RAVENBORN.

Pour lui, tout commençait ce soir. Ce qui signifiait que pour les autres, tout prenait fin. Du début de cette soirée à la nuit tombée, personne dans la ville ne trouverait le sommeil du fait du boucan qu'il ferait. Le plus fourbe dans cette histoire, c'est que son système était tel qu'il serait difficile de s'en défaire avant que la représentation ne prenne fin. En bon membre du club de théâtre, Miles avait écrit une pièce des plus captivantes - et détenteur d'un don plus que pratique pour ses méfaits. Avec son contrôle de l'espace,
il avait mis tout son attirail dans un minuscule sac et une fois que la place principal du quartier des airs fut désert, il passa à l'action.

Sur l'estrade fut disposé un grand jeu de marionnettes et plus à l'arrière, des décors grossièrement dessinés pour souligner l'absurdité de la scène. Des enceintes installées sur les côtés amplifieraient le son du disque que Miles avait enfilé dans le lecteur, disposé au même endroit que lui : sous l'estrade. C'était sûrement une cachette un peu simpliste mais il ne s'en inquiétait pas ; il aurait largement le temps de fuir lorsqu'il serait découvert. Enfin, Miles avait disposé d'innombrables enceintes à plusieurs endroits de la ville - le plus pénible de l'opération avait été de rassembler assez de fil pour tout mettre en place.
Les égouts avaient joué un grand rôle ici, et ce serait toujours le cas d'ici par la suite.
Miles jeta un coup d'œil à sa montre : 20h23. Les militaires bougeaient davantage vers le quartier festif lorsque la soirée approchait, l'endroit le plus susceptible de faire face à des problèmes - et celui des arts, suivant des règles strictes d'ouverture pour la plus part de ses établissements, était censé ne rien craindre.

Censé. Et tout changerait ici-même, en cet instant.
À cette seconde, lorsque le son fut branché et que la pièce commença.

"Bonjour, bienvenue à la première, unique et dernière représentation de votre pièce favorite, le Corbeau !"

Surprise. Agacement. Curiosité. Exaltation.
Après ce hurlement de présentation, la voix baissa d'un ton.

La marionnette principale, représentant une enfant armée d'une mitraillette exagérément grande pour elle, agita son arme en coton - cousue avec son bras - en signe de bonjour.

"Il était une fois une petite fille du nom de Helena" reprit la voix insupportablement aiguë. "Armée d'un fusil, elle rencontra une bande d'animaux qu'elle ne connaissait pas. Elle aurait pu chercher à leur communiquer ses sentiments, au lieu de quoi elle pointa son arme sur eux pour asseoir sur eux son ignoble autorité !" Deux coups de tambours. Quelques brèves notes de violon pour ajouter un côté dramatique. "Une fois qu'elle fut certaine qu'ils eurent compris la nature de son arme, elle décida de les inscrire au cirque pour les présenter au monde afin qu'ils vivent dans l'harmonie du contrôle."

...

"Cette fin vous convient-elle ? Ce n'est pas mon cas. Je ne veux pas laisser cette représentante du gouvernement mettre la main sur nous. Nous avons toujours vécu dans la paix, à l'écart du monde, et ce depuis toujours. Notre secret a toujours été bien gardé et nous avons toujours su tenir notre communauté loin d'une autorité incapable de nous comprendre." Courte pause."Si vous croyez en ces promesses de vie commune, grand bien vous fasse ! Si votre naïveté vaut le coup de risquer tant de vies, prenez le pari. Ce ne sera pas notre cas.

Le décor tombe en même temps que la marionnette et une autre se dévoile. Elle représente une silhouette dans l'ombre, affublée d'un masque de corbeau. La voix se fait plus forte tandis que les premiers civils accourent hors de leur maison pour assister à la scène qui continue à résonner dans toute la ville et même jusqu'à l'école.

"Nous refusons d'assister docilement à notre propre chute."

D'une main, la marionnette brandit une copie du règlement intérieur - ce carnet donné à tout nouveau élève et qui a considérablement grossi ces derniers mois. De l'autre,
un briquet ouvert - et grossièrement, elle joint ses deux mains, mettant feu au règlement, déclarant ouvertement la guerre à la vice-directrice. Par ce geste, la marionnette s'enflamme et tombe inerte, répandant les flammes sur l'estrade en bois.

"Nous sommes Raven.
Et à partir d'aujourd'hui, nous nous battrons pour notre liberté."

Usant de son pouvoir pour agrandir l'espace de la bouche d'égout située sous l'estrade, Miles s'y glissa. Il ne reprit aucun de ses accessoires, car il tenait à laisser le plus de preuve cette action - et il repartit vers l'école par le biais de ces passages secrets, laissant derrière lui une estrade brûlant du feu de la rebellion.

Rp intrigue •• Avril (cycle 3)