la puissance du oui ▬ zoé

oui.

Elle reprit connaissance au bout de quelques instants, à bout de souffle, traînant son corps à moitié visqueux jusqu'à la douche. Une crise dès le réveil, c'était vraiment inattendu en plus d'être humiliant et elle n'était absolument pas préparée pour une situation comme celle-là. Fort heureusement, la majorité de ses réveils avaient lieu vers midi si bien que tout le monde avait déjà quitté la chambre. Un peu de chance dans ce malheur, pourquoi pas, tant que sa situation n'empirait pas, elle ne s'en plaindrait pas. Elle avait déjà pas mal de raisons de le faire, pourtant, mais Zoe restait cloîtrée dans le silence, le visage fermée, laissant derrière elle un lit dégageant une odeur morte insoutenable et une traînée de liquide vert sur le parquet. Elle avait l'habitude, aussi elle prit d'abord le temps de se laver avant d'essayer d'arranger quoi que ce soit : elle avait déjà fait l'erreur de vouloir nettoyer au plus vite mais il était clair qu'elle était la chose dont il fallait s'occuper en priorité. Elle laissait l'eau lui couler sur le corps tout en frottant afin d'éliminer les derniers éléments de cette magie nocive.

Plus que quiconque, Zoe détestait son pouvoir. Certains ne manquaient pas de le lui rappeler à quel point elle était nocive et écœurante mais ils perdaient leur temps : elle le savait mieux que quiconque et on en pouvait enfoncer le couteau plus profondément dans cette plaie saignante. Sans pour autant être en confiance, elle contournait les moindres critiques et gardait le moral. Les cheveux encore mouillés et en pagaille, une serviette sur la tête, elle remit ses lunettes sur son nez et enfila un short et un t-shirt. Le nettoyage lui prit un certain temps : elle s'assura même de faire partir l'odeur mais prit soin de ne pas toucher aux affaires de ses colocataires. Une fois terminé, elle tâta ses cheveux encore un peu mouillés et observa par la fenêtre. Il pleuvait.

Elle enfila son manteau vert à fourrure, dégagea ses oreilles pour y poser son casque et sortit sous la pluie, capuche rabattue sur la tête. Elle avançait à grands pas, bien qu'ils paraissaient ridicules en vue de sa petite taille. Zoe repensait à sa transformation tout en baladant, profitant de la pluie pour se libérer de cette odeur, et chaque souvenir qui lui revenait en tête la terrifiait un peu plus. Elle détestait cette magie, elle n'avait cesse de se le répéter, et elle se la rappelait chaque jour et la détestait un peu plus à chaque crise. Agacée, elle sentit sa respiration s'accélérer et il lui fallut quelques instants pour se calmer, accroupie dans les serres. Lorsqu'elle sentit qu'elle pouvait de nouveau se déplacer correctement, elle tourna à gauche et mit son bras devant son visage par réflexe avant que n'y explose un récipient en verre. Surprise, elle resta silencieuse quelques secondes le temps que la situation s'explique d'elle-même, et elle se mordit les lèvres pour contenir ses émotions.

- "Ah. Désolée. C'est ta faute." Tu es sérieuse ?

Zoe était d'humeur massacrante, ça tombait sous le sens : la journée n'avait été qu'une succession de mauvaises blagues et elle venait de se recevoir un projectile dans la figure par une gamine assise au milieu des fleurs trempées. Ignorant superbement la demoiselle, elle observa le revers de son manteau et y retira délicatement les bouts de verres plantés. Elle était chanceuse de n'avoir pas de blessure sérieuse... mais quel était ce liquide qui coulait sur son manteau et ses lunettes ? Elle ôta ces dernières, les frotta contre sa manche intacte et s'observa dans le reflet des verres : une coupure sur la joue, génial. Non seulement ce liquide écœurant avait rendu sa douche inutile mais elle devait aussi faire un tour chez le vétérinaire. Et c'était sa faute ? Quand Zoe était de mauvaise humeur, sa timidité avait tendance à disparaître assez vite, et l'anglaise savait se montrer désagréable quand c'était le cas.

- Ça s'appelle la respiration. Réfléchis un peu avant de lancer des fioles en verre sur les gens. Tu es au courant que tu as failli me tuer ?

À vrai dire, c'était plus de l'hyperventilation mais elle n'avait pas besoin de le savoir. Tout ce qui lui importait, c'est de ne pas se prendre d'objets en verre dans la figure. Elle fronça les sourcils et s'accroupit pour observer le travail de façon un peu plus précise. Zoe gardait ses distances, c'était maladif, mais elle se sentait tellement en colère que toute sensation de danger ne lui passait pas par la tête.

- C'est quoi tout ça ? Tu sais que tu risques de choper la crève en restant sous la pluie comme ça ? Enfin, tu fais ce que tu veux.