[Flashback 3 ans plus tôt] Just a shadow ft. Alwine Rolfdottìr

Just a shadow [Joshua]

L'année scolaire touchait à sa fin. Dans les couloirs, les chambres, les salles de classe, c'était l'effervescence: les élèves pour la plupart ravis se réunissaient tous dans une sorte de brouhaha fait d'évocations de souvenirs, de programmes pour les vacances et de projets pour l'année à venir. Pour Alwine c'était différent.
Comme chaque années , elle se sentait prise d'une pointe de nostalgie qui s'accrochait, persistante, à un petit recoin de sa tête. Morose, elle traversait le couloir, serrant contre elle les manuels scolaires qu'elle n'avait pas encore rendu, en direction de sa chambre. Là, elle retrouva Fafnir, visiblement très occupé à mâchouiller un morceau de bœuf séché dérobé dans la réserve personnelle de sa maîtresse. Celle-ci n'ayant pas le courage de le réprimander se contenta de le rejoindre, s'affalant de tout son poids sur le lit, attrapant au passage un bout de viande dans le sachet resté sur sa commode. Allongée à plat ventre en position larvaire, elle mordit à pleine dent dans ce goûter improvisé qui lui fît beaucoup de bien. Après avoir engloutit ce qu'il restait du dit morceau, elle se laissa rouler sur le dos et se mît a fixer le plafond ( qui n'avais pourtant rien d'intéressant) plus intensément que jamais… Il fallait qu'elle se bouge. Si elle restait ici à se morfondre, elle allait finir par fusionner avec son plaid, perspective qui ne l'enthousiasmait pas vraiment.
Dans un effort incroyable, elle fît un bond hors de son lit, fourra le reste de bœuf dans son sac ainsi qu'une bouteille d'eau, son herbier incomplet et son matériel de dessin. Une main sur la poignée de la porte, elle jeta un dernier regard plein d'affection au lézard qui, repu, semblait sur le point de s'endormir. Puis elle s'engagea dans le vaste monde. Ou du moins sur le chemin qui menait à la forêt.

L'air y était plus doux et un agréable sentiment de calme y régnait. Après une dizaine de minutes, Alwine fît la découverte d'un espace presque entièrement couvert de mousse à l'ombre des feuilles opaques qui laissaient à peine passer la lumière du soleil couchant. Une brise très légère vint faire danser ses cheveux d'avoine et frémir le feuillages des arbustes ce qui produisit une musique qui, aux oreilles de l'illusionniste était la plus douce qu'il soit.  L'endroit était parfait, pourtant elle ne s'y arrêta qu'un instant avant de reprendre sa route, s'enfonçant de plus en plus profondément dans la forêt qui obscurcissait à vue d'œil, sans pour autant qu'elle ne semble s'en inquiéter. Un craquement sourd venant de derrière elle  mis soudain fin à sa quiétude, la stoppant net dans sa progression. Elle tendit l'oreille et quelques secondes s'écoulèrent puis il y eu un second craquement, puis encore un autre. Elle reconnu des bruits de pas, nombreux, réguliers, et surtout de plus en plus proches. Elle fît volte-face et se retrouva nez-à-nez avec trois élèves surement plus âgés qu'elle dont les regards disaient clairement  " Coucou, nous sommes mal intentionnés". L'un d'eux avança dans sa direction tandis qu'un sourire carnassier se dessinait sur son visage. Instinctivement la petite norvégienne recula de quelques pas.

