megalovania | warren

Il suivit Warren du regard quand ce dernier rentra des cours. Poli comme toujours, le délégué des E n’en semblait pas à l’aise pour autant et le démon rouge tenta un sourire pour le rassurer. Échec. D’un côté, la raison pour laquelle il était effrayé était évidente et ce n’est pas avec lui que l’anglais allait parler de ses méfaits comme si c’était une distraction. Son but, plutôt que de lui faire dire qu’il avait raison, était de persuader Warren qu’il n’avait rien à craindre. Il avait fait le maximum - allant jusqu’à poster un message sur l’intranet pour menacer quiconque de s’en prendre au jeune homme - mais ça semblait ne pas suffire. D’un côté, il n’aidait pas lorsqu’il profitait du peu de courage du garçon dans certaines situations - comme le convaincre de réviser ses cours - mais il fallait le comprendre. Hadès n’était pas le meilleur en terme de relations et il ne voyait pas comment parvenir à se comporter convenablement à l’égard de Warren. Les relations sociales étaient décidément trop compliquées pour lui. Pourtant, et ce n’était pas courant, Hadès faisait des efforts. Il avait décidé de l’accueillir après l’explosion de sa chambre et il l’hébergeait dans son lit - puisque, de toute façon, Hadès dormait peu, et la plupart du temps, sa chaise lui suffisait. Le délégué n’aurait pas pu être mieux lotti. Bien entendu, il y avait les problèmes de rangement : en plus d’une odeur pas tellement agréable et de l’inexistante lumière, c’était un bordel absolu, si bien qu’à la seule pensée d’un Warren terrifié, l’anglais s’était décidé à ranger.

Il avait poussé la pile de jeux dans un coin, les goodies dans un autre et de cette façon, la chambre semblait presque organisée. En tous les cas, il y avait suffisamment de place pour circuler - et en aérant toute la journée de la veille, il était parvenu à faire disparaître cette étrange senteur qui demeurait depuis, semblait-il, plusieurs siècles. C’était presque une chambre normale. Il ne fallait pas compter sur l’apport abondan de lumière (il y avait des limites, quand même.) mais c’était déjà bien assez. Quelque part, Hadès espérait qu’il puisse se rapprocher de la normalité pour ne plus effrayer Warren, mais depuis qu’il l’avait accueilli, il avait compris que ça ne suffirait pas. « Dis-moi Warren. » commença-t-il, curieux, tandis que ce dernier s’attelait à ses loisirs personnels. « Je te fais peur ? J’imagine que oui. C’est plutôt normal, après tout. »

Il songea à tout ce qu’il avait accompli jusque là. Parmi tous les élèves, rares étaient ceux qui parvenaient à le cerner. La plupart d’entre eux le prenaient pour une brute idiote qui cherchait simplement à faire le mal - mais Hadès le savait mieux que quiconque : ce genre de personnes n’existait pas. Tout le monde avait une raison. La sienne, dans une certaine mesure, était de se divertir. Il avait toujours agit en ce sens, que ce soit pour le bien, le mal, de façon neutre, en aidant quelqu’un ou en démolissant le moral d’une personne. Autrefois, Artus avait été une sorte de catalyseur, aujourd’hui, toutes ses émotions se déversaient dans ses actions dans acune limite. Cette façon d’être le rendait plus ouvert mais aussi plus vulnérable et il avait beau clamer son manque d’émotions, il ne pouvait nier que son ressenti se confondait avec la raison qu’il avait toujours défendu. Et cette scène en était la preuve. « Je ne suis pas un vrai méchant. Je ne tiens pas absolument à faire le mal - d’ailleurs, je ferai le bien si ça me divertissait autant. » Il marqua une pause et précisa.

« Et je tiens toujours mes engagements. Te protéger en fait parti. Tu peux donc avoir confiance. » Il s’assit en tailleur sur sa chaise, pivotée en direction du E. Ce dernier devait se questionner sur le discours actuel de Hadès. Il n’y avait aucune raison à son comportement. Au début de tout ça, il s’était dit qu’il l’aiderait - faire monter Warren en grade étant aussi difficile que les plus durs défis qu’il s’était lancé. Mais ce n’était plus que ça. Il l’appréciait, il n’allait pas se le cacher - mais comment détester ce type ? Il était d’une telle naïveté que si Faust lui clamait des excuses au lendemain de ses actions terribles, Warren n’aurait aucun mal à passer l’éponge. Se battre contre lui, ce n’était même pas un défi - et il préférait se laisser perdre plutôt que d’empocher une telle victoire. « Si je te dis que je compte arrêter toute action publique au sein de l’école, ça t’aiderait peut-être. Quelque chose comme, uh, rester là et ne faire absolument rien. Ça pourrait être une expérience intéressante. »

