Le souvenir d'un été refaisant surface à un moment inespéré

        L'ennui. Et ce à son paroxysme. Il fixait son écran de jeu vidéo, ayant fini ses dernières quêtes, et ce de façon brillante ! Mais voilà : Aidan, il ne tient pas plus de deux heures sans parler à quelqu'un, et les jeux en lignes, ce n'était pas vraiment sa tasse de thé. Trop de haine, de noobs et de kikoo, bien que parfois on l'appelait ainsi lui même. Cela dit, il faisait de son mieux pour ne pas céder à la rapidité qu'offrait le langage sms : il avait une image à préserver, et c'est vrai que c'était sacrément moche, comme façon d'écrire. Aidan se relevait, soupirait, regardait par la fenêtre. Il pouvait sortir... Non, il devait sortir. A ce niveau d'ennui, c'était carrément une obligation. Mais où aller ? A cette heure, la cafet', c'était "the big no no", hors de question, il n'y aurait personne, ou bien seulement quelques personnes qui cherchent juste des prises pour travailler sur leur ordinateur. Pas du genre bavard. Sauf que Aidan, lui, avait besoin de parler. Voyons voir...

Il y avait bien les bungallows, mais sans invitation, ça aurait été se taper l'incruste. Un sourire s'afficha sur son visage. Ouais... C'était bien un truc qu'il était capable de faire ça. Mais ça ne marche que si on a des la nourriture à offrir, et de la bonne, car "Hey les gars, je peux passer la soirée chez vous ? J'ai ramené des panier de Yoplait, ça va être l'éclate", ça passait relativement mal. Les barres chocolatées ou les bonbons, ça marche. Mais Aidan n'était pas du genre très gourmand, alors il avait juste un ou deux mars (il adorait l'emballage) dans un tiroir et puis c'est tout. Donc, l'incruste, c'était mort. Quoi d'autre dans ce cas ?... Se relevant, l'élève de classe C se mit à tourner en rond : admirez bien le Aidan sauvage dans son environnement, et ouvrez bien grand vos yeux, car parfois, il lui arrive de glisser sur une chaussette laissée là -ces chaussettes perdues dont on ne retrouve jamais l'autre moitié, célibataire à vie. Aidan a voulu leur dédicacer une chanson électro sur internet, la vidéo a fait dix vues, et il était très fier-.

Mais passons. Aidan ne glissa pas sur une de ces chaussettes perdues ce soir là. l se plaça tout simplement devant son miroir, se regardant droit dans les yeux, prêt à dire "salut, beau gosse !", quand l'idée lui vint que se le dire à soit même, de un, c'était glauque, et de deux, il voulait que quelqu'un d'autre lui dise. Et où trouve t'on ce genre de personne qui lance des compliments sans sens et sans vérité toutes les cinq fucking secondes ? Mais en boîte de nuit bien sur ! Oui, c'était la soirée parfaite pour aller en boîte de nuit, se faire aimer, et aimer en retour, le temps d'un soir seulement - tant que ça finit sur un bon rapport-, peut être même rencontrer des amis, ou mieux : s'en faire !

C'est ainsi que notre adolescent vêtu de noir se retrouvait au bar de la discothèque, une canette de bière à la main (la seule de la soirée : monsieur buvait toujours avec modération), en train de discuter avec quelques personnes qu'il n'avait jamais rencontré avant. Quand le type à qui il racontait son incroyable aventure ("Et là, je lui ai mis un coup dans la jambe, l'ai fait tombé, et ai enchaîné avec une prise de karaté qui le tua sur le coup ! Et c'est ainsi que j'ai passé mon lvl 18 sur mon assassine !") s'en alla par pur désintérêt (Aidan ne comprit jamais pourquoi), il se retrouva seul, avec sa bière et sa solitude. Triste vie. C'est en regardant les alentours que sa curiosité naturelle revint au galop. Une fille, seule, un peu plus loin. Des cheveux familiers. Des yeux familiers. Un comportement... Familier. Bon, pour faire court -ce qui est idiot, car c'est déjà trop tard, c'est long (et cette parenthèse rajoute encore un peu de longueur tiens, juste pour le troll)-, il connaissait la fille, mais... D'où ? Il ne lui semblait pas l'avoir déjà croisé à Prismver... L'approcher ? Ne pas l'approcher ? Il fallait bien se jeter à l'eau...

D'un pas décidé, il alla l'aborder, et commença par la phrase la plus idiote du monde, c'est à dire la "phrase qui fait bien plan drague" :

-Dis moi, on se serait pas déjà vu quelque part ?

