Les lézards ont bon dos pour les rencontres surprises.

Il y a des gens, comme ça, avec qui on s'entend particulièrement bien, sur tous les points. Avec ses gens là, les discussions peuvent aborder comme sujet tout et n'importe quoi ; on sait parfaitement qu'on va bien s'entendre et qu'on écoutera l'autre comme deux bonnes copines parlent de potins ensemble, et échangent leur point de vue. Et même si l'un est plus « faible » que l'autre, on s'en fiche, l'important étant de s'amuser, de parler et de profiter du peu de vie qu'il nous reste. Bien sûr, avec quelques complexités qu'apportent les relations humaines, mais on comprend le fin fond de la relation, au final.

Entre Gody et Phileas, c'était un peu comme ça. A quelques points près, bien sûr. Et parfois, quand il commençait à lui manquer, ou qu'il ne le croisait pas entre les cours, Phileas envoyait des lézards pour... exprimer ce qu'il ressentait. Avec politesse, attention.

Ce soir d'hiver, alors que le blondinet ne trouvait pas le sommeil, fixant simplement le plafond qui se trouvait en face de lui. Il soupira. Une fois. Puis deux. Il avait révisé tous ses cours, les connaissait sur le bout des doigts. Il avait fait à manger. Il avait fait le ménage dans son cabanon. Ses colocataires avec qui il ne parlait jamais dormaient. Tous. Sans exceptions. Quel ennui. Le jeune homme s'amusait, enfin, essayait de faire passer le temps à se laisser flotter, toucher le plafond, et redescendre, et ça une infinité de fois. Et, alors qu'il recommençait son petit numéro pour la énième fois, il entendit le bruit grinçant de son lézard qui grignotait on-ne-sait-quoi dans son coin cuisine. Il se laissa retomber à coté de lui, et l'attrapa par son petit sac à dos pour le fixer.

« Tu t'ennuies jamais, toi. » dit-il en se tenant la joue de l'autre main. « Tu crois que tu pourrais aller le voir, hm ? »

Le petit lézard ne répondit rien, ne pouvant pas parler, bien sûr (quoi que, sur cet île, plus rien n'étonnait Phil', et s'il parlait bah, tant mieux pour lui), et tira sa longue langue. Le A fixa la petite créature, avec une idée en tête bien précise. Non, il pouvait pas le déranger, et surtout pas à cette heure. Mais non, lui demander n'allait pas trop lui faire de soucis. Oh, si quand même. Le dilemme qu'il détestait, se pousser à aller vers l'autre ou rester timidement dans son coin. Il s'en taperait la tête contre les murs, parfois.

Prenant son courage à deux mains, il vint glisser un petit bout de papier dans le sac à dos de son lézard. Il ouvrit très discrètement la fenêtre, de sorte à ne pas réveiller ses voisins, et laissa échapper son petit reptile dehors.

« En espérant que je ne te dérange pas.
Est-ce qu'il y a moyen de passer te voir, ce soir ? Ça fait un petit moment qu'on s'est pas croisé. J'ai envie de toi, tu sais. Et je me disais que si tu étais disponible, bah, euh, je pourrais éventuellement te passer le bonjour. Ou plus.
Bonne soirée Bronx~ »

Et à partir du moment où il a lâché son lézard, et qu'il le regardait s'en allait au loin, Phileas passa les minutes les plus longues de sa vie. Cela allait entre le « j'ai du le déranger, j'ai du le déranger » à « il veut pas j'ai dit un truc qu'il fallait pas » à « il doit dormir. Tant pis. ». Et les minutes passaient, passaient, et Phileas attendait, attendait, en venant détailler la moindre parcelle du plafond ou des meubles de son cabanon. Il alla même sentir l'air frais de dehors, en passant la tête par delà la fenêtre, en peignant dans sa tête le paysage qui s'offrait à lui. Les plantes gelées et éclairées du faible rayonnement de du croissant de lune qui les surveillait. Pourquoi il avait pas été doté de la vision nocturne en naissant ? Ça lui aurait évité de se faire des frayeurs avec son père ou son entourage.

Un petit lézard revint soudainement dans son champ de vision. Une réponse ! Phileas sourit et vient directement le lire, et faillit sautiller sur place en ayant une réponse positive. Il répondit, non sans s'inquiéter comme à son habitude, et commença à chercher ses affaires. La réponse en retour fut plus rapide que la première, ce qui ne déplaisait absolument pas le jeune homme~ Il commença à s'emmitoufler sous une écharpe et sous son uniforme habituel (non, des fringues autres que son uniforme ? Faut pas rêver mes potes), et alla fouiller l'intégralité de sa chambre pour trouver ses chaussures. Et, une fois trouvées, il se mit à courir en direction de la cabane de son camarade, en se cachant dans son écharpe ; qu'est-ce qu'il fait froid, la nuit, brr.

Il tendit le poing, en se demandant si Léo avait bien voulu partir de la chambre, et toqua deux ou trois fois sur la porte de bois pour prévenir de sa présence. En attendant une réponse, le blond regardait à droite et à gauche, en espérant ne pas croiser un surveillant en colère, qui pourrait, éventuellement, punir le a pour se défouler. Peur idiote, je l'admets, mais peur quand même.

Et la porte s'ouvrit enfin, venant éblouir un peu la frimousse de Phileas qui commençait à peine à s’habituer de la faible lumière de dehors. Libération, il allait enfin pouvoir profiter un peu de la chaleur de l'intérieur de la cabane, plus grande que son cabanon où il vivait, et de la chaleur humaine du jeune homme. Il entra donc, et vira son écharpe en regardant autour de lui. Ah, le rangement de Bronx était toujours exemplaire (ironie). Cela fit sourire le blondinet.

