marvel show △ pv heath

- C’est pas un rencaaaaaard.
- C’est carrément un rencard.

Il hoche la tête, vautré dans son fauteuil, pieds croisés sur son bureau et mains sur le bide. La musique défile en fond, dans sa chambre, et Joach est vautré dans son lit. Joach reprend, lui dit que c’est pas une bonne idée, que tout ça va mal finir, tant entre eux qu’avec Lysander. Heath affiche une moue dubitative, hausse les épaules, borné.

- J’ai pas l’intention d’sortir avec elle.
- T’a l’intention de quoi alors ?
- Passer du temps avec, c’est tout. Passer du bon temps avec une jolie fille, et m’en faire une bonne amie.
- Ouais, Ashe et Charlie aussi sont de bonnes amies.
- Tu m’emmerde. C’pas pareil. Je sais que j’dois pas me mettre en couple, alors c’est juste comme ça, entre amis, c’tout.
- ...
-  Jaloux.
- Problem ?

*

Une heure plus tard, Heath sort du bungalow, clés en main. Il les glisse dans la poche gauche de son jean gris, glisse son téléphone dans la droite et son porte-monnaie dans la poche intérieure de son blouson en cuir noir. Une tenue à la fois classe et décontractée, teminée par ses pompes de skate noires. Et en route pour le cinéma. Parce-que Heath ne traîne pas en ville à moins qu’on l’y oblige, et même en l’obligeant, y’a peu de chance qu’il y reste bien longtemps. Sauf si y’a une bière dans son bar préféré à la clé. Tout s’achète, même sa compagnie. Et parce-que la compagnie d’Hannah s’achète aussi, visiblement, il sort son porte-monnaie en route, vérifie qu’il ait de quoi payer ses pop-corns. Le compte est bon - il se félicite à cet instant d’être quand même bon, comme type.

*

Arrivé au cinéma. Il poussa la grande porte, lance un regard circulaire dans le grand hall et la repère bien vite. Un look cool - on notera la ressemblance de style de leur veste, encore une fois - ses cheveux cette fois lâchés. Elle a un gros sac, il n’a pas de mal à deviner que son polaroid est à l’intérieur. Un regard qui la détaille très rapidement de haut en bas, puis se plonge dans le sien - il ne peut retenir le sourire qui vient étirer ses propres lèvres. Et de nouveau, cette sensation de légèreté.

Imbécile heureux.

- ...t'as perdu Joach en route ou quoi ? Je pensais que vous viendriez ensemble.
- J’pensai aussi. Mais finalement y’a un truc avec Johanna, j’ai pas bien compris.
- Et les autres, ils seront pas en retard ? Parce que je les attendrais pas.
- Baaaah, j’espère pas.

Il regarde à droite, à gauche, feint de chercher des gens qu’il n’a jamais invité. Menteur Heath. Bah, c’pas le truand pour rien. Puis c’est pas bien méchant, c’est dans le seul but de passer un peu de temps en tête à tête avec elle, y’a pas mort d’homme.

- J'espère que t'as pas oublié que c'est toi qui me paye le popcorn. C'était ma condition pour que je vienne.
- J’ai pas oublié. C’est d’ailleurs une drôle de façon de me remercier pour mes cours de skate... . Il hausse un sourcil, un sourire rieur aux lèvres. Désolé pour ta montre d’ailleurs, j’ai pas pensé à te dire de l’enlever.

Ils patientent un moment dans le hall, pendant lequel elle lui montre son dernier achat au poignet, après quoi il lui parle de leur dernière séance de skate, ce qu’il pourrait lui faire faire la prochaine fois, et autres banalités.

- Bref j’vais changer de brosse à dents parce-qu’avec la même couleur on va pas s’en sortir.

La foule commence à faire la queue à la caisse pour leur séance, et ils s’y dirigent, s’étonnant - ou pas - de ne pas voir les autres. Ca l’emmerde un peu de lui mentir, mais si il lui avait dit la vérité, elle aurait refusé. Et comme dit, il avait pas de mauvaise intention. Il avait juste... besoin de passer du temps avec elle. Malgré leurs disputes à répétitions, leurs clashs. Ils passent leur temps à se casser l’un et l’autre au bungalow, et en même temps, ont énormément de points communs, de leurs goûts à leur caractère en passant par les similitudes de leurs vestes-lunettes-brosse à dents et autres. Heath pense souvent à elle, et ouais, il a ce besoin de la voir, de passer du temps avec elle, et c’est ce genre de trucs qui le font agir comme un truand, à gruger, à omettre et tromper pour parvenir à ses fins. Renard. Mais en tout bien tout honneur, bien sûr.

