Punishment | Jack

Il hurlait à s'en crever les poumons, pleurait à s'en dessécher les tripes. À genoux dans la neige fondante sous les rayons d'un soleil bien trop faible pour le réchauffer, il priait, espérait sans doute que son cauchemar se termine rapidement. Il étouffait, ce garçon, et elle riait, Zia, de cette voix trahissant sa joie mais également une supériorité sans nom. Il était pathétique, n'avait aucune dignité, alors elle s'amusait à le piétiner un peu plus et ces visions qu'elle lui offrait, cette sensation de sentir son corps s'écarteler lentement et ses membres se déchirer les uns après les autres, la faisaient presque rêver. Presque, car la douleur bien présente dans son corps à elle ne s'amenuisait pas, grandissait au contraire pour mieux lui donner l'envie de continuer, lui attirant tout de même quelques grimaces. Sensation addictive à un mal qu'elle connaissait trop bien, elle ne s'arrêtera pas; cela faisait bien trop longtemps qu'elle ne s'était pas sentie aussi bien dans sa carcasse défoncée dont les cernes sous ses yeux prouvaient sa folie qui revenait. Au galop, toujours plus vite, toujours plus fort.

Puis plus rien.
Tout disparu d'un seul coup, sensations envolées malgré l'effroi dans son regard, celui de ce garçon qu'elle venait de massacrer psychologiquement. La E porta une main à sa bouche dont un léger filet de sang sortait, l'essuya du revers de sa manche de laine foncée sans quitter des yeux sa victime tétanisée. Elle était allée trop loin, en avait trop fait et son corps n'avait pas supporté. Limite invisible fixée à son esprit tandis qu'elle apparu face à lui tel le mirage qu'elle n'avait jamais cessé d'être. Cette simplicité dans l'illusion paraissait être la seule qu'elle était capable de tenir sans contraire trop importante; c'était navrant. Son corps, réel lui, s'écroula dans la poudreuse sans qu'il n'y fasse attention, sa fausse personne toujours sur ses deux jambes à le surplomber de toute sa hauteur. Il ne voyait qu'elle, ne pouvait voir qu'elle et ne verrait qu'elle. Jolie brune au regard vide de sentiments et au visage dont les traits tendus trahissaient malgré tout une irritation infime. Infime en apparence et pourtant infinie en réalité. Sévère, elle le toisa encore quelques instants, offrant finalement au vent le son de sa voix fade de vie.

▬ Barre toi.

Rares étaient les phrases où aucun ordre n'était donné, mais force fut de constater qu'il l'écouta docilement, fuyant aussi rapidement qu'il pu, courant maladroitement dans la neige pour mieux tomber dans cette dernière. Il avait trébuché par peur, sous l'adrénaline, mais pas tout seul non. Il le comprit lorsqu'on l'aida à se relever, pauvre imbécile de D qu'il était. Elle n'entendit pas la conversation, n'y prêta pas attention et restait droite pourtant, du moins son illusion qu'elle maintenait fermement malgré la douleur dans sa poitrine. Regard aux personnes présentes, la CPE, une vieille femme à l'expression rigide et renfermée qu'elle n'avait jamais vue, et le dernier, un surveillant probablement dont elle ne se souvenait pas. Ce fut lui pourtant qui s'approcha en premier, dangereusement, pour se stopper à quelques mètres de sa personne et enchaîner des mots durs qu'elle n'écouta pas. Sermon de maternelle dont elle se fichait éperdument, mademoiselle eut tout de même la gentillesse de le laisser terminer son beau discours surfait de phrases idiotes et clichées sur le comportement en société.

▬ Je peux y aller maintenant ? Vous m'filez la nausée..
▬ Ahn ! Ça c'était la CPE qui arrivait étonnement vite pour tenter de l'effrayer, sans doute. T'as toujours pas retenu la leçon hein ? Ton comportement est intolérable !
▬ T'étais au courant qu'à la prochaine connerie c'était l'exclusion.

L'exclusion. 5 jours de paix à pouvoir torturer n'importe qui ? Bien sûr qu'elle était au courant, et sur sa mine glaciale s'afficha un demi sourire satisfait, provocateur. Mais au fond, tout au fond, elle ne savait plus vraiment si c'était une bonne idée ou pas. Peut-être pas tant que ça finalement. Et la Belle au pied de la tour se mit à douter, désirant simplement se retrouver seule pour avoir un peu de tranquillité.

▬ Faites ce que bon vous semble, mais fichez-moi la paix, déclara t-elle, lassée de cette agitation.

