r project : first strike - vee

R PROJECT : FIRST STRIKE

Ce plan là, on en parle depuis un bail. Au bout de quelques mois, on a rassemblé assez de neurones à deux pour se dire qu’on pourrait le mettre en oeuvre, c’est pas si compliqué pour deux tarés dans notre genre. Les défis, les enquêtes, on adore ça. C’est notre grand kiff commun. Toujours en quête d’aventure - si on peut appeler ça comme ça.

On s’est mis d’accord sur l’heure, le lieu et le moyen de transport. Ce qui est drôle, c’est que j’suis les trois. Je devais venir la chercher à minuit devant son studio.
Le moyen de transport ?...
J’suis actuellement en train de la porter en princesse, sous ma forme de gargouille horrible, en plein ciel. Le pire, c’est que je suis persuadée qu’elle adore ça. Moi en revanche, j’ai le coeur qui bat la chamade. Pour elle ? Non. Parce que ça m’épuise, et l’hypertension est encore plus présente lorsque je suis en forme démoniaque. Merci, Vee.

C’est pas que sa faute, c’est vrai. On n’a pas trop le choix. C’est soit je vole durant trente minutes et on évite la horde d’étudiants “rebelles”, les E, aux ruines, ou dans la forêt. De là où on est, on pourra juste leur faire coucou pour les faire rager…
Quand on parle du loup, les voilà, en bas, levant la tête comme des demeurés. Putain, j’les aime tellement ces cons.

— Vous pouvez pas nous toucher hein ? Hein ? C’est qui les petits bébés qui ont le seum ? C’est qui ? Mais oui !

J’me calme. J’la laisse se foutre de moi si elle veut, moi j’aime bien les faire chier. Je me mets à rire doucement, satisfait. On est presque arrivés, de toute façon. Encore quelques secondes… J’effectue un petit - énorme - sprint pour la jeune demoiselle pas du tout chiante, en pic, et elle reçoit une bonne bourrasque dans ses cheveux si bien coiffés juste avant. Je ris tout le long. J’atterris lentement, pour ne pas me briser les genoux. Une fois à terre, je la lâche brusquement - dernière mauvaise blague avant de commencer les choses sérieuses.

— Désolé, t’étais trop lourde chouquette.

Un nouveau sourire moqueur se dessine librement sur mon visage tandis que je dis adieu à mon corps tout moche, et redeviens le beau gosse mystérieux que j’ai toujours été. Tandis que les mèches de ses cheveux s’emmêlent, mes cheveux sont parfaitement bien peignés. Un autre avantage de ce don. Hem.

Je lui tend la main pour la relever. On se trouve… Juste devant le manoir. “Hanté”, soi-disant. Pourtant cette fois, aucune pièce n’est éclairée à l’intérieur. Du moins pas celles possédant des fenêtres. Il est gigantesque, imposant, trop vieux, et me donne quelques frissons dans le dos - que je dissimule pour ne pas paraître faible. J’suis pas le genre de mec à flipper pour ça. J’suis un enquêteur moi mesdames. C’est pas une petite maison qui va m’effrayer.
Une branche craque, au loin vers la droite, et je pousse un petit cri aigu, étouffé, tout en sursautant.

— Ça reste entre nous.

Je ferme les yeux, en espérant qu’elle ne le répète pas. Pitié.

— Comment tu veux que je sois calme ? Je suis parfaitement pour entrer là-dedans, même si les rumeurs disent qu’une meuf a buté son mari puis s’est pendue à l’intérieur, que Loïs y réside et pourrait nous dégager à coup de trucs magiques de merde, qu’il y aurait soi-disant des fantômes en prime… Mais c’est cool. J’suis trop content.

Je regarde fixement la petite en souriant. J’ai peut-être légèrement peur, mais on va y entrer, et à la moindre occasion je lui fous la frayeur de sa vie. On verra qui a le plus peur. C’est plus qu’une enquête pour moi là, c’est un jeu.

©Gau

R PROJECT : FIRST STRIKE

”Bébé”, “bébé”, on verra qui protègera qui quand on fera face à des fantômes assoiffés de sang et des esprits malfaisants, “bébé”. J’peux pas contenir mon petit sourire satisfait, pourtant. C’est comme ça, Vee je la trouve trop mignonne et puis c’est tout. A chaque mot, elle me fait craquer. C’est peut-être un des seuls mystères que je ne décèlerai jamais : son charme, et son ampleur sur moi.

