T’aurais jamais pu prédire ce qui se passerait aujourd’hui.
T’allais à ton cours, la tête encore ensommeillée, comme chaque mercredi matin, lorsque c’est arrivé : t’es tombée face à face avec Orion au rez-de-chaussée. D’un coup, tu t’es sentie réveillée, tirée vers le haut par la présence du D. D’un sourire et d’un hug, tu l’as accueilli et vous avez commencé à parler comme à votre habitude, d’à peu près n’importe quoi parce que vous restiez vous hein. Sans oublier de monter les étages pour aller jusqu’à vos cours respectifs, parce que vous n’alliez pas sécher en plus.
T’aurais jamais pu prédire ce qui se passerait aujourd’hui.
Ça semblait être une journée normale, rien de plus, où tu serais allée en cours et où rien de tout ça ne se serait produit. Entre deux blagues et quelques éclats de rires partagés avec Orion, t’as entendu quelqu’un courir dans les couloirs. T’as pas trop compris ce qui se passait, mais pour dire vrai tu t’en fichais pas mal sur le coup. Quelqu’un devait être en retard pour un cours et avait oublié ses choses dans son dortoir, rien de bien méchant. Y a fallu l’exclamation d’un D qui affirmait qu’un mec aux cheveux bleus était en train de se battre un étage plus haut pour te faire capter ce qui se passait à l’instant. T’es devenue livide, oui oui, et tu t’es retournée vers Orion pour vérifier s’il avait bien compris la même chose que toi. Colton était celui qui se battait. À son air, tu sais que tu ne t’es pas trompée.
Alors tu cours.
Arrivée au quatrième étage, tu figes en apercevant le bleu,
ton bleu, amoché et pas qu’un peu. Si t’avais pu élargir ta vision, t’aurais certainement remarqué que ceux qui se tenaient près de lui étaient clairement beaucoup plus à plaindre que Colton, mais ils n’étaient pas celui que tu aimais, alors ils t’importaient peu, seul le A dans ton cœur comptait.
Un sanglot prend possession de toi et tu ne peux pas t’empêcher de protester à ta façon, trop saisie pour sauter dans le feu de l’action.
▬ ... Non ! Colton !
Ta main couvre rapidement ta bouche pendant que des larmes roulent hors de sous tes paupières à rythme régulier. Mais ton cerveau lui? Il sait plus comment réagir, il analyse la situation et beug complètement face à tant de réactions contradictoires en même temps.
T’as envie d’éclater en sanglots en le voyant saigner en premier lieu, puis en revoyant cette expression qui avait peuplée tes cauchemars il y a des mois de cela : le clown. T’as l’impression que tous les efforts que vous avez faits pour tenir le clown éloigné ont été vains en le voyant assuré en plein milieu des élèves, comme s’il était de retour en S. T’as pas envie de te laisser abattre maintenant, tu ne veux pas perdre foi en lui, mais tu ne peux pas t’empêcher de te laisser aller à une légère vague de découragement, comme si tout allait être à recommencer.
Tu sais par contre que tu ne dois pas perdre espoir. Que Colton ne se serait pas laissé aller à pareille folie s’il n’avait pas eu une bonne raison de le faire. T’es sa copine, tu vas devoir lui montrer un soutien indéfectible dans tout ça parce qu’il aura besoin de toi et de savoir qu’il n’est pas seul. Et surtout parce que tu dois être près de lui maintenant, à défaut de pas avoir pu l’être pendant sa passe difficile de l’année dernière. T’es une source de réconfort pour lui désormais et tu ne peux pas te permettre de lui faire sentir que tu l’abandonnes pour son geste, au contraire. Tu vas rester solidaire, tu le sais, et le garder près de toi autant que nécessaire.
Tu captes d’ailleurs que ses jambes devaient être guéries pour qu’il puisse se battre, et tu sens une pointe de culpabilité se manifester. Comment t’as pu ne pas te rendre compte de ça ? Tu t’en veux de ne pas l’avoir remarqué avant et qu’il a fallu qu’il se retrouve dans ce genre de situation pour que ça te saute aux yeux.
En le voyant le professeur neutraliser ton petit ami, tu esquisses un mouvement pour sortir du groupe avec l’intention de le serrer contre toi, de le réconforter, mais t’as à peine bougé d’un centimètre qu’une main te retient. Tu ne prends même pas la peine de te retourner pour voir qui c’est, tu ne veux pas lâcher Colton des yeux une seule seconde.
Parce que t’as mal pour lui. Plus que jamais.
T’essuies tes larmes mais t’arrive pas à te composer une mine rassurante, t’es trop secouée pour ça. Alors tu l’observes, choquée un peu, incapable de prononcer un seul mot.
Parce que t’aurais jamais pu prédire ce qui s’est passé ce matin-là.