J’ai mal au crâne. La prof me saoule. On en a rien a foutre de son foutu cours d’Histoire. Sa voix est trop aigue, on dirait un oisillon qui couine. L’horreur. Je tape nerveusement mon pupitre avec le dos de mon stylo. Le soleil inonde la classe, mais déjà un nuage surgit pour le cacher. Personne n’est concentré. A vrai dire, personne ne se concentre chez les E. Des bouts de gommes volent dans la classe, des filles discutent et la prof parle dans le vide. Quel merveilleux tableau. J’en ai marre. Ca me saoule. « Sortir, sortir ! » La prof m’aime pas. Je le sais. Elle ferme les yeux sur les conneries des autres, à croire qu’elle est aveugle. Forcément, moi elle ne me loupe pas. Elle me regarde de ses yeux perçants. Mais je maintien mes yeux dans les siens. Qu’elle comprenne que je me laisserai pas faire. Je range d’un air froid toutes mes affaires. Personne n’y prête attention. La vielle a le dos tourné. Elle ne me voit pas. Je me lève. Trop brusquement. Je suis prise d’un vertige. « Sortir, sortir ! » La petite voix résonne dans ma tête. J’ai envie de hurler. Sans demander mon reste, je sors en claquant la porte. Je connais la suite. La prof va sortir dans le couloir et me donner un nombre de retenue qui en ferai vomir plus d’un. Je le sais. Et j’obéirai. Pas le choix. La salle de retenue, je la connais. Par cœur. Chacun de ses traits. L’odeur de sueur et de pourri qui y règne depuis toujours. Ses murs abimés, ses tables détériorées. Le regard blasé du surveillant qui s’occupe d’elle. Et les habitués. Des E pour la plupart, ou des D. Jamais ou presque des A. Je les hais. Ils m’énervent. A se pavaner devant tout le monde. Vanessa. Je parie qu’elle ferait parti de l’une d’entre eux si elle n’avait pas dégagé en France. Une de moins. C’est déjà ça.
La porte fermée plus tôt s’ouvre en fracas : « Deux heures de retenue ce soir, Miss Burckley ! ». Elle aussi, elle est contente que je quitte son cours. Mais elle peut pas s’empêcher de m’emmerder. Je me racle la gorge. Enfin je sors du couloir, et je m’engage dans les escaliers, usés par les nombreux passages. Je regarde l’heure sur ma montre. De toute façon, son cours d’histoire allait se terminer. J’en peux plus des professeurs qui aiment nous punir, les E. Un jour, ils paieront. Je le sais. Je le sens. Mes pieds tambourinent sur le sol. Je pousse la porte extérieure. De l’air. Enfin. Je m’assois, là, comme ça. A écouter le va et viens des voitures, le bruit des femmes de ménages qui changent les poubelles, les oiseaux qui chantent. J’aimerai qu’il y ait du silence. Mais cela semble impossible. Je soupire. Et je ferme les yeux. Au bout d’un moment, la sonnerie retentit. La sonnerie de fin de cours. Je me lève et me traine à pas lent jusqu’à la salle de retenue. Là-bas au moins, personne vient me chercher et me pousse à bout.
J’entre dans la salle avec un goût âcre dans la bouche. Deux heures de retenues pour vingt minutes de cours. Mais une retenue reste une retenue, alors je m’assois à la place la moins éclairée et la plus éloignée de la pièce. Le surveillant me jette un regard, puis il repart dans sa lecture, tout en cochant mon nom sur sa foutue liste. Il sait qui je suis, et que je ne le dérangerai pas, que je ne foutrai pas le bordel. Il me connaît. Je suis peut être la plus habituée à venir ici. Il y a déjà du monde. J’observe la table. Celle que j’ai côtoyé tant de fois. Je m’y installe dès qu’elle est libre. Un vieux dessin gravé au compas figure un petit bonhomme bâton. Un dessin ridiculement moche. Il faut le dire. Puis il y a un cœur tracé au marqueur avec les deux initiales des tourtereaux. Il est presque effacé. Après il y a des vieux bouts de scotch ou des traces de colles un peu partout. Il y a des trous aussi. Sur les bords, au centre de la table. Des traits de crayons, verts, bleus, noirs. J’ai envie de laisser une trace de mon passage aussi. Je prends mon feutre bleu et j’écris mes initiales. S.B. Voilà. On ne m’oubliera pas comme ça. Des élèves arrivent au fur et à mesure que les premières minutes d’intercours s’écoulent. Un garçon s’installe derrière moi. D’habitude, cette table est tellement crade et abimée que personne n’y va. J’espère qu’il me laissera tranquille. La sonnerie retentit une autre fois. Le surveillant se lève et nous tend des feuilles polycopiées, en fonction de la matière à rattraper et de notre classe. Avec ce que m’a foutu la vieille peau, j’aurai juste assez des deux heures. J’entends déjà mon cerveau se mettre en marche, il fait un vieux bruit. Je suis la seule à l’entendre. Heureusement d’ailleurs. De nouvelles moqueries fuseraient. Personne n’aimerait avoir une cervelle qui fonctionne comme un ordinateur vieux de quinze ans. Je prends mon crayon de bois, et j’observe les premières questions. C’est des études de documents. Sur la guerre mondiale. Génial. Quel sujet attrayant ! Je déteste l’histoire. Peut être parce que je tombe toujours sur des cons comme prof. Ouai. C’est sûrement ça.
