sassy bitches

La conversation s'interrompt, les regards se tournent vers une silhouette qui s’avancent dans le couloir. On chuchote, on murmure, on ricane, plus ou moins discrètement. Malgré ça le centre des attentions ne cille pas, à aucun moment. Et puis il s’éloigne et la routine reprend son cour. Juste Mike qui passe.
Ça avait clashé sec ce midi.


Oui. Non. Tellement pas. Le suédois avait joué le mec désintéressé, fair play, il avait lu les rumeurs en allant au self, puis les réponses. Ses amis s’étaient marré, et il avait forcé cette colère sourde à se taire, il l’avait vaguement dissimulée sous un éclat de rire. La rumeur sur la partie de jambes en l’air de Chainlos et Summers était plutôt drôle. Shu a toujours le chic pour réaliser un drama avec très peu de matière. Mais le pire c’était les réponses. Sac à foutre. Nympho. Pute. Ponctuées de menaces.

Lorsqu’il était passé dans le couloir, après les cours, Mike n’avait rien montré. Mais Mo’ se souvient bien. Ces soirées, avant qu’il n’arrive à Prism, avant qu’il ne le rencontre pour de vrai. Mike au téléphone, dans des états pas possible, à bout à cause des brimades, la tête pleine d’idées noires. Ça a beau être des mots, rien que des petits mots, ça suffit à nourrir les doutes, à annihiler la confiance en soi déjà bancale. Et lorsqu’ils étaient finalement tous les deux, à Prism, Morgan lui répétait que tout ça, c’était fini. Qu’ici, ça ne pouvait que bien se passer. Il était temps d’être soi même. Et voilà le résulta.

Alors quoi ? Qu’est-ce qu’il pouvait faire ? Intervenir, arriver sur sa superbe monture et jouer au super héro ? Mike était passé, et il avait fermé sa gueule. Il aurait dû l’interpeller, l’obliger à le regarder, lui demander si ça va.
On est des ex en froid et on se supporte plus mais sinon ça va ?
Ridicule.

Là tout de suite il était ridicule également, planté devant la porte du cabanon numéro 1 depuis 10 bonnes secondes désormais. Mais c’était ça ou déverser sa rage sur les responsables. Aller voir tous ceux qui avaient pu blesser Mike avec leurs insultes puériles, tous ceux qui se mêlent d’autre chose que leur putain de vie minable. Il serre les poings, la rage pulsant au bout de ses doigts. Et finalement il toque à la porte, avant de ranger ses mains dans les poches de son jean, sur les nerfs. Tant pis si c’est pour se faire virer à coup de pieds au cul, il sait qu’il n’a rien à faire ici. Enfin, si Mike l’envoie chier, c’est qu’il ne va pas si mal.

Codage fait par ©PAINDORE sur APPLE SPRING

CRYING WITH RAGE

Il s’attendait plutôt à une gifle, quelque chose dans ce registre. Il a à peine le temps d'apercevoir la mine blafarde de Mike qu’il sent quelque chose s’appuyer contre lui. Il baisse les yeux, le regard rivé sur sa tignasse couleur hiver, ses cheveux en bataille qui chatouillent un peu son cou. La colère se fait plus aiguë encore, pesante, elle stagne au niveau de sa gorge et l’étouffe. Les gens pointent du doigt Mike le casanova, Mike la grande gueule, Mike qui couche avec un de ses potes au milieu des pots de peinture de la salle d’Arts Plastiques. Mais personne ne s’occupe de Mike aux yeux rouges, Mike aux traits tirés, Mike qui s’enferme de sa chambre pour faire taire son chagrin. Tout le monde a l’air de s’en foutre. Et Morgan crève de rage. Personne ne le connaît vraiment, personne ne le connait aussi bien que lui. Il n’a plus envie de cogner ceux qui l’ont fait pleurer. Il a envie de s’en prendre à ceux qui ne sont pas là pour sécher ces larmes.

