Surprise ? ~ [Pv Darren ♥]

Lorsque j’ai regardé l’emploi du temps d’aujourd’hui pour ma classe, je me suis senti désespéré. J‘avais une heure à tuer entre deux cours, et j’ignorais ce que j’allais en faire. J’ai pensé que je pouvais aller faire un tour en ville mais cette idée a été vite refusée par mon cerveau lorsque j’ai calculé le temps que j’aurais mis pour y aller et revenir, ce qui fait un peu plus d’une heure. Ce qui était donc impossible. Après, j’ai suggéré passer faire un tour à la salle de sport, mais j’ai de nouveau fait partir cette idée. Il y aurait certainement trop de monde.

Je suis donc allé dans la cour intérieure, où je suis actuellement, après être parti chercher un livre dont je n’ai pas pris la peine de regarder le nom à la bibliothèque. Il est posé sur mes genoux, je le fixe tout en caressant les pages à l’aspect neuf. Le silence est assez pesant mais j’essaie tout de même de m’y habituer. Mes yeux ne se décrochent pas des lettres, des boucles et de la couleur du livre. Je tente de me détendre. Oui, l’absence de bruit a le don de me stresser parfois, et j’ai du mal à supporter. J’aimerais bien que quelqu’un déboule en fait, pour mieux passer le temps.
D’ailleurs, je lève la tête et regarde la pièce vide avant de fixer mon regard vers la porte. Et là, comme si on avait exaucé mes souhaits, une silhouette pousse la porte pour sortir. Je baisse aussitôt les yeux sans vraiment regarder qui c’est et je ferme mon bouquin pour le poser à côté. Et quand mes yeux se relèvent, mes lèvres s’étirent dans un sourire. J’aurais dû me douter plus tôt que ce serait la surveillante. Elle me remarque elle aussi et s’approche, me sautant dans les bras. Par chance, je garde l’équilibre sur le banc pour ne pas tomber et je pose mes mains dans son dos pour la serrer dans mes bras. Elle doit ne rien avoir à faire, avec les gens qui sont en cours. Je ne peux pas la lâcher tout de suite, je ne l’ai pas revu depuis pas mal de temps. Semaine dernière peut-être ? Ben oui, nous sommes obligés de nous tenir à l’écart l’un de l’autre. Et d’ailleurs, si on nous voyait ainsi je pense que notre vie serait fichue.
Je la lâche donc alors qu’elle lance un « Doudou ! » qui me qualifie. J’aime bien ce surnom, c’est so funny. Je souris et je replace correctement ma chemise. J’enlève la poussière qui est sur son épaule du bout de mes doigts et je dis à mon tour :

« Théa ♥! »

Et je viens déposer un baiser sur sa joue.

« Comment tu vas ? N’as-tu donc pas de couloirs à surveiller en ce moment ? »

Et pendant que je parle je mets le livre dans mon sac qui file par terre, pour lui laisser une place à côté de moi si elle le souhaite. Certes, ce banc de bois n’est pas solide mais il l’est assez pour supporter nos deux poids confondus. Et il est aussi assez dur, mais nous nous habituons facilement à ceci. Il n’y a pas de raison de souffrir juste en s’asseyant.
Je souris toujours comme un imbécile, parce que je suis content qu’elle reste là un peu de temps avec moi. Il va juste falloir que je surveille l’heure. Mais il y a encore suffisamment le temps pour parler.

Je la regarde s’asseoir en souriant, mais cesse de sourire lorsqu’elle se relève après avoir entendu ma phrase. Là je grimace. J’ai envie de hurler « Non ne me laisse pas je t’en supplie ! » mais je refuse d’agir ainsi. Elle m’assure avoir déjà fait pleins de fois le tour des couloirs et commence à partir lentement. Mes idées s’embrouillent. Je ne veux pas qu’elle parte. Parce que j’ai l’impression qu’on ne va pas pouvoir se revoir avant un bon bout de temps et cette pensée m’arrache carrément le cœur. Déjà qu’une semaine a été longue, mais plus, je n’ose même pas l’imaginer. Il faut que je la retienne à tout prix, je ne dois pas la laisser partir. Comment vais-je faire ? Je ne lui sauterais pas dessus. Je ne viendrais pas en face d’elle non plus et je ne pleurerais surtout pas. Alors, quelque chose me traverse l’esprit et mes pieds reviennent sur la terre ferme.