Je comprends rien. Ca m’énerve déjà, alors que ça fait même pas cinq minutes que ça a commencé. J’essaye de me concentrer, mais mon attention reste focalisée sur le bruit des pages qui tournent, des élèves qui toussent ou des pieds qui raclent le sol. Des trucs inutiles, alors que j’ai des feuilles à remplir. Je tente de lire les textes. C’est du chinois pour moi. Les gens d’avant parlaient pas comme aujourd’hui, et ça m’énerve. Tout m’énerve aujourd’hui faut croire. En plus, je me perds dans les dates, dans les noms. Et quand enfin je comprends un passage, c’est pour dire que Monsieur Machin Chose est mort et que la guerre fait rage. J’aime bien comment certains aiment décrire les moments sanglants. Juste histoire de dire : on n’oubliera pas, on comprendra, on saura la vérité. Suffit de voir le nombre de morts, de bunkers et de villes détruites pour comprendre. Ils nous prennent vraiment pour des abrutis. Le passé, le présent et l’avenir se fou de notre gueule. Génial. Alors que je suis plongée dans ce « merveilleux sujet » je reçois un truc dans le dos. Je regarde au sol, et je vois une boulette de papier.
Vraiment, cette journée avait très mal commencé. Je m'en étais douté dès le moment où j'avais posé le pied dans la salle de classe pour la première heure de cours de cette longue journée pleine - avec une bonne demi-heure de retard. Pas vraiment de raison, si ce n'est une bonne soirée la veille et un réveil tardif. Ne vous méprenez pas : ce n'était pas une soirée de jeunes comme vous aimez en voir, c'était simplement une soirée à jouer à des jeux vidéos sur la console sous la couette. Dans un refus total d'abandonner mon aventure virtuelle dans son cours, j'avais sacrifié des heures de sommeil pour une avancée dans ce qui ressemblait presque à une seconde vie. Au final, ça ne m'avait rien apporté de plus qu'une satisfaction temporaire et, au moment où un peu de bon sens s'était animé dans mon cerveau pour me pousser à déconnecter, un sentiment de travail inachevé.
J'étais de mauvaise humeur. Une bonne douche m'avait réveillé mais les cernes témoignaient du peu de repos que je m'étais accordé. Personne ne fit vraiment attention à ma pitoyable entrée au milieu de cours - puisque chez les E, ce genre de choses étaient courantes. Me voyant doté de deux heures de retenue en fin de journée, c'est avec impatience et agacement que je rejoins ma place au fond de la classe, comme toujours. Je n'étais pas discret - et ma taille et mon bandeau n'y arrangeaient rien, c'est pourquoi je me réfugiais dans les dernières rangées pour espérer y trouver un peu de paix. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les professeurs n'étaient pas si attentifs que ça - et mes nombreuses bêtises en classe parlaient pour moi.
Au fond de la classe, on pouvait faire de nombreuses choses, mais cette fois, la seule envie que j'avais était une bonne sieste. Voulant mettre mon plan à profit, je posais mes bras sur le bureau et y enfouis ma tête - dans un total oubli de la situation présente. Le problème, c'est que le bureau du professeur était en hauteur. Le second problème, c'est qu'il avait une grosse voix. Il hurla, provoquant les railleries de mes nombreux camarades et me menaça de m'attitrer une troisième heure. Refusant de subir davantage de supplice, je me forçais à me concentrer tout le reste de la journée. Vous n'imaginez pas à quel point, parfois, rester concentré et écouter peut être un calvaire - et les migraines, n'en parlons pas. Même si je restais attentif malgré moi, je n'avais pas l'intention de retenir ça plus de temps que nécessaire - c'est à dire, le temps d'une journée pour que le prof oublie ma connerie. Ou plutôt, pour qu'elle disparaisse de sa mémoire, noyée par toutes les autres que mes camarades de classe ne se privaient pas de faire.
La bonne nouvelle, c'est qu'on acheva avec l'histoire. Personne ne le savait, mais moi je le savais - et la prof aussi d'ailleurs. Je l'avais déjà rencontrée, et par pur respect envers elle, me montrais bon élève. Un minimum, cela dit, je n'allais quand même pas essayer de partir au-delà de mes capacités intellectuelles déjà tellement réduites par la flemme. Vers la fin du cours, une fille de la classe s'accorda le droit de sortir sans permission - un acte qui, malgré la surprise, ne manqua pas de m'arracher un sourire. Il faut des gens comme ça pour faire le monde, après tout. N'y tenant plus, je commençais moi aussi à décrocher du cours et à moitié endormi, la fin arriva en un éclair. La sonnerie me fit presque sursauter et je me hâtais de sortir, filant dans mon dortoir. Je vidais mon sac, y fourrant quelques feuilles, ma DS au cas où et une montre. Rien oublié ? Parfait. Je partis vers la salle de retenue sans une once de motivation, prêt à me coltiner deux heures d'emmerde.
Ce fut pire que ce que j'avais prévu. Cette fois, il y avait un pion. À cette heure-là, d'habitude, ils étaient tous occupés et laissaient les collés dans leur coin - avec en général, Tartiflette pas loin. J'entendis la voix de Parky dans ma poche... mon bon vieux lézard qui avait encore dû bouffer un peu de blablalézard. Il aimait vraiment cette nourriture, et puis, ça mettait un peu de piment à la conversation que j'avais avec lui en général - après tous, les monologues ne plaisent à personne. Je m'assis à la table du fond, attendant la distribution des différents polycopiés, et permettais à Parky de pointer son nez dehors une fois le pion reparti. La fille devant cachait sa vie, c'était donc parfait. On allait pouvoir s'amuser un minimum : pour une fois, je remerciais Parky de son acte spontanée.
