BOGOFF – pv Yuri

15 juillet 2016. 15h45.
Les crapules de Blasters ne sont pas ensemble. Le groupe s’est divisé pour mieux régner.
En réalité, ils profitent des dernières démarques pour faire le tour des magasins de l’île. Une idée subite. Loin d’être calculée par le duo du jour. Mais bien lancée par miss Bons-plans-réduc-éplucheuse-de-pub. L’idée : trouver AUJOURD’HUI les cadeaux d’anniv’ voire même de noël d’Ollie et Elliot. Plan, actions, réactions : faut pas croire, elle est un minimum oganisée. C’est presque paradoxal avec l’image d’insouciance “bonjour-cuit-cuit-les-ptits-oiseaux” qu’elle dégage. C’est un truc hérité de sa mère, toujours à l’affût de la moindre économie pour gérer au mieux le budget de la famille recomposée. On déconne pas avec ça chez les Gallagher ! Les garçons se moquent de son porte-monnaie bourré à craquer de cartes de fidélité, mais ils cracheront pas sur les chocolats chaud offerts -elle a calculé, ça tombera pile pour novembre avec le bon nombre de coups de tampon et tout. Bref !

Tout ça pour dire que c’est la 4e boutique qu’ils font là et tous les deux commencent déjà à en avoir marre. Parce que oui, Lola a eu l’idée de faire ça maintenant, mais pour la question des cadeaux en eux-même, c’est zero. Ils errent en quête d’inspiration. Ou alors peut-être que Yuri pensait qu’elle savait ce qu’elle faisait et c’est pour cela qu’il la suivait sans trop se préoccuper du truc. Maiiis pour Lola qui a du mal à juste suivre les instructions d’une recette de cuisine, la plannification a ces limites.

— Pfffff… non mais on va pas lui reprendre un casque bleu fluo, il a déjà tout le matos qui lui faut, non ?

Elle soupire presque de désespoir en haussant les épaules. Elle a parlé bien fort pour que la vendeuse les entende et se propose de donner un coup de main. On sait jamais après tout.

— J’sais pas ou alors un truc un peu vintage..., dit-elle distraitement en farfouillant dans un grand bac après avoir donné un coup d’épaule au Russe pour attirer son attention.

— Was denkst du ? Son air sérieux ne dure pas plus de cinq secondes. Son rire s’installait toujours aussi vite alors qu’elle continuait à parler comme si rien n’avait changer. Höre auf, nach der Verkäuferin zu schielen. Und konzentrier dich !

Zigzag entre les rayons, regard peu attentif voire pas du tout alerte, la mine de six pieds de long. T’aimes pas le shopping, Yuri. Pour ça que tu laissais ta mère acheter tes fringues sans toi au primaire et que t’avais aucun style jusqu’au début du collège. Pff… C’est juste qu’il pige pas le principe. Marcher des kilomètres dans une boutique, tout ça pour revenir aux caisses au final, histoire d’acheter un truc par défaut parce qu’on trouve pas ce qu’on veut. Alors que sur internet, un clic et c’est chez toi le lendemain.
Ouais sauf qu’on est sur la putain d’île de Prismver, dude, alors Amazon et ses livraisons premium on oublie. Du coup, on bouge son cul et on sort.
Et puis faut dire que Lola avait l’air si enthousiaste lorsqu’elle lui a proposé de sortir faire les magasins. Déjà qu’en général, il est difficilement capable de dire non, avec la Miss des Blasters c’est juste impossible. Il en sait rien, il s’est senti investi d’une mission importante tout à coup, ça avait un coté officiel. Il devait accompagner Lola. Aller en ville avec Lola. ESCORTER Lola.