Je me mets à courir comme un fou –parce qu’il faut bien savoir l’être de temps en temps- et j’arrive derrière Théa en vitesse éclair. Je passe un de mes bras autour de sa taille, ma main libre vient lui attraper la sienne et je pose doucement ma tête sur son épaule pour qu’elle s’arrête. Je souris et la serre contre moi sans la lâcher. Je rigole un court instant et lui caresse le dos de la main –n’est-ce pas amusant ?

« Avoue que t’allais pas partir ! Tu ne peux pas, on s’est pas vu depuis trop de temps pour que tu me quittes au bout de cinq minutes, n’est-ce pas ? »

Je la relâche doucement et passe mes mains dans ses cheveux après m’être reculé d’un ou deux pas. D’un geste machinal j’attrape deux élastiques dans ma poche –je ne sais pas pourquoi j’en ai sur moi d’ailleurs- et je commence à la coiffer en souriant. Mes doigts s’entremêlent à ses doux cheveux roux/blonds et j’y place toute ma tendresse pour lui faire deux nattes basses. Ensuite, je file devant elle pour lui planter un baiser sur le nez :

« Tu ne m’échapperas pas ! »

Je ris et lui tire la langue avant de l’emmener de nouveau contre moi pour lui faire un câlin. J’avoue sur ce que je fais n’a aucun intérêt, mais c’est amusant. En vérité, c’est toujours comme ça avec Théa. Sans réfléchir et en m’amusant à lui caresser le dos je lance :

« Je t’emmènerais au restaurant un jour, so tu le souhaites non ? Au moins y’aura personne pour nous embêter là-bas. »

Je ferme les yeux en posant ma tête sur mon épaule et commence à me faire inutilement une liste de tous les petits restaurants en ville. Mais soudainement, je me sens un peu tendu. J’ouvre les yeux et la lâche un peu, puis plonge mon regard dans le sien.

« Mais peut-être pas en ville, trop de jeunes d’ici traînent là-bas. Loin d’ici peut-être ? »

Je souris un peu, retrouvant un peu d’espoir au fond de moi. Mais n’est-ce pas dangereux de quitter cette terre à deux ? Aller dans une autre ville du Monde est risqué. Il suffirait qu’on remarque qu’elle disparaisse et moi aussi pour qu’on imagine des choses totalement fausses ! Mon regard se détourne vers le sol et je réfléchis. J’ai l’impression de réaliser que jamais ce ne sera possible, ça me décourage ? Je grommelle un « Laisses-tomber » et retourne m’installer tranquillement sur le banc. Il n’y a aucune échappatoire. On ne pourra donc que se voir en cachette dans l’établissement, juste un court instant pour que notre absence ne se fasse pas remarquer. Je soupire. Ma relation d'amis proches avec Théa ne s'achèvera pas, je refuse. Je dois retrouver au fond de moi l'espoir, je le dois.

Et alors que je suis installé sur le blanc, elle arrive pour venir me réconforter.

« Dommage que les "on-dit" aient souvent plus d’importance que la réalité pas vrai ? »

Je souris légèrement, je la laisse me prendre dans ses bras. Je laissais sa main passer à côté de ma nuque pour se poser sur mon épaule. En sentant le léger baiser sur mon front et sa tête posée sur la mienne je souris. Si elle savait tout ce que je voulais lui dire en ce moment… Mais j’ai peur de me faire rejeter, et peur qu’elle refuse. Alors je ne dirais rien, je pense, mais j’agirais certainement. Je prendrais juste mon temps pour ne pas me planter.
Je soupire légèrement et je passe mes bras autour de la taille de Théa, lui caressant également le dos. Je me fais un peu plus grand et pose ma tête sur son épaule un instant. Je réfléchis, je songe, je calcule. Non. Je me rends compte que je suis totalement stressé, que je serre son tee-shirt de mon poing. Je relâche doucement mon étreinte et recule pour observer son visage.

