Tout est une question d'autorité

               [ L ] es matins sont tous aussi pénibles, les uns après les autres. T'en avais pas un qui était meilleur que l'autre, non. C'est sur le toit que notre jeune ami a passé sa soirée, à se défoncer avec ses clopes et le froid, quasiment suicidaire on aurait pu dire. Peinard dans son coin, il a fait de courtes siestes, ses yeux se fermant de temps à autre, le plongeant dans un autre monde. Le temps se perdit - Hamish perdit le fil du temps, dorénavant, il n'était plus sûr de l'heure, plus sûr de rien du tout, il s'en foutait; s'en foutait royalement. Heureusement, il s'était bien couvert cette fois, évitant de s'attraper un rhume ou autre maladie possible que nous offrait l'hiver.
     Les cours ? Hm ? L'heure des cours ? Qui s'en soucie ? En tout cas pas ce petit délinquant. Il se disait même qu'il pourrait se permettre d'être en retard pour aujourd'hui, de toute évidence, notre ami en été presque certain: la plupart des matières allaient d'être une ennuie insoutenable, ce qui aurait résulté à une seule chose. Lui. Le pupitre. Une histoire de romance bien louche. Mais oui. Il aurait enfoui sa tête dans ses bras et ce serait endormi comme une marmotte, se refermant dans sa propre bulle. C'est fou comment il aimait la surface lisse de sa table, dommage que certains professeurs ont l'audace de venir le déranger pendant son sommeil, ce qui a tendance à le mettre de mauvaise humeur et souvent cela finit en un seul et unique mot: fuite. Il se dégage de la classe, sans mot, sans rien, il s'échappe et va se terrer dans un coin où ces satanés adultes ne serait nullement capable de le retrouver.
     Clope collée au coin de sa bouche, couché sur le sol froid, mains derrière la tête et jambes croisés, ses deux orbes bleu-gris observèrent le ciel éclairé par les rayons du soleil, le matin était déjà arrivé. Beh, comme si il allait se rendre en cours, faut pas rêver. Il ne sait pas ce qu'il a, mais tant pis, l'attente ne tuera personne, de toute évidence, il avait déjà raté sa vie, donc cela ne pouvait pas être bien terrible. Au pire si il aime pas la gueule du professeur, il a qu'à simplement s'enfuir à nouveau, quoi que l'idée de traîner dans le coin sans rien faire le tentait plus.

               Quelques oiseaux piaillèrent, le ciel s'était teint d'un beau cyan, moutons blanc sautillant joyeusement dans cet éther, Hamish ferma ses yeux, pensif pour un moment, sa cigarette se termina lentement, continuant de brûler encore un peu avant que sa main prit le mégot et le jeta à côté. D'un mouvement las, il se leva, puis écrasa ce qui restait de sa clope. Le vent caressant sa silhouette fantomatique et ébouriffant sa tignasse de lion, il bâilla. Quittant le toit, il retourna en bas, couloirs désertes, sans vie, tout le monde étaient en cours. Impassible comme toujours, le jeune homme s'avança accompagné par le silence habituel qui l'entourait, ne souhaitant pas éveiller les morts - et surtout, pour ne pas attirer l'attention des professeurs faisant leur cours.
     Soudainement, il s'arrêta, échelonnant pour un instant, regard fixé dans le vide.  Ah. Bien sûr. Sa main glissa dans sa poche. Puis dans l'autre. À la recherche d'un papier A4 plié d'une manière désordonnée, quand le bout de papier fût trouvé, Hamish le déplia et observa son emploi du temps. Hm ? Cours de bonnes manières ?  C'était quoi ce bordel ? Figé sur place, bout de papier en main, se crispant légèrement sous son emprise - ce devait être encore un de ses professeurs. Bien joué, effectivement, ce cours, il ne l'avait pas choisi, cela devait donc être l'accomplissement d'un de ses adultes qui croyaient que ce cours-ci allait peut-être le changer grâce à quelconque miracle. Il ria intérieurement. Avant de replier la feuille et la remettre dans l'arrière-poche de son pantalon rouge à carreaux.  
     C'est alors que sa quête commença, il descendit les escaliers d'une démarche des plus naturelles, sifflotant tout en passant ses mains derrière la tête, sa destination était simple et il savait qu'il allait s'en recevoir à la gueule, étant plus de une demie-heure en retard. Encore de plus était-il qu'il ne portait même pas son uniforme, va savoir pourquoi. Quand il trouva sa classe, sa main gauche se posa sur la poignée de porte, puis il ouvrit la porte.

               Odeur de cigarettes clairement imprégnée sur ses vêtements et sa propre personne, Hamish ne cligna pas des yeux; inintéressé, comme d'habitude. Il nota qu'il n'y avait que deux personnes. Puis se décida de s'installer au fond de la classe pour sûrement se prélasser pour les minutes à venir. Aucune excuse, aucun mot ou son n'échappa d'entre ses lèvres, seulement le silence.