Pas à Serpentard, pas à Serpentard... [Pv Duncan]

Ce petit endroit, Soni ne l'avait visité que très peu de fois et à chaque fois c'était la même impression : celle d'entrer dans les cachots de Serpentard en plus agréable, moins dark que la description qui en était faite dans les livres. Et à chaque fois elle se disait que "putain c'est trop coooooool" en sautillant comme une débile, seule ou avec ses nouveaux camarades rouges. Elle avait su s'adapter rapidement au passage du vert au bleu, elle l'avait également fait à la perfection du bleu au rouge et en était même plutôt satisfaite. Grâce à ça, la blondinette s'était faite une idée plus précise de la merde qu'était l'éducation en E et son état blasé quant à tout cela n'avait fait qu'empirer.

Enfin blasé, c'était un doux euphémisme. Depuis que Sonera avait fait un beau doigt d'honneur verbal à la vice-directrice et la CPE, elle se sentait plus libre et plus fougueuse, tout lui donnait envie de gueuler. Peut-être un peu trop même, mais elle se retenait. Pour l'instant, elle laissait les ondes qu'elle avait créées s'écraser sur la berge de l'oubli et reviendrait peut-être à la charge - plus vite que prévu ? L'ex-déléguée avait même déjà repéré deux ou trois têtes rebelles, en-dehors d'Ansel qu'elle connaissait déjà très bien. Qui sait, peut-être qu'eux aussi auraient envie de faire bouger les choses à un moment donné ? Même si Soni avait déjà vu deux mouvements pro-E et égalité des classes mourir et finir au placard, elle espérait bêtement un miracle.


Persuadée d'être seule vu le calme qui régnait sur les lieux, étrangement, l'Italienne se mit à se dandiner et chanter dans un yaourt japonais approximatif les quelques mots d'une chanson dont elle se souvenait vaguement et se jeta comme un sac à patates sans classe aucune sur un des canapés. Jusqu'à se rendre compte que finalement, sa solitude n'était qu'imaginée. Un de ces fameux E terroristes, comme par hasard, se trouvait là. Un de ses camarades de classe, dans la plupart de ses cours et dont Soni avait déjà entendu parlé avant. Duncan, car sa mémoire était correcte et elle le savait.

L'air de rien, la blonde retira son casque de sur ses oreilles, le rangea et comme si elle ne venait pas de se ridiculiser, fit un signe de la main vers le jeune homme.

"Ciao, je croyais être seule mais en fait non. Toi non plus t'es pas en cours ?"

Car oui, maintenant qu'elle était en E, qu'elle n'avait plus de poste à responsabilité (et à image) à tenir, Sonera séchait les cours de cuisine dont elle n'avait franchement pas besoin. De petite demoiselle parfaitement gentille et souriante, elle se transformait brutalement en une punk à chien réfractaire. Bientôt on la verrait sortir avec des piercings partout, des cheveux teints en noir et des pulls aux slogans anarchiques comme si c'était la plus grande des banalités. Mais oui bien sûr, et la reine d'Angleterre était un loup-garou.

Ou la blonde avait simplement envie de dire merde à sa façon tout en restant raisonnable et en séchant un cours qui ne lui était d'aucune utilité au vu de ses capacités culinaires.

Il était en train de l'ignorer. Oui, il allait l'ignorer, Soni en était persuadée. Pourquoi un grand type sportif comme lui irait s'emmerder avec une naine aux airs de poupées, vraiment ? Il ne regardait pas mais elle haussa les épaules et prit ses aises dans ses nouveaux quartiers. Jusqu'au moment où leurs regards se croisèrent, faisant se tendre la blonde.

"Attention, faut croire que je suis en présence d’une rebelle. Tu comptes tout péter ? S’il-te-plaît, non, ne me fait pas de mal…"

Les yeux bleus de la demoiselle s'ouvrirent grands tant elle ne s'attendait pas à une réponse pareil. Elle fixa un moment Duncan qui se remit dans sa position initiale, d'un air qui faisait comprendre que même avec l'Apocalypse dehors, il s'en serait totalement contrebalancé. Enfin, c'est ainsi que l'interpréta Sonera qui se mit à rire, réagissant enfin à la pique.

"C'est moche de se moquer des gens, ta mère te l'a jamais appris ? Enfin ouaip, semblerait-il que je sois devenue une terrorriste du pensionnat, selon Staunton."

Son nouveau camarade coloré avait les yeux fermés et Soni ne savait pas s'il dormait ou non mais elle continua tout de même. Eh après tout, il s'était foutu d'elle, elle ne comptait pas en rester là : si elle pouvait le déranger pendant sa sieste, elle le ferait.

"Donner son avis, ça plaît pas à la vieille chouette. Surtout dans le micro de Ruthel, ça la met un peu mal tu vois. C'est pas comme si j'avais détruit une classe ou tabassé un élève hein, mais on m'a quand même fait passée en E."

La main contrariée de la blonde plongea dans son sac de cours et en tira un paquet de muffins faits maison, dans lesquels elle ne tarda pas de mordre un rien rageusement. Cette école devenait de plus en plus pourrie de l'intérieur et il fallait en plus qu'on leur amène une sale conne de l'extérieur pour remuer un peu plus la merde. Comme s'ils avaient besoin de ça. Soni jeta le sachet de douceurs sur la table devant elle et éleva de nouveau la voix.

"Tiens, sers-toi si tu veux. T'inquiète pas, j'ai pas mis de poison dedans, je vais pas te faire mal. Je culpabiliserais de heurter une petite chose fragile comme toi… lâcha-t-elle avec un petit sourire moqueur."

