Sujet: run boy run /// ft cecil Dim 18 Juin 2017 - 23:50
Cœur au galop, s’accorde au bruit des pas qui martèlent la chaussée. L’air frais de début d’été qui arrive en trombe dans ses poumons gonfle la cage des os à intervalle régulier. Cours, cours toujours Stan’, tu sais faire que ça, courir pour éviter de faire face. Minuit sonne un génocide lumineux et il devine le quartier de minuit qui commence à vivre loin derrière lui, par delà un Prismver endormi, au bord de la rive. Et si on le voit dehors, s’il croisait un membre du personnel. Est-ce qu’on risque l’exclusion si l’on enfreint trop souvent le couvre-feu ? Imagine, Stan’, un retour au bercail. Oh il imagine très bien. Y a une heure encore il ne faisait que ça. Position foetale sous sa couverture, des images dans la tête. Convaincu le jour que tout est derrière lui, les démons viennent lui tapoter l’épaule tous les soirs presque, quand il ne fait pas le nécessaire en se changeant les idées, en se remplissant la tête d’autres choses. Mais que c’est compliqué ici compliqué de se noyer dans le monde de la nuit comme il savait si bien le faire à San Francisco. Alors le soir, le soir il court, escalade le muret et court encore se mêler à la moindre foule, le moindre amas d’âmes distrayantes, quand il n’est pas dans la chambre de quelqu’un n’importe qui, n’importe quelle autre chambre que la sienne. Pour vite enterrer les trucs sombres, pour laisser la place au Stan’ qu’on connait, le Stan’ dans l’excès de confiance, l’excès d’humeur, l’excès de tout. Il s’était dit que si un soir courir s’éparpiller ne suffisait pas il tenterait un semblant d’appel à l’aide. Un appel qui ne semble pas en être un, quelque chose qui n’a l’air de rien, un truc auquel il est doué.
Stop. Le souffle qui continue sa course, alors que les jambes ont cessé de faire le moindre pas. Courbé, les mains sur les cuisses, à chercher de l’oxygène, avant de se redresser pour observer les alentours. Pas un rat sur la grande place, rien que des manèges et des commerces au rideau tiré qui attendent patiemment les visiteurs du lendemain. Quelques fenêtres éclairées, comme des yeux épiant les faits et gestes d’un élève qui se trouve partout sauf là où il est sensé être. La capuche de son sweat trop large dans lequel se noie sa silhouette frêle, rabattue sur sa tête, alors qu’il se tourne vers l’interphone. Hésitant. Forcément. Toquer à la porte de la vice-directrice aurait été tout aussi suicidaire mais. Maintenant qu’on est là.
Il repère le nom du professeur, Kinglsey, écrit d’une jolie écriture contrairement aux autres résidents de l’immeuble au patronyme calligraphié à l’arrache. Note l’étage dans un coin de sa tête. Avant de sonner chez quelqu’un d’autre, appuyant de longues secondes sur la touche. N’importe qui aurait envie de décoller un revers dans les canines du moindre individu sonnant à cette heure là et de cette façon mais le garçon ne laisse pas le choix lorsqu’il entend une voix aussi ensommeillée qu’exaspérée lui répondre un "oui ?" agacé. Le ton décidé, formule l’ordre absolu.
- Ouvre.
Cliquetis de l’ouverture, tandis qu’une douleur vrille dans son crâne, Stan’ porte une main à son front et siffle entre ses dents, pousse la porte sans écouter plus longtemps l’inconnu à l’interphone qui s’insurgeait après s’être exécuté sans réfléchir. Les marches montées deux par deux, quitte à être à bout de souffle autant l’être pour de bon, et il atteint l’appartement des derniers étages en quelques secondes à peine. Sauf qu’il lui faudra bien une demi douzaine de minutes pour se décider à sonner, de manière moins insistante qu’à l’interphone mais soutenue quand même. Ouvre vite, Kinglsey.
sesame
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Ven 23 Juin 2017 - 4:55
lost boy from neverland
Musique catchy qui passe en boucle, chantonnée par la télévision : le menu principal d’un film dont il n’a même pas regardé la moitié avant de s’endormir. Un extrait de dialogue qui se répète se répète se répète comme un disque rayé dans l’appartement, le lecteur attendant simplement les directives d’un potentiel spectateur. Alors on est reparti pour un tour ? envie de revoir un chapitre en particulier ? de mater le long métrage en bosniaque sous-titré chinois ? Aucune réponse, aucune main qui s’empare de la télécommande pour remettre la machine en marche ou la faire taire définitivement. Rien qu’un souffle régulier, rien qu’une silhouette étendue sur le canapé, face au dossier dos au monde. Tête sur un bras plié, courbatures garanties au réveil.