Il pousse un long soupir, passe ses doigts dans les cheveux désordonné de Mike, son autre main posée sur la nuque du jeune homme. Ils restent un moment comme ça, et Morgan n’ose trop rien dire pendant ces secondes qui lui semblent s’étirer. Et finalement, il s’éloigne à peine, oblige Mike à s’écarter un peu. Des élèves passent et les voient. Ça va se savoir. Morgan est passé au cabanon de son ex pour le réconforter. Et bientôt on lirait la rumeur cinglante de Shu la conasse trop curieuse. Tant pis. Qu’ils aillent se faire mettre.
L’air contrarié, Morgan saisit doucement la couverture qui entoure Mike pour la replace correctement sur ses épaules, avant de lui sourire comme il peut.

- Viens, on va pas passer l’aprèm’ dehors sur le perron.

Il s’invite, sans gêne, il entraîne Mike à l’intérieur et pousse la porte qui claque à peine. Ça fait un bail qu’il n’est pas venu. Ça fait bizarre. Et pourtant cet endroit, cette chambre, il la connait depuis des années. Sur l’écran d’abord quand ils passaient des heures à discuter de tout et de rien en call. Pour de vrai lorsqu’il est arrivé ici, le premier jour. Et il se souvient qu’avant, sur le mur au dessus du lit, il y avait des dizaines et des dizaines de photos. Il serre les dents, mal à l’aise, et reporte son attention sur Mike plutôt que sur les murs trop blancs et vides.

- … Comment tu te sens ?

Codage fait par ©PAINDORE sur APPLE SPRING

CRYING WITH RAGE

Morgan reste un moment sans trop savoir où se mettre. Il a beau s’être senti chez lui dans cette chambre autrefois, aujourd’hui c’est comme si c’était sa première visite. Mike met un peu de chauffage avant de retourner sur son lit. Maintenant qu’il y pense, c’est vrai qu’il fait plutôt froid dans la pièce. Lorsque Mo’ pousse un soupir, il croit presque pouvoir voir son souffle se condenser en vapeur. La voix de Mike brise tout à coup l’atmosphère glaciale de la pièce. - Vide. Tellement.

À quoi est-ce qu’il s’attendait ? Morgan, assez stupide pour s’attendre à entendre un “ça va pas trop mal et toi”. Il se souvient encore il y a quelques mois, lorsque la séparation était plutôt récente, toujours d’actu. Malgré ça, Mike tenait le coup. Il était même plutôt en forme. Morgan et lui passait leur temps se lancer des piques, et Mike donnait l’impression de toujours garder la tête haute. Il faisait le fier. Et désormais il était là, emmitouflé dans sa couverture après une bonne crise de larmes.

J'ai dormi un moment.
- T’aurais dû me dire, j’t’aurai laissé te reposer.
Hésitant, il fait quelques pas pour laisser son sac au pied du sofa qui se trouvait en face du lit et il s’y assoit en tailleur.

Morgan, j'ai l'impression que plus je passe de temps ici et plus je me détruis.

Silence gêné. Morgan cherche un moment pourquoi Mike lui sortait ça tout à coup. Pourquoi maintenant, pourquoi à lui. Sûrement parce que c’est le seul interlocuteur dans les parages. Il baisse les yeux, ne peut pas s’empêcher de tirer nerveusement les manches de son sweat.

- Je passais pour venir te dire un truc que je te répétais souvent avant.
Il esquisse un sourire en coin, sans oser relever la tête pour dévisager Mike.
- J’ai lu les rumeurs aujourd’hui. J’m’en cogne que ça soit vrai ou pas. Le seul truc qui m’a dérangé c’est les réponses. Et en les lisant je me suis dis qu’il fallait que je passe te voir. Pour te dire que ces gens se trompent à ton sujet. Parce que bon j’sais pas si t’as trouvé quelqu’un pour te rappeler ce genre de choses.

Il sait tait à nouveau, les sourcils légèrement froncé. Il se sent stupide, et il a l’impression de dire des choses aussi stupides que lui.  Au moins, il le pense. Mais ça suffira pas. Rappeler à quelqu’un qu’on est le seul à bien le connaître c’est pas suffisant.

- … Tu veux parler ? Me dire ce qui va pas ?

