10:46 pm - Bungalow n°2 - Chambre de Kéane - Taux de bordelisme : 37%
Depuis combien de temps ça durait ?
Combien de temps qu’ils se tournaient autour et échangeaient des regards plein de sous-entendus. Combien de temps qu’ils se chamaillaient pour finir par se câliner. Combien de temps qu’ils partageaient cette complicité ambiguë. Combien de temps qu’ils se cherchaient, n’attendant qu’un pas pour franchir la dernière étape de la séduction ?
Ils se sont rencontrés à une soirée improvisée, à l’orée des bois. C’était il y a à seulement deux mois et pourtant, Kéane s’en souvient à peine. L’alcool et la drogue ne lui ont épargné que des bribes, des souvenirs flous qui s’entremêlent dans un chaos sinueux. Parmi ceux-ci, il est incapable d’oublier un détail singulier : des cheveux bleus. Ceux de Levy. Ils sont présents dans la moindre image qu’il garde de cette nuit. Et pour la partie de sa mémoire la plus claire, le rouquin se rappel avoir éclaté de rire à de nombreuses reprises avec l’adolescente. Ensembles ils s’étaient amusés, grâce au dynamisme de Levy, grâce à son euphorie, son excitation. Ce genre de comportement espiègle qui envoie des étincelles et fait naître de petites flammes sur n’importe quel bois.
Alors naturellement, ils se sont revus. Au début, il ne s’agissait que de passer du bon temps ensembles, refaire quelques conneries, une partie de jeu vidéo, se lancer des défis débiles et les relever par fierté, se vanner puis se réconcilier. Par un câlin. Puis un bisou sur la joue. Finalement, Kéane s’est prit d’affection pour Levy. Elle était plus jeune que lui et cette différence d’âge faisait naître chez Austen un besoin de protéger, de couver. Le désir de cajoler aussi. Ou bien était-ce plus compliqué que ça ? A chaque nouvel après-midi ensembles, un autre pas vers l’avant. Vinrent les soirées à deux et une ambigüité évidente.
On connaît tous ce programme là. Ce chemin que prend une amitié complice avant de terminer sur des doutes, causés par l’affection et la proximité de plus en plus intimes. Lorsqu’enfin on fini par se poser les bonnes questions, celles qui sont sensées nous sortir de nos incertitudes : est-ce que j’ai des sentiments ? Est-ce que c’est de l’amour ? Qu’est-ce que je ressens et surtout, de quoi j’ai vraiment envie avec elle ?
Les yeux dans le vague, il observait l’écran de son ordinateur portable sans plus faire attention au film, lancé il y a trois quarts d’heure. Les images défilaient et créaient des nuances de lumières sur son visage songeur. En même temps, il jouait machinalement avec les doigts de Levy, qui semblait se laisser faire. Kéane détestait ça. Trop réfléchir. Trop se poser de question et avoir la tête ailleurs. D’habitude, il agissait avec spontanéité, sur le vif. Il avait ce genre de radar, de sixième sens qui lui permettait de savoir quand le bon moment était arrivé pour agir. Mais là c’était différent. Il était paumé, sans pouvoir s’expliquer pourquoi, ni comment. Il poussa un soupir et ferma fort ses yeux pour se redonner contenance, en même temps qu’il croisa ses doigts dans ceux de la miss.
Tout deux adossés au mur et assis sur le lit de Kéane, le regard vissé sur
Shutter Island, ils ne disaient rien depuis un moment. D’ordinaire, le roux aime bien faire quelques commentaires sarcastiques pour ridiculiser le héro, ou un évènement dans le film et faire rire Levy. Mais celui-là ne lui inspirait rien. C’était même tellement réfléchi comme histoire, que la moindre remarque aurait pu être contrecarrée par le plan suivant. Nul. Fait chier. Voilà qu’il commençait à s’ennuyer. Nouveau soupire, plus retenu que le premier. Son regard s’échappe sur les murs de sa chambre, les posters, son oreiller, ses draps… Il fallait qu’il fasse un truc. Ça devenait pesant pour lui. Tant pis si Levy keaffait le film, c’est pas pour autant qu’il allait se retenir de lui gâcher la fin.
Il tourna sa tête et la nicha dans le cou de la jeune fille, en poussant un grognement ennuyé et prononcé. «
Mmmmhh… » Il insista, en logeant au mieux son visage contre Levy, poussant avec son nez à la façon d’un chat jusqu’à la faire basculer sur le matelas, un sourire mutin s’étirant sur ses lèvres. Dans le même élan, il alla s’étaler sur le flanc de son amie et rit doucement contre elle, vainqueur.
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Serais-tu coincée ?Il se moqua. Il était de toute façon trop lourd pour elle. Qu’elle le soulève et s’extirpe de sa position était improbable. Il avait les commandes. Et ça le faisait rire.
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Mhf, t’es pas très confortable, beauté. Ce surnom était une marque d’affection toute particulière, même s’il provoquait parfois une certaine perplexité ; c’était encore mieux. Il penche la tête pour capter son regard.
Au fait, tu crains les chatouilles ?... Non attends.Toujours avec ce sourire désinvolte, il glissa ses doigts sous le t-shirt de Levy et effleura ses côtes, créant de minuscules frissons. Regard brillant.
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J’vais vérifier de moi-même.