Besoin d’une présence pour s’endormir malgré la quarantaine en ligne de mire. Des répliques de série B de longs monologues enflammés tout sauf un film muet. Un peu de vie. Pour distraire l’insomnie tandis qu’il prend un semblant de repos. Des tranchées sous les yeux, Cecil, comblées le jour par la caféine, qu’il s’injecterait en sous-cutanée s’il le pouvait.
Ça n’a rien de nouveau, ça fait six ans qu’il suit cette routine. La culpabilité de ne pas s’occuper l’esprit, l’effroi de faire face à d’éventuelles remises en questions nocturnes, Cecil veut faire quelque chose. Tout le temps. Toujours. S’endormir sans rien devant les yeux ? Une hérésie. À coté du canapé d’ailleurs, son cinérama. Presque autant de films que de bouquins dans l’ancien atelier reconverti en appartement, il préfère lire et voir des récits racontés par d’autres, pour éviter de jeter des regards furtifs sur le sien. Sûrement.
En temps normal il est adepte des réveils brumeux. Ceux où l’on s’interroge une seconde sur l’heure et le lieu, où l’on titube pour éteindre ce que l’on a à portée de main avant de traîner un corps vaguement endolori jusqu’à son lit histoire de poursuivre sa nuit. Aucune pensée parasite entretemps, c’était le plan. Sauf que.
Ça résonne dans l’espace clos et dans son propre crâne. Pas une de ces sonnettes qui retentissent comme une gentille invitation, entonnent des notes agréables de matrone pépillant "voilà un invité !". Plutôt l’une de celles au crissement désagréable, qui donnent l’impression qu’on écorche un grillon avec du papier de verre et qui vous crient à l’autre bout de chez soi OUVRE CONNARD. La sensation d’avoir rêvé, et puis, un sursaut, tout son corps sous tension lorsqu’il reconnait le parquet du pallier qui craque comme toujours lorsqu’on attend lorsqu’on l’attend devant la porte. Le canapé qui semble l’agripper comme une amante ensommeillée non va pas ouvrir reste encore un peu cheveux en vrac, dégaine débraillée du café froid sur la table, Cecil vide la tasse d’une traite. Le sommeil qui le quitte dans un dernier soupir et quelques pas pour finalement ouvrir la porte au visiteur nocturne.
... Klaus ? ... c'est une blague..
Un des garçons perdus qui avait décidé d'écouter ni Wendy ni Peter pour sûr.
mi — b i u g e e
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Ven 30 Juin 2017 - 4:50
Et s’il passait la nuit sur le pallier. Pas un bruit, lourd silence, ses côtes comme de longs doigts ivoire empoignent l’oiseau affolé du cœur, resserrent leur étreinte, vont finir par lui briser le cou c’est sûr. Si on ne lui offre pas refuge alors il faudra retourner errer dehors encore et encore et il voudrait juste tenter une fois rien qu’une seule fois autre chose. Convaincu depuis la nuit des temps qu’il existe une unique trame, et s’il était possible de déjouer le cour des choses, s’écarter du sentier tout tracé. Mais c’est que l’inconnu l’effraie tellement. Si jamais les mots ne viennent pas. Si jamais il changeait d’avis. Il peut tourner les talons, au pire. C’est pas si important, quand il y pense, hein, c’est pas si grave que ça. Allez c’est bon, arrête tes conneries et fais demi-tour, Stan’, c’est quoi le problème ? Y a pas de problème, aucun Pas vrai ? La porte s’ouvre.