Heath parvient à la caisse, paye les deux entrées - non sans se battre avec Hannah - et lui pose sa paire de lunettes 3D sur la tête avant de se mettre en route pour acheter les pop-corns de la demoiselle.

- J’préfère les salés.

Lâche t-il comme une simple provocation, se doutant fortement qu’elle préfère les sucrés. Et chacun son pot de popcorns, ils se mettent en route vers la salle. Une fois à l’intérieur de celle-ci, il tend la main, ne lui laissant que l'embarras du choix quand à la place.

Ils s’installent - au fond, ses places préférées à lui aussi - et elle grignote déja. Elle a sa façon bien à elle de grignoter, vraiment semblable à un rongeur. Ca serait ridicule, si la fille faisant ça n’était pas aussi jolie. Il sourit en coin, détourne le regard sur l’écran pour le moment vide. Il est affalé dans son fauteuil et ne tarde pas à poser sa cheville sur son genou, posant les coudes au fond des accoudoirs et joignant ses mains devant lui. Position habituelle, il profite qu’elle soit déja en train de bouffer pour squatter l’accoudoir entre eux.

- Ne songe même pas à me piquer les miens quand t’en aura plus dans dix minutes.

Lui n’a toujours pas touché ses popcorns, calés sur le fauteuil vide à côté de lui. Il attrape la bouteille d’Oasis achetée en même temps (elle n’aime pas le Coca, lui n’aime pas l’Orangina, il avait fallu trouver un compromis), boit une gorgée et la dépose dans l’emplacement entre eux.

- Tes fameux amis ne seront pas venus finalement. J'ai presque pitié de toi. Se faire poser un lapin par ses potes, pas trop triste ? Il hausse les épaules, les commissures de ses lèvres s’abaissant une seconde. Et si j'étais pas venue, t'aurait fait quoi ?
- Ca aurait rien changé, j’viens souvent seul. J’ai aucun soucis avec le cinéma en solo, au contraire.

Et c’était vrai. Toute sa vie, il était allé au cinéma seul régulièrement. Contrairement à beaucoup de gens ça ne le dérangeait pas, il préférait même, c’était bien par choix qu’il le faisait. Il s’était d’ailleurs fait dragué de nombreuses fois par des nanas venant entre copines et tombant sur ce mec solitaire et mystérieux.

La lumière se fait alors plus tamisée, et Heath se laisse absorber par la première bande annonce. Des chevaliers, du cassage de gueule, du sang, des punchline badass - tout ce qu’il aime. En revanche la bande-annonce suivant a l’air d’être un film à l’eau de rose, une comédie bien niaise. Heath n’y est plus attentif, et laisse tomber sa tête en arrière, observant le plafond - le peu qu’il y voit. Il entend alors faiblement la voix d’Hannah, et désormais habitué à ce phénomène, comprend que c’est dans sa tête. Ses pensées lui parviennent. Il entend alors qu’elle doute de leur situation hasardeuse, et rage toujours pour la place qu’il lui a payé. Il roule sa langue dans sa joue, s’attendant à ce qu’elle lui en parle - elle n’est pas du genre à ruminer ses pensées sans extérioriser.

- Sincèrement Heath... pourquoi je suis la seule ici avec toi ce soir ?

Bingo. Oh tiens, le film commence. Il prend le temps de mettre ses lunettes, et le son démarrant à fond lui laisse le luxe de réfléchir à sa réponse. Alors il tourne la tête vers elle, se penchant à peine pour se faire entendre. Il ne la distingue pas bien, mais assez pour savoir qu’elle le regarde.

- T’es la seule parce-que j’ai invité personne d’autre.

Sourire moqueur aux lèvres, il se redresse, croise les bras en se vautrant un peu plus dans son fauteuil. Et reportant son attention sur l’écran, il lâche:

- T’es tellement sauvage et bornée que j’ai intérêt à être malin si j’veux qu’on soit potes. Pourquoi, ça te gène ? Y’a pas d’ambiguité à ce que je sache, alors j’vois pas où est le problème.

Tout est normal.

- By the way, il tourne la tête vers elle sourire goguenard aux lèvres, tu t’es faite avoir par le truand. Take it easy, ça risque de pas être la dernière fois.

Et il reporte son attention sur l’écran, constatant que Scarlett Johansson est toujours aussi bombasse.

- By the way, tu t’es faite avoir par le truand. Take it easy, ça risque de pas être la dernière fois.
- Tu sais ce qu'on dit ? On apprend toujours de nos erreurs. Ma présence ici en est une. Ça ne se reproduira pas.