Bref, dans sa tête ça prenait des proportions énormes, pour ça qu’il est ici, là maintenant. En train de passer pour la deuxième fois devant le rayon audio, lorgnant pour la deuxième fois un casque sur un présentoir. Bleu électrique. Qu’il trouve plutôt joli d’ailleurs. Ça doit être Ollie et son goût pour les couleurs fluo, ça a déteint sur lui. Alors il s’en empare et le met sur ses oreilles, distraitement. Puis y a moyen de brancher un micro, ça serait pas mal pour jouer en ligne avec Elliot bruh.
Et il se fait aussitôt engueuler.  « Rooh ça va j’regardais juste. »

Moue boudeuse, il repose l’objet à sa place, lève les yeux au ciel. Lola et Yuri des fois on dirait un vieux couple, avec leurs petites prises de bec, ils sont graves. La blonde a attiré l’attention de la vendeuse et Yuri peut pas s’empêcher de la regarder. Priant pour qu’elle ne vienne pas les aider. Elle a un joli visage, et l’uniforme du magasin lui va beaucoup trop bien, si elle s’amène il est sûr de bafouiller et de perdre ses moyens.
C’est pas le coup d’épaule de Lola qui le sort de ses pensées, c’est ce qu’elle dit ensuite qui le choque tout à coup.

« какого черта… »

Wow. Y a truc qui s’est brisé dans son cerveau c’est pas possible. Putain Yuri tu dérailles à mort. Complètement perplexe, il dévisage Lola avec de grands yeux désemparés, en train de piquer le fard de sa vie. Y a un gros problème, et vu l’air tout à fait serein de Lola, il se dit qu’il est le seul à vivre une expérience de malade mental. Attend. Think. La panique. C’est pas le truc donc ton prof d’SVT te parlait au lycée ?? Tu sais, le truc comme quoi quand tu prends des drogues hallucinogènes dans ta vie, t’as de grand risque de faire des trips tout à coup à des moments tout à fait random, des semaines, des mois, des années après. Tu peux carrément rester kéblo, genre perché jusqu’à ta mort. Oh là là nan Yuri c’est pas possible tu peux pas être chéper à tout jamais, pourquoi t’as suivi Ollie et prit des trucs avec lui…

Et Lola qui a l’air d’attendre une réponse.

Attend attend ATTEND. Voilà respire, pour commencer. Le prof d’SVT disait des conneries, c’est juste pour faire flipper les jeunes ce genre de fait. Alors il rit nerveusement, détaillant Lola. Haha Lola dis lui que c’est une blague.

« не смешно, Лола. давай же. »

Pourquoi il ne parle pas anglais ? Il a dit quoi là ? Elle a peut-être mal entendu ? Ouiii ça doit être ça.
…
Mais pourquoi il a l’air si perdu ? Pourquoi il rougit ? C’est cute mais bref. Pourquoi il continue à parler comme ça ? Qu’est-ce que c’est ?

— Was ? Warum sprichst du Russisch ? Machst du dich über mich lustig ?

Les mots qui tombent de sa bouche, elle les entend enfin. Allemand. Pourquoi elle parle Allemand ? Les épaules s’affaissent, pantoise. Une mini-tempête de panique dans les yeux. Qu’est-ce qui se passe ?

— Du weißt wirklich, daß ich werde nicht verstehen... Elle insiste refusant d’y croire. Mais ce sont encore ces mots à cette consonance écorchée et lourde qui sortent. Elle plaque une main sur sa bouche, choquée. C’est à son tour de prendre des couleurs. Yuuriii, was ist los ? Comme une plainte discrètement soufflée et tremblante alors que sa main est venue s’accrocher à la manche du t-shirt du D.

Pitié, c’est quoi ce délire ? Quelque chose se serre dans sa poitrine, un peu de peur s’y mélange. Coup d’oeil vers la vendeuse qui n’a rien capté, accaparée par un nouveau client en caisse. Elle tend l’oreille, ils semblent parler normalement. Lola ne sait pas si c’est bien ou non. Est-ce qu’il faut faire profil bas du coup ? D’où vient le bug ? Est-ce qu’il vaut mieux sortir d’ici et rentrer au pensionnat ? Elle ne sait pas quoi faire. Il y a tellement de questions et aucun moyen de communiquer proprement. Elle a rouvert la bouche pourtant, mais s’est tout de suite ravisée. La blonde n’ose plus rien dire. Silencieuse Lola. Mais bouleversée. Et Yuri doit être dans le même état. Elle présume que oui. Son regard turquoise s’accroche à sa silhouette. On dit souvent qu’il y a aussi le langage corporel. Avec la miss bien connue pour être un vrai livre ouvert, trop expressive, c’est facile. Alors peut-être... peut-être qu’ils pourraient vraiment se comprendre de cette façon, sans avoir parler. Même si sa voix aurait peut-être quelque chose de rassurant peu importe la langue… Lola, elle, ne veut plus qu’il l’entende parler en allemand, ça c’est sûr. C’est bien trop embarrassant.

