Help, I need somebody | Stan'

« Tu viens avec moi, t'as pas le choix. »

Elle t'attrape le poignet sans ménagement pour te tirer à sa suite comme le ferait une maman avec son gosse. Alessandra ne va pas très bien aujourd'hui, elle est triste et a besoin de se changer les idées. Si ça n'avait pas été toi, elle t'aurait déjà sauté dessus, probablement. Mais la belle avait plus envie de shopping que de sexe cette fois-ci, et qui de mieux que toi pour l'accompagner ? Stanislas. L'avantage c'est qu'à toi aussi ça te changera les idées, du 2 en 1, elle pense vraiment à tout Blondie.

Vous allez où ? Aucune idée. Elle sait pas trop Alessandra, elle veut juste se barrer de ce pensionnat, quitter cette île pourrie avec toi pour aller ailleurs. Ailleurs c'est toujours mieux, alors si en plus c'est avec toi c'est parfait. Tu pourrais utiliser ton pouvoir contre elle Stan', intérieurement elle t'encourage même à le faire, mais c'est égoïste. Parce que le truc c'est que vous savez tous les deux qu'elle te retournera l'acte avec deux ou trois droites bien placées. A fleur de peau. Mademoiselle est paumée et compte sur toi pour être son soutient, sauf qu'elle sait pas vraiment que tu risques de pas trop l'aider. T'as tes emmerdes aussi et elle en a qu'à moitié conscience Aless', mais bon. Lui en veut pas, si elle t'aimait pas elle t'aurait pas traîné de force avec elle. T'avais l'air bien dans ton lit en plus, elle aurait pu se glisser sous la couette et pioncer avec toi. Mais flemme.

Elle voulait juste partir.

Alors vous êtes partis, elle a l'argent, tu as les idées, l'humour et tout le reste. Journée de merde qui s'égaye un peu plus lorsqu'elle te pousse dans le premier train qui passe pour vous mener droit sur Londres. Y a du monde, plus de place libre, mauvais wagon. Alors elle te tire jusqu'au suivant dans l'espoir de trouver une place assise. Alessandra n'aime pas être debout, ça fatigue ses jambes. Et c'est sa cheville qui en pâtit, ça fait un peu mal quand même. On a toujours plus mal lorsqu'on est triste, c'est juste qu'on ne sait jamais d'où vient la douleur ni où elle va. On sait simplement qu'elle reste sans qu'on réussisse à la faire s'envoler. C'est comme ça, c'est la vie.

Vous vous glissez habilement entre les voyageurs, elle repère d'un œil presque expert les personnes qui se lèvent, l'habitude ne se perd jamais. Première station. Ça descend, vous prenez rapidement les 2 meilleures places du compartiment. Elles sont encore chaudes mais qu'importe, au moins vous êtes assis c'est déjà pas si mal.

« Faudrait que tu m'expliques pourquoi tu joues à un jeu plus con que le mien. Allusion aux rumeurs de Shu, évidement. T'es suicidaire ? »

Curiosité déplacée pour rompre un silence qui s'était installé depuis peu mais qui devenait pesant, pour essayer de le tromper, de vous tromper. Elle et toi. Curiosité déplacée parce qu'elle voulait réellement savoir pourquoi t'avait fait ça. Balancer c'était pas un truc qu'on faisait entre amis, alors elle voulait juste savoir pourquoi.

Le sérieux de ses yeux quitte ton regard lorsqu'elle dévie le sien par la fenêtre du wagon. Le train redémarre lentement.

Stan devant n’importe qui d’autre il aurait fait l’effort de se placarder un sourire sur la face, de faire la conversation, de déconner malgré le fait qu’on l’est littéralement arraché de son lit, forcé à se laver, se fringuer, tout ça pour prendre un fucking train bondé. Mais pas devant Aless. Elle et lui se ressemblent trop pour pouvoir berner l’autre. Les airs condescendants ça ne marche pas entre eux. Alors depuis qu’il est levé Stan il râle, il bougonne, il lève les yeux au ciel et il pousse de longs soupirs, répondant des remarques cinglantes et des répliques bien cherchées. Sauf depuis qu’ils sont dans le train. À partir du moment où ils se sont assis il a enfin fermé sa gueule. Silence un peu pesant, tout de même reposant, parce que ça fait du bien quand il la met en veilleuse cinq minutes. Il a l’air captivé par ce qu’il se passe de l’autre coté de la vitre mais c’est pas ça. Encore en train de s’admirer Stan ?