« Oui, c’est dommage mais… Ma peluche… »

Ma gorge se noue, mes yeux se plantent sans les siens sans en repartir. Ses pupilles d’un bleu intense sont un peu trop hypnotisant, à mon goût. Forcément, comme toujours j’en profite. Je me rends seulement compte maintenant à quel point elle m’a manqué depuis la semaine dernière. La voir ainsi si près de moi me donne des frissons, et je sens que j’ai les larmes aux yeux. Je n’ai jamais pleuré pour ça, c’est la première fois. La première fois que je pleure à moitié devant une fille, j’ai honte. Je souris légèrement, essuie mes joues comme si de rien était et plante un baiser sur le nez de la surveillante. J’aurais aimé ne pas paraître si faible face à elle. Mais ma Peluche me comprendra, j’en suis sûr. Si je lui dis qu’elle m’a manquée, pire que les autres fois elle saura que ce que je dis est vrai. Ce n’est qu’une amitié fusionnelle entre nous et pourtant je n’en ai pas l’impression. C’est étrange, je dois me ressaisir.

Les mots ne parviennent pas à franchir ma bouche, je ferme les yeux et pose mon front contre le sien. J’ignore lequel de nous deux est le plus bouillant. J’ai l’impression de soudainement redevenir un enfant peureux, face à une femme qui essaie de me rendre fort. Mais ce n’est pas n’importe laquelle. Il va falloir que j’agisse, il nous reste du temps mais malheureusement pas assez pour assouvir ma soif de la voir dans mes bras. Je suis un homme après tout, est-ce ça que je souhaite au fond de moi ? Non, je refuse. Je refuse de penser que je pourrais un jour traiter les femmes un jour. Ce sont les perles rares de la Nature, un cadeau magnifique déposé dans ce Monde. Nous ne devons pas abuser ni les gâcher. Ce sont des précieuses.

Lorsque j’ouvre mes yeux et que je la fixe, je ne peux pas m’empêcher de sourire. Je sens mon visage se rapprocher du sien mais, me remémorant tellement de choses je l’esquive brutalement pour le poser sur son épaule. Je lui caresse le dos de manière réconfortante alors que c’est certainement moi qui vais le moins bien de nous deux en ce moment. Je décide donc de dire quelque chose, pour ne pas paraître trop bizarres non plus.

« J’ai l’impression… Que ça fait une éternité que l’on ne s’était pas vu. Jamais personne ne m’avait manqué autant Théa… »

Je ferme soudainement la bouche et je me crispe. Qu’ai-je donc dit là ? Juste la vérité. Alors pourquoi je m’inquiète autant ? Suis-je finalement un soumis, un froussard, un imbécile ? Non, je ne pense pas. Si j’ai dot exactement ces mots c’est pour une bonne raison, je devrais cesser de m’en faire. Je soupire, et fini par déposer un baiser dans son cou après avoir encore ouvert les yeux.

Enfin, elle m’écarta légèrement d’elle pour que nos regards se croisent, juste après sa phrase qui m’avait fait sourire quelques secondes. Je lui souris, je ne détache pas mes yeux de son visage. Maintenant, je commence à avoir l’habitude de la regarder. En fait, je n’arrête pas de la fixer minutieusement pour graver son physique dans ma mémoire, pour la graver dans ma tête. Je me dis souvent que je suis à elle, qu’elle est à moi mais ce n’est peut-être pas vrai finalement. J’en sais rien, je suis totalement perdu. Nos doigts entremêlés me rendent fou de joie, à un point que je n’avais jamais imaginé. Puis son rire cristallin me fit rire à mon tour. Le fait qu’elle s’arrache à un bonheur qui sort de nulle part me rassure. Quand je me souviens… Non… Mon sang se glace dans mes veines. Et ces paroles reviennent me foudroyer comme l’éclair le plus puissant qu’il soit : « Je savais depuis longtemps que j’allais mourir. Je t’ai menti sur toute ma vie tout comme toi tu l’as fait avec moi. Continues sur cette voie, oublies-moi dès la seconde où je ne serais plus de ce monde ». Je ne devrais pourtant pas me remémorer ça, puisque c’est le passé. C’est Zaphir qui m’avait dit ça, quelques jours avant sa mort. Je lui avais promis de l’oublier, et moi, ce que je fais c’est de me souvenir. Or, ces souvenirs me reviennent souvent quand je suis avec Théa parce que…