Il hoche la tête, yeux au ciel, saoulé. Parce-qu’elle est tranchante, froide, impitoyable. Elle parle de lui comme si il venait de lui faire un affront, lui briser le coeur. Certes, il a - un peu - menti, mais c’était pour de bonnes raisons, y’a pas d’mal. Pas à son sens. Merde, si une fille usait d’ingéniosité et de malice pour un rencard avec lui, il serait content ! ... Wait. Nan, c’est pas un rencard. Définitivement pas.

Il a croisé les bras, s’est renfrogné sans s’en rendre compte. Il essai de se mettre dans le film mais il est pas d’humeur - cette nana a le don de lui casser les couilles. Il inspire un grand coup, se redresse un peu, essai de faire la part des choses - si il ne peut pas profiter d’elle de bonne humeur, autant qu’il profite au moins du film.

- Hm, tant que j'y pense. Sache que, avec ou sans tes magouilles, je serais venue. Parce que j'ai promis à Lys de faire des efforts. Mais puisque je suis si sauvage et bornée que tu le dis, je vais m'en tenir à ça.

Il tourne inutilement la tête vers elle, la distinguant à peine, sourcil haussé. Elle se fout de lui là, hein ? Un jour, il va s’arracher les cheveux à cause d’elle. Et pourquoi faut-il que ça l’atteigne autant ? Merde, c’est lui qui a le sang froid, c’est toujours lui qui est calme, posé, réfléchit, calme les autres. C’est des qualités qu’il sait qu’il a, mais avec elle, tout ça est envoyé en l’air, il a du mal à réfléchir, et prend tout à coeur, en pleine gueule. Il arrive pas à prendre de recul, à juger une situation dans son ensemble. Y’a qu’elle, elle et simplement elle. Et le besoin vital de la satisfaire.

Et le résultat obvious: il ne la satisfait pas. En rien. Elle le prend pour un menteur maintenant, en plus de tout le reste. Génial. Il aurait dû se contenter du skate, ce ren... ce, cette sortie était une mauvaise idée.

- Ce film est tellement... parfait. Il la quitte enfin du regard se vautrant sur l’accoudoir opposé au sien.
- Il te faut pas grand chose.

Parfait parce-que c’est l’idole de l’Amérique ? Nan parce-que, franchement, ça part pour être un joli navet. Le premier était acceptable - bien loin d’Iron Man, Batman, ou n’importe quel Marvel ou DC en fait - et celui là avait l’air d’être du même niveau, si ce n’est pire. Enfin, chacun ses goûts; mais les siens étaient merdiques.

Soupir. Il a envie de lui dire quelque chose mais hésite. C’est pas le moment, ils matent un film au ciné, ils sont pas sensés parler. En plus, elle le trouve “parfait” alors il a pas envie d’la déranger - y’en a au moins une qui passe un bon moment.

... C’est tout ce qu’il veut, non ? Qu’elle passe un bon moment ?

Non. Il se redresse, sourcils froncés, vient s’appuyer sur leur accoudoir commun, approchant son visage du sien parce-que l’action à l’écran fait péter les décibels.

- Tu serai venue parce-que t’a promis à Lys de faire des efforts, hein ? J’te rappelle qu’au skatepark la première fois tu m’a incendié en me disant que si tu devenais pote avec moi ce serait pas pour Lys. Il se redresse. Faut croire qu’entre temps je t’ai tellement insupporté que c’est vraiment pour lui que tu vas faire le moindre effort.

Il la quitte des yeux, est grandement tenté de se dérober en prétextant aller aux toilettes. Il a envie d’se tirer, squatter dehors un bon quart d’heure. Mais il a pas envie de fuir. Franchement, qu’elle l’apprécie ou non, merde. Ca le fatigue de se prendre la tête pour elle. Qu’elle lui crache encore à la gueule et le méprise; ils se contenteront de cohabiter de façon pacifique, pour Lys.

Des filles, y’en a un tas d’autres qui l’apprécient. De toute façon, il a pas l’intention qu’il y ait quoi que ce soit entre eux, alors, si y’a même pas d’amitié, c’est con mais c’est comme ça. Il s’y fera. Décidé, il se détend, cale de nouveau ses coudes sur les deux accoudoirs, lui laissant la place de s’y mettre aussi, et essai de se plonger dans le film. Captain America a beau être le héro le plus ridicule à ses yeux, ça reste un Marvel.

