Discovered | Shun

Elle avait fuit sa chambre aux milles et un tourments pour tenter de trouver ce calme qui l'avait abandonné depuis ce matin. Invisible fantôme qui traversa les couloirs discrètement, bravant la foule avec un courage sans nom qui ne lui ressemblait pourtant pas. Trop de monde, trop de bruit, elle suffoquait Zia et les ténèbres semblaient prendre plaisir à l'engloutir. Mais pour elle qui aimait ça et qui d'ordinaire n'aurait rien fait, il lui fallait du silence. Un instant de repos, même une infime seconde de paix totale. De quoi la revigorer un peu, elle qui entamait sa troisième journée sans dormir. Le sommeil la guettait pourtant, prêt à l'entourer de ses bras angoissants mais il était hors de question qu'elle cède maintenant. Trop effrayée pour fermer l'oeil, enfant perdue dans le noir d'un cercle sans fin.

Elle était sortie tôt ce matin, dès l'aube, simplement vêtue d'un T-shirt Pikachu beaucoup trop grand pour elle et d'une paire de botte fourrées. Ignorant le froid qui lui tiraillait les épaules, sa console dans une main, elle avait commencé à marcher et elle ne s'était pas arrêtée. Sans un mot, sans un bruit elle avait gravit les escaliers, franchit la passerelle, et personne ne l'avait vue. Trop effrayée par le monde pour accepter qu'on puisse la voir, Zia avait abusé de son don, une nouvelle fois, pour disparaître aux yeux des autres. Pour son propre bien et parce qu'elle savait que personne ne la verrait venir lorsque l'envie lui prendrait de s'en prendre à un élève. Ne pas frapper souvent mais frapper fort et bien, c'était la règle qu'elle s'était fixée depuis qu'elle faisait l'effort immense de contenir sa rage. Son corps se stoppe devant cette porte qu'elle n'avait jamais ouverte, on dit que la pièce quelle enferme est hantée. Depuis dix ans qu'elle vivait ici elle n'avait jamais entendu d'histoire aussi sordide, mais le fait est qu'elle hésitait. Et si c'était le cas. Et si elle l'était vraiment ? Un rire s'échappe avant qu'elle ne se décide finalement à franchir le pas. Après tout, si cette pièce abritait des fantômes alors elle ne serait pas de trop.

▬ Rien d'exceptionnel, cette pièce est juste horriblement salle..

Elle en serait presque déçue.
Quelques pas à l'intérieur, la porte qui se ferme doucement dans son dos. La voici dans la pénombre, à ne voir que grâce à la faible lumière qui traversait les vitres noires de crasse. Elle s'aventura doucement en son centre, prenant garde de ne pas trébucher. Sans trop savoir pourquoi, elle déduisit rapidement que ce lieu lui plaisait. Peut-être songerait-elle à en faire son quartier général un jour, qui sait. Mais il était agréable pour elle de sentir son corps se détendre enfin, après tout ce temps. Bien décidée à passer un peu de bon temps elle s'assit contre un mur après avoir dégagé quelques bouts de verres et alluma sa console.

Il n'en fallait guère plus pour lui faire plaisir, à elle qui se demandait encore comment elle avait fait pour ne jamais venir ici avant aujourd'hui.


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Le frisson qui la parcourue à la seconde où il ouvrit la bouche fut si grand qu'elle en cru son cœur arraché sur l'instant. Trop peu habituée à ce qu'on lui adresse la parole aussi banalement, elle en avait oublié de ne plus avoir peur. Alors elle était effrayée Zia, les doigts crispés sur sa game boy sonnant un game over qu'elle n'entendit même pas. Elle avait levé les yeux vers lui sans comprendre, grands ouverts ils l'observaient inlassablement, de haut en bas puis de bas en haut.

Est-ce qu'il pouvait la voir ? Vraiment ?
Vraiment.

Trop perchée sur sa console elle n'avait pas entendu la porte qui s'était ouverte, puis refermée comme pour elle peu avant. Trop perchée sur sa console elle en avait oublié le temps, presque sa respiration, et ne s'en était pas inquiétée sachant son pouvoir activé. Alors il n'aurait pas dû la voir et pourtant c'était bel et bien le cas. Pourquoi ? La brune eut une seconde d'hésitation avant de reprendre ses esprits pour se reculer vivement. Ne l'approche pas, jamais.

▬ Reste loin de moi.