Imitant Duncan, Sonera s'allongea sur son propre canapé et fixa le plafond quelques secondes.

"Sinon, comment ça se fait que t'es pas en cours ?"

Soni ne s'attendait pas à un ouragan lorsqu'elle lança sa petite pique et sursauta lorsque Duncan se leva dans un fracas de table et de muffins volants. Ses yeux s'ouvrirent grand lorsqu'il l'attrapa au col et la souleva comme si elle n'était qu'un tas de plumes. Non, définitivement la blonde ne s'était pas attendue à un tel éclat et fut bien incapable de répondre quoique ce soit à ce qu'il disait, trop abasourdie. Elle n'en pensait tout de même pas moins dans sa tête et attendait patiemment que la tempête se calme pour pouvoir en placer une.

Instinctivement, ses petites mains arrangèrent le haut de sa robe lorsque le berserker voulut bien la lâcher mais son regard, lui, ne le quitta pas des yeux. Si une gifle arrivait, elle voulait au moins la voir et surtout, Sonera refusait de céder sur ça. Tant pis si elle passait pour une effrontée - et s'en prenait une à la fin, - elle avait une certaine fierté. Mais malgré tout, elle devait planter ses doigts dans la chair du canapé pour ne pas trembler. Jamais elle ne s'était pris de soufflante pareille, même par ses parents et ça lui faisait tout drôle. Duncan avait tapé dans son ego mal placé en prenant la mouche pour une simple blague et en la faisant passer pour une stupide petite blonde.

Même si elle était un peu bouleversée, sans aller jusqu'à être effrayée, elle apprécia les derniers conseils mais n'en dit rien. Du moins pas sur l'appréciation. À son tour de parler.

"Parce que tu crois que je suis pas au courant de la merde que c'est en E ? Tu crois qu'on a des œillères dans les autres classes ? Et tu crois vraiment que je me prends pour une terroriste ? Jusque là, j'ai cru bien faire en essayant de calmer le jeu, en étant du côté des pacifistes alors ouais, tu peux dire que je suis une mijaurée et que si je fais ma pseudo-méchante, il va m'arriver des couilles, sauf que merde, tu peux pas juger ce qui se passe dans ma tête, je suis au courant. Au lieu d'être un putain d'égocentrique qui croit que le monde lui en veut parce qu'il a une cravate rouge, tu t'es pas dit que d'autres gens, dans d'autres classes que la tienne, essayaient de se bouger le cul pour que vous, les vilains et violents E, ayez de meilleures conditions. Alors oui, la paix ça a foutrement pas marché, je te l'accorde et moi-même j'en ris jaune de ça. Mais tu sais, Entropy et RED, ça a pas beaucoup mieux marché alors qu'ils prônaient l'anarchie et quand même un peu de violence."

Sonera s'arrêta un bref instant pour reprendre son souffle et essayer de calmer son coeur fou mais pour ce-dernier, rien ne fonctionne vraiment en quelques secondes à peine alors elle repartit, bouffie d'adrénaline. Ca faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas pris la tête de cette manière. Peut-être pas depuis Léocade ou Narcisse.

"C'est parce que je suis petite, blonde et que je porte des robes… Oh et parce que j'étais en B aussi, que tu crois que je suis une chochote ? Tu t'es pas dit qu'en donnant mon opinion sur le système de merde qu'il y a à Prismver, j'avais pas réfléchi aux conséquences ? Nan parce que bon, je veux bien être écervelée des fois mais faut pas déconner non plus. Je savais où j'allais tomber, alors que j'aurais très bien pu fermer ma gueule comme je l'ai fait ces dernières années. Je me suis dit aussi que quitte à ouvrir ma gueule, autant continuer après mais je compte pas devenir non plus une espèce de barbare assoiffée de sang et devenir "quelqu'un d'autre". Si j'ai envie de bouffer des muffins, de coudre et de faire de la cuisine, c'est pas parce que je suis chez les rouges que je vais pas le faire. C'est quoi ces conneries là."

Dans un long soupir, Soni se recala dans le canapé en croisant les bras sur sa poitrine et en fixant Duncan d'un regard noir puis, dans une dernière illumination, elle rajouta :

"D'ailleurs, me fais pas passer pour une bourge de service qui pense que les E sont que des crétins incapables juste parce que j'étais en B, ça serait cool. J'ai jamais pensé ça. Enfin si, on va pas se mentir, j'ai déjà catégorisé des mecs en E comme débiles, mais je l'ai fait avec des A, des B et d'autres. Alors si t'es pas capable d'accepter une pique sans jeter des tables et accuser le piqueur d'être une tapette ou un faux E, on est pas sortis de l'auberge bordel."

Sous ses bras croisés et tremblants, l'Italienne sentait son coeur battre la chamade. Elle avait beau avoir eu la trouille de se prendre une bonne grosse fessée, il n'en restait pas moins que Duncan avait tapé où ça faisait mal, en la prenant pour une petite chose "qui se la jouait E". Elle en avait assez bavé à son changement de pouvoir pour ne pas retomber en E pour savoir ce qu'étaient leurs conditions et elle n'acceptait pas de se faire marcher sur les pieds comme ça par un mec trop passionné. Il avait raison mais s'il ne se bougeait pas plus, il ne se passerait rien de toute façon, pensa-t-elle sans le dire à haute voix.

Pour se donner un peu de contenance et malgré ses jambes de coton, la blonde se leva et ramassa son pauvre muffin puis alla se rasseoir, indécise de savoir si elle devait partir et le laisser gagner ou rester et l'emmerder. Et risquer de se prendre vraiment une beigne par la même occasion mais tant pis, Soni avait survécu à pire.