Elle ferme les yeux. Soupire, sombre, profondément esseulée Ulysse... Si seulement.
Les jours passent et se ressemblent tous. Ulysse se lève, se lave, s'habille, mange sans un mot, évite les regards de Drew, Mo et Sarah puis s'en va en cours où elle travaille d'arrache pied pour combler son retard. Elle mange avec Crystal, fait semblant d'aller bien, puis retourne en cours. Ensuite elle va travailler à la boutique pendant une heure, puis elle rentre chez elle, s'enferme dans sa chambre pour faire ses devoirs jusqu'à pas d'heures. Réglée comme du papier à musique.
Ulysse s'éloigne, marche sur une falaise. Son cerveau se fait la malle alors pour essayer de se recentrer elle s'éloigne de tout. Superficielle au possible, elle ne fait que glisser sans aller en profondeur. Ulysse se concentre sur son travail pour ne pas penser à autre chose car dès qu'elle arrête de travailler elle se met à penser à sa vie, et à ce qu'elle a oublié. Elle se torture l'esprit à retrouver les petites miettes de ses souvenirs éparpillées partout. Car depuis que Neil a fait un tour dans sa petite tête c'est le bordel. Elle qui s'était évertuée à tout garder en ordre dans des petites cases, derrière des portes closes. Elle qui avait rangé ses souvenirs dans un couloir blanc, elle dont l'esprit était sa principale arme. Elle, cette Ulysse là, n'était plus rien.
Pire que ça, pire que tout. Ulysse ne dormait plus.
Dès qu'elle fermait ses yeux, dès qu'elle se laissait aller, elle entendait des cris, voyait des images stroboscopiques d’événements passés dont elle n'avait plus conscience. Ça pouvait aller d'images de son enfance, douces, agréables, à des images beaucoup plus violentes comme celle de son enlèvement ou encore celle de son premier amour entrain de la tromper. Mais celles qu'elle ne supportait plus c'était celles de son ex. Des ombres, sombres, tristes, qui s'infiltraient dans sa tête. Elle se voyait embrassant un inconnu, elle revoyait automatiquement la photo que Tony lui avait envoyé. Elle revoyait le visage de ce Heath mais elle ne parvenait pas à l'intégrer à ses visions. Comme un blocage elle était incapable de s'imaginer dans ses bras. Incapable de l'identifier comme son dernier amour. Car elle en avait de l'amour, elle en avait beaucoup. Mais impossible de le déverser, impossible d’identifier à qui il revenait. Alors elle le gardait en elle et il pourrissait. Infiltrant de son poison son cœur innocent. Car elle n'avait pas mérité ça. Ah ça non.
Sa seule faute avait été d'aimer.
Alors ce soir Ulysse lit, elle lit un livre de mythologie qu'elle connait pourtant par cœur. Elle est sur son lit, affalée en nuisette, ses cheveux sont en bataille, ses yeux sont dépourvues de tout maquillage, ses lèvres sont à vif comme à son habitude ces derniers temps. Là Ulysse n'a rien de celle que l'on peut voir arpenter les couloirs, non cette Ulysse là est réelle, vraie dans sa décadence.
Mais bien vite Ulysse se détache de son bouquin. Ses yeux se ferment et elle vogue à travers la mer de ses souvenirs, et elle en tremble d'avance. Elle a froid.
Fani. Fani. Fani.
Elle l'entend en boucle. Comme un écho. Une voix lointaine qu'elle n'arrive pas à identifier. Tu veux sortir avec moi ? Je crois que je ne vais pas tarder à être dingue de toi. On ne se touche pas, on ne se parle pas et tout ira bien. Apprends à ne pas croire le renard. S’en était là, je crois. J’ai le droit de voir la suite maintenant...?
Non. Non. Son cœur se serre, ses doigts sert l'ourlet de sa nuisette puis elle se réveille en sursaut. Son bouquin tombe par terre. Elle se redresse et passe une main sur son visage, elle soupire. Ses nerfs sont en compote elle en a plus que marre de ces voix.
Soudain un mouvement attire son attention. Quelqu'un est là. Elle relève les yeux, son cœur bat la chamade et elle s'apprête à crier. Mais son regard se pose sur ce visage qu'elle connait bien.