"Alors blondinette, on s'est perdue ? On retrouve plus son chemin pour rendre visite à mère-grand ? "
Les deux autres ricanèrent.
" J'ai pas l'impression que tu saches sur quel territoire tu te trouves... Soit mignonne et fiche-moi le camps avant que je ne décide de devenir méchant. "
Le ton qu'il avait employé était passé de narquois à froid et tranchant. La situation était  inattendue mais ne déstabilisa pas Alwine qui ne comptait pas s'enfuir pour autant. Ces année la était révolues, elle n'était plus fragile et sans défense. En fait, elle ne l'avait jamais était . Peut-être ne savait-elle pas retrouver son chemin pour aller chez mère-grand mais eux allaient très vite se rendre compte qu'il ne fallait pas fâcher le grand-méchant loup. Un grognement sonore parvint du sous-bois, rapidement suivit par un second plus terrible encore. Deux énormes loups noirs sortirent de l'ombre tout crocs dehors, le poil dressé, les yeux empreints d'une férocité difficilement descriptible. Alwine pris plaisir à voir l'effrois s'emparer des  " seigneurs de ses bois" tandis que ses illusions d'un réalisme parfait s'approchaient dangereusement de ses assaillants. Ils entamèrent maladroitement une manœuvre de repli et dans la précipitation, le leader de la bande se pris les pieds dans une racine et se retrouva sur les fesses où il continua de reculer, se traînant de toutes ses forces sur le sol humide. Il était hilarant, et Alwine jubilait.
"C'est quoi ça mec ? " s'écria l'un des sbire, visiblement paniqué. " Y en a qui contrôlent des loups à Prismver, maintenant ?! "

C'est alors que le second sbire attrape une pierre sur le sol avant de la lancer sur l'une des créature... et de constater qu'elle lui passait au travers.

Alwine laissa échapper un petit " Oups" et porta son regard, à présent bien moins confiant, sur le chef de la bande, toujours à terre.
D'abord elle pu lire sur son visage l'incompréhension. Puis sa bouche qui jusqu'alors était restée grande ouverte avait finie par se refermer, ses sourcils se froncèrent à mesure que l'information approchait de la zone cérébrale, et lorsque celle-ci l'eu atteinte, il ne fût plus que fureur. Se redressant d'un bond, il fondit sur Alwine et l'attrapa par le col de sa chemise de lin.
" Alors ça, crois-moi, tu vas me le payer cher."
Les deux autres, remis de leurs émotions se mirent à rire et avancèrent jusqu'à être au même niveau que lui.
Alwine serra les points. Si elle ne pouvait pas les faire fuir par la magie, elle allait le faire par la force.

C'est alors que le garçon qui l'avait agrippée desserra brutalement son poing, affichant un rictus de rage mêlée à de la peur. Les illusions avaient pourtant disparues... la bande de malfrats disparue sans demander son reste, laissant sur place la jeune fille qui, submergée par l'émotion se laissa tomber au sol.  Une voix grave et posée résonna dans son dos.

« Tu ferais mieux de faire attention à toi, les bois sont mal fréquentés le soir, même si le soleil est toujours présent, tu n’es pas à l’abri de mauvaises rencontres au tournant d'un arbre. »

Il était sortit de nulle part, ce garçon aux cheveux ondulés avec son sac à bandoulière.
Il s'apprêtait à repartir, sans s'attarder sur Alwine qui n'y comprenais plus rien.
Était-ce lui qui avait fait fuir ses " détraqueurs " ? Mais comment ? Pourquoi ?  

" Ne part pas ! " s'écria t'elle sans réfléchir. "Tu...Je...T'es qu'un espèce de patronus ! "

Et elle sentit des larmes perler aux bord de ses grands yeux gris.

Just a shadow [Joshua]

La jeune fille se sentait parfaitement ridicule, et ce qu'elle venait de lancer à son sauveur ne fît que l'enfoncer plus profondément encore dans sa solitude.
" Mais ça ne fait aucun sens ! ", songea t'elle tandis que les larmes de plus en plus abondantes coulaient le long de ses joues devenues rouges de honte .
Le jeune homme lui faisant face sourit et lui adressa un regard teinté de compassion avant de se laisser glisser jusqu’à elle pour lui répondre d'un ton chaleureux : « Ton illusion était jolie. J’adore les loups. Si j’étais un patronus… J’aurais aimé être un loup, quoiqu’un aigle… ou un phénix… »

Alwine cacha son visage dans ses manches bien trop longues et y frotta ses yeux si fort qu'ils en devinrent irrités.
Elle détestait l'idée d'être vu dans un tel état et se sentait vulnérable.  A ce moment précis elle aurait adoré avoir le don d'invisibilité qui aurait sans doute été bien plus efficace pour dissimuler son embarra qu'un cardigan en laine trop grand pour elle...
Sans sortir de sa "cachette" elle marmonna un discret
 " Moi aussi j'aime les loups ."