« Tu me fais penser à elle… »

Les paroles sont sorties automatiquement de ma bouche. Est-ce normal ? Théa risque de se poser des questions, de me poser des questions. De qui je parle, en quoi elle me fait penser à elle. Tout ça venant d’un rire trop familier. Vais-je craquer ? Oui. Je le sens. J’ai déjà cette impression que mes doigts tremblent, que je ne sais pas quoi en faire. Mes doigts viennent doucement caresser le visage de la surveillante. Je passe délicatement mon index le long de son menton, je remonte sur sa pommette droite, je passe mon doigt sur l’arc de ses sourcils, reviens sur son autre pommette et enfin, il se fige sur ses lèvres. Je les caresse du bout de doigt, en le suivant des yeux. Il n’y a plus que nous. Plus qu’un banc dans un décor blanc autour de nous deux. Je me sens partir, ne plus être sur Terre. J’ai dû mal à résister à l’appel de ses douces lèvres. Je cache mes sentiments depuis le début je crois. Depuis toujours. Mais j’ai peur qu’il lui arrive la même chose qu’avec toutes mes autres petites amies. Pourtant, je n’ai plus de père pour m’engueuler sur ce que je m’apprête à faire, et si ma mère avait été là elle m’aurait encouragé, comme elle m’aurait encouragé pour Régina. Alors pourquoi je me bloque, d’un coup ? Je suis déjà à califourchon sur elle, je l’ai plaqué presque inconsciemment contre le dos du banc, sa main est serrée dans la mienne, tandis que l’autre s’est stoppée sur ses lèvres. J’ai failli l’embrasser tout à l’heure. Mais je ne l’ai pas fait, j’ai dévié mon visage avant même que mes lèvres touchent les siennes.

Une larme coule sur ma joue pour venir s’écraser sur sa cuisse. Je descends un peu ma main pour qu’elle s’arrête sous son menton que je soulève légèrement. Mes pupilles cherchent les siennes, puis je clos mes yeux. J’hésite. Parce qu’en ce moment tout défile sous mes yeux, surtout mon passé. Ai-je fais les bons choix ? Oui, sinon je ne serais pas là, pas au point d’embrasser une femme qui fait partie du personnel du lycée. Je dis « femme » parce qu’elle en est une jeune, elle a dix-neuf ans alors que je n’en ai seulement seize. En outre, elle a la majorité, moi non. Elle risque de passer pour un pédophile. Non je commence à divaguer. Il faut que je m’échappe de ce que je m’imagine. Et brutalement, je lâche sa main pour poser les deux miennes de chaque côté de son visage. Je m’approche dangereusement, je n’hésite pas. Et puis c’est trop tard de toute façon. Mon corps est contre le sien, on ne peut pas être plus près. Comme si j’étais en train de la manger. J’ai remonté un peu mes genoux, au point que si je lui lâche le visage il se retrouve contre mes pectoraux cachés par mes vêtements. Je l’embrasse. Je cherche ses lèvres, je le fais avec ferveur, sans hésitation. Maintenant il n’y a même plus de banc, je ne vois qu’elle, bien que mes yeux soient fermés. Je refuse de regretter mon geste. Je continue même à chercher ses lèvres. Sucrées, douces, merveilleuses. Un véritable feu d’artifice. Je n’arrive plus à la lâcher.

Je sens mon cœur tambouriner contre ma poitrine. Et je continue de l’embrasser, pendant ce qui me semble une éternité. Il faut que je me rende à l’évidence. J’ai du mal à avouer à moi-même que je l’embrasse bel et bien dans la cour intérieure, et que je ne la considère pas seulement pour une amie. Une sorte de proie, mais une proie magnifique qu’on a envie de garder pour toujours auprès de nous. En fait, je n’imaginais pas le moins du monde que je ferais ça. J’aurais voulu continuer encore longtemps, parce que je n’étais ni essoufflé et que ma soif d’elle ne faisait que de grandir, mais elle abandonne, ou quelque chose comme ça. Quand elle me repousse avec toute la délicatesse possible, j’essaie de me faire plus léger sur ses genoux, et je n’ouvre pas les yeux. Elle me sert contre elle de toute la force qui lui reste. Elle ne m’a pas repoussé, elle m’a laissé goûter ses lèvres. Et chaque personne a des lèvres aux goûts différents, ou presque. Théa est unique, mais pour moi, elle ressemble trop à elle. Je me sens mal d’un coup, je me sens pris d’un vertige. Je n’ai même pas pensé à Théa quand je l’ai embrassé. Je ne l’ai pas embrassé elle. Elle me demande si c’est elle ou l’autre –Zaphir- que j’ai embrassé là, maintenant. J’hésite. Devrais-je lui dire la vérité ? Une petite voix dans ma tête me dit que je suis le pire des cons, et je l’avoue. Elle me dit aussi que je dois l’oublier, parce que cette petite voix c’est Zaphir.

