Tu désires ?

Le déjeuner, repas que j'apprécie, mais au calme. En effet, ce n'est pas tellement au réfectoire que je trouverais ce calme tant voulu. Le bruit des couverts, le bruit de la casse, le bruit des conversations... Et puis tous ces gens qui se sourient. Qu'est-ce que c'est risible.

Un rictus moqueur doit éclairer mon visage, j'en suis sûre. Ces gens sont tellement en de-çà de moi. Je ne vais pas prétendre être la meilleure personne du monde, mais si, un peu quand même. Les autres n'en valent pas la peine. Ce sont tous des braillards pleurnicheurs qui ne savent rien faire de leurs vies. D'ailleurs, qu'est-ce que je suis venue faire ici ?

Oh, un couple, beurk. Et si je les séparais ? Juste le temps du déjeuner, provoquer une petite pagaille. Je m'ennuie, j'en ai le droit. Et puis de toute façon, pas vu, pas pris. Pour une fois, ça sera la fille la méchante, pas le garçon. J'aime pas les clichés. Je pouffe et pense alors à un sujet de discorde avant leur relation. Oui, il faut l'accentuer.

Haha, et voilà, ils ne se regardent même plus. Qu'est-ce que c'est drôle d'avoir ce pouvoir. Je regarde alors le reste du réfectoire, avec un dédain que n'importe qui peut deviner. Je déteste tout ces gens. L'amitié, de toute façon, ça n'apporte rien. Bande de sans cervelles. En fait, j'suis super drôle. Tellement drôle que je me suffit à me donner de la bonne humeur pour la journée.

Des gens sortent du réfectoire, d'autres rentrent. Je porte l'attention à ma table. Je suis seule. Ferais-je donc peur ? Mais c'est excellent. Je me sens spéciale, et importante, oui, c'est comme ça que j'aime les choses.

Roh, mais qu'est-ce que tu fais là toi ? Tu me bouches la vue, laisses moi regarder ces gens et laisses moi me moquer d'eux. Quoi ? Tu ne veux pas bouger ? Je lève mes yeux vers toi, mon regard se fait dur et froid, mes sourcils se froncent de manière à me donner un air hautain.

- Y a un souci ? demande-je sèchement.

Je te détaille sans comprendre ce que tu cherches en moi. Moi, je ne veux que de la tranquillité, et si tu viens vers moi, je vais perdre cette tranquillité, tu le comprends ça ? Non, bien sûr que non. Personne ne peut le comprendre, sauf moi. Je ne suis pas narcissique et encore moins égocentrique, mais je vais finir par croire que je suis le seul être vivant parfait, après les poneys évidemment.

Tu veux t'asseoir petite blondinette ? Hum, je ne sais pas trop, tu m'as l'air quelqu'un de trop enjoué pour moi. Mais après tout, tu as promis de ne pas me déranger dans mon observation, au final, c'est tout ce que je demande. Je me décrispe un peu, ou essaye.

- Vas-y, installe toi, dis-je aussi amicalement que possible.

Non, en fait, c'était même pas amical. Qu'elle s'assied, sans bruit, qu'elle mange, sans me regarder. En fait, si, tu peux me regarder. Je ne suis pas très belle, mais sentir un regard sur moi me flatte. Je soupire et baisse mes yeux vers mon assiette. La nourriture n'est pas très bonne, ou est-ce moi qui suis compliquée ? Je regarde ton plateau, peu rempli, et pourtant, tu le dévores comme si tu n'avais pas mangé depuis des années.

Suis-je dans un jour de bonté ? Oui, je le crois. C'est pourquoi je te tends mon assiette avec de la viande et des légumes. J'ignore si ça te fait plaisir ou non, ton regard interrogateur cherche une explication.

- Tu peux manger mon assiette.

Quelle indifférence dans mon ton. Je m'étais crue plus sociable. Tant pis, j'ai fait un bon geste, on ne peut me le reprocher. Je reporte alors mon regard scrutateur sur les élèves. Dans quel monde vivent-ils ? Pourquoi autant de choses gnan-gnan comme l'amitié ? Et puis l'amour ! Ah l'amour... Ca pue.

Je t'observe alors, finalement, la curiosité me titillant tout de même. Après tout, tu oses t'incruster dans mon observation, tu devrais être le cobaye numéro de mon observation. Ou peut-être pas, je ne sais pas si j'en ai envie tout compte fait...

Je ne sais pas quoi penser de toi blondinette. Tu as pris l'assiette, peu convaincue par mon geste, et tu as mangé. Je ne suis pas tellement curieuse en temps normal, mais je ne sais pas, tu ne parais pas comme les autres, comme si... ce n'était pas naturel, ce jeu que tu joues. J'aimerais bien voir le type d'amis que tu as, au moins j'aurais une image du genre de personne que tu es.

Mais oui, ton nœud, il m'en dira bien assez sur qui tu es. Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ? J'en regarde sa couleur. Ainsi tu es une D ? Hum. Oui, enfin non. Ca ne me dit pas vraiment qui tu es au final. Je pourrais dire que tu n'es qu'une dégénérée, mais si ça se trouve tu es fainéante, ou que sais-je encore. On ne peut juger ceux qui sont en D ou en E, c'est trop compliqué.

Et si je te demandais ? Ca ne serait pas plus simple ? Non, je ne suis pas de ce genre là. Ca n'a jamais été dans mes habitudes, même petite. Mais je ne m'étais jamais torturé l'esprit pour si peu. Pourquoi aujourd'hui ? Mon cas ne s'arrange pas on dirait.

- Quels bande d'abrutis.

Je lâche ça, de manière spontanée. Mon ton n'est pas froid, non, je suis plutôt désespérée. Je hais ces gens.