Une bonne personne. Si ça n’avait pas été Warren, Hadès lui aurait rit au nez - et si ça n’était pas lui, il en aurait même conclu cette discussion de façon violente et inappropriée en lui rappelant, à sa façon, qu’il était loin de cette définition. Car c’était le cas. Il n’était pas plus bon qu’il n’était mauvais ; Hadès était lui-même, en dehors de ces notions de bien et de mal. Il suivait ses envies, simplement, le tout, sans tenir compte de ce que l’on pouvait bien penser de lui. Il avait toujours fait ça, neutre, inssaisisable, impénétrable - tandis que le monde extérieur s’imaginait des choses à son sujet. S’il proposait ça à Warren, c’est qu’il se lassait doucement de ce qu’il considérait autrefois comme étant son but absolu - et il se perdait dans la profondeur de la vie qu’il avait construit. Il ne cherchait pas ce bonheur qu’il avait toujours rejeté et pourtant, il sentait son arrivée le submerger peu à peu et sa motivation, ses mauvaises intentions se laisser évaporer par une paresse qu’il ne pouvait expliquer. Se mentait-il à lui-même ? Il y avait sûrement de ça.

Très franchement, il ne se comprenait plus ; et sa logique simple, brute, froide qu’il avait autrefois cerné muait lentement en un mode de pensée si humain que son incompréhension parvenait à le rassurer. Il ne deviendrait sans doute jamais une bonne personne - Hadès était trop cruel et mauvais pour ça, mais, quelque part, il pouvait s’en rappprocher. Quelqu’un de neutre, peut-être, mais qui se souciait de tout ce qui constituait son entourage et les choses auxquelles il tenait. C’est vrai, il ne serait pas quelqu’un de bien, mais ça ne l’empêcherait pas de faire quelques bonnes actions à l’occasion - et se servir de sa passivité actuelle pour rassurer le délégué des E pouvait en faire parti. En réalité, il n’aurait jamais proposé ce marché s’il n’avait pas un manque flagrant d’envie de faire le mal. Il était trop égoïste pour sacrifier ses désirs au profit d’une autre personne - surtout quand il avait tant de mal à trouver une façon de se divertir. Simplement, les choses étaient différentes. Il n’avait plus rien à proposer, plus l’envie d’être le maître du jeu. Il se voulait joueur et il espérait quelqu’un qui puisse secouer le plateau comme il l’avait jadis fait.

« Je comptais aller jusqu’au bout, oui. Et ensuite quoi ? » Il tournoie sur sa chaise de bureau comme un enfant impatient. « Ensuite rien. Comme ça ne m’amuse plus, je n’agis plus. C’est aussi simple que ça. » Il laissa le temps au jeune homme de digérer ce qu’il venait de dire. Sa logique était d’une simplicité effarante mais la plupart des gens assimiliaent difficilement l’idée qu’on puisse ne se rattacher qu’au seul sentiment d’amusement.

Malgré tout, c’était ainsi que l’anglais avait toujours fonctionné - et il coula un regard vers Warren qui semblait légèrement déconcerté. « Tu me sous-estimes un peu. Comme tout le monde. » souffla-t-il avec un sourire amusé. « Je suppose que tu ne me parles pas de tes problèmes par peur de ce que je vais faire aux responsables. Ou, peut-être par peur des responsables eux-même. »

Qui n’aurait pas agit de cette façon à sa place ?
Il comprenait, mais il ne comprenait pas cette gentillesse dont quelqu’un pouvait faire preuve s’il agissait ainsi - s’il avait été dans sa situation, il aurait dénoncé tous les concernés sans se poser de questions. Les choses auraient été mieux pour tout le monde, quoi qu’on en dise.

« Je ne m’en prends pas aux gosses, alors tous les jeunes qui se sentent pousser les parties parce qu’ils t’appellent victime, tu n’as pas à t’en faire. Et puis, pour le reste, je peux leur offrir une discussion ou un coup de frayeur plutôt qu’une torture, ça ne me dérange pas. Si c’est ce qui t’inquiétait. Simplement... » Une pause, hésitant. « Tu ne partageras sans doute jamais mon avis, mais certaines personnes ont besoin d’une méthode plus brutale. »

Une poignée d’entre eux, cela dit. Dans le lot, il ne comptait que Faust et Ezio - car à son sens, Leocade était bien assez intelligent pour comprendre la position des gens avec une discussion. Il n’y renoncerait pas pour autant - ce type était quand même fier - mais il avait ses limites, et comme Hadès, il était fatigué de la gratuité des actions au sein de cette école. Comme lui, il était trop grand, trop mature pour rester bloqué à cette mentalité stupide qui régissait le mal d’entre ces murs. Il n’y avait qu’une poignée d’entre eux, en effet, et Hadès les mettait au défi de passer outre son avertissement.

« En tout les cas, je n’agirai pas à ce sujet sans t’en parler auparavant. Donc, si c’est ce qui t’inquiète, tu peux partager tes problèmes. »