Drew.
Incapable de bouger elle plisse les yeux, distingue mal son visage dans la nuit. Elle se recule un peu dans son lit, soupire. Depuis qu'elle ne sait plus elle a beaucoup de mal avec son ami. Ça fait pas mal de temps qu'elle ne lui avait pas parlé. Et pourtant il est là. Face à elle, dans sa chambre.
Qu'est-ce que tu veux ?
Il est là. Toujours. Même quand elle va mal il est là. Pourtant il est considéré comme le fou furieux du pensionnat celui qu'il ne faut pas approcher. C'est le mec le plus pourri, le démon. C'est ce qu'on dit et pourtant, il est là. Avec son regard impénétrable. Avec sa mine éteinte. Il est là devant elle à la torturer pour essayer de comprendre le comportement humain – son comportement. Il est là, le marionnettiste. Et Ulysse en a marre. Elle en a marre de tirer sur les ficelles, de résister. D'essayer d'être forte, parce qu'elle est pas forte Ulysse.
Elle est folle.
Alors elle se laisse couler, et elle joue le jeu. Lentement elle glisse en dehors de son lit et elle marche. Elle s'approche de lui, ondule. Elle joue le jeu de la séduction. Et elle s'approche un peu plus, toujours plus jusqu'à ce que son visage soit proche du sien. Alors elle glisse lentement une main sur sa joue. Mais le cœur n'y est pas, tout est faux, parce qu'au fond Ulysse est éteinte, parce qu'au fond il y a ce putain de Fani qui résonne. C'est ça que tu veux ? Tu veux qu'on le fasse ?
Sa main glisse alors plus bas, elle empoigne sa ceinture tandis qu'il reste de marbre. Fani Fani Fani. Et elle glisse son autre main dans la sienne, qu'elle sert un peu. Mordillement de lèvre semi érotique. Perdue, paumée. Ça sonne faux.
Parle moi Drew.
Son nez frôle le sien. Elle ferme les yeux. Sa deuxième main s'attèle à retirer la boucle de sa ceinture. Mais elle tremble Ulysse. Elle sait pas ce qu'elle fait. Mais elle s'enfonce dans sa folie parce qu'elle ne veut plus les entendre, les voix dans sa tête, les images, les ombres de celui qu'elle croyait aimer. Parle moi pour faire partir les voix Drew je t'en supplie. Murmure au creux de ses lèvres.
Et il était là. Parce-qu’il était toujours là. Malgré ce froid, malgré cette facade impénétrable, malgré cette force, ce déni. Malgré tout ce qui faisait de lui l’un des démons du pensionnat, il était là.
Il était là pour elle.
Il ne comptait pas le nombre de fois ou il l’avait observé, sans qu’elle ne s’en rende compte. Le jour. La nuit. Dehors, dans les couloirs, dans son lit. Combien de fois s’est-il tenu là, sur le pas de sa porte, à la fixer ? Juste pour la regarder dormir.
Comme un artiste a besoin d’observer son modèle. Il observait Ulysse. Il n’avait pourtant pas l’intention de la changer en oeuvre d’art. Contrairement à tout les autres, il n’avait pas l’intention de la changer. De la manipuler. Il n’avait pas l’intention de jouer avec cette pièce, sur le grand échiquier de la vie. Il ne voulait que l’observer. Car certaines personnes étaient des puits de connaissances. Le simple fait de les observer apportait à Drew tout ce qu’il désirait. Et ce qu’il désirait, avec Ulysse, c’était la voir vivre. Il y avait là une certaine approche sadique, voir scientifique. C’était comme observer une souris dans un labyrinthe. Et Drew ne s’en lassait pas. Ombre parmi les ombres, il se tenait là, dans l’encadrement de la porte, accoudé à celui-ci. Et c’est lorsqu’il croisa les bras qu’elle capta sa présence. Nouvel intérêt.
- Qu'est-ce que tu veux ?
