Guilty souls • Law'

Seth n’avait cessé d’y songer. Jour et nuit. Il revoyait cette scène en boucle. Ce baiser avec Charlie, aussi bref qu’intense. Puis la peur dans ses prunelles accompagnée par le reflet du plafonnier dans ses yeux humides. Et à chaque fois, c’était comme une vague de colère qui le submergeait. Qui rendait sa vision floue. Qui le faisait trembler. Qui lui donnait envie de sentir la douleur galoper entre ses phalanges martyrisées. Il avait envie de mettre quelqu’un en pièce. Il avait envie que quelqu’un le mette en pièce. Que le corps prenne le pas sur l’esprit. La course ne suffisait pas à lui faire oublier. Comme un camé qui s’est habitué à sa drogue, il a besoin de quelque chose de plus fort. De carrément plus puissant pour neutraliser cet esprit qui veut imploser dans sa boite crânienne.

Quand le message porté par son LMS arriva, ce fut l’étincelle qui mit le feu au bidon d’essence. Incapable de s’excuser. Incapable de réparer ce qu’il a brisé. Un gamin maladroit transpercé par les morceaux de verres qu’il essaye de ramasser. Seth’ a préféré oublié. Il a préféré croire que ce n’était pas réellement arrivé puisque les seuls témoins ont été les acteurs. Des acteurs à qui cela ne rapporterait rien de divulguer cette histoire, si ce n’est provoqué davantage de remous. Enterrer les mauvaises choses. Faire disparaitre les corps. C’était le mode de fonctionnement de Seth. Brûler à vif ses souvenirs pour cautériser les blessures. Une méthode barbare mais qui avait toujours porté ses fruits. Alors quand ce morceau de papier griffonné arriva, avec ses lettres rondes et féminines, la réalité lui claqua à la figure comme un élastique qu’on a trop tendu. Comme la menace du tonnerre. Le séisme provoqué par la rencontre de deux continents. Tétanie. Puis l’ébullition. La roche entre en fusion et le magma se diffuse dans tout son organisme. Lui fait perdre la tête.

La porte du gymnase claque. Il fait nuit. Il s’y est infiltré sans trop de problème. Forcer les serrures, il connait. Les cadenas du placard renfermant les gants de boxe ne lui avaient pas davantage résistés. Un gangster. Une crapule. Un beau salopard. Les yeux brillants dans l’obscurité, fauve à la recherche de sa proie, il marche à vive allure jusqu’au bungalow qui l’intéresse. Il ne prend pas la peine de frapper et entre directement dans la chambre de Lawerance. Aucun bonsoir. Aucun mot d’excuse pour le dérangement. Juste son souffle, court et ses pupilles dilatées par la colère, injectées de sang.

«  - Bouge ton cul, Boyle. Je t’attends au stade. »

Un profond appel au secours. Il balance les gants de boxe sur le lit avant de disparaitre aussi vite qu’il est apparu. Et Seth s’enfonce dans la nuit tandis que celle-ci l’engloutit comme une mère accueille son enfant. Shadow. C’est sous ce nom qu’il est connu dans les quartiers de Londres. C’est sous ce nom que les racailles tremblent ou au contraire, explose le plafond de leur taux de testostérone. À Londres, il lui aurait suffi de rôder autour des ruelles malfamées pour trouver quelqu’un sur qui cogner. Mais ici, c’est différent. Ici, il n’y a pas de Shadow. Que Seth, le semeur de tempête. Celui qui veut simplement répondre à ses questions. Il accélère.

À cette heure tardive, c’est le seul lieu encore éclairé. Il a bandé ses mains. Il a enfilé ses gants. L’adrénaline tourbillonne dans ses muscles. Il crache par terre alors que le goût du sang envahit sa bouche. Comme si son corps savait exactement ce qu’il allait se passer. Comme s’il voulait essayer de le prévenir. De le faire se désister. Mais Seth sautille sur place, s’échauffe, scrutant l’entrée, fouillant les ténèbres à la recherche de cette tignasse rousse. Il est comme une bête enragée, poings déjà armés, prêt à lancer l’assaut. Il trépigne et son cœur se fracasse dans sa poitrine. L’esprit commence déjà à se taire, ne se faisant plus que murmure tandis que l’appel de la violence hurle dans sa tête.

Il sait que Lawerance viendra. Leur relation est muette, elle se cantonne au sport. A la sueur échangée. Pas même un mot dans les vestiaires. Simplement cette envie incommensurable d’action, de douleur, d’épuisement. Leur relation est muette mais surpasse néanmoins l’amitié. Une certaine fraternité. Un besoin mutuel d’avoir cet autre qui, à tout instant, est là pour partager la sensation grisante des muscles se réchauffant sous les ordres d’un esprit relégué au second plan, bien loin, inaccessible.

The big bad wolf is waiting.

HRP : je sais, c'était imprévu. Mais j'étais inspirée. **