Cependant, il fallait au moins que j'écrive un minimum de choses sur ma copie. Je fouillais dans mon sac, y cherchant un stylo... mais non. J'avais zappé ma trousse. Bien sûr, il fallait que j'oublie le truc le plus indispensable. J'allais écrire avec quoi ? Mon stylet de DS ? La poisse. Il ne restait plus qu'à demander aux autres - et sûrement pas au surveillant, deux heures de colle me suffisaient. En mode no brain, j'arrachais une partie de mon sujet et fis une boule que je jetais sur ma voisine de devant pour attirer son attention. Elle était dans ma classe, peut-être que ça faciliterait la communication. De toute façon, ça ne pouvait pas être pire qu'avec un A. Ni aussi humiliant. Il ne manquait plus qu'à espérer qu'on ne se ferait pas choper.
« Hey, Sial... t'as pas un stylo s'teuplait ? J'ai complètement oublié ma trousse ! »
« Dans la colère rien ne convient mieux que le silence. »
Je fixe la feuille chiffonnée à mes pieds. Je décide de l’ignorer. Tout le monde sait que je ne parle à personne. J’essaye de me reconcentrer sur mon travail. Mais j’y arrive pas. Pas étonnant, je suis trop focalisée sur ce que me veut le mec derrière moi. On passe pas souvent de cours ensemble. Il y a juste le cours d’Histoire aujourd’hui qui était commun avec les sixièmes années. Peut-être voulait-il me demander pourquoi j’avais quitté la classe ? Peut-être voulait-il me critiquer ? Peut-être voulait-il savoir si la dernière rumeur était vraie ? Trop de ‘peut-être’. Ça sert à rien de se poser des questions auquelles je pourrais répondre si je me retourne. J’observe le pion. Il lit. Il s’en fou de nous. Tant mieux. Pas envie de me prendre d’autres heures de colle.
« Hey, Sial... t'as pas un stylo s'teuplait ? J'ai complètement oublié ma trousse ! »
J’ai pas eu besoin de me retourner. Le chuchotement de sa voix m’a traversé comme un coup de fouet. Il connait mon nom. Comment ? Je lui adresse jamais la parole et les professeurs utilisent toujours notre patronyme. J’ai pas envie de me retourner. J’ai pas envie qu’on me fasse chier. Je balance un crayon en arrière. Il frappe contre la table et roule lentement. Le pion est moitié sourd, tant mieux. Je commence à croire qu’ici, on a que des profs cons, sourds ou aveugles. Je le comprends aussi. Personne n’a envie de gueuler en fin de journée, quand on l’a déjà fait depuis le début de la matinée. Je fouille dans ma mémoire pour trouver où j’aurai pu bien entendre son nom… Oui, je parle peut, mais j’écoute, ce qui me donne de nombreuses informations. Je me rappelle… Ah oui, il jouait au basket sur le terrain. Ses camarades le nommaient…Gautier. Ouai ça doit être ça. Je sais plus. Mais ce qui me tracasse, c’est comment il connait mon nom ? Notre seul cours en commun est l’histoire géo.
« T’es en train de te triturer l’esprit pour le simple fait qu’il connait ton nom ! Concentre toi plutôt sur ton travail ! » Encore cette petite voix dans ma tête qui me dit quoi faire. La voix de la raison. Je plaque mes mains sur mon crâne. J’ai l’impression qu’on vient de frapper un gong à l’intérieur. Ma migraine revient. Je griffonne des trucs au hasard sur mes feuilles, je laisse du blanc. Je me lève, et je vais les rendre au pion. Il me regarde dans les yeux. Voilà un peu plus d’une demi-heure qu’on est ici, et j’ai déjà terminé. Pas étonnant, j’ai mis n’importe quoi. Je vais me rassoir à ma place. Deux heures de colles, c’est deux heures de colle. Pas le droit de sortir avant. Point. Je sors une feuille blanche, je m’arme de mon vieux crayon de bois, et je fais glisser la mine sur le papier. Je ne sais pas ce que je dessine. Je le saurai une fois mon œuvre achevée. Une heure. Une heure que je suis enfermée ici. Je contemple mon dessin. J’ai représenté le garçon qu’est derrière moi, comme je m’en souviens. En train de sauter de joie parce qu’il a marqué un point. C’est comme ça que je l’ai gravé dans ma tête. Je m’agace moi-même. Pourquoi je l’ai dessiné lui ? Probablement parce qu’il occupe mes pensées. Je gribouille dessus, avec rage. Je ne suis même pas capable de faire quelque chose de décent. Je fais une boule avec le papier. Je la jette rageusement. Derrière moi. Je connais la position de la poubelle. Elle est juste derrière la table du fond. Et puis je comprends. Aujourd’hui, à la table du fond, il y a ce sixième année. Aujourd’hui, il fait obstacle à la poubelle. Merde ! Je l’avais zappé. Enfin, « zappé » c’est pas le mot. On va dire qu’il a occupé mes pensées un bon moment. Mais dans l’élan, l’habitude à pris le dessus. Je serre les dents. Je voulais pas qu’on m’emmerde. Eh bien c’est raté.