Un noyé qui passe enfin la tête hors de l’eau. Ou bien une pauvre bestiole qu’on a prit dans ses phares. Il réalise. Il a sonné chez Kinglsey à minuit passé. L’imbécile, il l’a vraiment fait. Étrange. De voir le professeur le surplomber dans un autre décor que celui de l’établissement. C’est comme si c’était quelqu’un d’autre en face de lui, et il a du mal à savoir si ça l’intimide plus ou moins que prévu. Une partie de lui hurle quelque part de s’éclipser en vitesse. Dire que oui, c’était rien qu’une plaisanterie et laisser le choix au professeur niveau sanction.
Mais c’est qu’il doit y avoir de l’assurance pure dans son oxygène à lui, forcément, car il ne lui faut qu’une inspiration. Le diamant qui ripe une seconde sur le vinyle et puis, le morceau repart, Stan’ la mélodie entêtante, on croyait vraiment qu’il allait changer de disque ? Elle est sûrement gravée dans son ADN cette risette qu’il aborde en toute situation. Un sourire à la fois narquois et candide, un rictus effronté qui invite à tout pardonner, celui qu’il adresse à tout le monde sans distinction, alors pourquoi pas à Kingsley ? On n’a jamais dit que Stan’ était quelqu’un de courtois et bien élevé, au contraire.
— Damn, sans la dégaine de requin vous êtes beaucoup moins impressionnant haha !
Coup d’œil par dessus l’épaule du professeur, voyeurisme que n’importe qui aurait, l’envie de savoir ce qui se cache derrière le costard, les Ray Ban et l’écriture illisible. Et puis, histoire de se donner du répit pour inventer une excuse qui tient la route.
— J’vous dérange, p’t’être… J’me baladais. J’arrive pas à dormir en vrai, alors j’me suis demandé… quel est le truc qui m’assomme de manière efficace et systématique ? Et là j’ai eu l’déclic j’ai direct pensé : ces foutus bouquins romantiques style les sœurs Brontë, où ça chiale à la lune et où ça flirte avec des esprits, truc du genre. Y a moyen qu’on m’en prête ?
Le pire c’est que son baratin le fait sourire d’autant plus, et il a la confiance dans le regard lorsqu’il reporte son attention sur Kingsley, la mine sereine.
sesame
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Dim 9 Juil 2017 - 6:12
lost boy from neverland
Stan’ est un ponctuel de l’atelier d’écriture. C’est ce garçon qui n’a rien à faire là les trois quarts du temps, et qui, parfois, est tout à fait à sa place. Une de ces âmes brouillons qui trouvent inconsciemment les mots justes. Quelqu’un qui aurait fait perdre patience à Cecil depuis longtemps s’il n’y avait pas ces répliques d’un autre âge de temps à autre. Signe qu’un truc cloche.
Stan’ c’est étrange de l’avoir sous les yeux. On a l’impression d’être face à un gamin qui a apprit certaines choses trop vite, tantôt bien tantôt mal. Ça déstabilise. Mais c’est ce qu’il cherche au fond, et il est aussi ce genre de personne à qui il ne faut pas donner ce qu’elle veut. Trop grand pour les caprices.
Alors quand il lui adresse sa risette passe-partout et lui lance sa réplique insolente, Cecil se contente de pousser un soupir, posant pouce et index sur ses paupières fatiguées qu’il masse une seconde. Des fois il se demande, juste comme ça. Et si j’avais eu un fils ? Tandis qu’il écoute vaguement le blabla du petit brun qui lui fait face, il se surprend à penser. Oh surtout pas Stanislas Klaus. Trop d’emmerdes. Gandhi lui-même finirait par mettre une bonne grosse claque de daron à cet enfant, c’est vous dire.
… À ton âge je pouvais pas saquer les Hauts de Hurlevent. Mauvaise nouvelle : rien n’a changé.
Mais c’est aussi pour ça que Cecil ne songe pas un seul instant à lui claquer la porte au nez. Un garçon capable de rendre fou tout ce qui l’approche, c’est pas normal. Ça cache un truc pas net, un truc qu’il faut pas ignorer, parce que ça pourrait empirer. Regard désabusé.