« Bah alors ? On a besoin de compagnie ? Tu peux te mettre à l'aise. »

Phileas vint le remercier et déposa son écharpe sur son lit, en équilibre sur l'un des bords en bois. Il vient également virer sa veste et la déposer au même endroit, et vient s'approcher de son compagnon torse-nu, et lui ébouriffa la mèche par réflexe, pour mieux le coiffer après. Petite manie qui pouvait se trouver agaçante, celle de toujours recoiffer, rhabiller la personne en face de lui, comme pour calmer ses yeux douloureux de regarder du désordre.

« J'ai un peu besoin de compagnie, vi. » dit-il pas très fort en esquissant un sourire, en le regardant droit dans ses mirettes. Il rajouta, avec un petit bon au cœur qui témoignait de sa petite joie de revoir enfin sa bouille de B, un « J'suis content de te voir~ » tout joyeux.

Il vint détailler le corps du garçon qui se trouvait en face de lui, d'un œil discret, et lui poka le milieu du torse avec l'index. Et son index vint faire le tour de son ventre, glissa par dessus son nombril et remonta pour aller détailler par le toucher le long de ses clavicules. Pas spécialement par désir, pas pour le moment, juste parce qu'il avait envie de se souvenir comme était son camarade, s'il n'avait pas changé entre maintenant et leur dernière rencontre. Très visiblement, non. Et cela réconforta un tantinet le jeune homme qui se sentait plus en confiance, avec ses repères d'avant. Son regard vint quitter quelques secondes le p'tit punk pour venir s'apercevoir que, non, Léo n'était pas là ce soir là. « Tu as fait comment pour que Léo et les autres s'en aillent ? Hm ? »

Donc les petits camarades de Gody n'étaient pas là, hein ? Eh bien, c'est plutôt une bonne nouvelle, se dit Phileas en gardant le sourire aux lèvres. Puis celui-ci vint faire un petit tour qui, sur le moment, décontenança le blondinet qui ne savait pas trop comment réagir. Il se cacha sous sa couette, en gémissant qu'il fallait qu'il arrête. C'était juste adorablement mignon, mais Phileas ne voulait pas le gêner en faisant ça ! Mêh, pas juste, il fait toujours tout de trave-

Et il se retrouva rapidement coincé dans les bras de Bronx qui le blottit contre lui, sans qu'il eut le temps de capter ce qu'il venait de se produire. Ce geste eut comme effet de faire redonner directement un fin sourire sur les lèvres de Phileas qui se blottit contre lui, en gardant le bout du nez levé pour pouvoir le regarder dans ses yeux verts. Le jeune homme qui le tenait dans ses bras ajouta alors qu'ils ne s'étaient pas vu depuis un moment... Oui, un bien trop long moment pour Phileas qui était bien heureux de pouvoir enfin se retrouver avec lui.

« Beaucoup trop de temps... »

Phil' crut fondre de l'intérieur en sentant la main de Bronx passer dans ses cheveux, les caressant. Il referme presque les paupières mais préférait fixer le jeune homme qui... se mit à regarder ailleurs. Par réflexe, Phileas vient l'enlacer et s'agripper à son dos, pour pouvoir rester contre lui en même temps qu'il tournait la tête et essayait de voir ce qu'il essayait de voir. Il dit d'une petite voix fluette « Hm, tu cherches quelque chose ? » en venant grattouiller gentiment le dos de son ami, comme par réflexe affectueux.

Lorsqu'il eut posé sa question, Gody vint laisser un petit blanc qui laissa perplexe Phileas. Ah, lui,il avait encore et encore dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Il se laissa embrasser sur la joue, non sans un léger bon au cœur, et le fixa se retourner. Il semblait réfléchir. Réfléchir à quoi ? « Nan, je cherche plus autre chose...Du genre... » du genre quoi, Bronx ? Phileas inclina un petit peu la tête sur le coté, et attendit une réponse de sa part, tandis qu'il semblait réfléchir intensivement. Mais genre, la bonne grosse préoccupation qui prenait l'esprit ! Petit moment de total blanc qui fit grandir une petite boule dans le ventre du A qui se sentait fautif.

Peur qui s'en alla assez rapidement lorsque Gody se jeta sur Phileas sans qu'il ait ne serait-ce un indice sur ce qu'il comptait, et se laissa embrasser en fermant d'instinct les paupières. Ses bras vinrent encadrer ses cotes et il reposa ses mains contre le dos du mécheux, de manière un peu moins taquine que ce qu'il avait pu faire avant. Il se laissa tomber en arrière et plongea son regard dans celui de Bronx pour répondre à une question, plutôt gênante d'un seul coup, surtout à cause de ce sourire taquin qu'il lui adressait en même temps.

« Bah, euh... » timide accompagna des rougeurs soudaines aux joues de Phileas qui resta en suspens quelques secondes à ne plus savoir quoi dire. C'était pourtant lui qui avait fait le premier pas, pour venir le voir ! Il en avait besoin, et le voir en face de lui, lui faisait beaucoup de bien. Mais se dégonfler comme il le faisait, c'était tout à fait son genre et il était bien conscient de ça, même si l'envie, ah, cette maudite envie lui restait dans les entrailles... et dans la tête. Il se toucha ses propres index derrière le dos du jeune homme en semblant hésiter, détourna le regard et essaya de répondre le plus franchement possible « Je sais que... on s'est déjà vu pour parler ou pour... beaucoup beaucoup plus et j'me suis dit que peut-être que ça te dérange pas qu'on se voit et que et que... Vu que je sais que... ». Il se gifla intérieurement, abrège Phil'. « Oui, j'avais vraiment t-très envie d-de ta c-compagnie... », bégayant le jeune blond qui vint rendre un smack sur les lèvres de l’adolescent.