Ou alors… À l’écrit ? Elle n’a plus son téléphone mais ils ont tous sur eux au moins un bout de papier et un crayon pour les lms. Soudainement, elle farfouille dans son sac à la recherche de son petit carnet noirci de gribouillages que personne ne parvient jamais à décrypter. Concentrée malgré les gestes précipités, c’est la voix de la vendeuse dans leur dos qui finit par la faire sursauter et tout lâcher par terre.

– Vous avez trouvé ce que vous cherchiez ?

Tout ça, c’était sans compter sur le petit courant d’air qui commence à agiter ses longues mèches de cheveux. Panique pas Lola, panique pas. Ou tout va finir par valdinguer dans le magasin. Hoche la tête, dans un sens ou dans l’autre, on s’en fout. Et barrez-vous. C’est ça. Ça doit être ça la meilleure solution pour l’instant, c’est le repli. Comme dans les jeux vidéos. Alors pourquoi tu bouges pas Lola ? Lola se contente de se pincer les lèvres pour se retenir de répondre encore un truc incompréhensible. Mais figée, elle doit bien avoir l’air d’une idiote à dévisager la jolie vendeuse…

Son regard rebondit d’un iris bleu ciel à l’autre, essayant d’y trouver une once de sens, quelque chose, n’importe quoi. Alors que la blonde en face de lui continue de parler dans une langue terriblement étrangère. En temps normal, ça l’aurait fait sourire. Il aurait très bêtement imité Lola, déblatéré des mots inventés qui sonnent germaniques à l’oreille tout en exagérant l’accent, en mode blablabla très drôle miss, funny de m’embrouiller moi aussi j’peux le faire, maintenant retour aux choses sérieuses. Sauf que non. Bombardé de questions qu’ils est incapable de piger, il s’impatiente. Malgré les débris de sourire désemparé échoués sur ses lèvres, ça ne rigole plus dans ses yeux, et ses sourcils se froncent.

« что ебешь ты говоришь , я не могу понять вас Лола ! »

Ambiance anxiogène tout à coup. Parce qu’ils ont le déclic, à la fraction de seconde près. Elle a un de ces visages qui ne se cachent de rien, à moins qu’on parvienne à décoder ce qui s’y esquisse. Et il a tout vu. En plus de s’écouter lui aussi, alors qu’il avait haussé rien qu’un peu le ton. C’est comme s’il le remarquait enfin, ce mur qui les sépare, et il capte qu’il n’est pas le seul. Surprise, t’es sûrement pas taré Yuri. Une infime bonne nouvelle, un souffle faiblard sur l’amas de nuages d’emmerdes qui s’amoncelaient au dessus de leur tête. Bref. Un truc sur lequel on a pas le temps de s’attarder. Il aurait sourit en la voyant sceller ses lèvres en y plaquant sa main s’il n’affichait pas déjà un air complètement médusé.

« что это не шутка , а.. »

Interrogation en suspens. Pas l’habitude de s’entendre parler spontanément russe lorsqu’il est loin du bercail, à part pour jurer et embrouiller les gens. Alors forcément, les engrenages de l’esprit ont du mal à se réemboiter à la réalité, ripent une seconde avant de repartir. Son regard s’égare sur ce qui les entoure, cherchant le moindre détail qui leur échappe, l’indice pouvant les renseigner sur what was the actual fuck. Une légère pression sur sa manche, dont il ne se dérobe surtout pas. C’est bien, ça lui permet de rester sur terre, de pas partir trop loin dans ses théories foireuses, parce qu’il était en train d’imaginer le pire. Un espèce de remake de la Tour de Babel, qu’est-ce que j’en sais moi. Et son attention s’arrête sur la même chose qu’observait Lola. Le reste du monde, qui continue de tourner tout à fait normalement, alors qu’ils sont visiblement dans un autre pan de la réalité. La vie est belle, et eux, ils ne se comprennent pas.