Toujours.
Parce que s'il pouvait la voir cela signifiait qu'elle n'avait plus aucune défense, plus aucun moyen de se battre. Et contre cette sensation étrange qui lui hérissait les poils -sans qu'elle ne sache d'où cela provienne- elle avait conscience que ses entraînements de boxe avec Orest ne lui seraient d'aucune utilité. Sa seule force avait volé en éclat sans qu'elle ne puisse rien faire, et sa fierté s'était écroulée avec. Alors c'était dit froidement, avec cette faible voix un peu tremblante qu'elle tentait d'effacer.

Son dos rencontra le mur alors qu'elle reculait lentement, méfiante, sans trop faire attention à où elle posait ses mains. Elle remonta ses genoux contre elle comme un futile moyen de protection, le seul qu'elle avait trouvé.

▬ Je suis sérieuse, t'approche pas. Et comment se fait-il que tu puisses me voir ?

Tu me fais peur.
Des mots crachés teintés d'un début de colère venu doucement étouffer la peur dans son ventre. La surprise s'estompait en même temps que le masque tombait, sans se briser néanmoins, dans la noirceur des lieux. Elle l'observait encore, la rage dans ses mirettes déchaînées, enchaînée à la seule idée que ce seul garçon qu'elle ne distinguait qu'à peine dans la pénombre puisse lui faire du tort. Ses poings serrèrent alors, se lacérant au passage de débris de verres sous ses paumes. Ça fait mal.

▬ Aïe.. murmura t-elle en grimaçant, détournant son regard de l'inconnu un bref instant sur ses mains griffées. Sors d'ici.

Ordre donné sans grande conviction intérieure, car aussi flippant pouvait-il être, elle doutait sincèrement du fait qu'il l'écoute comme ça. Mais il fallait vraiment qu'il s'en aille, parce qu'elle étouffait à se sentir bouffée vivante à sa proximité.


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Il ne semblait pas comprendre. Peut-être qu'il était idiot ; ou bien il n'en avait rien à faire et elle aurait beau le lui cracher à la figure des dizaines de fois il ne bougerait pas. Cette dernière option était sans aucun doute possible la plus logique, et ce garçon était bizarre c'est tout.

▬ Te moque pas d'moi ! Et t'approche pas j'ai dis, dégage de là. tenta t-elle une ultime fois.

Elle ressemblait à un chaton effrayé, se recroquevillant un peu plus encore sur elle-même à mesure qu'il se rapprochait. Zia n'aimait pas le contact, Zia n'aimait pas les gens. Elle n'aimait rien ni personne au fond, et elle détestait être touchée par d'autres que celle qu'elle choisissait. Le visage d'Oswald lui vint un instant à l'esprit, durant lequel elle grimaça, déformant un peu plus ses jolis traits sous la colère. Pas tout à fait hors d'elle parce qu'elle savait se contrôler mais assez énervée pour ne plus faire attention, lorsqu'il lui attrapa les mains pour y enrouler deux bouts d'écharpe elle crut mourir, littéralement. Aussitôt elle les retira, les plaquant contre son corps frêle pour ensuite lui lancer un regard si noir qu'on y eut cru les ténèbres installés -et pour dire vrai c'était un peu le cas.

Ses mains tremblaient, cachées par le tissu il ne le remarquerait probablement pas, mais elles tremblaient, encore sous le choc, apeurée d'avoir ainsi perdu ses défenses sans rien y pouvoir faire. Elle aurait aimé être plus forte, tellement aimé. Grincement de dents, la respiration qui s'accélérait doucement tandis qu'elle sentait le tissu faire effet sur sa peau. Ça n'était pas normal, rien était normal. Trop de gentillesse, trop d'incompréhension, trop d'effroi. Trop de tout qui la tourmentaient et lui faisaient perdre les pédales, et son cœur qui pédalait plus vite qu'Usan Bolt n'arrangeait absolument rien. Grande inspiration, longue expiration. La brune ferma les yeux pour tenter de s'apaiser malgré ses mains qui ne cessaient de trembler. J'ai peur.. Si peur.

▬ Éloigne toi maintenant... souffla t-elle les yeux toujours clos.

N'attends pas de merci, ni de s'il te plaît.
N'attends rien, tu n'auras rien de toute façon.
Elle avait pas l'habitude d'autant Zia, alors elle avait oublié comment donner. Mais on la sentait la gratitude tout de même présente dans sa voix blessée. Émotions changées d'une seconde à l'autre qui lui filèrent la nausée. Et ces images, ces cauchemars qui lui bouffaient le cerveau. Seul moyen qu'elle avait trouver pour se calmer : se défoncer toujours plus.