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Sujet: Re: Ennuis communs [PV : Gautier P. Everfield] Mar 20 Aoû 2013 - 18:28
Ennuis communs
♕ Gautier & Sial ♕
Si j'avais pu filmer cette scène pour l'envoyer à un concours télé sur les pires hontes de notre vie - ou enregistrer le son pour passer sur skyrock, je serai sûrement en tête des votes du public. Voyez-vous, je venais de me manger publiquement le plus gros vent de toute ma vie. Ce n'était pas très grave puisque les chuchotements empêchaient quiconque de se douter de la situation, mais c'était quand même gênant. Je me sentais mal à l'aise. J'étais maintenant sûr de l'avoir dérangée. En fait, la déranger m'importait peu, mais le fait qu'elle me fasse remarquer - au travers de cette non-réponse - que je la dérangeais me dérangeait. Allez savoir quelle sorte de logique mon cerveau suit, tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est la vérité. Je m'étais senti rougir, une boule au creux du ventre, déçu de son attention. Elle était dans ma classe, elle aurait pu faire au moins un petit effort pour me répondre !
Elle se met au travail et, pendant un petit moment, je n'entends que le grattement de son stylo contre la feuille, affalé sur ma table à observer mon lézard. Je parle silencieusement, articulant, produisant de simples sifflements juste assez pour qu'il puisse comprendre mes mots - et ne se privant pas, quant à lui, de chuchoter un minimum. Après tout, s'il comptait sur ma faculté à pouvoir lire sur ses lèvres, c'était mal parti pour établir la communication. Au risque d'être pris pour un dingue, je n'allais pas rester là à ne rien faire. J'avais renoncé à demander de l'aide à Sial, alors, il ne me restait plus qu'à espérer qu'un stylo vole jusqu'à moi - les autres étant bien trop loin pour que je puisse leur demander. Et puis, j'aurai l'air de quoi, après une heure ? Je pourrai toujours faire croire que Parky avait mangé mon stylo mais j'étais sûrement assuré d'en bouffer deux de plus pour l'avoir amené.
Au bout d'un moment, Sial se leva, copie en main. Elle avait sûrement déjà fini, et je la soupçonnais de n'avoir pas répondu à toutes les questions. Profitant du fait que le pion la suivait du regard et qu'elle avait le dos tourné, je me redressais, tendant la main devant moi et saisis le stylo qu'elle avait sur sa table. Oui, comme ça. Il fallait bien faire avec ce qu'on avait. Elle n'avait sûrement rien remarqué puisque, aussitôt rassise, elle improvisa une position confortable pour une sieste. J'attendis qu'elle fut bien installée et entamait ma colle. N'y comprenant pas grand chose, vingt-cinq minutes me suffirent à en venir à bout - et le contenu que j'avais mis dans ma feuille ne serait sûrement pas des meilleurs pour la santé mentale d'un professeur.
Une fois mon travail acharné terminé, je me levais pour déposer ma feuille auprès du surveillant, lequel était déjà bien moins concentré qu'au début. En revenant, je posais le stylo de Sial sur le coin de son bureau et me rassis à ma place, me doutant qu'elle allait certainement m'en vouloir pour cet emprunt. Et puis, pourquoi n'avait-elle pas répondu aussi ? Elle avait des affaires, elle pouvait montrer un minimum de solidarité envers les gens de sa classe ! Si elle m'avait demandé, moi je... eh bien, je ne lui aurait rien donné parce que j'ai qu'un crayon, mais, j'aurai fait vite pour lui donner quand j'aurai terminé - en gros, cinq minutes après le début. Je regardais Parky qui semblait tout aussi dépité et me dis qu'au fond, je lui devais sûrement quelques excuses. Quel genre de mecs se montrait donc aussi impoli ?
« Désolé pour l'impolitesse. Je... j'aurai pas dû t'appeler par ton prénom. Mais j'ai rempli la feuille de classe après le cours d'histoire, l'autre jour, alors, j'ai retenu ceux que je connaissais pas déjà. Et désolé pour le stylo. »
Bien. Non, mieux. Et la réponse ? Un bout de papier dans la tête. Je marmonne un "aïe" et ramasse la boule, l'observant quelques instants avant de l'ouvrir lentement.
Je suis pas aveugle. J’ai bien vu qu’il a prit mon crayon. Par contre lui… Il n’a même pas remarqué que je lui avais balancé un stylo. Bref. Ce dernier savait très bien ce qu’il faisait. Et je ne lui en veut pas d’avoir pris ce foutu crayon. Tout le monde à sa merde et essaye de s’en sortir. Mais je voyais bien que je l’avais vexé. Parce que je lui ai pas répondu. Si il m’appelle par mon prénom, il doit bien savoir que je parle presque jamais. Alors bon. N’empêche, ça à du lui faire un froid qu’on ne lui réponde pas. Je lui ai répondu pourtant ; mais à ma manière, c'est-à-dire jeter un crayon par-dessus mon épaule. Je l’ai même entendu rouler sur sa table. Si ça ce trouve, c’est son lézard qui l’a englouti. Je l’ai vu son lézard. Je parle pas, mais j’écoute et je vois. Moi aussi il est avec moi. Dans ma pochette en cuir. Il doit être en train de dormir. Il sait que si jamais je rentre en cours, il doit inévitablement rester là. Je lui caresse la tête furtivement, histoire de lui faire comprendre que je suis toujours là.