Codage fait par ©PAINDORE sur APPLE SPRING

CRYING WITH RAGE

Pause alors que le garçon aux cheveux couleur hiver répond à sa question rhétorique. Morgan pousse un soupir. Bien sûr que si, c’est évident. Il est passé où le Mike d’avant ? Mike à la grande gueule, la teigne qui répond toujours aux imbéciles pour les remettre à leur place. Celui qui encaissait tous les coups parce que ça le rendait plus fort. Aujourd’hui il est à terre. Morgan le dévisage quelques secondes avant de regarder ailleurs. Est-ce qu’il est responsable de son état ? Il doit l’être quand même un peu. Il a laissé les choses empirer sans réagir, à l'abri comme il faut dans sa petite routine bienheureuse.

- Ouais c’est c’que j’me disais. Si ça t’avait pas blessé tu m’aurais foutu à la porte depuis un moment déjà. De base tu m’aurais même pas laissé entrer.

Haha très drôle, Morgan le bouffon de service. Il esquisse un sourire malgré tout. C’est vrai qu’au départ il s’attendait à un regard entendu et à une porte qu’on lui aurait claqué à la gueule la seconde d’après. Et pas à être inviter ici à tenter de remonter le moral de manière plutôt pathétique à un mec en pleine crise de confiance en soi.

- ‘Tain mais regarde toi, dans quel état tu te mets…

Il lève les yeux au ciel, même si il sait que l’exaspération qui lui monte n’a rien à voir avec la mine qu’arbore Mike là tout de suite. C’est juste que plus il le fixe, plus il pense à ces mots et ces insultes ridicules qu’on a pu lui sortir. C’était pas cool. D’habitude Morgan cautionne les rumeurs de Shu, parce que ça donne de bonnes leçons aux boulets, ça permet de rigoler un bon coup et charrier ceux qui sont pris pour cible. Mais là c’était de la méchanceté gratuite. La frustration et les regrets que les gens expriment comme ils peuvent sans se soucier de l’impact qu’ils pourraient avoir.

- Tu t’en fous Mike, arrête de bouder dans ton coin. Ça sert à rien.
Morgan tend le bras pour il ébouriffer ses cheveux déjà en vrac.
- Ils ragent parce que tu t’es tapé Summers. Summers quoi. Il étouffe alors un rire moqueur, hausse un sourcil, l’air narquois. Tu t’es mis les groupies et les rageux à dos, c’est pas grand chose.

Codage fait par ©PAINDORE sur APPLE SPRING

. . .

« Summers est gentil... Il est cool même. Mais bon, maintenant qu'il est retourné avec l'autre brute. » Morgan reste silencieux, décidé à ne pas exprimer son avis sur la question pour éviter de sortir des remarques blessantes. Parce que Summers a beau être gentil et cool, aujourd’hui il n’est pas là. Il s’est bien amusé avec Mike mais maintenant qu’il est retourné avec l’autre brute il en a plus rien à foutre. Mo’ se retient de répliquer “bien sûr qu’il s’est barré avec l’autre tout ce qu’il voulait c’était te baiser un coup pour te lâcher après” parce qu’il est pas venu pour l’enfoncer encore plus.

« J'ai arrêté de traîner un peu partout. » Soupir. Le blond sait très bien ce que ça signifie et ça ne servirait à rien de relever, il n’a pas son mot à dire. Mike fait bien ce qu’il veut avec qui il veut, c’est plus son problème.

Enfin, ça c’est ce que Morgan tente de se convaincre. Si il s’en cognait il ne serait pas passé prendre les nouvelles. Mais il est comme ça, il ne peut pas s’empêcher de s’en vouloir, alors il tente toujours de ramasser les pots cassés, même quand il est complètement en dehors de l’histoire.

Il fixait un point droit devant lui, un peu pensif, et finit par reporter son regard sur Mike qui s’était allongé, emmitouflé sous la couette. Et d’un coté il lui en veut, car ils sont tous les deux responsables et même si c’est Morgan qui a tout déclenché, ça aurait pu se passer autrement. Il ne peut pas s’empêcher de se demander la nature de ce qu’il ressent quand il le voit. Il reste de l’affection, énormément d’affection, ternie par le regret et la pitié. Il a senti la haine poindre pendant un moment, parce que désormais il est heureux avec Jim et il n’arrivait pas à faire sortir Mike de sa vie. Mike qui revenait sans cesse avec cette colère exaspérante et ces envies d’en découdre.