Klaus. Mon job, c’est de tenter de garder éveillés une vingtaine d’élèves qui, pour la plupart, décrochent dès qu’on évoque un bouquin de plus de deux-cents pages, et ça presque dix-huit heures par semaine. On me paye pas pour remplacer papa et maman.
Suivi d’un haussement d’épaules tout aussi désinvolte.
Alors vas-y, entre. Mais ne compte pas sur moi pour te faire un lait chaud et te raconter une histoire.
Cecil tourne les talons rentrant dans l’appartement pour avancer presque inconsciemment vers la machine à café, qu’il rebranche.
mi — b i u g e e
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Jeu 13 Juil 2017 - 1:42
C’est un garçon amoureux de l’impossible qui serait capable de creuser l’impasse à s’en faire saigner les doigts. Besoin de plus, beaucoup plus qu’un soupir et une expression désabusée pour tourner les talons. Une assurance malsaine, Cecil avait vu juste. Pour ça que Stan’ est là ce soir. Il lui fallait quelqu’un de difficile à berner. Un mur assez solide histoire de s’y heurter pour de bon et arrêter rien qu’un instant cette course folle.
Toujours sur le pas de la porte, à détailler les faits et gestes du professeur, une dernière hésitation. Le regard bas une seconde. Quelques pas. Et Stan’ entre pour de bon.
— Oh vous savez.. en général quand j’me déplace chez un type de quarante piges c’est pas pour chercher une figure paternelle ou un truc du style haha.
Comme s’il était vraiment en sécurité désormais, Stan’ laisse finalement tomber la capuche de son sweat sur ses épaules. Le pas qui ralentit alors qu’il observe la pièce à vivre. Menu d’un film qui tourne en boucle sur la télé, tasse de café froid et bouquins entamés en vrac sur une table basse en désordre, long living-room bordé de bibliothèques, de grandes fenêtres d’atelier, une table avec trois chaises encombrée de paperasse. Comme si Kingsley recevait plus d’une personne à la fois. Ça le fait sourire en coin. Escalier à sa droite, donnant sûrement l’accès à la chambre et tout le reste. Et il avance, arrive finalement à la cuisine ouverte sur le salon. À l’américaine. Il avait envie de dire à Cecil que son appartement était le cliché même du single dad flat, mais on lui demanderait alors comment est-ce qu’il déduit ce genre de chose et sur ce point, Stan’ a pas envie d’épiloguer. Alors il s’arrête devant le comptoir de la kitchenette, tire un grand tabouret sans plus de formalité pour s’installer à ce dernier, croisant les bras sur la surface clean. Œillade aiguisée.
— … Vous lisez vraiment tous les textes qu’on vous file à l’atelier d’écriture ? … J’vois des gonzesses vous déposer de ces pavés sur vot’ bureau. Ça a l’air d’être des machins à l’eau de rose niqués, des essais d’pisseuses qui connaissent rien à rien.
Ça le fait ricaner. Et Stan’ baisse ensuite les yeux sur ses mains, triturant distraitement toutes les ficelles nouées autour de son poignet gauche.
— J’sais pas. J’me demandais c’que vous pensiez vraiment de c’qu’on écrivait. Genre… Si vous en aviez quelque chose à foutre en fait.
sesame
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Mar 25 Juil 2017 - 4:30
lost boy from neverland
Zéro commentaire quant à la première réflexion, c’est à peine si Cecil avait haussé un sourcil. Une. Deux. Trois cuillères de café moulu dans la machine. Pour un demi-litre d’eau. Il avait commencé à boire son café bien noir pour l’assortir aux costards. Aujourd’hui, il aurait du mal à s’en passer. À la même heure mais quelques années auparavant, il aurait eu droit à des réprimandes de sa femme. Cecil, minuit passé, privilégie le déca’ ou tu vas être insupportable. … De toute manière, elle l’avait toujours trouvé insupportable. Quand bien même, ça fait longtemps qu’il a signé les papiers du divorce. Et puis. Avec Stan’ dans sa cuisine, il allait en avoir besoin de ce café. La machine ronronne lorsqu’il la met en marche, au moment où le garçon s’installe au comptoir de la cuisine, et Cecil y pose deux tasses. … Vous lisez vraiment tous les textes qu’on vous file à l’atelier d’écriture ? Souffle. Oh Klaus si tu savais. Tous les volumes de Michael Connelly que Kingsley fait passer après vos écrits. Et Dieu sait à quel point Kingsley aime les thrillers sombres de cet écrivain. Speech plein d’insolence, auquel il reste de glace. Accoudé au comptoir, Cecil toiserait presque le jeune homme en face de lui. Le regard attiré par les mouvements de ses mains, un tas de ficelle au poignet du brun. Cette manie qu’ont les gamins à garder un maximum de bracelet de festivals et autres breloques bricolées. Cette peur précoce d’oublier, quand on ne sait pas encore que le temps rend les choses de moins en moins importantes.