« Désolé pour l'impolitesse. Je... j'aurai pas dû t'appeler par ton prénom. Mais j'ai rempli la feuille de classe après le cours d'histoire, l'autre jour, alors, j'ai retenu ceux que je connaissais pas déjà. Et désolé pour le stylo. »
Je lui fais un signe de main en guise d’acquisement. Je sais pas si il l’a vu. Je grifonne toujours sur ma feuille blanche, j’ai pas fini mon dessin. Je le regarde, je reconnais l’individu présent dessus (Gautier), je le triture au stylo, et je le balance en arrière, tout en pensant qu’il va attérir dans la corbeille. J’avais juste oublié un détail : aujourd’hui, Gautier se trouve en travers de son chemin. Une sueur froide me parcours l’échine. Je l’entends ramasser le papier. Je perçois le craquement de la feuille quand il le déplit.
« Non ! Ne regarde pas ça ! »
Sans réfléchir, je saute sur ma chaise et m’empart de mon ‘œuvre’. Tout le monde me regarde. Lui il est étonné. Pas étonnant. Merde. Le surveillant me fixe. Je regarde l’heure. Il ne reste qu’un peut moins de trente minutes. Pas question d’écoper d’une ou deux heures de plus. Je le rassois à ma place, sentant le rouge me monter aux joues. J’observe ce qu’il reste de mon dessin dans les mains. Je sens la présence de Gautier derrière moi. Je dégluti : Il reste encore deux ou trois regards posés sur moi. Genre : Depuis quand elle est là elle ? Je déchire le papier. Le bruit résonne en équo dans mes oreilles. Je le déchire, encore et encore. Histoire qu’il ne reste plus rien de cette « chose ». Je me lève. Et je dépose les vestiges de mes traits de crayons dans la poubelle. Et je me rassois lourdement à ma place. Je baisse la tête, et me retourne, en saisissant le stylo bille bleu sur le coin de la table. Il a dut me voir le saisir. Il doit se sentir con lui aussi. Je dis rien, et je le range dans ma trousse. Je fixe le piège à rêve indien aux plumes bleu gitane accrochées au bout de ma sacoche en cuir. Mon porte bonheur. Il n’a pas fonctionné aujourd’hui. Il fonctionne pas à tous les coups. Logique. Je serre les dents. Une humiliation de plus au conteur : la fille qui saute sur sa chaise pour attraper quelque chose. Je marmonne : T’es conne ! Je ferme les yeux. Le mal de tête est plus vif que précédemment.
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Sujet: [b][color=cadetblue]« »[/color][/b] Jeu 22 Aoû 2013 - 13:21
Ennuis communs
♕ Gautier & Sial ♕
Visiblement, Sial avait prit pour résolution de m'envoyer toute sa trousse à la gueule, et la boule de papier avait été une sorte de message "fais gaffe à toi, tu vas payer pour m'avoir dérangé". Au fond, ça se comprenait, je lui avais même prit un stylo pour faire ma colle - et donc, le fait qu'elle se venge de cette façon était presque normal. Seulement, curieux que j'étais, je ne m'étais pas attardé sur la chose et avais commencé à dérouler le papier - une décision visiblement mauvaise puisque Sial se retourna et m'arracha la boulette des mains. Enfin, plus poliment, m'a dérobé avec délicatesse ce qui semblait être assez important pour ne pas que je le vois. Elle a carrément sauté de sa chaise pour récupérer ce truc, c'est tellement important ? Je fronce les sourcils, interloqué par cet acte. Elle me snobe jusqu'à maintenant et elle se réveille d'un coup pour faire... ça ? C'est une blague ou quoi ?
Surpris mais avec un peu de colère, je la ravale bien vite en me disant que ça devait être très important et que ça ne me regardait sûrement pas. J'étais figé, en quelques sortes, ne sachant pas vraiment comment réagir. J'avais vu le papier, ce n'était pas moins que le polycopié du jour - alors pas moyen que ce soit un souvenir de son papa défunt ou un truc du genre. Peut-être un message pour quelqu'un présent dans la salle... mais quel genre de trucs est assez important pour qu'elle pète un plomb comme ça, mais assez peu pour qu'elle le jette à l'aveuglette alors qu'il y a quelqu'un derrière ? Maintenant, l'attention était focalisée sur nous, et le pion allait sûrement faire très gaffe à nous jusqu'à la fin de l'heure. Génial. Bravo Sial. Même si j'étais celui qui avait engagé la conversation, je ne pouvais m'empêcher de lui en vouloir. J'étais le genre de mecs à détester que les regards soient braqués sur lui.
« Belle discrétion. »
Je n'avais rien à dire. Je ne savais pas quoi dire, en fait. Ces mots n'étaient pas dits sur un ton méchant ou froid, plutôt sur un ton blasé et las. Je n'étais plus vraiment en colère. Après tout, ce qu'on pouvait en retenir, c'est que je m'étais mis dans la merde, comme d'habitude. À force, ce n'était plus de la colère, juste un extrême sentiment de répétition et d'ennui. Je m'affalais sur ma table, refusant de faire davantage marcher mon cerveau - et donc, ne faisant même plus attention au regard du pion posé sur nous. La menace d'une troisième heure semblait apparaître comme un détail, semblait avoir perdu toute son importance. Plus rien ne comptait. La flemme était décidément effrayante.
« Tu es en quelle année ? Je crois pas t'avoir vue énormément dans la journée. »
Une discussion normale, juste ça. Seulement, elle devait croire que je me foutais de sa gueule avec l'amusement présent dans ma voix. Pas ma faute, je me suis fait rire tout seul... - imaginer la flemme physiquement avec un air effrayant, un concept génial ! Pour moi en tout cas.
