It could be a great time ☀ feat. Kevin Faure

Un pas. Puis un autre. Et enfin, une douleur cuisante.

Maudits godillots. Qu'est-ce qu'il lui avait pris de mettre des talons, neufs qui plus est? Avec une aussi large distance à couvrir en un temps limité, c'en était carrément stupide. Enfin, c'était le printemps, alors il fallait innover.

Dulcianna maugréa une énième fois intérieurement, avant de perdre l'équilibre une fois de plus et de heurter le pavé qui, franchement, ne coopérait pas beaucoup. Tous les paquets qui tenaient miraculeusement dans ses bras menus avaient eux aussi chuté et s'étaient répandus sur le sol. La jeune fille, excédée, dissuada d'un grand sourire tous les idiots qui avaient l'intention de l'aider et se releva, puis replaça ses sacs sur ses frêles épaules.

C'était le printemps, et le temps était agréable. Les gens sortaient de chez eux, après un hiver rude, et se plaisait à observer le renouveau de tout. D'autres venaient pour les soldes. Oui, c'était aussi la raison pour laquelle Dulcie était sortie de ses livres pour aller faire les courses, ce qui était pour elle totalement insensé. Mais elle avait presque l'impression d'être comme les autres. Alors, ce n'était pas si désagréable.

Elle avait parcouru bon nombre de boutiques, jusqu'aux plus étranges. Et elle avait liquidé presque tous ses revenus pour un bon nombre d'inutilités. Mais elle achetait plus pour le bonheur de payer comme les autres étudiants, d'essayer comme les autres femmes, bref, de passer son temps normalement. Mais elle s'était retrouvée avec son poids en marchandises de toutes sortes sur les bras. Et, ayant une condition sportive quasi inexistante, ce n'était pas la joie pour tout porter. Surtout avec de telles chaussures.

Soudain, la brunette sentit une goutte, puis deux, puis trois, s'écraser sur son épaule. Il commença à pleuvoir toute l'eau du ciel sur la grande rue. Comme si elle n'avait pas eu son compte. À bout de forces et déjà trempée, elle haletait comme si elle venait de faire un marathon, ce qui était presque le cas. Lasse, elle n'aperçut pas une personne au détour d'une rue et, emportée dans son élan, elle le heurta violemment. Dulcianna tomba une fois de plus et ses affaires avec. Confuse, elle se releva précipitamment en déblatérant des excuses sans s'arrêter. La jeune fille fit une petite courbette devant le jeune homme qui lui avait rentré dedans. À moins que ce soit le contraire. Elle essuya ses deux mains dans son chemisier blanc mouillé, et s'agenouilla devant le garçon qui avait lui aussi perdu l'équilibre et avait chuté. Elle se souvenait de son visage. Elle l'avait déjà vu. Repoussant une mèche de cheveux derrière son oreille, elle lui offrit sa main pour le relever, l'air légèrement soucieux.

- Pardonne-moi, c'est de ma faute. Je ne regardais pas devant moi, et j'étais assez chargée, comme tu peux le voir. Je ne t'ai pas fait mal? Ah, et excuse-moi de te tutoyer. J'ai cru me souvenir qu'on se connaissait.

Dulcie conclut sa phrase par un éternuement sonore. Après tout, elle était en jupe, elle avait du attraper froid. Qu'est-ce qu'elle pouvait être fragile, parfois. Et puis, elle avait l'impression de se trouver dans un de ces films à l'eau de rose qu'elle se force parfois à regarder. C'était assez ridicule, en fait. Mais elle ne voulait pas être mêlée à quoi que ce soit, en ayant blessé cet étudiant. Cela ruinerait sa réputation. Ayant l'imagination fertile, elle voyait déjà le gros titre des faits divers dans la gazette de demain: " Une étudiante agresse un pauvre innocent au détour d'une ruelle sombre ". Shu serait ravie. Pas elle.

- Je vais bien, t'en fais pas! Ouais je te reconnais, Dulcianna, pas vrai ?

Ah, heureusement, il y avait des gens qui avaient un minimum de mémoire. Elle était soulagée. Le garçon la regarda avec un léger sourire, qui la laissa totalement de marbre, puisque ce n'est pas le sourire d'un garçon qui pourrait la faire tomber sous le charme. Elle ne voulait pas être une fille facile. Elle décida donc, peut-être à tort, de garder ses distances avec cet individu.

L'inconnu se releva et l'aida à ramasser ses affaires étendues un peu partout sur le pavé. En lui tendant le dernier sac, elle sentit sa main se séparer brusquement de celle du jeune homme. Pourtant, elle n'avait pas fait le moindre geste. Ni lui, d'ailleurs. Mmh. Très intéressant. Serait-ce...?

- Hey attend ! C'est mon pouvoir.. Je repousse les femmes à mon contact.

Voilà qui explique sa mine déconfite. Et ce phénomène étrange. Se courbant en guise de remerciement, elle fut rattrapée par l'homme.

- Tu galère vachement.. Tu veux que je t'aide ?

C'était amusant à quel point les hommes pouvaient être amusants parfois. Qu'espérait-il en disant cela? Il devait vraiment croire que Dulcianna l'ignorait vraiment. Mais elle ne le quitterait pas sans en avoir appris plus sur lui et son pouvoir. Ah, finalement, elle allai bien s'amuser. Le garçon lui prit quelques sacs et son gilet, qu'elle enfila avec un petit sourire mystérieux. Les deux étudiants formaient une scène pour le moins charmante. Enfin, c'était ce qu'elle pensait.

Ils arrivèrent devant un petit café au coin d'une rue, et s'y arrêtèrent. Ils s'asseyent, puis l'inconnu commande au serveur qui passe par là. Il commande un coca et s'enquiert de la commande de Dulcie. Mmh, ce genre de sodas, très peu pour elle.

- Une tasse de thé, cela suffira. Darjeeling, per favore.

Elle se tourna vers le jeune homme, et lui sourit plutôt amicalement.

- Je te remercie. Si tu as besoin d'un quelconque service, tu sais à qui t'adresser.

Leurs commandes arrivèrent, et elle put siroter sa boisson, même brûlante. C'était délicieux, après plusieurs minutes passées sous une pluie battante. Elle posa sa tasse après en avoir avalé quelques gorgées, puis s'adressa au garçon en face d'elle à propos du sujet qui lui brûlait les lèvres.

- Au fait, ce pouvoir dont tu m'as parlé tout à l'heure, pourrais-je en savoir plus? Non pas que je veuille paraître curieuse, mais cela m'intéresse. Beaucoup.

Voilà. Maintenant, elle était passée pour l'hystérique de service. Mais elle n'y pouvait rien si elle voulait toujours en savoir plus. Toujours plus. C'était une de ses principales obsessions, et rien en pourrait la guérir, malheureusement.