Pas de réponse. Parce-que Drew ne se sentait jamais obligé de quoi que ce soit. Alors il resta immobile, la fixant dans les ténèbres. Et elle brisa l’instant. Elle se leva, et le regard abyssal suivit le mouvement, ne se détachant pas d’elle une seule seconde. Il n’ignora pas sa façon de faire. Il n’en perdit d’ailleurs rien, son regard glissant sur son corps sans retenue, prenant la vision qu’elle lui offrait. Un corps agréable. Une nuisette sexy. Il n’était pas du genre à détourner les yeux. Animal.
La main de la jeune femme vient glisser sur sa joue. Contact. Il resta immobile, encore une fois silencieusement fasciné par la facilité qu’elle avait de le toucher. Il n’y a que Sarah et Anshu qui s’y risquaient. Ils étaient les seuls à tenter le diable, parce-qu’ils en avaient les armes. Ils avaient déja planté leurs pieux dans son coeur, et pouvaient jouer avec lui, le tourmenter. Mais Ulysse ? Elle n’avait aucun pouvoir sur lui. Mais elle ne cherchait pas à le tourmenter. Que cherchait-elle ? C’était l’une des questions de son esprit.
- C'est ça que tu veux ? Tu veux qu'on le fasse ?
Reflex d’un léger sourire carnassier venant étirer les lèvres du prédateur. Comme pour lui faire peur. Mais elle n’avait pas peur, Ulysse. La belle avait désormais sa poigne sur sa ceinture; Drew avait perdu son sourire sitôt le cuir touché. Pourquoi tant de facilité ?
Pourquoi tu n’a pas peur de moi, Ulysse ?
Il avait toujours les bras croisés, et elle les défit, venant chercher sa main. Pourquoi. Pourquoi la chaleur rassurante d’une main alors que tu tente le plus grand Mal du Diable ?
- Parle moi Drew.
L’homme au masque de fer fixait désormais ses lèvres, sentant la tension de sa ceinture le lâcher. Pourquoi tant de facilité. Pourquoi.
- Parle moi pour faire partir les voix Drew je t'en supplie. - Elles ne sortiront pas.
Sa main puissante vint se poser sur la sienne, au niveau de sa propre ceinture. Autoritaire, elle l’en défit, lui fit rompre le contact avec son corps. Il libéra son autre main, brisa toutes les entraves de sensualité et de douceur qu’elle avait installé en si peu de temps, et si facilement.
Sa ceinture fut rapidement de nouveau nouée, et il la contourna, entrant dans la pièce, laissant derrière lui le vide glacial. Un pas. Deux. Il vint s’asseoir sur le lit.
- On ne peut pas lutter contre l’esprit, Ulysse.
C’était soufflé bas, de sa voix grave, comme une observation pour lui-même - il en savait quelque chose. Mais le Mal d’Ulysse n’était pas le même que le sien. On lui avait arraché des souvenirs, et cela la rendait encore plus fascinante, aujourd’hui. Il aurait aimé savoir ce qu’elle ressentait. Mais lui ne se risquerait jamais à l’amnésie. Il y avait songé plus d’une fois, alors qu’il souffrait. Oublier Sarah. Oublier Anshu. Il y avait songé.
Mais ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Il avait besoin de ce mal. Il avait besoin de souffrir. C’est ce qui le rendait vivant.
Et Ulysse aussi. On le lui avait pourtant arraché. Il avait voulu qu’elle se redresse plus forte, et quelqu’un s’était permis de contrecarrer ce projet. Drew ne lui en voulait pas. Ca n’en serait que plus intéressant. De nouvelles possibilités. De nouveaux chemins d’avenir s’offraient à elle. Multiples. La souris du labyrinthe. Ne restait à Drew qu’à choisir quel serait son propre rôle dans l’histoire. Minotaure ou fil d’Ariane ?
Il laissa tomber son corps sur le lit, sur le dos, joignant ses mains sous sa nuque pour fermer les yeux.
- Pourquoi ne pas prendre ça comme une force, Ulysse ? Le Phoenix renaît de ses cendres et s’envole - il ne se soucie pas du passé, ne s’encombre pas de faiblesses.