La voilà qui n'était pas sortie, la vieille se mettant à critiquer la magie, elle et cette école également. Lueur surprise dans ses mirettes, oh alors c'est elle la vice-directrice ? Une grand-mère sans pouvoirs qui espérait faire sa loi. Bravo. C'est à cet instant qu'elle se demanda pourquoi elle ne fuyait pas, elle qui pourtant en avait les capacités; et à l'instant suivant qu'elle comprit que ces humains étaient beaucoup trop idiots mais amusants malgré tout. Puis elle savait qu'ils la retrouveraient, que Luke lui tomberait dessus dès qu'il l'apprendrait également. Parce que c'était toujours comme ça que les choses fonctionnaient pour elle.


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Elle n'était plus vraiment certaine de comprendre la situation. Au départ elle avait malmené un D, et aussi insignifiant soit-il, s'était faite choper parce que ce blaireau était tombé sur la CPE en s'enfuyant la queue entre les jambes. Elle n'avait pas fuit, cherchant en la présence de ces personnes pleines de remontrance la distraction qu'il lui manquait. Zia s'ennuyait et ne cherchait au final qu'à s'amuser sans comprendre forcément que sa façon de faire était la plus mauvaise qui soit; mais qu'importe, elle restait toujours celle qui lui convenait le mieux. Puis il y avait eu cette intervention, ce gars sans qu'elle ne sache vraiment de qui il s'agit, qui s'était interposé vaillamment entre elle et son exclusion, bravant madame Schneider et mamie la vice nouvelle directrice à coups d'excuses maladroites et toutes plus improbables les unes que les autres. Complice. Lézard perdu. Colle. Surveiller. Provocation. Défense ? Donc cet énergumène était surveillant, voilà qui complétait un grand bout du puzzle. Maintenant il restait à savoir pourquoi il prenait sa défense alors qu'ils ne se connaissaient même pas, parce qu'elle doutait franchement d'un élan de bon cœur en vérité.

Zia toisa étrangement l'homme qui lui faisait dos, marchandant presque avec ses apprentis bourreaux pour l'épargner encore un peu. Un regard empreint de malice et probablement d'un peu de colère pour masquer la surprise, qu'ils ne pouvaient discerner puisque son avatar restait elle, totalement de marbre. Elle agissait inconsciemment, silencieuse et sans un sourire, assise dans la neige gelée à les observer de tout en bas. Puis ils s'en allèrent finalement, emmenant avec eux le dit D resté à l'écart mais toujours aussi effrayé. Il ne démentirait pas vu son état, et ce pauvre gars allait prendre pour elle alors qu'au final il n'était qu'une des nombreuses victimes de son petit jeu égoïste. Voilà qui semblait distrayant.

Un demi sourire étira ses lèvres tandis qu'il se tourna en sa direction, le regard tout droit rivé dans celui de sa fausse elle. Provocante avec son rictus moqueur.

▬ Ces excuses étaient pathétiques.
▬ T’aurais pas pu faire gaffe ?

Un peu surprise par sa leçon imprévue et pourtant si prévisible, la brune écarquilla un instant les yeux d'étonnement, tressautant faiblement. Si elle s'était attendue à quelque chose ça n'était certainement pas à ça et ses iris étonnés trahissaient pour le coup vraiment bien ce sentiment. Pourtant la lassitude reprit bien vite sa place lorsqu'elle constata qu'au fond il lui sortait la même chose que tous les autres, de manière un peu différente certes, probablement plus proche de la façon de faire de Luke que du reste. Mais cela n'y changeait rien parce qu'au final il s'agissait toujours de cette même rengaine qu'elle connaissait par cœur, même chantée différemment. Explique-moi ce qu’il s’est passé. Elle étouffa un rire au creux de sa gorge pour tenter de paraître la plus sérieuse du monde, mais c'était bien compliqué. Elle ne pu le retenir très longtemps, laissant finalement tout le loisir à celui-ci de s'exprimer à haute voix. Rire clair et moqueur, elle mit une main devant sa bouche comme pour le réserver un peu plus et cacher une gêne quelconque, fictive en réalité puisqu'il ne s'agissait là que de sa façon d'être naturelle. Il devait la prendre pour une folle. Mais cette situation l'était tellement à ses yeux que la brune s'en moquait éperdument.

▬ Une explication ? Tu veux vraiment la vérité ? articula t-elle du mieux qu'elle pu en tentant de se calmer. Cela ne prit pas longtemps avant que son sérieux ne revienne, attrapant au galop une énorme dose de provocation. Rictus amusé, elle avait se regard pétillant de vérité et les bras croisés sous sa poitrine. Tu t'es planté dans les rôles, cet imbécile ne m'avait rien fait. Temps de pause. Il était simplement au mauvais endroit au mauvais moment, le pauvre. Elle sourit de plus belle, carnassière. C'était trop simple de le mettre dans cet état, à peine drôle si tu veux mon avis.. Jack c'est ça ? Pour reprendre sa formule de plus tôt. Que comptes-tu faire maintenant ?

L'arrêter ? Impossible.


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