« Tu pourrais pas me trouver quelqu'un de bien ? Tu connais tellement de personnes. »

Mais lorsqu’il le voit dans cet état, impossible de sentir la moindre aversion, impossible de lui en vouloir. Morgan esquisse un sourire presque amusé, dans lequel un perçoit un éclat de rire un peu ironique qu’il se force à taire. « J’croyais être quelqu’un de bien et au final je t’ai brisé le cœur. » Ses épaules se haussent, alors qu’il inspire doucement, et il adresse un regard désolé à Mike. « Donc.. je pense pas être celui qui pourrait te donner des conseils et te trouver la personne idéale. »

Codage fait par ©PAINDORE sur APPLE SPRING

MEMORIES

Tu l'étais. Sous entendu que tu ne l’es plus. Il baisse les yeux. C’est comme ça. On fait un bout de chemin ensemble et puis lorsqu’on n’arrive plus à avancer, lorsqu’on boitille un peu, ou lorsqu’on stagne, on décide de partir chacun de son coté. C’est triste mais c’est comme ça. Alors ils restent un moment sans rien se dire, ces deux êtres autrefois fusionnels qu’une passion a déchiré. Ils ne sont plus sur la même longueur d’onde et peinent à communiquer, à capter les signaux de l’autre. Le silence se prolonge, et c’est un froissement de tissus qui le sort finalement de ses pensées, qui le sauve in extremis de cette mélancolie qui menaçait de l’envahir.

Morgan se redresse faiblement alors qu’il voit Mike lui confier une boîte qu’il cachait sous son lit. Il regarde l’objet puis le jeune homme, un peu désemparé car ce dernier se cache sous la couette sans lever les yeux vers lui. Ses doigts tapotent le couvercle, hésitant, avant de le soulever, d’ouvrir la boîte de Pandore, parce qu’après toutes les emmerdes qui ont pu se produire, ils n’ont plus rien à craindre. Et peut-être que comme le mythe, on trouvera quelques fragments d’espoir au fond du coffret.

Mais non, rien de tout ça. À la place il y a des petits carrés cartonnés, du papier glacé, sur lequel on discerne des sourires et des visages heureux. Il y a ces objets qui ont coûté si peu mais qui valent tant aujourd’hui. Ils sont bien là. Ses dents mordillent sa lèvre inférieure un peu plus fort alors qu’il craque, et son cœur se serre, et sa vue se trouble, mais il se dépêche de passer le revers de sa manche sur ces yeux qui s’embuaient trop vite, pour pouvoir prendre le temps de lire chaque lettre, d’admirer chaque photo, chaque souvenir. Il finit par sourire, Morgan, un sourire un peu bancal mais un sourire si lumineux.

“T’as tout gardé…”

Il pensait être le seul à chérir ces moments, il en était persuadé à force de voir de la haine et de la colère dans les iris de Mike lorsqu’il le croisait, il avait peur de tout oublier à force. Les premières photos, eux deux d’abord au tout début, entourés d’amis au fur et à mesure que le temps passe et que les rencontres se font. Les grandes occasions, les petits évènements, et même ces moments banals de la vie de tous les jours. Tout est là.

« J'ai pas su comment faire dans un couple. » Il délaisse un instant ces morceaux de souvenir et reporte son attention sur Mike, un peu surpris de l’entendre reprendre la parole. « Parce que j'étais occupé ailleurs mais la seule chose que je voulais c'est être avec toi.  C'est tout, à chaque instant, en journée, je voulais ne pas faire attention à toutes ces personnes autour de moi. » Touché. Son sourire s’estompe. « Mais tu vois ce que les personnes disent sur moi… Alors je voulais pas que t'endure ça. » Il sent sa colère envers ces personnes poindre. C’est de leur faute, tout ça c’est leur faute, depuis le début. Morgan baisse les yeux, tente de faire taire cet énervement. Il doit se dire qu’il a eu beau répéter à Mike qu’il serait là et qu’il n’avait pas à s’en faire, il n’a jamais été assez convaincant pour qu’il lui fasse confiance pour de bon. Au final il n’a pas été patient, il a fait un caprice et ils ont atteint un point de non-retour. « Mais j'ai pas su comment être avec toi parce que je suis qu'un sale gosse à qui on a tout fait, à qui on donnait tout déjà tout fait dans la bouche. J'ai pas envie que tu me pardonnes. » Et Morgan se trouve détestable tout à coup, car il a ruminé pendant des mois ces excuses qu’il a attendu et qu’il n’a jamais entendues. Aujourd’hui elles sont là mais elles lui paraissent tellement futiles, et il se trouve si égoïste que ça lui fait mal.