J’ai envie de disparaître. Je ne sais plus quoi penser, je suis embrouillé. Pourtant, je sens que j’éprouve quelque chose de réel pour la surveillante, même si je n’ose pas totalement me l’avouer. Et si en fait, cette chef de groupe que j’ai aimé n’avait jamais existé ? Qu’elle n’avait fait que de hanter mes pensées ? Comment puis-je encore trouver un coin d’amour dans mon cœur, envers une personne qui est morte et que pourtant je souhaite rejoindre ? Oui, parce qu’en fait la mort m’attire, ou c’est plutôt Zaphir qui m’attire vers la mort. Cela doit faire quelques années, il me semble, que son corps enterré a dû être réduit en cendres par les flammes, et je m’attarde quand même sur son image. Si on me proposait d’effacer ma mémoire, je dirais oui sans hésiter, pour pouvoir me focaliser sur le présent et un peu sur le futur. Comment vais-je vivre plus tard, avec qui, serais-je heureux ? Tout ça est mélangé dans ma tête, au point que mes yeux suivent des lignes invisibles tracées dans le vide, ou plutôt sur le visage de Théa.

Je lui cause du mal, si je lui dis la vérité, mais je lui en cause beaucoup plus si je lui mens. Donc, en conclusion, mon but est de lui avouer que non, je ne pensais pas à elle, que je ne l’ai embrassé que pour me remémorer des souvenirs que j’ai promis d’oublier. J’ignore ce qui me prend, mais je caresse sa joue, je m’assure qu’elle est bien devant moi. Je sens mes yeux me piquer, jusqu’à ce que les larmes coulent seules en silence. Je me sens honteux, et même son regard fuyant et ses joues roses ne me font pas sourire. Je viens déposer un léger baiser sur ses lèvres, tout en la regardant. Une seule phrase peut vraiment tout casser, et espérer tout réparer avec une seule autre phrase est assez compliqué, mais je lui chuchote tout de même :

« Pardon… »

J’ai l’impression que ses lèvres m’appellent. Certes, je veux d’elle, mais voudra-t-elle de moi après ça ? C’est quand mêle étrange. Moi, sur elle, en train de caresser son visage tout en versant des larmes. J’ai cours après, et pourtant je ressens l’envie de sécher, pour rester avec elle. Ma peluche. Cette fille pour qui je ne sais pas quoi éprouver. Juste des « amis ». Je m’étais juré ça au départ, parce qu’elle fait partie du personnel de l’établissement et que je suis un élève. Un stupide élève qui n’a pas forcément sa place dans les bras de Théa. S’il y avait quelqu’un ici, j’aurais pu me contenir. Mais comme souvent avec Théa, un câlin et un bisou sur la joue ne suffisent pas pour moi. Je me sens irrespectueux en pensant tout cela, parce que ce n’est pas forcément dans mon habitude. Des frissons me parcourent le dos. Que dois-je faire ? Je n’ai pas envie de rester là comme un con à rien dire. Je ne veux pas non plus passer pour un mec qui avait juste besoin d’embrasser une meuf pour l’emmener dans son lit et la laisser repartir comme une merde après. Ça n’arrivera jamais, je ne suis pas ce genre d’homme. J’ignore qui je suis au fond de moi, parce que j’ai trop de facettes bien cachées, qu’il faut absolument que je trouve pour mettre les choses au clair. Tout va plus vite que ce que je pensais car, quelques secondes plus tard, mes mains encadrant son doux visage, mes lèvres frôlant les siennes dans une ambiance pour le moins tendue de mon côté.