- Si t'avais été honnête dès le départ, ça se passerait pas comme ça. J'suis peut-être sauvage et bornée, comme tu dis, mais j'ai encore jamais bouffé quelqu'un. J'suis un écureuil, pas un lion.
- Content d’le savoir.

C’est vrai quoi, j’la connais pas cette nana. Tout ce que je sais, c’est que c’est la fille qui a le plus de couilles quand il s’agit de m’envoyer chier. Oh, y’a bien Ulysse et Aless aussi qui sont de vraies teignes, mais c’est différent. Différent parce-que l’un est (était ?) amoureuse de moi, et la seconde est malgré tout une amie.

Mais Hannah, c’est différent. J’ai l’impression qu’on sait pas sur quel pied danser, ni l’un ni l’autre. L’impression qu’elle ne veut pas de moi dans son monde, et en même temps... assez pour que j’arrive à m’y infiltrer. J’aurai pas dû lui mentir, mais c’est malgré moi, tout ça. Trickery, ça me dépasse, j’peux pas m’en empêcher. Parano, peut-être même mytho, j’ai pas songé un seul instant à lui proposer juste un ciné entre nous.

Meeh, comme l’a dit Jo, ça ferait vraiment rencard non ? C’en est un ou pas ? Mon regard glisse sur elle, de côté, tandis que le film avance, sans moi. J’suis pas vraiment dedans - pas que je pense trop à elle, juste qu’il ne m’emballe pas. Rien ne vaut les derniers Batman à mes yeux, et j’estime qu’on est très loin de cette qualité la. Je me vautre dans un sens, dans l’autre, soupir parfois. C’est long. C’est vachement long. Ca fait déja une demi heure qu’on est dans l’action finale et j’ai l’impression que c’est pas prêt de se finir. Je la regarde de temps à autre; elle est absorbée par le film.

Tant mieux.

Je bouffe quelques popcorns, il m’en reste pas mal, Bianca les finira. ... Bernard, Bianca, souris, rongeurs... ? Non... ? Je soupire, bois en prenant soin de ne pas terminer la bouteille. Gentlemen. J’mate la fin du film (du moins, j’espère que c’est la fin) et suis soulagé quand le générique apparaît. Et comme d’habitude, je me lève aussitôt - j’ai jamais compris le délire de rester camper dans son fauteuil à la fin d’un film.

... Mais visiblement, encore une fois, on s’oppose sur une banalité. Un regard vers elle, elle a l’air de vouloir attendre que la foule ne sorte. Je soupire, retombe dans mon siège, patient - et légèrement exaspéré.

- Oh. T'es encore entier. J'aurais juré qu'un écureuil sauvage t'avait dévoré durant la projection. Mais t'as survécu, félicitations.
- Oh très drôle, nan vraiment, hilarant, dis-je en la regardant, yeux plissé et renfrogné.

Je lève les yeux au ciel, me laisse tomber au fond de mon fauteuil en attendan que Madame daigne se lever. Je check mon téléphone, entendant les voisins commenter le film. Encore quelque chose que je ne comprend pas et ne fais pas. Probablement parce-que je vais souvent au ciné seul, j’ai pas ce truc de ‘commenter’. Sérieux, c’est con de dire “et t’a vu quand bla bla” bah oui DUCON, j’ai vu, j’étais là aussi. S’extasier devant les graphismes ou devant telle ou telle scène, ça me fatigue. T’a aimé, point, on t’a pas demandé d’en faire une dissertation en quatre parties.

Quand bien même j’avais envie de parler du film, on se prendrai encore la tête avec Hannah. Visiblement elle a kiffé (les meufs, suffit qu’il y ait du muscle et elles kiffent de toute façon) et moi je l’ai pas trouvé terrible. Pas détesté, mais... Ouais dans quelques jours si on me demande mon avis je dirais que c’était de la merde.

Enfin dehors. J’enfile ma veste, le soleil baisse à l’horizon. Y’a une petite brise fraîche. Mains dans les poches, je regarde Hannah, sourcils haussés, en mode ‘on fait quoi maintenant ?’ est-ce qu’on est sensés rentrer ? Aller bouffer quelque part ? Je la vois mal rester encore avec moi. Elle ne mange peut-être personne, mais j’ai pas l’impression qu’elle m’apprécie. ‘Fin j’sais pas. C’est flou. J’y comprend rien.

- ... Tu veux manger avec moi ?

Je lève les épaules, pince les lèvres. Pas d’artifice, pas de mensonge, pas de mauvais plan. Juste une demande claire, nette, précise et honnête. Au moins, je serai fixé.

... Ca sent l'rateau, Ackland.