Désinvolte, le professeur se redresse, balaie la cuisine du regard avant de trouver ce qu’il cherche sur son bureau près des fenêtres. Quelques pas, il chope un grand carnet de note, et ses lunettes de lecture. Retour derrière le comptoir, il tire un tabouret de son coté, s’installe. Prenant tout son temps. Ray-ban sur le nez. Et il tourne les pages. Silence.
Ah, trouvé.
… « Je me demande jusqu’où peut aller l’emprise. Si l’ordre est vraiment absolu. Est-ce qu’un jour, si j’en formule l'impératif, quelqu’un pointerait le canon sur sa tempe histoire d’y faire rentrer une balle de flipper létale, qui tilterait en chemin toutes les connexions rencontrées. »
Hochement de tête à l’issue de la lecture. Le gamin avait une jolie plume quand il s'en donnait la peine. Cecil relit une seconde fois dans sa tête, repose ensuite le carnet, sur lequel il laisse également ses lunettes. Pour poser son regard sur l’auteur, assis juste en face de lui.
Très mignon, Klaus. Sauf que bon, à cet atelier là, je vous demandais plutôt d’imaginer les limites de vos dons dans le cadre d’une utilisation… bénéfique à l’humanité je dirais.
La machine à café qui cesse de bouillonner, annonce que la carafe est pleine, et Cecil se lève pour faire un demi-tour et l’enlever de son socle. Il en verse dans une tasse puis l’autre, la laisse sur le plan de travail, pose le sucre devant Stan’. Le dévisage à nouveau.
Je reste toujours un moment dans la salle après l’atelier pour discuter avec les élèves mais visiblement c’est maintenant que tu as envie d’une entrevue alors vas-y, je t’écoute. Tu veux qu’on parle de tes textes ? Enfin, des rares que tu rends quand il te prend l’envie de passer.
Certes, Cecil n'était pas tendre. Mais sous les paroles un peu trop directe se cachait tout de même un minimum de bienveillance. De la bienveillance qu'on avait réveillée et bousculée à minuit passé.
mi — b i u g e e
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Mar 25 Juil 2017 - 5:30
L’habitude de manier les mots de manière à perturber l’interlocuteur. Pas qu’on utilise ses paroles à lui afin de l’avoir à son propre jeu. La risette qui s’efface, le teint de plus en plus livide, son regard passe du carnet au professeur, ses ongles malmènent les bracelets à son poignet, cherchent à en rompre un. Lecture d’extrait terminée, Stan’ reste silencieux, soutient le regard qu’on pose sur lui, longue inspiration. Et il est le premier à flancher, baisse les yeux sur le comptoir avant que Cecil ne se lève finalement, désabusé.
— Fallait être plus explicite dans l’énoncé. Et lisez pas ça à voix haute c’est gênant sérieux…
Il observe le petit manège, le liquide sombre qu’on verse dans les tasses bien blanches, le pot de sucre bien en évidence. Évidemment qu’on lui propose du sucre, c’est lui l’enfant difficile dans l’histoire.
— Y a toujours trop d’monde qui vient taper la discut’ à la fin d’vos cours et j’aime pas attendre. Puis faut pas l’prendre personnellement si j’viens pas à chaque fois. Le jeudi en fin d’aprèm’ c’est l’mauvais plan, y a toutes les soirées étudiantes qui commencent.