« Là, c’est toi que j’embrasse, je te le promets. »

Mes yeux se ferment de nouveau. Je me colle à elle plus brusquement qu’avant. Ma bouche sur la sienne est un contact que j’ai envie d’établir tous les jours. Je ne vois vraiment qu’elle, aucune voix ne fait son apparition dans a tête. Je donne à ce baiser le goût le plus savoureux que je peux, je lui mordille la lèvre inférieure, l’embrasse avec passion, une vraie passion qui me dévore de l’intérieure pour essayer de l’atteindre elle. Je continue ainsi, plus longtemps que la fois précédente et quand je sens qu’il faut que l’on respire un peu tout de même, je lui lèche doucement les lèvres en m’écartant à peine. J’espère que ça lui suffira pour lui prouver que je ne veux qu’elle, pas l’autre fille qu’elle ne connait pas.

Ça y’est, je l’avais vraiment fait. Et maintenant ça risque d’être encore plus dur, parce que nous sommes toujours résolus à ne pas nous voir pendant minimum une semaine. Mais j’ai une idée, bien sûr.

« Je te crois. Alors ... Qu'est-ce qu'il se passe maintenant ? »

Ce chuchotement de sa part me donna quelques frissons. Après tout, ses bras étaient autour de mon cou, nos fronts l’un contre l’autre. Nos cœurs devaient certainement battre à l’unisson en ce moment précis. Je la regardais étirer quelques souries timides et gênés, et j’observais ses pommettes virer lentement –ou plutôt rapidement en fait- au rouge. Là, elle était comme une enfant qu’on pensait si fragile et qu’on souhaiterait serrer dans nos bras à n’en plus finir. Pourtant, je ne le fais pas, je garde mes yeux plongés dans les siens. J’ai l’impression d’être dans un film. Un de ces films à l’eau de rose que je déteste regarder, alors que j’adore me retrouver à la place du héros masculin. En ce moment, je suis ce héros masculin, et ma peluche, ma Théa, c’est le héros féminin.

Alors que je m’apprêtais à lui répondre, elle me lance, toujours avec cette voix sexy qui me fait fondre d’un rien –je sais je suis un gros romantiques, mais chut- :

« J-Je ... Je crois que ce qu'il vient de se passer me fait réaliser que ce qu'on avait avant ne me suffira sans doute plus ... »

Cette fois, ce sont mes lèvres qui esquissent un sourire. Voulons-nous finalement tous les deux la même chose, depuis longtemps ? Ce serait trop beau pour être vrai. Je me prends pour un comédien là, et je pose ma main droite sur sa hanche droite. A vrai dire, Théa est comme une drogue pour moi. Là encore, j’avoue quelque chose de profond. Alors forcément, je pense la même chose qu’elle, que j’aurais également besoin de ça et plus que ça désormais. Impossible de rester au stade d’amis très fusionnels après cette scène digne de dépasser celle dans Titanic, ou Rose est à l’arrière du bateau, les bras étendus de chaque côté de son cor… Bon OK je m’arrête là, je deviens pathétique. Je me doit de lui répondre, parce que la pauvre, si je lui fous des vents chaque fois qu’elle me demande quelque chose ça deviendra vite trop lourd. J’entame à moitié un discours de gentleman-poète.

« Ô prodigieux amour qui m’oblige à aimer un être détesté…* La vie est si injuste parfois, mais elle a trouvé le moyen de me faire tomber amoureux de toi, l’unique surveillante de mon cœur, et non pas seulement de ce pensionnat. Je ne pourrais plus te laisser partir maintenant… Je tiens trop à toi depuis trop longtemps, et comme toi, ce qu’on avait avant, ça ne suffira plus. [et je termine sur un murmure, en venant déposer un baiser dans son cou] Je peux te considérer à moi maintenant. »

Je souris légèrement, la serre un peu plus contre moi. Je garde mon visage au creux de son cou tout en y déposant des baisers qui peuvent la faire frissonner. Mais j’arrête ça en voyant que j’arrive déjà trop vite à sa poitrine, et je m’écarte de celle-ci pour revenir vers son visage. Elle est appétissante tout de même. Et moi je suis là comme un crétin qui arrive à peine à contrôler ses pulsions « nerveuses ». Je dois avoir l’air d’un pervers, et imaginer qu’elle peut penser cela me rend dingue au plus haut point. Je la veux, j’en suis certain. Seulement, me veut-elle également ? En regardant ses pupilles briller, je ne peux pas m’empêcher de me rétorquer que je suis certainement l’homme le plus chanceux de ce Monde. Or, tout ce qui vient de se passer là, et tout ce qui se passera par la suite va devoir rester sous silence, un peu comme pour notre survie.