Puis sa vision s'éclaircie de nouveau, assez pour pouvoir le distinguer dans la pénombre comme lors de son arrivée. Ses mirettes posées sur lui à l'observer étrangement, elle cherchait. Désormais un peu plus sereine bien que sa respiration ne se soit toujours pas régulée, elle se questionnait toujours sur le fait qu'il puisse la voir. Le fait qu'il réussisse à neutraliser d'un seul coup la partie la plus importante de son pouvoir alors qu'ils ne se connaissaient même pas. Au final la réponse sonna comme une évidence, elle aurait dû y penser bien plus tôt.

▬ Ce sont tes lunettes c'est ça ? Enlève les.

Encore un ordre, à croire qu'elle n'avait rien retenu elle non plus.


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Quoi ? Elle cligna plusieurs fois de ses yeux grands ouverts posés sur lui, trop peu certaine d'avoir comprit ce qu'il venait de dire aussi sèchement. Non ? Vraiment ? Il refusait comme ils refusaient tous toujours de l'écouter, il refusait comme elle refusait toujours de les écouter, eux, les autres. Ils refusaient tous toujours et elle s'en mélangeait les pinceaux tant c'était à n'y rien comprendre. Hébétée au point de ne même pas savoir quoi lui répondre, elle s'était contenté de masquer sa surprise au maximum alors qu'il prit place en face d'elle, inversant tout d'un coup les rôles. Zia n'était pas faite pour ordonner, Zia devait suivre, elle finissait toujours par suivre. Pourtant elle n'aimait pas ça, pourtant elle adorait aussi.

Pas une réponse tandis qu'elle le fixait de ses iris s'assombrissant au fur et à mesure que la surprise retombait, devenant plus sérieuse, plus sévère à son tour. Contre qui, elle n'en avait aucune idée, mais cette situation ne lui plaisait pas. Il ne lui plaisait pas et elle n'avait aucun échappatoire, si ce n'était cette porte au fond de la pièce. Loin, si loin cette porte qu'elle lui paraissait inatteignable sans qu'il ne la rattrape pour l'empêcher de fuir. Fuir, fuir, fuir encore tant qu'elle le pouvait pour s'assurer de sa propre survie. Il leva ses lunettes, parut déboussolé un instant. Il était simple de saisir qu'il avait comprit la situation, et ce compliment qu'il lui adressa ensuite confirma ses doutes autant qu'il l'acheva mentalement. Inspiration, le souffle qui s'arrêta soudain alors qu'elle plantait ses yeux sur lui, dans les siens pour ne plus les quitter. Brillants, pétillants d'étonnement, elle n'y croyait pas ses oreilles, n'y croyait pas du tout. C'était impossible, pas vrai.

▬ T-tu... balbutia t-elle faiblement sans trouver les mots. La suite ne vint pas, resta enfermée entre sa gorge et son cerveau pour disparaître peu à peu dans l'oubli. Elle avait chaud, aurait voulu de l'eau mais il n'y avait rien ici, rien de plus qu'elle et ce garçon qui la rendait malade. Dans tous ses états, terriblement gênée bien qu'elle n'en montrait pas tout. Son cerveau c'était Hiroshima et dans son cœur ça faisait boom. Boom boom boom, très vite, trop vite.

Elle n'avait pas l'habitude de ça, n'appréciait pas du tout cette façon qu'il avait de faire, de s'adresser à elle. Et au lieu de lui faire plaisir comme tout compliment devrait le faire, ces simples mots lui arrachèrent un frisson, désagréable frisson trahissant non sans peine la peur qui se lisait également dans ses yeux. Éloigne toi... La E se recroquevilla sur elle-même, enfouissant sa tête dans ses genoux en les entourant de ses bras dont les mains ne cessaient de trembler. Ne plus le voir restait la meilleure solution puisqu'elle ne pouvait pas partir. Mais il fallait qu'il s'écarte, qu'il bouge, pour lui laisser de quoi respirer. Parce qu'elle étouffait Zia, elle étouffait tellement.

▬ Tu m'fais peur...

Aveu soufflé dans le creux de ses jambes qu'il n'entendrait peut-être pas. Mais elle était effrayée, par lui, par cette gentillesse, par cette aura aussi -ce truc qui se dégageait de lui sans qu'elle ne trouve pourtant de quoi il s'agisse. Puis sa voix de nouveau, jolie voix pleine d'entrain qui la fit se calmer d'un coup. Plus de tremblements de son corps à présent immobile, à l'écouter parler sans saisir vraiment le sens de ses paroles. Elle retint son nom, son nom seulement. Shun Xiang.

Imbécile.