Elle eût alors une pensé pour son frère, son loup préféré . Si il avait été là  il aurait sans doute fait fuir ses assaillants et ce n'était pas un simple jet de pierre qui l'aurait fait battre en retraite. Il était de ces frères qui ne supportaient pas que l'on touche leur sœur. Et il lui manquait terriblement. Maintenant, Alwine se sentait encore plus minable et elle dût prendre sur elle de toutes ses forces pour ne pas fondre en larme…à nouveau .
« Ne prête pas attention à ces “brutes“, ils sont stupides, mais lucides… » dit-il en lui tendant un mouchoir .

Alwine pris appui sur son bras gauche et poussa pour se relever. Elle prit une grande inspiration et redressa son dos pour se donner plus de contenance, puis elle accepta le mouchoir qu'elle porta a ses yeux pour essuyer les dernieres gouttes d'eau salées qui y perlaient. Elle serra ensuite la main que lui tendait son interlocuteur tout en se demandant à qui elle avait a faire. Comme si il avait lu dans ses pensés et tout en resserrant légèrement sa poigne, le jeune homme se présenta :

Elle ne s'attendait pas à ce qu'il connaisse déjà son prénom et ne se rappelait pas l'avoir déjà rencontré . Pourtant … "Joshua"?  Ce nom lui disait définitivement quelque chose, mais sa mémoire de poisson rouge ne lui permettait pas de se souvenir de quoi il s'agissait exactement. Elle laissa cette pensé dans un coin de sa tête:  cela finirait bien par lui revenir à un moment où un autre .
L'attention de Joshua alla se perdre un instant dans la cime des arbres tandis qu'il semblait savourer le calme ambiant. Alwine en fît de même. Ce n'était pas exactement ce qu'elle était venue chercher, elle avait due faire une croix sur cette solitude tant convoitée mais étrangement, elle ne le regrettait pas. Le garçon qui avait fait si peur à cette bande de "brutes" ne lui inspirait, à elle, aucune crainte.

« Laisse-moi deviner. Toi aussi tu es venue fuir l’ambiance festive des dortoirs ? »

Sur ces mots il sortit de son sac ( qui décidément semblait plein de ressources) une bouteille d'eau de laquelle il bu quelques gorgés . Alwine allait répondre mais lorqu'elle aperçut la dite bouteille elle se mit à la fixer avec convoitise. En fait, il lui semblait ne jamais avoir eût autant soif de toute sa vie. Le garçon lui proposa de partager son bien et elle accepta volontiers. Une fois réhydratée, elle acquiesça.

" Mmh . Cette période de l'année est vraiment nulle. "

« Tu veux venir avec moi ? Je connais l’endroit parfait pour voir la forêt se réveiller. »

"Heu...D'accord. Par contre si tu pleure parce que tu as peur du noir, ne compte pas sur moi pour te réconforter ! "

Elle avait pris un air désabusé mais dans la seconde qui suivit cette déclaration solennelle, elle adressa a Joshua un sourire à la fois taquin et plein de reconnaissance. Puis elle ramassa son sac resté sur le sol et attendit, impatiente, que son guide veuille bien lui indiquer la route.