Mais rien que pour garder un minimum de contenance, Stan’ prend sa tasse sans même ajouter un grain de sucre, la mine impassible. Son reflet brouillé dans le café fumant. Il souffle doucement, les doigts serrant la tasse brûlante.
— … J’suis pas là pour parler d’mes textes en particulier, j’m’en fous d’mes textes. J’veux dire. J’aime bien écrire mais pas de ouf non plus. Y a des gens bien plus passionnés à votre atelier, vaut mieux causer de ça avec eux.
Le souffle qui se change en soupir exaspéré finalement. Drapeau blanc. Stan’ repose la tasse et s’empare de la sucrière pour y piocher deux, puis trois carrés blancs finalement, qu’il plonge dans le liquide sombre. Et il relève un regard qui se voulait détaché vers Kingsley.
— Nan j’voulais juste.. parler tout court. Vous connaissez mon nom, vous avez lu mes textes, on s’croise souvent dans les couloirs. J’me disais que ça faisait assez de critères pour passer vous rendre visite…
Tintement de la cuillère à café qui heurte le fond de la tasse, Stan’ reporte son attention sur cette dernière, mélange distraitement.
— J’arrive pas à dormir et j’voulais discuter avec quelqu’un. Au lieu de sortir et finir minable comme j'fais d'habitude en cas d'insomnie. Genre. Pour changer.
sesame
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Mer 26 Juil 2017 - 0:29
lost boy from neverland
Une envie de piger ce qui pouvait bien se passer derrière les iris encre, il voit dans les gestes, entend dans la voix. Ça joue à la grande personne et. Et rien. Que de la gueule. La preuve. Même pas pris la peine de tremper les lèvres dans le café que ça noie la saveur du pur arabica dans le sucre. Coude sur le comptoir, le menton dans le creux de sa main, l’autre tenant l’anse de la tasse, Cecil est loin de ciller. Toute son attention focalisée sur le garçon il écoute. Devine une certaine détresse. Une de celles sur lesquelles on a du mal à mettre des mots.
Longue inspiration, et le professeur passe ses doigts sur ses yeux avant de se redresser un peu, ramenant sa tasse vers lui pour en boire une gorgée brûlante.
Très bien. S’il fallait juste parler tout court. Un adulte responsable aurait adressé des œillades suspicieuses, assailli l’élève de question. Pourquoi errer toute la nuit pourquoi passer à cette heure pourquoi les excès. Changer de quoi. Qu’est-ce qui ronge le gamin en face de lui pour que le silence l’effraie à ce point. Sauf qu’il faudrait être sans-gêne et franchement intrusif pour changer la visite imprévue en interrogatoire surprise. Il est pas psy, Cecil. C’est pas son job de rédiger un rapport psychologique sur chacun de ses élèves. Mais discuter avec quelqu’un d’aussi insomniaque que lui, ça il peut.
.. Déjà que tu te permets de venir aux ateliers quand ça t’chante, désormais je dois m’attendre à te voir débarquer à pas d’heure pour bavarder.. C’est important d’avoir du culot dans la vie mais va falloir apprendre à doser, j’pense.
La tasse reposée sur le comptoir, Cecil soutient à nouveau sa tête du creux de sa main, dévisage Stan’ d’un air désinvolte.
T’en fais pas, c’est pas le début d’un sermon. De une, je suis pas ton père, de deux, je suis très mal placé pour te faire la morale à ce niveau là.
Haussement d’épaule, et la remarque le fait arborer une risette en coin.
À ton âge je trouvais aussi que c’était plus simple de déconner. Enfin même si là j’ai du mal à imaginer comment tu trouves le moyen de sortir toute la nuit sur l’île. Y a pas grand chose à faire.
mi — b i u g e e
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Mer 26 Juil 2017 - 1:55
Aucun respect jusqu’à ce qu’on lui fasse remarquer, Stan’ baisse la tête, arbore un grand sourire aussi embarrassé que décomplexé paradoxalement. Habitué aux remontrances, mais pas aux gentils reproches. Le mec l’appréhende comme on prendrait modestement un compliment.