« Je ne te déteste pas... »

Cette réplique l’achève, il a l’impression de se prendre un coup qui le sonne et manque de l’assommer. Jusqu’à cet instant il ignorait à quel point cette situation le rendait triste. On ne s’en rend pas compte parfois, parce que c’est… comment dire ? On baigne dedans.

“J’ai juste essayé de rejeter la faute sur toi et le pire c’est que tu m’as cru.”

Il avait les yeux rivés sur la première lettre qu’il avait envoyé à Mike, et il voyait son écriture se dédoubler, se détripler. Il n’était qu’un idiot qui réagissait beaucoup trop tard. Ça le fait sourire, parce que c’est pathétique.

“J’ai essayé de te faire croire que c’était de ta faute mais t’y es pour rien. Je t’ai dis que t’étais un égoïste obsédé par son image, un gamin pourri gâté, un hypocrite, un lâche, mais t’es rien de tout ça. J’ai dis tout ça parce que j’étais surtout en colère contre moi même. Et j’m’en excuse.”

Et Mike n’est ni un sale gosse, ni une pute, et il continue de croire tous ces gens qui l’insultent parce que Morgan l’a fait plonger, parce que Morgan s’est comporté comme le plus gros connard égocentrique et irresponsable au monde.

“J’ai vraiment déconné, j’suis désolé…”

Il secoue la tête, dépassé par sa bêtise, écœuré par ce qu'il est devenu. Mike ne le déteste pas mais il devrait.

Codage fait par ©PAINDORE sur APPLE SPRING

MEMORIES

Il avait reposé tous ces souvenirs au fond de leur boîte un peu précipitamment, comme si les carrés de papier glacé allaient finir par lui brûler les doigts, et il se hâte, passe vite le revers de son sweat sur ses yeux pour faire disparaître cette cécité pathétique. Ses épaules s’affaissent alors qu’il pousse un long soupir, crispé tout à coup. Il s’est excusé et il ne se sent pas mieux. Alors quoi ? Ça y est, c’est le moment de laisser tomber ? Il pense à se lever, reprendre son sac et partir, il est sur le point de le faire, jusqu’à ce qu’il sente une légère pression contre son dos avant de baisser les yeux vers les bras qui l’entravent doucement.

« Ne prend pas tout sur toi, on a tout les deux fait les cons. » Un sourire un peu ironique s’esquisse sur ses lèvres rien qu’une seconde, alors qu’il pèse rapidement le pour et le contre. Il suffirait de comparer la part de responsabilité de chacun et Mike verrait qui a fait le con. Si seulement il y songeait, son étreinte de déferait aussitôt. Pourtant Morgan sent les bras de Mike l’entourer un peu plus fort. « Je me suis toujours cachés mes sentiments pour toi après ce qui s'était passés. J'étais en colère, triste et la haine a recouvert tout ce que j'avais de positif pour toi. » Et c’est vrai, cette haine avait si parfaitement recouvert tout ce que Mike lui avouait là tout de suite que Morgan a du mal à croire ce qu’il entend. « Je savais que Jim t'aimait, je le voyais très bien quand tu le croisais. Et j'ai toujours été jaloux parce que je savais qu'il pouvait t'offrir tout ce que je ne pouvais pas. Parce que lui il est respecté. »

L’étreinte se rompt finalement, et il reste silencieux encore un moment. Il avait senti son cœur se serrer, se contracter tout à coup, tirant brusquement sur les liens qui le tenait bien à sa place au centre de sa poitrine lorsqu’il avait entendu Mike prononcer le nom de Jim et lui dire qu’il avait anticipé la suite des événements bien avant lui. Le rouge lui monte aux joues. Morgan est juste aveugle, complètement borné, il ne voit rien et surtout pas ce qui se passe sous son nez. Et il sourirait presque parce Mike a raison sur un point : Jim le comble, Jim lui offre tellement, il remplit tout ce vide qui lui pesait, efface toutes les incertitudes qui le rongeaient; il est devenu le centre de son univers. Avec lui plus rien n’a d’importance, tout le reste passe au second plan.