Non plus.

Stan est un mec qui a l’habitude de chercher et de trouver, un mec qui compte plus le nombre de coups qu’il a bien pu se prendre dans sa vie. De la part de son père pour commencer. Puis des gens qu’il a croisé en se retrouvant au beau milieu d’affaires foireuses, des gens qui l’ont blessé et contre lesquels il a tenté de se battre. Des gens dont les coups font plus mal que l’identité et les mots en somme.

Mais pas cette fois.
Oeil au beurre noir encore bien visible, plus tellement enflé mais toujours aussi pourpre. Premier coup. Coin gauche de la bouche tuméfié. Deuxième coup. Douleur aiguë au niveau des côtes, des flancs. Troisième coup, alors qu’il était à terre. Ça fait une semaine désormais. Une semaine qu’il a agit sans réfléchir, par jalousie, par frustration, il sait pas trop. Une semaine qu’il a pas pu s’empêcher de tout foutre en l’air avec les gens qu’il aime. Même eux il les cherche. Il les a trouvé.
Et à chaque fois qu’il croise son putain de reflet, il se souvient de tout ce qu’Ernest a pu lui dire alors qu’il lui filait ces coups amplement mérités. Et ça fait mal, bordel.

━ Faudrait que tu m'expliques pourquoi tu joues à un jeu plus con que le mien. T'es suicidaire ?

Son attention quitte la vitre pour se reporter sur Aless. Une vraie amie. Amitié un peu casse gueule et pleine de compromis, certes, mais qui a une vraie valeur à ses yeux. Parce que le liant c’est pas le sex, c’est pas les intérêts, c’est pas les mensonges. Parce qu’Aless elle sait lui tenir tête et Stan sait que malgré ses tendances à se jouer de ses amis, avec elle c’est pas possible.Il déteste ces personnes qui prennent le temps de vous disséquer pour savoir comment vous marcher et il sait que c’est pas son genre à elle, il peut se comporter comme il veut elle s’en fout. Et puis ils ont tous les deux un caractère assez fort pour supporter celui de l’autre, alors ça pouvait que marcher.
Elle est encore là, c’est même elle qui est venue le chercher, qui engage le sujet, et pas pour lui faire des reproches, enfin pas tout de suite ; pour comprendre, d’abord. Et ça le fait rire parce que le réveil forcé, la journée shopping imposée, ce genre de réplique, c’est tellement elle. Elle lui fait retrouver le sourire rien qu’un instant.

━ T’as pas trouvé la réponse toute seule ? J’pensais que c’était pour ça que tu me supportais.

Stan hausse les épaules, jamais sérieux comme à son habitude. Parce qu’il se doute qu’il se trame quelque chose. Aless il l’adore mais il la connaît, elle débarque pas comme une fleur pour t’inviter à passer la journée avec elle sans que ça serve ses propres intérêts.
Et puis surtout parce que revenir sur le sujet ça le dérange. Parce qu’il a pas envie de donner l’occasion à Aless de le désarçonner. Ça le fout mal, ça le fait culpabiliser. Tout un tas de sentiments qu’il ressent rarement et qu’il exacerbe. Lui même a pas vraiment la réponse à la question. Pourquoi il a fait ça déjà ?

━ J’imagine que j’peux pas m’en empêcher. Parce que j’dois juste être la plus grosse salope de tous les temps.

Il dit ça avec la risette amusée qui va bien. Avant de finalement s'accouder à la fenêtre et regarder à travers cette dernière, l'air distrait.

━ Après toi, t’inquiète.

