit d'un vieux coït sans passion après un nouvel an baisé, niveau magie t'es loin du compte gros.
Et narquois, Stan' ricane, ayant troqué l'expression contrariée pour des traits insouciants.