guardian. [NY]

Jamais content, Heath. C’est qu’il avait ralé, quand ils étaient partis sous la chaleur écrasante, l’autre fois. Et là, quand Mike lui avait dit que c’était à New-York, et quand en descendant de l’avion il s’était pris une vague de froid monstrueuse en pleine gueule, il avait encore râlé.

Bon, mais finalement, c’était toujours mieux que le soleil. Et puis, c’était pas si mal que ça.

D’accord, fallait avouer que NY, ça avait de la gueule. Le petit londonnien qu’il était venait là pour la troisième fois. Trois voyages à New-York, pour un anglais, c’était pas rien. Il était chanceux. Il était surtout chanceux d’être pote avec des américains blindés de thunes qui, pour on ne sait quelles raisons, avaient plaisir à l’embarquer avec eux malgré sa mauvaise foi apparente. Bon, concernant Mike, c’était justifié: Heath servait d’Annulateur, c’est tout. Il avait juste à être là, à faire acte de présence, mains dans les poches, pour empêcher la magie chaotique du E de se déclencher en dehors de l’île. Ca lui faisait - encore une fois - prendre conscience de la gravité de la situation, à Prismver: Heath ne pouvait pas être partout, tout le temps, avec tout le monde. Mike l’embarquait pour ses shootings, mais après ? Comment ferait il, à l’avenir, sans lui ? Et tous les autres ?

Damn, quelle école de merde.

- Réveille toi boutchou ! On va manger ? Tu choisis le restaurant.

... Boutchou. C’était probablement à cause de ces surnoms à la con que, sur chaque shooting, ils avaient le droit à des regards curieux, des regards qu’Heath comprenait très bien: on s’demandait si ils étaient ensemble, si y’avait quelque chose entre eux. Parce-que oui, pourquoi il serait là lui, sinon, à regarder Mike faire ses shootings, qu’il soit 7h ou 22h, à l’attendre jusqu’au bout ? Pas d’autre raison valable, pour ceux qui ignoraient la magie. Et l’idée qu’on pense qu’ils soient en couple lui tapait sur le système.

- J’veux un bon burger.

Quoi, quitte à être aux states, autant bouffer comme un gros. Une main dans la poche, il attrapa son manteau de l’autre.

- J’pige toujours pas comment tu peux être mannequin. T’a franchement pas l’gabarit.

C’est vrai, Mike était petit (du haut d’un Heath mesurant 1m80), et assez maigrelet. Même Heath qui était loin d’avoir la musculature de Lukas avait tout de même plus de carrure. Enfin, Mike avait une gueule intéressante, probablement. Et du talent dans l’métier, sûrement. Il en savait rien, Heath ; le mannequinat, il en avait rien à branler. Au final, si il disait ce genre de trucs, c’était surtout pour le charrier.

- No. Fuckin. Way.

Il est hors de question qu’Heath joue les playboy devant un photographe. Sérieusement. Dans l’esprit très étriqué d’Ackland - et qui va de paire avec sa mauvaise foi - le mannequinât c’est un truc de gay. Un mec, un vrai, ça se fait pas prendre en photo comme ça pour des magazines ou Dieu-ne-sait-quoi. Non mais il l’a bien vu ? Heath, mannequin ? La grosse blague. L’air blasé, il entre dans l’ascenseur en passant devant Mike quand les portes s’ouvrent, appuyant sur le bouton du rez-de-chaussée en passant avant de se laisser tomber dos contre la paroi du fond, mains dans les poches. Déja qu’il aime pas particulièrement quand ses potes le prennent en photo, c’est pas pour aller taper la pose devant des inconnus. C’est... superficiel. Et ridicule.

Pendant la descente, il regarde les chiffres défiler, pensif. Lukas aussi est mannequin. Débutant, mais quand même. Il a pas spécialement l’air d’être gay. Quoi que, qui sait. Mike, c’est une évidence, il le sait. Il sait qu’il est sorti avec Bloomkvist, qu’il s’est tapé - d’après les rumeurs - pas mal de gars de Prismver. Les rumeurs sont généralement fondées.