Mike a beau en douter, ça avait été la même chose pour eux deux, il n’avait besoin de rien d’autre que lui, et il aurait voulu que le monde entier le sache. Sauf qu’à force, le doute, le manque de confiance en soi, de communication ont fini par entamer les sentiments positifs et rendre bancale leur relation, et il a suffit d’une légère bourrasque pour tout renverser. Ils auraient pu reconstruire, s’y mettre à deux, se remettre ensemble, mais ils n’en ont même pas fait l’effort.

“J’étais heureux avec toi, pourtant.”

Les regrets se dilue dans un soupir et Morgan qui avait gardé la tête basse jusque là fini par se redresser pour se tourner légèrement vers Mike, derrière lui, qui lui faisait dos désormais. Son silence est lourd après cette minuscule réponse que Morgan avait osé formuler. Il lui avait avoué qu’il était comblé, que Mike n’avait aucune raison d’être jaloux, puisqu’il l’aimait et que c’était tout ce qui aurait dû compter. Doucement, il vient à ses cotés, en tailleur, toujours légèrement en retrait. Son menton vient s’appuyer sur l’épaule du jeune homme aux cheveux d’hiver et il reporte son regard sur les photos qu’il tenait dans ses mains qui lui semblaient fébriles. Alors il les désigne d'un signe de tête, ces photos.

“Ça se voit, non ?”

C’est plus que flagrant oui. Tous ces sourires, ça montre bien qu’ils étaient heureux. Ça lui semble si évident qu’il en rit.

Codage fait par ©PAINDORE sur APPLE SPRING

BE HAPPY

Mike s’éloigne, refuse de le laisser approcher. Et même si le doute s’empare de lui, Morgan ne cille pas, soutient son regard lorsqu’il se place en face de lui.

« Et j'aurais voulu te rendre encore plus heureux mais on m'a volé ce plaisir. Mais bon, je pense que ce que je veux seulement c'est que tu sois, toi, heureux. Alors profite bien... »

Une irrésistible envie de s’excuser s’empare à nouveau de lui lorsqu’il entend Mike. Il se sent égoïste, si égoïste tout à coup, de profiter justement. « Il faut maintenant que je trouve quelqu'un qui voudra bien remplir tout ça avec moi. » Regard en direction de ce mur toujours aussi vide. À quoi est-ce qu’il s’attendait ? À y voir tous leurs souvenirs punaisés à nouveau ?
« Mais c'est dur, quand on a connu quelqu'un comme toi Morgan. »

Il reste silencieux, encore un peu ; essayant de comprendre, il le dévisage un moment. C’est dur quand on a connu quelqu’un comme lui ? C’était un reproche ? Qu’est-ce qui est difficile ? Se défaire de la souffrance que Morgan lui a fait endurer, ou du bonheur qu’il a pu lui apporter ?

Il ne peut plus, il n’est plus capable de plonger son regard dans le sien. Il flanche finalement, baisse les yeux vers les photos qu’il distingue à peine.

« Laisse moi en garder quelques unes... » Au cas où l’envie de jeter tous ces sourires sur papier glacé te prendrait, car j'ai peur d'oublier.

Morgan se dit alors que c’est ce que Mike devrait faire. Il faudrait qu’il l’efface de sa vie, complètement. Qu’il ne lui évoque ni mélancolie, ni souvenirs cuisants. Il faudrait faire table rase. Rien que d’évoquer l’idée de jouer les parfaits inconnus l’angoisse tout à coup. Il ne sait pas trop ce qu’il espérait ces dernières semaines. Une trêve, la paix, n’importe quoi. Il espérait pouvoir regarder Mike dans les yeux sans y voir le gouffre qu’il avait pu y creuser, sans ressentir cette culpabilité agaçante. Il rêvait de pouvoir parler avec lui comme avant, se rappeler des bons moments, oublier les mauvais, envisager le meilleur. L’utopie de la rupture réussie, de la déchirure qui guérit finalement.
Mais c'est un peu tard.

« Et débarrasse toi du reste. Brûle tout. » Tu peux faire comme si tu ne m’avais jamais connu, les choses te paraîtrons plus faciles, peut-être. Du moment que tu es heureux.