Fatalité, c'était une affirmation parce qu'il en savait quelque chose, Drew. Lui qui était tourmenté par les pires démons. Lui qui côtoyait les voix depuis longtemps. Et il s'éloigne. Repousse sa main, repousse ses avances. Mais Ulysse n'est pas vexée, au contraire elle le remercie intérieurement d'avoir lui-même coupé les ponts. Parce qu'elle, elle n'aurait jamais eu la force de le faire. Elle était faible Ulysse.
On ne peut pas lutter contre l’esprit, Ulysse. Mais on peut le contrôler. J'y arrivais.
Sa main se serre, elle se retourne pour lui faire face mais baisse aussitôt les yeux pour observer ses pieds nues. Quel triste destin. Parce qu'elle y arrivait. Elle était forte, puissante. Elle avait tout ranger, elle savait frapper là où ça fait mal. Elle savait Ulysse parce qu'elle avait tout garder en elle. Tout ses souvenirs, toutes ses émotions, ses démons. Enfermés dans une boite, comme pandore. Mais ça c'était...
...Avant.
Résignée, elle s'approche de lui, de ce corps livide étendu dans son propre lit. Comment pouvait-il être si à l'aise. Comme si il connaissait l'endroit par cœur, elle ne l'avait pourtant jamais invité. Et elle se plante à ses pieds. Colle ses genoux aux siens parce qu'elle est avide de contact Ulysse. Avide du contact qui l'a sauvé une première fois et qui – elle en est sûre – arrivera à la sauver encore une fois.
Ulysse est terrible parce qu'elle a toujours tendance à trop idéaliser les hommes de sa vie. Toujours mis sur un piédestal quand elle se cantonne à l'ombre terrifiante du gouffre qui la sépare de tous ces hommes. Ulysse est seule, elle la toujours été. Mais depuis qu'elle entend les voix dans sa tête, elle a l'impression de l'être encore plus. Parce qu'elle est seule face à ses démons. Alors elle s'accroche là où elle peut. Que ce soit auprès de Sarah, de Joach et même de Drew. Parce que toute seule Ulysse n'est rien. Parce qu'elle n'est plus rien sans son esprit Ulysse.
Et il parle et Ulysse glisse son regard vers lui. Sur ce visage à moitié mort, comme endormi dans le linceul qu'il s'évertue à prendre toujours avec lui.
Pourquoi ne pas prendre ça comme une force, Ulysse ? Le Phoenix renaît de ses cendres et s’envole - il ne se soucie pas du passé, ne s’encombre pas de faiblesses.
Un rictus nait aux creux de ses lèvres, et elle penche la tête en arrière pour rigoler. C'est si amusant. Si ironique de sa part. Lui l'homme accroché à sa tombe. Ulysse baisse son visage vers lui puis se glisse à côté de lui pour s'allonger à ses côtés toujours ce petit sourire sur ses lèvres abimées. Elle regarde le plafond.
Parce que je n'ai rien d'un phoenix. Je suis accroché au sol, à la réalité. Je ne suis pas une chimère utopiste Drew.
Je ne suis pas ta chimère. Et elle détourne le regard vers lui. Observe la courbe de son nez, les monts de ses lèvres fines. Ulysse soupire, et elle l'observe vraiment au plus profond, car elle veut comprendre elle aussi – comme il marche, Drew.
Je suis moi, Ulysse. Arrête de mettre tout tes espoirs en moi parce que je vais te décevoir par ma normalité.
Et elle déglutit. S'approche pour poser sa joue sur son épaule. Un nouveau geste tendre parce qu'elle en a besoin. Elle a besoin de ce contact même si il risque encore de s'enfuir, de s'éloigner. Encore et toujours. Il lui file entre les doigts, comme son esprit. Comme sa raison. Et elle murmure inlassablement les mêmes paroles. Celles qui reviennent toujours torturer ses lèvres.
Pourquoi tu es là. Pourquoi tu es toujours là pour moi Drew ?