Une pensée en appelant une autre, tout ça le fait penser à Neil. Son ancien meilleur ami, qui était encore à Prismver à l’époque. Heath a retrouvé ses souvenirs, et avec eux, se rappelle désormais qu’il a couché avec lui. Ca le trouble toujours, et ça le met particulièrement mal à l’aise quand il est en présence d’un mec qu’il sait être attiré par les hommes. Oui, il a couché avec Neil, Heath. Une erreur, très grave erreur d’une nuit. Ca n’avait rien d’agréable, il regrette, il regrette tellement. Il aurait jamais dû boire, ni prendre la drogue qui circulait dans cette soirée. Il était pas lui-même et c’était une période pendant laquelle il allait mal. Un moment de faiblesse, il avait fini sous les draps avec lui et rien que d’y penser il en a presque un vertige. Heath n’est pas attiré par les mecs. Et, depuis cette nuit là, il est carrément mal à l’aise avec eux. Excepté Joach, évidemment, mais c’est une autre histoire.

- J’te suis., dit-il simplement en désignant du menton la sortie de l’ascenseur, n’ayant aucune foutue idée d’où Mike veut l’embarquer.

- ... Arrête de me dire ça j’ai l’impression d’être ta pute.

Si, le genre à accompagner le riche et à se faire entretenir par lui. Déja que Mike lui paie le logement et, la plupart du temps, la bouffe, manquerait plus qu’il lui achète des trucs en plus. Mike se casse la gueule, et Heath le relève sans vergogne en le chopant sous le bras, soupirant après s’être foutu de sa gueule.

- ... Ou ton garde du corps, en fait, Princesse...

Il a l’air fragile, Mike. Tellement fragile. Tout petit, tout maigrichon. Si Heath a pris la peine de le remettre sur pattes c’est parce-que par terre, ça glisse, et vu comme Mike à l’air doué il aurait bien été capable de retomber. ... Ok, ça glisse, Heath a failli se casser la gueule au pas suivant mais c’est bon, tout est sous contrôle, on est ok. Ca les fait marrer, parce-qu’ils sont pas les seuls à galérer pour avancer, sur le trottoir d’en face aussi un mec vient de se rétamer. Finalement, ils arrivent à reprendre une marche à peu près safe, et à en revenir à la conversation.

- J’savais pas qu’t’avais un tatouage. T’a fais quoi ? Et où ?

Il se souvient pas l’avoir vu. Ou alors, il a zapé, Heath a le don de dégager de son esprit toute info inutile, alors parfois, il a l’air vraiment tête en l’air.

- Oh maaan j’adore cette ambiance., dit-il alors que son regard parcourt l’intérieur du restaurant.

Déco des années 50, grosses banquettes en cuir, néons, photos et dessins de moto, guitares et nanas plein les murs. Heath est pas fana de décoration, en plus il ne jure que par le moderne et le high-tech, mais ouais il a toujours eu un faible pour cette ambiance là. La porte s’ouvre et il entend d’ici le Rockabilly qui s’échappe de la sono du restau. Ca l’fait sourire, il adore ça.

- Attends, j’m’en grille une par contre.

Il sort son paquet de clopes et s’en allume une alors que Mike lui retourne la question à propos des tatouages. Glissant son briquet dans sa poche, il hausse les épaules.

- J’sais pas. Pas spécialement. M’en fout un peu mais p’tet qu’un jour j’en ferais un ouais. On verra.

Il y pense pas sérieusement, il en a pas réellement envie. Mais il est pas contre le principe et, non, il n’a pas de soucis particulier avec les aiguilles. Plus avec le principe de garder ça à vie, en fait. Faut, genre, bien choisir son truc.

- En tout cas si j’en fais un faut qu’il ait du sens pour moi. Pas genre une connerie de dragon ou une merde que tout le monde a. Et l’endroit... j’sais pas. J’aime pas trop sur les bras ou les jambes donc, p’tet le dos ouais. Ou les flancs, ou les reins... Bref pour la jouer sexy quoi ahah

Il tire une nouvelle taffe, posant les yeux sur Mike.

- Et du coup ça t’a déclenché “la folie des tatouages” et t’a envie d’en faire encore pleins ou ça ira comme ça ? Remarque, t’a d’la thune, tu peux t’le permettre.