Le visage de la surveillante est toujours aussi rouge, et moi je dois l’être aussi. Oui, je suis tout de même gêné de tout ça, et je suis bien heureux. Je viens effleurer ses lèvres en soufflant légèrement pour nous arracher un frisson à tous les deux. Ma main droite reste où elle est, et ma main gauche vient s’emmêler avec ses cheveux d’une couleur roulant entre le roux et le blond vénitien. J’en fais peut-être des tonnes, mais je la trouve sublime. Une sublime créature qui peut faire tomber dans son piège tellement d’hommes ! Dont moi. J’en suis tout étourdi, tout ébloui. J’ai cessé de la comparer avec l’autre, parce qu’au final je me rends compte qu’elle ne lui ressemble en rien. Un jour, je lui parlerais d’elle, pour qu’elle comprenne. Mais ce jour est lointain, car je ne veux briser en rien les moments de rêves que j’ai et que j’aurais avec elle. Mon cœur s’emballe, rien qu’à l’idée que je puisse la perdre un jour pour une connerie du genre.

« Oh, Théa… »

Son nom est sorti de ma bouche en un seul souffle. Combien de temps s’est-il écoulé depuis que je suis ici, dans la cour intérieure ? Dans combien de temps ai-je cours ? Quelqu’un est-il passé et nous a surpris, alors que nous étions rendus ivres par ce baiser qui ne voulait que s’éterniser ? J’ignore tout de cela. Mais je sais qu’il va falloir que je la quitte pour aujourd’hui. Mais j’aurais besoin d’elle ! Proposer un rencard, directement après ça n’est-il pas trop risqué ? Peut-être que nous pourrions nous voir cette nuit, quand tout le monde dormira, dans sa chambre ou la mienne ou bien en ville, dans un spa ? Oui, un spa ! Ou un sauna pour préciser. Pourquoi je n’y ai pas pensé avant ? Au moins, nous pourrions en effet qu’être deux, et nous pourrions nous parler tranquillement. De plus, ça nous rapprocheras, encore, encore et encore. Je parle pour la relation, pas physiquement ! –certes, cela ne me dérangerait pas, mais je vais attendre quelques temps, ce serait trop brusque pour elle je pense.

Aussitôt, je lui demande, tout sourire :

« Sais-tu, où nous pouvons trouver un spa avec un sauna en ville ? »


*"Ô prodigieux amour qui m’oblige à aimer un être détesté"
Cette phrase est entendue dans le film Romeo + Juliet [cf cette affiche du film]. Romeo l'utilise pour expliquer qu'il aime Juliette, alors que leurs familles respectives [les Capulet et les Montaigu] se détestent depuis toujours

Je l’observais lever les yeux au ciel en se mordant la lèvre, lèvre que j’ai touché de la mienne quelques instants plus tôt. Elle réfléchit, je pense qu’elle essaie de se souvenir où elle en a vu un pour la dernière fois. L’idée doit lui plaire, sinon elle n’aurait pas pris l’utilité de réfléchir. La voir ainsi, en pleine réflexion me fait sourire. Elle paraît plus jeune qu’elle en a l’air quand on y pense, et moi je parais plus vieux que ce que je suis. Peu importe, là n’est pas la question. J’aurais été malpoli je serais déjà en train de baver et de me jeter sur elle. Je ne le ferais pas ! Qui a cru ça voyons ?
Enfin, le verdict tombe. Elle ne sait pas où il y en a, mais elle continue en me certifiant qu’on pourrait en trouver, et à sa voix je suppose que si l’on se perd ce n’est pas grave. En vérité, je ne pense pas le contraire. Être perdu avec elle dans la ville ne me fait pas peur, au contraire, ça me ferait presque plaisir. Bon, après elle mourrait de froid… Non, ne vaut mieux pas que l’on se perde. Je pourrais toujours la serrer contre moi comme je le fait désormais. Je la relâche ensuite doucement, sans pour autant m’écarter. Sa voix me parvient comme lointaine tellement je suis en train de divaguer dans mes pensées, et son air malicieux ne faisait que réchauffer mon cœur.