Puis on entre, lampes-torches en mains. Déjà la porte fait la double de sa taille, alors elle pourrait se perdre rien que dans le hall. Tout est vieux, tout est mort, des toiles d’araignées partout… Le parfait cliché. C’est là que je réfléchis, et finalement, c’est très probable que ça ait été une des planques du Ranker, mais il n’y habite plus depuis des millénaires et il a certainement tout emmené avec lui, même la petite photo de son arrière-petite fille. Non plus sérieusement, à moins qu’il soit immortel il faut se rendre à l’évidence : il ne fait pas sa planque ici. Mais il reste quelque chose à découvrir. Il y a toujours une pièce secrète dans les films, toujours. L’équipe de Scooby-Doo c’est nous cette fois, et on va résoudre ce mystère. Un mur qui s’enfonce, un livre à retirer, un levier à baisser, une cheminée à tourner, quelque chose. Même un simple grenier. Il y aura sûrement des traces. Et si ce ne sont pas celles du Ranker, qui sait ce que l’on pourrait trouver. Des papillons s’agitent dans mon ventre et ma peur s’enfuit, l’ambiance est parfaite.

Je tourne la tête vers Vee qui parle déjà trop. Vee, t’es cramée. De loin. Elle n’a même pas respirer, elle a peur. Et moi j’en rigole, évidemment, on se refait pas. Je hausse même un sourcil lorsque cette pile électrique se met à parler à Dieu.

— Appelle-moi Jack, ça suffira. Et c’était ton pied sur le bout de verre, juste ici, par terre. T’inquiète pas bébé, j’te protège.

C-C-Combo. Un clin d’oeil avec un bisou dans le vent, et le moral remonte vers les deux cent pourcents. Paré pour le pire. Je m’étonne tout seul en pensant que j’ai pensé que Vee est belle quand elle a peur. Je fais des phrases trop longues. Je ne cache pas que j’ai envie de la prendre dans mes bras et de lui dire que tout ira bien, rien que pour blesser sa fierté. J’ai une idée, je vais arrêter de penser à des choses étranges et plus incompréhensibles que toutes les enquêtes que j’ai menées. Bordel, c’est Vee.

Je secoue légèrement la tête en me frottant le front d’une main, comme pour me changer les idées. J’me suis perturbé tout seul.

— On trouvera peut-être une pièce secrète. Genre, si j’appuie là, j’appuie sur le mur à ma droite et met ma main dans une toile d’araignée, je la retire violemment avec une grimace. Putain… Peut-être pas là, mais en appuyant quelque part. Ou un grenier, maybe. Y’a toujours des greniers dans les films d’horreur.

Je secoue ma main et regarde la petite à côté de moi. L’idée d’essuyer cette merde sur elle me passe par la tête, alors je lui fais un grand sourire et approche dangereusement ma main d’elle, puis m’essuie sur son t-shirt, au niveau de son ventre. J’me sens mieux.

— Oups, j’ai fait exprès.

Je vais me faire frapper un jour. Frapper, torturer jusqu’à la mort. Je l’aurais cherché.

Un autre bruit se fait entendre, cette fois c’est plus une sorte de grincement. Donc, un peu plus flippant. Une porte s’est ouverte quelque part. Maintenant, reste à savoir où. Si quelqu’un nous a suivi, autant le savoir maintenant avant de se faire agresser par des S ou des fous. Je fronce les sourcils et m’avance plus vite, d’un air décidé, dans le couloir qui semble sans fin, laissant légèrement Vee en arrière. Lampe-torche en avant, je la pointe un peu partout pour être sûr de ne pas rater quoi que ce soit. Une porte à ma gauche, entrouverte. Je l’inspecte de haut en bas, la pousse très légèrement. Elle s’ouvre un peu plus, en grinçant de manière toujours aussi flippante. Un coup d’oeil vers Vee qui ne semble pas rassurée, puis j’entre.

C’est une assez grande pièce, d’après ce que je peux observer. Des draps surplombent tous les meubles, dont une sorte d’instrument. Un piano, certainement, et vu la taille c’est un piano à queue. Une grande vitre sur la droite - une des rares qui ne sont pas brisées, on peut y voir la grande allée sur laquelle on a atterrit. Ce devait être un salon, parmi tant d’autres vu la grandeur du manoir.

Reste à savoir pourquoi la porte s’est ouverte. Une autre porte en face, et sur la gauche. On entre dans un labyrinthe et je dois dire que je n’ai aucun sens de l’orientation, enfin je crois.

©Gau