« Arrêter de croire en soi, c'est comme arrêter de vivre. »
Je suis vraiment une personne qui à tendance à se mettre tout le monde à dos. C’est vrai que balancer une boulette de papier à la figure de quelqu’un… Enfin bref, c’est pas très sympathique. Je vais m’excuser. C’est sûrement la meilleure solution. Parce que là, chapeau ma grande. Tu regardes l’heure. Plus qu’un quart d’heure, et après, t’es tranquille. Parce que le pire dans tout ça, c’est que le pion nous fixe toujours. Je baisse la tête. Il comprendra qu’on se tient à carreaux. Alors il repart dans sa lecture. Je me mords la lèvre inférieure. D’habitude, je suis discrète, mais là… Pour commencer, tout le monde à braqué son regard sur nous, le pion fait une fixette sur ma personne et Gautier est en train de se demander ce qu’il y a dans ce foutu papier. Merde. Mais de toute façon, qu’aurait-il dit de ce dessin ? Tout le monde peut l’interpréter différemment. Déjà, le fait que son visage soit gribouillé, ça pourrait être une menace. Mais aussi le fait que je l’ai dessiné, pourrait être un signe d’affection. Alors que cela n’est que le fruit de mes pensées ! Encore des rumeurs balancées sur mon compte, c’est tout ce que j’aurai gagné. Va sérieusement falloir que j’arrête de dessiner. Vraiment.
J’observe mon carnet de croquis, posé sur ma table, les feuilles blanches éparpillées, le crayon de bois et la gomme. Je rassemble toutes mes affaires, et les range dans mon sac, sauf le carnet de croquis. J’observe chacune des pages. On y voit des visages, des paysages, des objets, des êtres irréalistes. Tout ce qui est gravé dans ma mémoire atterri sur ce foutu carnet. Je sens un goût aigre dans ma bouche, et je fourre le cahier avec le reste de mes affaires. J’observe la pendule. Plus que quelques minutes… « Tu es en quelle année ? Je crois pas t'avoir vue énormément dans la journée. » La voix est amicale, amusée. Je ne réagis pas. J’écoute d’abord la résonnance de sa voix. Non, il ne veut pas me réprimander, me foutre sa rage dans la figure – ce qui, en soit, aurait été plus que normal. Je ravale ma salive, et, tout en fixant le pion, je chuchote : « Normal, je suis qu’en cinquième année. Sauf que j’ai des parfois des cours avec les sixièmes années, comme toi. J’ai l’histoire, le sport, et d’autres matières aussi. » Voilà. Déjà, pour débiter tout ça, il m’a fallut du courage. J’aime pas parler. Je veux dire, je trouve que trop de gens parlent pour rien dire. Ils utilisent trop leur voix. Et pas assez leurs autres sens comme la vue et l’ouïe. La sonnerie va retentir dans quelques minutes. Je remets ma veste.
Elle retentit, durement, comme pour nous réveiller. J’attrape ma sacoche, et je me lève. Je n’ai qu’une envie, prendre l’air. Je sors donc de la salle, rapidement, et marche à pas saccadés vers la sortie. Une fois à l’extérieur, je m’affale sur un banc, lessivée. Les oiseaux volent encore dans le ciel. Le soleil commence à se coucher. Une magnifique teinte orangée couvre le ciel. C’est tout simplement magnifique. Il n’y a pas de génie humain là dedans. Juste la nature. Je sors mon carnet de croquis. J’ai faim, mais je vais aller au réfectoire quand ça sera mon tour. Le tour des E. Je trace sur le papier les bâtiments. Je les fais plus usés, plus délabrés, comme si le temps les avait abandonné. J’imagine le crissement du panier de basket sur la cours, qui ne tiens presque plus. J’imagine la résonnance de l’établissement. L’envahissement des pelouses de mauvaise herbe. Les fenêtres parfois brisées. Les garde-corps enfoncés. Un jour, ça arrivera. Bien entendu, c’est obligé. Tout est éphémère. Pas tous au même degré, mais bon. La rose ne dure que quelques jours, alors qu’un établissement entier durera des années (à moins que la direction décide de déménager, et dans ce cas, c’est les bâtiments qui mourront). Que ça dure des années ou quelques jours, c’est la même chose. Rien n’est immortel. Ca doit être lassant en fait, de l’être. Tu ne vois pas le bout de ta vie. En même temps, à quoi ça sert de passer notre vie à bosser si c’est pour crever ?
Je laisse mes méditation de côté, entendant des crissements de pas dans ma direction. Une présence en fait. Je ne sais pas qui c’est. Le Pion ? Gautier ? Encore quelqu’un qui s’est mis au défi de me faire chier ? D’ailleurs, en parlant de Gautier, je ne me suis toujours pas excusée. Je le ferai demain. Je me le jure.
Spoiler:
Moi aussi c'est un peu court u_u
InvitéInvité
Sujet: [b][color=cadetblue]« »[/color][/b] Jeu 29 Aoû 2013 - 13:54
Ennuis communs
♕ Gautier & Sial ♕
En y repensant, tout ce que j'ai fait était idiot. Venir ici sans affaires, ouvrir ce bout de papier en public sans même essayer de ne pas faire de bruit, lui piquer son stylo ou même lui demander son année à cause de son absentéisme dans ma journée alors que ce genre de pratiques étaient courantes chez les E. Cette question devait sûrement achever de la convaincre que j'étais un parfait idiot - ce qui n'était pas totalement faux. Elle n'avait pas ouvert la bouche jusqu'à présent, elle n'allait sûrement pas le faire pour une question aussi inutile. Ne m'attendant plus à une réponse, je me détendis, déposant mon dos contre le dossier de ma chaise et entendis sa voix chuchoter quelques mots à mon égard. Je m'avançais brusquement pour mieux entendre, manquant de tomber de ma chaise.