Just a shadow [Joshua]

" J'en déduis que tu n'as jamais vu la forêt s'éveiller . Ce sera tout sauf noir ."
Alwine marqua un temps d'arrêt et esquissa un sourire. En effet, elle n'avait jamais vu la forêt à ce moment là de la journée. Plus elle y songeait, plus elle se demandait pourquoi elle ne l'avait pas fait plus tôt en fait... Il lui tardait de découvrir ce spectacle. Elle laissa son camarade se mettre à son niveau et ne reprit sa marche que lorsque celui-ci l'eût dépassée. Tout en se laissant guider, elle se mît à observer avec attention le jeune homme qui lui tournait le dos. La cadence de ses pas ne cessait de s'intensifier et il semblait savoir avec précision où il allait. Un peu plus tôt, il lui avait dit lui avoir été présenté par Leann mais elle avait beau se triturer les méninges, elle ne s'en souvenait pas. Elle avait été d'autant plus gênée lorsqu'il avait ajouté ne pas être "quelqu'un de remarquable"...Elle était pourtant sûre de ne plus être en mesure de l'oublier après une telle rencontre. Et sa culpabilité l'avait poussée à se promettre intérieurement d'y réfléchir jusqu'à ce qu'elle se rappelle.

"Dis-moi si tu trouves que je marche trop vite. C'est juste que j'ai envie de prendre le temps de nous installer avant que ça commence. Et ça ne devrait plus tarder ! "

Alwine avait toujours été une piètre marcheuse et elle avait sans s'en rendre compte ralentit, creusant ainsi un écart considérable entre elle et son guide. Sans dire un mot, elle accéléra le rythme et fît de plus grandes enjambées pour rejoindre Joshua. Quelques mètres plus loin, il lui indiqua du bout du doigt une souche, immense, comme elle n'en avait jamais vue. Le jeune homme prît place, s'installant en tailleur, suivit par l'illusionniste qui n'en croyait pas ses yeux. Elle fît lentement le tour de la fameuse souche, imaginant avec aisance la taille de l'arbre qui en fût jadis propriétaire. Stupéfiant.

"Tiens, attrape. " lança le garçon en lui envoyant une nouvelle bouteille d'eau. " Avec ce temps il faut rester hydraté."
Elle en bu la moitié puis, vint s'asseoir près de lui.

Et ils attendirent.

Deux petites minutes qui semblèrent une éternité.

Elle était gênée par ce silence et se demandait si il l'était aussi... Elle lui lança un timide coup d'oeil. Sans détourner son propre regard des feuillages, le jeune homme lui intima le silence d'un doigt sur la bouche. D'un léger mouvement de la tête, il l'invita a regarder dans la même direction que lui. Ils patientèrent, attendant pieusement... quelque chose.
Soudain les yeux de Joshua se mirent à briller et presque instantanément Alwine projeta son regard vers l'objet de l’intérêt de son camarade. Une multitude de lucioles sortaient de toutes parts, jusqu'alors dissimulées dans les troncs d'arbres, sous la mousse des pierres, entre les feuilles des arbres, près des points d'eau ... partout .
La nuit étant tombée, la forêt avait pris des teintes bleutées à présent parsemée d'un millier de petites tâches de lumières allant du vert au jaune. Alwine n'avait jamais rien vu de tel. L'émotion était si forte que ses yeux s'emplirent rapidement de larmes, brouillant ainsi sa vue.

"C'est ... C'est ... "
Sa gorge se noua et plus un mot n'en sortit. Elle essuya vivement ses yeux avec ses manches, encore une fois ( décidément, elle devait vraiment passer pour la pleurnicheuse de service...) .
Elle promena son regard de part et d'autre de ce panorama féerique, presque surréaliste : Tout cela n'avait rien d'une illusion.
Les feuillages semblaient vibrer sous l'effet de la lumière émise par les petits insectes qui se faisait de plus en plus nombreux.
Elle poussa un profond soupir, libérant d'un coup son souffle qu'elle avait bloqué jusque là.
Une des lucioles vint se poser sur sa joue droite et elle ferma les yeux un bref instant.