▬ Hea-Jung Ahn.. Toujours à voix basse, toujours recroquevillée sans oser poser son regard sur lui. Toujours à tenter de s'éloigner sans voir qu'en lui répondant elle s'approchait finalement encore plus. Ou... Zia. Tout le monde m'appelle Zia ici, mais- Arrêt de nouveau, en pleine phrase tandis que ses poings se crispaient doucement, ça l'agaçait qu'on la nomme ainsi parce qu'elle avait l'impression de ne pas exister à leurs yeux, et peut-être que c'était le cas peut-être qu'elle n'existait pas. Zia serait-elle un mirage ? Un mirage qui osa finalement un regard, infime en la direction du C avant de se rétracter, réprimant un léger frisson.

Elle ne mentait pas.


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Zia se permit un soupir lorsqu'elle le sentit s'éloigner doucement, Shun semblait prendre tellement de pincettes avec elle dans ses gestes qu'elle ne savait plus trop quoi en penser et pourtant, lorsqu'il parlait son honnêteté la brisait de plus belle. Il arrivait à mettre des mots sur ses pensées, sur ses peurs alors qu'il ne la connaissait absolument pas, il réussissait à lire en elle et ça la rendait malade. Hum. Elle avait toujours la tête entre ses jambes, perdue entre cette envie toujours présente de s'échapper et celle, un peu plus nouvelle, de rester avec lui. Pourtant elle ne l'aimait pas, ce type n'avait rien de bien particulier. Du moins c'était ce qu'elle se forçait à croire, pour tenter de retrouver ses esprits et son calme de tantôt.

Mais Shun, et elle le savait parfaitement pour le ressentir pleinement, n'avait rien de commun aux autres, à tous ceux qu'elle avait rencontré jusque là. Shun pour elle c'était l'inconnu, celui qu'elle voudrait voir disparaître pour être aussi prévenant et énervant en même temps. Il était le premier d'une liste qui s'agrandirait sans qu'elle ne s'en rende compte mais elle ne voulait pas le permettre. Le silence revint dans la pièce, pas aussi pesant qu'elle ne l'aurait espéré cependant, il la regardait, elle le savait. Et bizarrement son regard ne la dérangeait pas, au contraire, il lui permit de lever les yeux vers lui, pour rencontrer les siens. Doucement, calmement. Comme si tout était naturel au final, alors qu'il n'en était rien. Elle était toujours flippée, Zia, comme une enfant emprisonnée que son Prince viendrait délivrer de son cachot.

▬ Pourquoi ? murmura t-elle simplement.

Pourquoi l'aider elle ? Pourquoi être comme ça ? Elle avait du mal à saisir, elle était intelligente pourtant, mais les relations humaines ça n'avait jamais été son truc. Alors elle l'avait ignoré un peu malgré elle, sans le vouloir parce que la curiosité demeurait trop forte. Elle voulait comprendre, tenter d'assimiler pour une fois une bien jolie leçon sur la vie, espérant ne pas trop tomber de haut. Son poing se serra, ça vrillait un peu dans sa tête, trop de questions, trop de doutes.

▬ J'ai pas besoin qu'on soit comme ça avec moi. T'as pas à l'être, te force pas, c'est agaçant.

Toujours un peu effrayant, surtout. Et puis... Elle soupira, longuement, comme pour évacuer l'anxiété naissante qui l'étranglait. Dans tous les cas elle l'avait dit beaucoup moins froidement qu'elle ne l'aurait voulu et elle n'aimait pas ça. Pas du tout.

▬ Tu ne gagneras rien en t'affichant avec moi. Mais... Hum. J'ai faim alors si tu payes... Elle détourna le regard sans un mot de plus pour porter attention à ses mains bandées. Elles n'avaient presque plus rien, c'était étonnant. Quel type de magie tu utilises pour... Faire ça ?

"C'est cool, merci."
Ça n'aurait tué personne.

▬ Ah et avant que tu répondes, sache que je n'ai pas peur des gens. Juste de toi. Ça c'était un mensonge plus que flagrant, mais elle en restait intimement convaincue alors peut-être qu'il y croirait.

Peut-être.


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Je ne me mens pas.
Je ne me mens pas. Elle se répétait sans cesse ces même mots intérieurement, ils tournaient dans sa tête à l'en faire tanguer. Tu dis n'importe quoi. Elle ne se mentait pas, mais elle se cachait la vérité, tout du moins elle essayait. Pour ne plus souffrir certainement, elle n'en savait rien au fond, ne voulait plus savoir parce qu'elle ne comprenait plus rien. Mais elle ne se mentait pas, elle le savait. Et à force de se le répéter elle parvenait à y croire un peu plus, laissant les mots du C s'évaporer dans l'air sous son silence forcé. Les sons ne sortaient pas, pourtant elle aurait voulu hurler. Il fallait qu'il comprenne lui, qu'il lui explique aussi. Elle ne se mentait pas. C'était tellement gros comme mensonge pourtant.