— Nan, nan ça va pas dev’nir une habitude m’sieur Kinglsey, juré.
Regard qui revient au professeur de littérature. Il serait plus à l’aise, il aurait ensuite rétorqué qu’il aurait bien aimé avoir un daron comme Cecil. Le genre cool et pas trop regardant, celui qui donne envie de confier et pas de dissimuler. Des fois Stan’ se pose la question. Dans un autre contexte, qu’est-ce que ça aurait donné ? On lui donnerait une chance, il ferait des efforts. Et rien de ce qu’on lui dit ne l’étonne.
— C’est marqué sur vot’ face que vous avez été un sale gosse. Et pas que.
Il désigne alors d’un mouvement de tête la peau couverte d’encre, les mots et les esquisses sur les avant-bras de l’adulte, jusque sur les mains. Pensif une seconde.
— Si j’avais pas mon parrain qui m’surveillait de trop près, j’en aurais fait des tas aussi.
Son café saturé de sucre, il se risque à approcher ses lèvres de la tasse, souffle une dernière fois avant d’en boire une, deux gorgées. Il a l’impression de pousser un soupir brûlant lorsqu’il repose sa tasse sur le zinc. De la naïveté de la part de Cecil finalement. Ça le fait ricaner.
— Mh… Certes faut être créatif pour s’occuper sur cette foutue île mais ça s’fait vous savez. Suffit de sympathiser avec les bonnes personnes du coté du nightclub et de connaître les adresses dans le quartier de minuit… Y a tout un monde dont on soupçonne pas l’existence j’vous assure.
Les mains à la température de la porcelaine, Stan’ laisse sa tasse pour poser ses doigts autour de son cou, les coudes sur le comptoir.
— … Ça vous a réussi de déconner au final, nan ? Aujourd’hui ça a l’air d’aller. ‘Fin… vous avez pas l’air d’être un type plein d’amertume qui vit dans l’remord donc… c’est qu’malgré tout ça s’est bien passé..
sesame
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Mer 6 Sep 2017 - 2:47
lost boy from neverland
Décontenancé. C'était tout à fait le mot. Pas sûr qu'un jour il aurait songé s'associer avec le qualificatif par la faute d'un gamin comme Stan'. Mais c'est cette impertinence à se pointer alors qu'il a pas sa carapace, Cecil, pas son costume ni sa cravate ni ses airs désinvoltes. Ces observations un peu trop justes aussi. Et l'étreinte de ses doigts se resserre autour de sa tasse de café, posées bien comme il faut en fasse de lui sur le zinc. L'encre suivant le mouvement de la peau. Un tss désabusé, à l'intention de son lui du passé plutôt qu'à Stanislas. Le môme idiot qui a eu la présence d'esprit de se dire un jour que c'était une bonne idée d'imprimer ce qui lui passait par la tête sur ses mains, ses bras. Cecil l'imbécile un peu plus de vingt ans auparavant, c'est à lui qu'il mettrait des tartes aujourd'hui.
Aucun commentaire Klaus, tu veux.
Pensif aussi, l'enfant face à lui, comme s'il songeait également à un passé lointain du haut de ses quoi. Dix-huit ans ? Qu'est-ce qu'on sait à dix-huit ans ? Le doute au fin fond de ses pensées. Peut-être que le garçon en savait un peu trop, rien qu'à dix-huit ans. Suffit de l'entendre. Ce penchant pour les endroits infréquentables à des heures pas possible. Les nightclubs et les coins malfamés du quartier de minuit, rien que ça. Cecil tente de faire comme si, laisse ses interrogations de coté pour tendre l'oreille à celle de Stan'. Une lueur d'hésitation dans les mots et le regard de ce dernier. Lui qui parle parle parle sans crainte en temps normal. C'est moins inquiétant de le connaître grande gueule, ce gamin, mais c'est presque rassurant de savoir qu'il reste un minimum d'inquiétude chez lui. Ça serait pas humain sinon, clairement. Soupir détaché, et Cecil hausse les épaules, reporte distraitement son regard sur les hautes fenêtres de la pièce à vivre aux airs d'atelier.