-Aidan? Mais c'est une blague !

    Lui avait bien de dire que non, ce n'était pas une blague, et que ça n'avait rien de drôle. Être Aidan, c'est loin d'être risible, c'est plutôt un don de la nature, dont il était absolument fier ! Ce dont il était moins fier, c'est de ne pas se rappeler du nom de la fille en face de lui. Il était évident que elle, elle connaissait son nom, étant donné qu'elle venait de l'hurler comme si il s'agissait de la chose la plus incroyable du monde. Oui, Aidan était incroyable, merci bien ! Maintenant il devait s'atteler à sa prochaine mission : trouver le nom de la jeune fille, et vite. Pour quoi allait-il passé si il n'y arrivait pas ?! C'était hors de question ! Il avait beau être un flirt, il ne se voulait en aucun cas méchant ou malpoli.

Il commença le fil de ses pensées. Si elle était sur l'île, et avec son âge, elle devait surement être à Prismver. Il l'aurait rencontré là bas peut être ? Non... Il s'en serait souvenu, du moins, il espérait. Mais si il ne l'avait pas rencontré à Prismver, ça aurait tout de même été le plus beau des hasard qu'ils se retrouvent ici. Non non, il l'avait forcément vu en cours, ou autre. Mais comment pouvait elle connaître son nom si ils ne s'étaient jamais parlé ? La jeune fille lui donna bien vite la réponse, cela dit :

-Ça fait si longtemps ! Attends, je te donne un indice. Colonie de vacances été 2011.

Des souvenirs remontèrent à la surface. La galère pour trouver une chambre adaptée à son frère, les "au revoir" des parents, les activités de jeu, une petite amie d'enfance charmante qui-... Mais bien sur ! Les yeux d'Aidan s'ouvrirent comme des soucoupes. Mais il était con ou quoi ?! C'était pourtant tellement évident ! Elle lui ressemblait comme deux gouttes d'eau ! Bon, il avait une excuse : ça faisait quand même sacrément longtemps ! Mais mince alors : le hasard faisait vraiment foutrement bien les choses ! Ou était-ce le destin ? Non : il n'aimait pas parler de destin, il n'y avait jamais cru. Il plaça ceci sur le compte de la chance, et lui prit les mains en s'exclamant :

-Joy ! Woh, c'est vraiment un truc de malade de te recroiser ici ! T'es à Prismver toi aussi ?! Mais c'est dingue ça ! Moi aussi ! Enfin, tu avais surement deviné, mais... Waouh ! C'est dément !

La bouche grande ouverte, il regardait Joy de haut en bas, voir comment elle avait grandit, maturé même : elle était vachement belle ! Et elle avait l'air assez cool, pour traîner dans un endroit pareil ! Et voilà qu'Aidan ressemblait à un poisson rouge, ouvrant la bouche, la fermant, sans en croire ses yeux.

-C'est vrai que ça fait super longtemps.... !

-On va avoir du temps à rattraper ! Mais avant, vient danser avec moi.

Il jeta un coup d'oeil rapide à la piste de danse. Il ne pouvait pas.

Le problème n'était pas la danse, loin de là ! Aidan adorait danser, gigoter dans tous les sens, chanter à tue tête -même si il ne connaissait pas les paroles, ce qui parfois créait des paroles assez...Originale pour tout dire-, trouver des nouveaux mouvements pour s'accorder au rythme : en bref, c'était l'éclate de danser.

Ce n'était pas non plus l'odeur. Bon, il fallait avouer quand dans ce genre de boîte, ça puait légèrement la sueur sur la piste, et la pisse dans les toilettes, parfois accompagné du doux parfum de vomis frais où l'on pouvait encore sentir les spaghettis bolognaise de la veille. Mais il était habitué à l'odeur des boîtes de nuit, accentuée par le fait que tout le monde se collait les uns aux autres pour danser.

Et c'était bien là le problème : la proximité qu'avait ces gens qui dansaient. Ils sautaient, pas chassaient (on va faire style c'est un verbe hein), parfois même faisaient des mooves badass digne d'un film bollywoodien. Et bien souvent, les gens se rentraient les uns dans les autres sans faire attention, amenant alors une collision qui, pour Aidan, pouvait se retrouver fatale. Il n'avait pas du tout envie d'échanger son esprit avec un gars un peu trop bourré qui a une grosse envie de vomir, pas du tout envie de se retrouver dans SON corps, et de vomir à sa place. Ainsi, quand Joy lui fit cette proposition, une magnifique grimace de dégoût se plaça sur son visage.