« Vous me proposez donc un rendez-vous ami de mon cœur ? »

« Ami de cœur ». Ce mot me fait tout drôle. C’est vrai, passer le stade de l’amitié rien que d’un simple baiser, -pas qu’un seul, c’est vrai- est assez rapide. Mais c’est un moyen très communicatif pour dire que nous voulons la personne ! Et que nous souhaitons protéger son cœur coûte que coûte, au point même d’y laisser la vie.

« Le mot rencard n’est-il pas trop faible, très chère ? »

Suite à cette phrase, je lui lance un clin d’œil et nous rions en chœur un moment avant de nous calmer. Ma main toujours dans ses cheveux et l’autre sur sa hanche, mes lèvres viennent effleurer doucement les siennes. Un peu comme si je rendais cet instant joueur. Amusant. Ne faut-il pas un peu de ça pour pimenter le tout ? Ah ah, je souris comme un abruti face à elle. Je plonge mon regard dans ses pupilles bleues. Bleues comme la mer, un très bel élément calme mais qui peut s’avérer dangereux à certains moments. Théa aurait-elle autant de caractère que l’océan ? Cette idée me ravie. Elle paraît tellement tendre, fragile et timide qu’on aurait du mal à l’imaginer en colère. J’éviterais de nous mettre dans une situation aussi terrible. Et celui qui provoquera sa colère aura également affaire avec la mienne. Oui, je suis assez protecteur, et n’oublions pas que les meurtres, les coups de pieds tout ça c’est un peu ma vie. D’ailleurs, ma peluche ne doit pas être trop au courant. Je finirais par lui dire, un jour, ou bien même peut-être ce soir.

« Je… J’aurais quelques petites choses à te dire, ce soir. [Je laisse planer un silence le temps de réfléchir tout en l’attirant contre moi] Je t’attendrais à la sortie du pensionnat à vingt heures. Et nous partirons rien que tous les deux, à la recherche du spa. N’apporte pas trop non plus, nous n’avons pas besoin d’être trop chargés. »

Après tout, c’est vrai. Inutile de s’encombrer comme si on allait faire une randonnée en montagne qui dure cinq jours ! Tiens, voilà une idée sympa pour nous faire balader un de ces jours. Avec la toile de tente, les sacs de couchage et tout. Dans un environnement qui nous permettrais de respirer, quoi de mieux ? Je souris encore, je la fixe et ma main qui était dans ses cheveux revient sur sa joue et caresser ses douces lèvres. M’imaginer devoir la quitter dans quelques minutes pour rejoindre la salle de classe et penser à elle jusqu’à ce soir me rend vraiment sans mots. Je crois que j’ai touché le jackpot !

Je ris de nouveau, tout seul. Puis je me replace un peu et me remet encore plus près d’elle, de façon à que son visage soit pile en face du mien. C’est aussi pour éviter de lui faire trop mal aux cuisses, la pauvre. Si elle se retrouve avec des crampes tout à l’heure juste à cause de ça…

« Je vais devoir bientôt te laisser pour aller en cours » dis-je d’une moue dégoûtée, tout en plaçant ma main derrière sa nuque.

Je la caresse doucement, d’un geste tendre et affectueux. Enfin, je me décolle d’un après un autre baiser et me lève juste en face du banc. Le froid me coupe le souffle. Je dois être bouillant, et elle aussi pour ressentir un tel vent glacé en me relevant. Je commence à saisir mon sac et le met sur mon dos. Mes yeux ne cessent de revenir sur elle. Je me demande si je dois sécher ou non les cours. Et finalement, je ne pars pas, je reste là, debout tourné vers Théa. Je ne veux pas partir sans un dernier câlin. Elle et moi, nous sommes un peu des bisounours l’un pour l’autre.