Contact. Leurs genoux se frôlèrent, se blottirent les uns contre les autres. Et le regard de l’homme glissa sur la jeune fille, s’étant résigné à ouvrir les yeux pour les promener sur elle. Sur son corps. Sans gène, sans interdit. Son regard épousait les formes de la jeune fille tandis qu’elle lui faisait face, à la fois forte et secouée. Elle perdait pied, Ulysse. Et comme chaque fois qu’elle perdait pied, il était là pour la voir tomber. Parfois spectateur, il s’improvisait d’autres fois acteur, même lorsqu’il ne le voulait pas. il fallait l’avouer: aider Ulysse lui échappait. Comme cette fois, alors qu’il l’avait emmenée loin d’Heath. Il était le vautour qui, au lieu de venir manger la chaire qui lui faisait envie, venait la prendre en protection sous son aile.
- Je n'ai rien d'un phoenix. Je suis accroché au sol, à la réalité. Je ne suis pas une chimère utopiste Drew.
Des paroles réalistes, terre à terre - elle ne devenait pas complètement folle. Heureusement, ce serait bien vite s’avouer vaincue. La jeune femme se glissa à ses côtés, reprenant contrôle de son territoire malgré que le loup l’ait fait sien. Si facile. Ulysse ne semblait pas le craindre autant que les autres, du moins, combattait cette crainte. Et ça avait le don de le fasciner.
Et ce fut la claque.
- Arrête de mettre tout tes espoirs en moi parce que je vais te décevoir par ma normalité.
Comme un coup de pied défonçant une porte. Drew la croyait à l’abris, cette porte, et Ulysse venait de la défoncer avec une facilité déconcertante.
.. Etait-il si simple de lire en lui ? Non. Il était de marbre, et son regard abyssal; nul ne pouvait lire en lui. Mais ses actes le trahissaient. La poupée venait de parler avec justesse au marionnettiste, et ce dernier tourna la tête face à lui, la quittant des yeux pour reporter son regard au plafond, en silence, ne laissant, comme toujours, rien transparaître. Et la douce Ulysse vint de nouveau chercher réconfort auprès de lui. Sur son épaule, contre son corps de colosse au coeur d’argile. Il la laissa faire, encore une fois sans trop savoir pourquoi. Bien-sûr, il crachait rarement sur le contact d’une femme - il ne savait rien leur refuser. Et pourtant, dès qu’Ulysse avait touché sa ceinture, il lui avait échappé. Insaisissable ?
- Pourquoi tu es là. Pourquoi tu es toujours là pour moi Drew ?
Il laissa l’instant durer, prenant en considération sa question. Réfléchissant à sa réponse. Son regard se déplaçait doucement sur le plafond, tandis qu’il tentait une énième introspection. Et comme à chaque fois, des tas de choses lui venaient en tête, toutes aussi contradictoires les unes que les autres. Et c’est parce-que son esprit était sans arrêt dans ce chaos total que Drew parlait peu mais parlait bien. Il prenait le temps de penser, le temps de répondre, de choisir ses mots. Souvent bref, il n’affectionnait pas les grands discours - il avait peur de s’y perdre en cours de route. Ses mots étaient brefs, nets, précis, et choisis.
- Parce-que tu m’apaise. Lâcha le non-mort d’un souffle, conclusion de son introspection.
Il roula alors sur le côté pour lui faire face, prenant appui sur son coude, son visage dans sa main. Allongé sur le flanc, il laissa courir son regard sur elle. Puis son doigt, en douceur, qui vint glisser sur sa mâchoire, son cou, pour terminer sa route en s’entortillant délicatement dans sa bretelle, sur son épaule. Il l’avait suivi des yeux, silencieux, le visage toujours aussi fermé. Brut.
- Parce-qu’avec toi, je n’ai pas l’impression de devoir me battre chaque seconde. Je ne me sens pas vulnérable. En danger. ... Pas comme avec elle.
Il cilla, lâchant sa bretelle pour retomber sur le dos, soupirant.