En 5ème année, alors. Je réfléchis quelques instants, le temps que l'idée s'intègre correctement dans ma tête. Elle avait un an de moins que moi, ou mon âge si elle avait redoublé - voire plus vieille, n'oubliez pas qu'on est en. Pris dans mes pensées, je songeais à ce que je pourrais bien lui répondre mais ce ne fut pas nécessaire : la sonnerie retentit dans la salle, m'arrachant presque un sursaut tellement j'étais plongé dans mes pensées. Sial n'attendit pas un instant, elle prit son sac et partit de la salle aussitôt - comme la plupart des gens, et sitôt que j'eus repris mes esprits, je fis de même. Je n'avais aucune idée d'être le dernier dans la salle, devoir rester ici à subir les sermons d'un pion agacé de votre comportement. Je pressais le pas, certain qu'il ne me rattrape pas dans le couloir et sortis dehors pour être plus tranquille. J'étais sûr qu'il ne viendrait pas me chercher ici - ou j'espérais.
Je ne fus même pas surpris de voir Sial sur le banc. Après avoir vu quelqu'un devant vous deux heures durant, vous n'êtes même plus surpris à sa vue. C'est comme si mon cerveau disait : "ok, je suis désolé, mais j'ai vu tellement de fois cette tête que je n'arrive même pas à faire semblant d'être surpris". Il faut dire que j'étais presque toujours au fond de la classe - et ainsi, les têtes de dos, j'avais l'habitude. Je restais quelques instants immobile, me demandant réellement si j'avais le droit de la déranger à nouveau. Si je pouvais gâcher encore plus sa journée que je ne l'avais fait en étude. Je ne lui en voulais pas - pas vraiment -, mais peut-être que c'était le cas de son côté. Je restais hésitant, près de la sortie, m'accordant encore la possibilité de faire demi-tour et d'aller me réfugier dans mon dortoir. Geeker, n'était-ce pas ce que je voulais depuis ce matin ? Vite terminer cette journée ?
Pris dans un dilemme, mon corps restait immobile. De toute façon, elle m'avait sûrement déjà entendu arriver, et dans ce genre de situations, il faut toujours mettre les choses au clair. Prenant mon courage à deux mains, je m'avançais vers le banc pour lui adresser la parole, lui demander si je pouvais venir squatter - et remarquais qu'elle n'avait même pas tourné la tête. Elle ne faisait même pas attention à l'arrière, elle tenait un carnet de dessins dans sa main et semblait gribouiller. Je me penchais légèrement, observant brièvement ce qu'elle avait effectué. C'était le pensionnat version Bienvenue à Zombieland, genre, 300 ans plus tard, délabré et tout ça. C'était franchement bien fait. Tellement bien fait que je n'aurai pas su trouver le bon mot pour lui dire. Je reculais de quelques pas, me demandant si, sur cette feuille qu'elle avait balancé, ce n'était pas un dessin aussi. Mais de quoi ? Peut-être une personne qu'elle connaissait, un rêve ou quelque chose qui pouvait paraître ridicule comme le pensionnat dévasté tel qu'elle l'avait fait.
« C'est vraiment bien fait. » dis-je sans quitter le cahier des yeux.
C'était sorti tout seul. Pas un mot sur les deux heures de colle, sur cette boule de papier, sur le moment gênant où elle s'était levé ou notre brève conversation. Peut-être étaient-ce une sorte d'excuses implicites.
On peut toujours tourner la page, mais il est impossible d’effacer, d’oublier. Comme toutes les douleurs vécues par le passé. Et puis t’es là, toujours à te morfondre, t’apitoyer sur ton sort, à toujours être pessimiste. Tu dessines tout le temps, tu sors pas, tu restes cloitrées dans ta chambre à attendre que le temps défile. C’est grâce à certaines personnes que t’es probablement pas perdue, littéralement pommée. Des personnes comme Drew, Cale ou même Maëly. Ou Gautier. Ceux qui osent te parler sans se barrer en courant. C’est la première chose à laquelle tu as pensé en entendant la voix de Gautier. Alors que tu représentais quelque chose sorti de ton imagination, complètement hors-norme, que peu aurait apprécié, il vient, comme ça, de lui-même, te complimenter. Tu ravales ta salive, pivotant légèrement la tête, afin de l’avoir dans ton champ de vision. Tu poses ton crayon, ton support, et tu te lèves, face à lui. Et spontanément, tu lui souries. Tu ne sais pas pourquoi, sans doute sa tête en elle-même inspire tellement de joie. A côté de ses traits adolescents, ses yeux ont quelque chose de pétillant, comme si le feu de la vie brûlait incessamment à l’intérieur de lui, tandis que son visage donne juste envie d’éclater de rire, sourire taquin et joueur. Tu n’as pas envie de parler, juste de contempler, ressentir au plus profond cette sensation de légèreté.