« J’imagine que j’peux pas m’en empêcher. Parce que j’dois juste être la plus grosse salope de tous les temps. » T'es sûr Stan ? Après toi, t’inquiète. » Ah, j'préfère. Elle est heureuse que tu penses à elle de cette façon, sérieux t'imagines même pas à quel point ça lui fait chaud au cœur. Ses iris océans se déplacent vers toi, ils te détaillent, t'observent. Silencieux et pleins de malices. Aless' elle parle pas parce qu'elle est presque sûre que tu la sens venir la connerie, la blague de merde comme quoi tu la surpasses tellement depuis que t'as balancé Léo'. Mais elle le fera pas, parce que, tu sais, à défaut d'être une salope, Aless' est pas du genre à enfoncer les gens pour rien. Puis faudrait pas que t'en fasses une toi aussi, de tentative de suicide. Un sourire égaye son visage un court instant alors qu'elle détourne de nouveau les yeux vers l'extérieur, le regard rivé droit sur l'horizon.

« La prochaine fois que t'es prêt à faire une connerie, tu m'appelles ? » Histoire qu'elle se joigne à toi pour la faire encore mieux. Tu sais, la solidarité tout ça. Elle en serait vraiment ravie d'te filer un coup de main pour ça, et vous vous ferez prendre à deux; et on vous détestera tous les deux. Pourquoi tu gardes toutes ces emmerdes pour toi, Stan' ? Y a des trucs comme ça qu'on est obligé de partager, des trucs qui nous bouffent de l'intérieur et qu'on peut juste pas garder pour soi. Ça confiance par grignoter, un peu, puis ça continue en rongeant doucement. Et ça s'accentue. Plus vite, toujours plus vite. Et à la fin on a plus rien, on est mort de l'intérieur et on veut juste crever. Crever comme un rat. « Je m'demande si on manquerait à quelqu'un, si toi et moi on s'barrait et qu'on revenait plus jamais dans c'pensionnat pourri.. » Elle fait pas attention à ce qu'elle dit. Accoudée près de la vitre, elle pense et elle se demande. Elle se demande c'que ça ferait si vous disparaissiez tous les deux, comme ça sans prévenir, si ça dérangeait quelqu'un. Est-ce que vous leur manqueriez tu crois ? Toi peut-être. Peut-être que tu manquerait à Léo ou à Ernest, peut-être parce qu'elle sait qu'il est fort votre lien. Y a pas besoin de savoir de quoi il s'agit pour capter que c'est juste pas possible de vous séparer. C'est c'qu'elle pense est elle est presque certaine de pas se tromper. D'ailleurs, tu sais, elle vous envie beaucoup Aless, parce qu'elle se dit qu'il vous faudra pas beaucoup de temps pour vous pardonner et qu'après tout sera comme avant. Comme avant, ou presque parce que jamais rien n'est comme avant.

« M'enfin. » Retour à la réalité. Alessandra quitte ses pensées pour rejoindre le monde qui l'entoure, elle se redresse un peu avant de soupirer. C'est bref et doux à la fois, c'est un mélange de motivation soudaine et de nostalgie, quelque chose de simple mais en même temps de très compliqué. Parce qu'elle sait que elle, elle manquera à personne, elle a pas l'impression de s'être assez liée pour ça. Elle tient aux autres mais elle mettrait pas sa main au feu que les autres tiennent à elle, pourtant elle se donne du mal mais bon. C'est comme ça. De toute façon, en y repensant bien, elle a pas envie de partir, pas définitivement. Alessandra elle veut prendre des pauses de temps en temps, beaucoup de pauses, très souvent, mais elle veut pas tout plaquer. Elle se dit que plus être à Prismver avec tous ces gens elle pourra jamais s'y faire, elle est trop habituée maintenant. Et puis là-bas elle a tout, des amis, des ennemis, pleins de faibles à frapper pour se défouler, et l'argent de ses parents pour faire un peu tout c'qu'elle veut. Au fond elle est cool sa vie, vraiment.

Coup d'œil à la prochaine station qui se montre au loin, la voix off s'élève pour faire son discours habituel. C'est encore loin Londres ?

« Y vendent des trucs à manger dans c'train tu crois ? Pas qu'j'ai faim hein, mais j'm'emmerde un peu. Si tu veux on s'trouve un coin tranquille t'sais, pour faire passer le temps. Quoique.. Nan. Laisse c'est trop glauque. » Et elle rigole comme une idiote parce qu'elle se trouve trop conne. T'sais, elle aime bien sortir de la merde pour faire passer le temps Alessandra.