« Блядь.. »

Think. Il fallait qu’il relativise. Après tout, on était sur une île un peu particulière, rassemblant des gens tout aussi intrigants. Ici, il se passe des choses qu’on n’explique pas. Si on avait été ailleurs qu’à Prismver, à la limite, paniquer serait une option. Mais là c’est facultatif. Vraiment. Alors réfléchis. Un élève dont le pouvoir déconne, une mauvaise blague, y a forcément une explication, et donc une solution. Cependant ça.. - … Yuri, perd pas le contrôle - .. Ça risque d’être compliqué de détailler le cœur du problème, sachant qu’en russe et en allemand ça facilitera pas les choses.

Idiot de Yuri, si tu restes pas calme. Alors qu’il cligne des yeux, il a l’impression de voir quelqu’un reposer un article sur l’un des rayons
reposer un article sur l’un des rayons
reposer un article sur l’un des rayons.

Son cœur manque un battement. Parce qu’il entend. La voix de la jolie vendeuse et les affaires de Lola qui heurtent bruyamment le sol à ses pieds. Le cour du temps qui reprend et lui, il revient, retrouve toute son attention. Comme des lièvres pris dans les phares d’une voiture, ils sont là à dévisager la jeune femme en face d’eux. Sauf que.

" . . . "

Elle a les cheveux qui virevoltent Lola.
Il sent presque ce souffle effleurer sa joue.
Ça va mal finir.
Putain non tu veux pas que ça dégénère, Yuri, pour qui que ce soit. Il ne connait que trop bien cette sensation de glisser lentement mais sûrement. L’angoisse qui semble vous gangréner de l’intérieur, part du ventre et remonte doucement glacer vos poumons, avant d’enserrer la gorge. Ça monte et s’il ne fait rien, il va y avoir un point de non retour.

Reset
La voix de la jolie vendeuse et
les affaires de Lola qui heurtent bruyamment le sol
putain      concentre toi un peu
reset
Cette fois ci
c’est le froissement du tissus et le bruit de petits objets qui s’entrechoquent. Lola qui cherche de quoi écrire au fond de son sac. Et il saisit brusquement le poignet de son amie, pour l’entraîner avec lui alors qu’il débarrasse le plancher. Même pas il hésite, avant que la vendeuse ne puisse ne serait-ce que penser à entrouvrir sa bouche, absence totale de respect ça part sans dire au revoir. Comment passer pour le client connard ingrat de base. Il se dit lorsqu’il passe la porte du magasin que plus jamais il ne retournerait ici. En tout cas pas tant que le personnel n’a pas changé.

Des passants dans la rue marchande, l’effervescence ambiante, l’insouciance sur les visages. Ils ont l’air de deux extraterrestres fraichement débarqué sur terre à bord de leur comète, alors qu’il les force à s’éloigner du magasin. Rien qu’un peu, histoire d’être sûr. Une, puis deux vitrines plus loin, il se surprend à regarder par dessus son épaule alors qu’il s’arrête. Tu crois quoi, qu’on va vous suivre parce que vous avez pas dis "thanks bye". Parano.
Inspiration.

« мы должны… »

Son regard se reporte sur Lola tout à coup. Un mélange d’embarras et d’agacement dans celui ci. Bordel il a tendance à oublier beaucoup trop vite ce point important : TU PARLES RUSSE U FUCKER. Et devant Lola c’est la gêne.
On sait plus vraiment si c’est l’exaspération ou autre chose qui fait rosir son visage, en tout cas il lâche le poignet de Lola pour finir l’initiative, il lui prend son carnet et son stylo dans son sac, avant de les lui remettre un peu hâtivement dans les mains. Avec un regard un peu courroucé.

« ок, напишите, что вы собирались сказать, я бля бросить курить. »

Regard qu’il détourne aussitôt, arborant une moue désabusée, alors qu’il fourre ses mains dans les poches de son blouson. Rouge pivoine le type.