Mais rester là, comme ça, à rien faire, béat, ce n’est pas l’idéal. Tu pris une profonde inspiration, résistant au silence, parvenant à prendre sur toi pour murmurer quelques mots, distinctement, essayant de prendre un ton pas trop froid ou vexant :
-Désolée pour tout à l’heure. Je n’aime pas trop parler, alors je t’ai donné un crayon. Et puis, pour la boule de papier, euh…
Tu te sentis légèrement rougir, tu détournas la tête vivement, tandis que l’envie de le connaître plus survint – ta curiosité devient presque parfois insoutenable, malgré tous tes efforts, ça peut être compliqué.
Tu rangeas tes affaires dans ta besace de cuir, tu l’enfilas et tu dis d’un ton neutre :
-Je vais manger si ça te dis.
Il a probablement déjà prévu de dîner avec des amis, et sûrement pas avec toi. Tu hausses vaguement les épaules, te dirigeant vers le réfectoire. Tu prends un plateau au passage, ajoutant au fur et à mesure quelques éléments pour remplir ton estomac, rien de bien consistant, mais bon, quand tu as la dalle, ça veut dire que tu peux avaler une pomme et un plat de résistance. Donc bon, ton appétit n’a jamais été ‘énorme’, alors au final, des carottes accompagnées d’un steak haché qui ressemble plus à un vieux bout de plastique qu’à de la viande, ainsi qu’un yaourt, repas tout à fait banal.
Tu ne sais pas si Gautier t’as suivie, tu n’as pas regardé derrière toi, habituée à manger seule. Tu te diriges à une table, celle du fond, près de la fenêtre, souvent désertée par les autres classes que celle des E, le coin des solitaires, des ombres, des personnes indésirables. TA place. Tu pestes contre ta curiosité envers Gautier, envers le fait de lui priver d’un repas avec ses amis, ceux qui l’apprécie. Il n’a pas l’air méchant, au contraire, alors qu’il soit peut être là, avec LA fille à éviter, beaucoup pourront trouver ça louche, et du coup, faire baisser sa côté de popularité – pour toi elle n’a aucun intérêt, de toute façon elle est à son point mort, mais pour lui, rien n’est moins sûr. Donc tu t’assois, fixant toujours ton plateau, jusqu’à ce que le bruit d’une chaise se trainant sur le sol se fit entendre près de toi.
HRP:
Désoley, c'est court, j'ai galéré pour le sortir celui-là QAQ
Sujet: [b][color=cadetblue]« »[/color][/b] Dim 29 Sep 2013 - 19:44
Ennuis communs
♕ Gautier & Sial ♕
Malgré les innombrables sentiments qui se bousculaient incessamment dans ma tête depuis ma rencontre avec Sial, l'incompréhension était certainement celui qui dominait le plus - écrasante, au point de m'en faire oublier ma colère vis-à-vis de certaines de ses réactions ou mon étonnement par rapport à d'autres. Parfois, l'ignorance totale qu'elle pratiquait sur moi m'agaçait légèrement, et plus encore, me mettait mal à l'aise - incapable de réagir convenablement à un si brusque changement. Lorsque je l'abordais, près du banc, je ressentais cette petite boule au ventre, ce malaise qui me prenait de court, m'avertissant des réactions qu'elle aurait pu avoir vis-à-vis de moi. Colère. Agacement. Hurlements.
J'y étais presque préparé. À vrai dire, je n'avais pas été des plus agréables dans la salle de colle - bien que sa finesse soit également à revoir. Peut-être le compliment avait-il achevé de l'énerver ? Ou - bien que cet espoir soit des plus infimes, l'avait calmée ? Je m'attendais même à ce qu'elle ne réponde pas, en réalité, mais pas à ce qu'elle se lève pour me sourire. Première réaction ? Cligner des yeux pour vérifier que je ne rêvais pas. Seconde réaction ? Cligner des yeux pour vérifier que c'était bien Sial devant. Troisième réaction ? Cligner des yeux pour vérifier que je clignais correctement des yeux. C'était définitivement réel. Et plus encore, elle m'invitait à prendre un repas avec elle. Elle s'était excusée et. Et elle. Wait. Ca ressemble à un rendez-vous.
Je me plonge dans une immense réflexion de quelques fractions de secondes durant lesquelles s'opposent mon impérieuse envie de bouffer, de sociabilisation, de raconter ma vie, avec ma timidité. Et j'articule maladroitement un « oui » qu'elle n'a sûrement pas entendu. Elle se lève et se casse alors tranquillement sans demander son reste pour aller manger, je m'attendais à attendre le coucher de soleil pour partir main dans la main avec, mais finalement non.... je rigole bien sûr. NON ? Bref, la faim surclassait de loin tout ce que je pouvais ressentir, je marchais derrière elle, n'essayant pas de venir à son niveau par peur de la déranger. Si c'était un rendez-vous, il était sacrément bizarre (donc ce n'en était sûrement pas un).
Je la suivis lorsqu'elle entrait dans le self et, par pure respect pour votre santé mentale, ne citerait pas les différents aliments que j'avais pris sur mon plateau. Entrant dans le self, je cherchais Sial du regard et, bon myope que j'étais, mis une bonne minute à la repérer. Bon an mal an, je parvins à la rejoindre, me faufilant entre la petite dizaine de personnes qui venait de se lever pour partir. Je posais avec le moins de délicatesse du monde mon plateau en face du sien, renversant au passage mon verre et faisant faire un somptueux back flip à la moitié de mes couverts. L'habitude. La moitié d'entre eux n'est sûrement plus en état de servir convenablement, de toute façon.
« Je note l'endroit. C'est une place géniale, on est tranquilles. Bon appétit ! »