Tout dépend quelle est ta notion de réussite tu sais..
Ok il avait vraiment pas envie de plonger dans une rétrospective de sa vie là maintenant Cecil mais forcément il tente de faire le topo dans sa tête. Maintenant qu'on lui demande, est-ce que tout ça lui a réussi alors ? Son frère à l'hosto son père déçu ses rêves avortés sa carrière sans principes son marriage en éclat. Il aurait jamais dû ouvrir sa porte à cette heure ci, sans déconner. Parce qu'il l'admet tout bas dans ses songes : bien sûr qu'il vit dans le remord, Cecil. Pas tout le temps ni tous les jours, parfois seulement, un peu trop à son goût. Alors il souffle comme un secret, posant une œillade désabusée sur le petit brun.
Mais breaking news : tous les adultes sont amers, même ceux qui jurent que non. Surtout ceux qui jurent que non.
Une vague risette, ponctué d'un léger haussement d'épaules.
On dirait qu'tu cherches une vérité absolue mais fondamentalement j'ai pas grand chose à t'apprendre, on est tous autodidacte sur ce plan là. Déconner ça réussi à personne, sauf qu'en général tout fini par s'harmoniser avec le temps, plus ou moins... C'est la réponse la moins approximative que j'peux te donner.
Ça se dit prof, ça se dit père, c'est pas foutu d'aiguiller un minimum les jeunes qui viennent lui faire part de leurs inquiétudes. Il fait de son mieux pourtant, juré. Le temps de boire une gorgée de café et il reprend.
Tu demandes ça. On dirait que t'es persuadé d'être un cas désespéré.
mi — b i u g e e
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Sujet: Re: run boy run /// ft cecil Dim 17 Sep 2017 - 11:40
Une vérité absolue. Peut-être. Une autre vérité que celle qu'il connait en tout cas ça c'est sûr. Les gens comme Stan' ils finissent mal, c'est c'qu'on lui a toujours dit. À la maison les inquiétudes colériques lui ont prévu un destin tout tracé. Si tu continues comme ça Stan' tu vas finir avec un boulot d'merde ou pas d'boulot du tout les creux des coudes comme de la dentelle on t'retrouvera malade, malade comme un chien et squelettique, l'ombre de toi-même, qui crèvera sûrement dans un endroit sordide, une aiguille dans la peau ou un canif dans le bide, au choix. Si tu continues comme ça si tu t'obstines à écouter personne. Sauf que tous les adultes sont amers. Alors qu'est-ce qu'il est sensé faire si l'issue est la même quels que soient ses choix.
— J'demande ça... C'est c'qu'il faut faire, nan ? Poser la question à un adulte quand on est pas certain.
Haussement d'épaules, la mine désabusée. Il relève pas la dernière remarque parce qu'elle résonne de manière désagréable en son for intérieur. Pas le pro de l'auto-apitoiement, Stan', même s'il se plaint souvent. Il se plaint des choses frivoles, pas importantes, peu cruciales, comme s'il avait épuisé son quota de tolérance à la naissance. Se plaindre de tout, sauf une chose. C'est le deal qu'il a passé avec lui même il y a des années, un accord tacite, pour pas devenir taré. Alors il se contente finalement de secouer négativement la tête, pour nier l'affirmation de Cecil. Et puis plus rien. Silence. Le regard rivé sur la tasse qu'il tient entre ses doigts, fixant un point approximatif, paupières basses. Ailleurs. Plus vraiment assis là, au comptoir avec Cecil, plus vraiment en train d'avoir un échange désinvolte, autre chose. Étrange, de le voir muet comme ça, avec des airs de mômes rêveurs. Minute qui s'étend, s'étend, semble jamais finir. Il entrouvre les lèvres, la voix attendant un instant encore avant de s'élever.
— Vous lisez les dossiers d'vos élèves ? ... J'me doute que vous les lisez pas tous mais. Quand un élève débarque, on vous file pas comme un résumé d'parcours ?
Pause. L'odeur du café lui file un peu la nausée. Il remue désormais distraitement le contenu de sa tasse avec sa petite cuillère, la fait tinter sur la porcelaine.