Sa poitrine se soulève. Ulysse ne s'attendait pas à une réponse aussi honnête. En même temps comment pouvait-elle envisager autre chose ? Drew n'a t'il pas toujours été d'une profonde honnêteté avec elle ? Même dans ses plus sombres desseins il lui a toujours dit la vérité. C'était peut-être aussi pour ça qu'elle avait autant d'affection pour lui. Parce que même si elle ne se rappelle de rien elle a toujours la désagréable impression d'avoir été trompée, Ulysse. Un frisson lui parcoure l'échine tandis qu'il dessine de ses doigts l'angle anguleux de sa mâchoire pour terminer sa course vers son épaule. Il est doux Drew. Tendre. C'est à ce genre de petits détails qu'Ulysse s'accroche. Ce sont ces petits instants qu'elle chérie. C'est aussi pour ça qu'elle n'a pas peur de Drew. Parce qu'elle est certaine qu'au fond de lui c'est quelqu'un de bien. Parce qu'il a juste été abimé par la vie – comme elle, comme beaucoup de gens.
Parce-qu’avec toi, je n’ai pas l’impression de devoir me battre chaque seconde. Je ne me sens pas vulnérable. En danger. ... Pas comme avec elle.
Elle retient son souffle, se mordille la lèvre. Elle c'est Sarah. Elle le rend donc vulnérable ? C'était plutôt aisé à remarquer en effet. Mais Ulysse n'a pas beaucoup la tête à ça. En réalité elle a plutôt la tête ailleurs. La tête dans le brouillard. Il se recule et aussitôt sa chaleur lui manque. Parce qu'elle a de nouveau l'impression de voguer au large Ulysse. Alors elle se rapproche un peu mais se ravise aussitôt.
Et pourtant, peut-être que je le devrais.
Son cœur rate un battement, pourquoi ?
Pourquoi Drew ?
Ses yeux le quitte, pour se glisser sur le plafond. Sa main serre sa jupe. Elle est déçue parce qu'encore une fois il s'échappe, il ne va pas au fond des choses. Et ça la rendrait presque triste Ulysse de voir qu'il est toujours tourmenté, que même quand il est avec elle dans son lit et qu'il n'y a aucune menace il n'est pas aussi apaisé qu'il aimerait le faire croire. Et elle gonfle un peu les joues Ulysse.
Pourquoi tu le devrais peut-être ? Cesse dont d'être toujours sur le qui vive près à bondir.
Et elle fronce les sourcils, lassée.
Tu veux pas être toi pour une fois ? Juste toi.
Ce soir, il y a juste elle et lui. Personne d'autre n'est là. Sarah est chez ses anciennes collocs et Mo s chez Jim. Il n'y a qu'eux. Et pourtant, ils n'ont pas l'air en sécurité. Parce qu'il y a toujours une ombre qui plane sur eux, même quand ils sont seuls, il y a toujours quelqu'un avec eux. Comme un fantôme. Un fantôme de haine, et de tristesse. Nouveau frisson et Ulysse a froid. Elle le sent ce fantôme, et elle le sent bien plus quand elle est avec Drew et quand elle est toute seule. Et les voix reprennent de plus belle dès que le silence s'impose, et elle repense aux mots d'Heath : on est comme frère et sœur. Si c'était le cas pourquoi est-ce qu'elle ne ressent rien quand elle le voit ? Du moins rien de rassurant, rien de doux ? Pourquoi est-ce qu'elle se sent en colère dès qu'elle le voit ? Est-ce que son affection est aussi partie avec ses souvenirs ? Tellement de questions lui bousculent l'esprit et elle en a marre Ulysse. Alors elle joue avec le feu, elle joue avec le démon et elle roule sur le ventre prend appuie sur ses coudes pour jouer avec ses mains. Elle les observe longuement, les torture un peu - tout comme ses lèvres, encore et toujours. Elle soupire puis relève le visage vers lui. Déterminée, un peu téméraire aussi.
Montre moi qui tu es vraiment Drew.
Elle a peut-être trop confiance en elle, trop confiance en lui. Parce qu'à force d'être sauvée par le démon elle en a oublié sa forme primaire. Elle a oublié que lui aussi pouvait être à l'origine de ses malheurs. Qu'il pouvait – lui aussi – en un rien de temps la faire chuter.
Mais elle a oublié tout ça Ulysse. Tout comme elle a oublié Heath et son amour pour lui.
hrp : #ff6699
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Sujet: Re: Enjoy the silence
Enjoy the silence
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Sujet: Enjoy the silence 
Dim 6 Avr 2014 - 22:23