Elle l'observa alors longuement dans ce silence chaotique qu'elle espérait briser sans y parvenir, s'attarda sur sa silhouette qu'elle n'avait pas prit le temps d'étudier, sur son visage aux traits agréables. Enfin sur ses yeux, bleus, si bleus. Zia aimait le bleu autant que le rouge et la mer autant que le sang. Ses yeux à Shun lui rappelaient l'océan. Si profond, si admirable. Mais à cet instant pourtant, ils semblait nostalgiques, perdus et malheureux. Elle n'aurait pas pensé être aussi affectée par ça, par ce garçon qu'elle venait de rencontrer. Elle pensait pas sentir son souffle se couper au moment où tout son être lui criait "c'est trop tard" en la narguant. Il était trop tard oui, elle venait de s'accrocher. Un peu d'abord, puis beaucoup ensuite, elle le pressentait. Et ça l'effrayait encore plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer. C'était déroutant. Il était déroutant.

▬ Ne t'avise jamais de faire ça.

Elle ne le supporterait pas. Ça n'avait pas été dit froidement, ça n'était pas vraiment une menace non plus, bien qu'elle aurait aimé que ce soit le cas. Disons que cela sonnait plus comme un conseil pour un bien commun, leur bien à tous les deux. Autant lui que elle, oui, elle se surprit d'ailleurs à y penser. Si on lui avait dit un jour qu'elle rencontrerait un seul homme comme lui, elle n'y aurait jamais cru. Elle aurait rigolé, un rire jaune et blessé comme elle savait si bien les faire ; comme ils étaient si naturels chez elle. Puis elle aurait frappé, elle se serait déchaînée par ce que Zia n'aimait pas le mensonge, pas lorsqu'ils étaient de ce genre là.

Il fit revenir à elle lorsqu'il attrapa sa main avec cette douceur qu'elle ne connaissait pas. Délicate attention qui provoqua en elle un choc si grand qu'elle s'immobilisa un instant. Leur regard se rencontrèrent, elle vit son sourire et la sincérité énorme qui semblait si bien le caractériser depuis qu'il avait débarqué. Shun l'aida à se relever, elle aurait voulu retirer sa main et se débrouiller seule, rompre le contact et fuir en courant mais il l'en empêcha. Peut-être inconsciemment, peut-être de façon calculée, mais il ne la lâcha pas avant qu'elle ne soit debout, face à lui, totalement hébétée.

Quelques mots incompréhensibles balbutiés à l'air ambiant qui se réchauffait lentement, entendre son nom de cette façon lui arracha un frisson qui ne fut pas aussi désagréable que ça, finalement. Il faudrait qu'elle s'y habitue à l'avenir, pour éviter ce genre de réaction idiote. Il faudrait qu'elle fasse le point, qu'elle y réfléchisse. Il faudrait qu'elle décide si Shun était réellement apte à entrer dans sa vie, si c'était une bonne chose ; si le changement qui subviendrait certainement après tout ça serait le bon. Il faudrait qu'elle prenne le temps de penser pour arrêter de s'effrayer, mais pour l'heure elle prit le chemin de la sortie avec un demi sourire discret.

Ils devaient aller manger.

▬ J'ai une meilleure solution.

Elle n'avouera jamais être fauchée et n'avoir jamais eu plus d'un centime en poche. Ce serait assez humiliant et elle ne voulait pas de ça. Néanmoins, tout deux descendirent en ville en prenant le temps, Zia dans son seul T-shirt et Shun dans son kimono de super héro. Un point de vue enfantin qui lui allait si bien malgré qu'elle n'en dise rien, celui-ni n'en restait pas moins étrange et plus elle y pensait, plus l'envie de s'éloigner se faisait oppressante. Elle étouffait. Il était parvenu à lui faire oublier quelques minutes ce sentiment qui l'horrifiait mais finalement il ne l'avait pas supprimé. Pas si héro que ça finalement.

▬ Je ne vais pas dans ce genre d'endroit, alors on va où tu veux. Et ne t'inquiète pas pour l'argent,... C'est pas vraiment un soucis, déclara t-elle sans trop savoir où regarder.

Enfin si on puis dire.


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