Le contrôle sur son pouvoir, c’est comme ce ruban rouge qu’elle attache à ses cheveux. Quand il y a du leste, il y a des mèches qui s’échappent. C’est sa bise. Et quand il lui file des mains, y a tout qui lâche. Une vraie tempête. Et là, c’était limite. Heureusement, Yuri a tout balayé en les sortant de là. Kids on the run as if their lifes were on the line ? Or just chasing their life ? Malheureusement, il a tout éclaboussé dans sa poitrine. Ça lui fait pas cet effet-là d’habitude quand l’un des Blasters vient au contact. Jamais d’ailleurs. Mais c’est peut-être parce qu’elle était déjà chamboulée par la perte d’un repère. Elle est peut-être trop sensible, trop confuse aujourd’hui. Et ça se concentre juste sur cette petite chose, sa grippe à son poignet. Mais même quand il a relâché son emprise, elle peut encore sentir sa main. Comme si il avait insufflé la chaleur qui grimpe à ses joues à lui, directement dans sa peau à elle. Et elle s’attend presque à voir une marque rouge apparaître. Mais non. C’est juste une étrange sensation qui s’étire de là. Celle qui manque déjà. Mais aussi celle qui donne soif, assèche la gorge, titube dans votre estomac et vous vole vos mots. Même les consonances russes qui s’échappent de la bouche de son ami ne le font pas réagir. Elle se perd à l’observer et se dit qu’elle doit probablement avoir la même tête. Deux tomates perchées sur des jambes essoufflées : qui voudrait bien les déguster ?

Papier et stylo récupérés à la va-vite, un peu par dépit, prise au dépourvu, parce qu’elle avait pas tout suivi finalement. Elle est docile Lola et souffle en se frottant la joue gauche d’un revers de main. Comme si ça allait stopper la cavalcade qui se joue dans sa poitrine. Elle a encore l’impression d’entendre la pulsation jouer les timbales. Sshhsshh. Ça la déconcentre, elle trouve pas ses mots rien qu’à cause de ça.

— Hmm...

Et les courbes apparaissent, se nouent, s’éloignent, s’étirent sur le papier blanc.” It’s kinda scary... We should go back.” qu’elle lui tend. Elle aimerait lui dire que sa main sur son poignet, c’était bien, c’était utile. Pour pas qu’elle se volatilise dans sa panique. Elle voudrait lui dire merci aussi, pour les avoir sortis de là. Ça devenait oppressant. Un peu plus et elle aurait tout fait valser. Et elle sait qu’il sait. Il fait le fort comme toujours. Yuri c’est celui qui s’efforce toujours de tout gérer comme un chef. On en oublie vite que lui aussi peut déraper. Qu’il en a le droit. Alors bien sûr qu’elle se demande si pour lui aussi son pouvoir a vacillé. Ils ne sont pas en D pour rien. Mais elle sait qu’elle ne s’en rendrait pas compte si il l’utilisait et c’est peut-être ça le plus effrayant. Qu’il soit coincé tout seul à vivre ça. Ça lui serre le coeur. Elle voit bien combien c’est délicat tout ça, ils ont ce désamour pour leur pouvoir en commun. Ollie et Elliot s’en sortent plutôt bien à côté. Alors machinalement, ses deux mains viennent chercher son visage pour qu’il arrête de fuir, qu’il se recentre, peut-être sur elle.

— Geht’s dir gut ? Hast du deine Macht benutzt ? … Aaah scheiße ! Ses iris le quittent, ses mains aussi, subitement, et elle se mord la lèvre de rage et de frustration. Fichue langue qui fourche tout le temps.

Elle reprend son bout de papier, réécrit ses questions, parce qu’il s’échappera pas, peu importe combien ça la gêne de laisser échapper ses mots si peu gracieux en allemand. Elle a l’impression d’effacer tout ce qu’elle veut faire passer. Elle ne reconnaît même pas sa voix. C’est rude, presque grossier, mâché. C’est terriblement moche à son oreille, qu’elle rajoute un “Please, gag me.”