-Heu... Sorry, mais je suis pas certain de vouloir là.

Mais se doutant qu'il allait la décevoir, il ajouta directement :

-A moins que l'on trouve un endroit avec pas trop de monde ! Then, it's okay !

En voyant cet étage vide, avec la musique toujours aussi bruyante, et un bar toujours occupé par les employés, Aidan ouvrit de grands yeux, surpris. Pourquoi personne ne venait là ? La réponse était simple : quand on va en boîte, c'est pour voir du monde, et certainement pas pour rester dans son coin à ne rien faire. Les barmans de l'étages devaient être peu habitués à voir du monde venir là, car ils les regardaient avec un air de lassitude. Surement faisaient-ils de rondes, et chaque jour, certains étaient envoyés en haut, d'autre en bas. Ils étaient sur leur téléphone, à ne rien faire à part traîner sur internet, et Aidan étaient sur que chacun d'entre eux se battaient à chaque fois pour faire sa soirée au deuxième étage : c'était un peu comme une soirée "vacance", où on s'ennuyait, mais au moins on avait pas vraiment à bosser.

Sauf que Aidan et Joy étaient maintenant là pour changer ceci. La première se précipita au milieu de la scène, en commençant à danser avec joie. C'était parfait pour Aidan : une amie lui étant chère, une piste de danse libre comme l'air, et personne avec qui échanger d'esprit sans faire exprès. C'est avec un immense sourire qu'il s'élança à son tour sur le milieu de la piste, sautant et chantant les paroles de la musique, levant les poings, les jambes, les pieds, faisant des mouvements tous aussi badass que ridicules, mais il s'en moquait bien : l'important était de se laisser entraîner, et puis, le ridicule n'avait jamais tué personne (sauf peut être un ou deux cardiaques qui ont mal supportés les rires des gens, mais il devait vraiment s'agir de cas isolés).

-C'est génial cet endroit ! Ce n'est pas la première fois que je viens ici : et pourtant ! Je ne l'ai jamais vu ! Bravo !

Il fallait dire que l'accès n'était pas vraiment mit en avant : une simple porte avec un escalier bien visible, mais Aidan s'était toujours dit qu'il s'agissait d'un étage réservé au personnel. Peut être qu'avec une pancarte néon indiquant "L'étage est ici, ne restez pas serrés ainsi", il l'aurait vu plus tôt, mais ce n'était pas le cas, alors personne n'y allait jamais.

-Et comment en es-tu venu à t'aventurer par là ?

Il rit un peu en entendant la réponse : de pure joie. Il n'avait pas vu cette fille depuis 5 ans, elle avait disparu de son champs de vision comme de son existence. C'était idiot, car pourtant évident, mais il était rassuré d'entendre que Joy avait des amis. Il était pourtant logique de se dire qu'elle s'était faite des amis durant tout ce temps, et Aidan n'en avait jamais douté. Mais il y avait une différence entre n'en rien savoir et entendre la personne concernée le dire. C'était comme si Aidan était le centre de son monde. Quand Joy était partie, elle n'avait, à se yeux, plus de vie ou d'entourage, car Aidan était du genre  à n'envisager que ce qu'il voyait. Et en la rencontrant à nouveau, dans cette boîte de nuit, c'était comme si on l'avait remise en "existence", qu'on lui avait redonné un entourage, des habitudes, un passé, un "background", en quelque sorte. Et ceci rendait le jeune adulte très heureux.

-Oh. Tu me les présenteras ?

Il voulait maintenant explorer l'environnement de la jeune fille, en apprendre plus sur elle, ses habitudes, la redécouvrir à nouveau. Elle avait peu changé, mais chaque personne grandit : il est évident que les fréquentations, le comportement, tout change, et Joy n'était certainement pas une exception. Il l'avait vu sur la piste de danse bondée tout à l'heure : bien qu'elle dansait maintenant de manière ridicule mais libérée, il n'y avait pas quelques instants, les mouvements de sa danse semblaient calculés, tout pour plaire, et même Aidan en avait été charmé. Elle était devenue une "femme", et non plus une petite fille insouciante qui ne pense qu'à s'amuser. Rare était les gens qui, comme lui, gardaient une âme d'enfant. Même un peu de la sienne était parti, après tout, Aidan ne cachait pas qu'il était un petit dragueur du soir. Bien sur, il ne faisait tomber personne à ses pieds, mais c'était une différence avec son "lui" enfant tout de même.

-J'ai hâte d'en savoir plus sur toi. Ca fait longtemps, après tout. On a tous les deux changés, je pense.