Don't come back, little freak, you're frightening me...

Phileas pensait qu'il allait passer une journée de travail normale, aujourd'hui. Travailler le matin ses langues, avoir son heure de pause pour réussir à maîtriser son pouvoir dans des conditions plus difficiles, et, une fois un peu fatigué, aller se restaurer dans le réfectoire en repensant aux cauchemars qu'il avait fait dans la nuit. Éventuellement aller voir une clé des songes pour voir une éventuelle signification, comprendre le monde complexe du subconscient, et en apprendre un peu plus sur la complexité du cerveau humain. Mais non, il a fallu qu'à la pause de l'après-midi, sa journée soit “gâchée” par la rencontre dans la serre gelée d'un petit bonhomme qui se trouvait être son camarade de cabanon.

Toute la journée, Phileas se gratta les bras, regardant sous son chemisier les bleus qui le recouvraient ; Il avait mal, ne pouvait plus poser les coudes sur les tables, avait du mal à écrire. Du coup, ses notes étaient très abrégés, et il fallait absolument qu'il reprenne du poil de la bête pour réussir à réécrire le plus rapidement ses cours sans qu'il oublie une infime partie des anecdotes et des explications que les profs ont pu donner.

Mais cette douleur, cette immense douleur qu'il avait ressenti pendant ses deux heures de pause de l'après-midi... Cette sensation d’extrême peur lorsqu'il sentait son corps ne plus lui appartenir, être contrôlé par cet... homme qui semblait ne même pas se rendre compte des capacités immenses que Dieu ou je-ne-sais-quelle-entité lui avait donné à sa naissance. Alors qu'il faisait de l'équilibre sur le bureau de son cabanon, avec un crayon dans la bouche, Phileas se demandait ce qu'il allait bien pouvoir faire ou dire, lorsque le petit bonhomme allait revenir. Le blondinet soupira, relit ses cours pour la énième fois et referma les yeux pour voir ses formules de mathématiques et ses expressions françaises apprises dans sa tête. Il se redressa, regarda autour de lui le petit cabanon vide, et s'en alla vers le coin cuisine. Là, il vit son lézard boire au robinet qui coulait gouttes à gouttes.

« Petite nouille... » soupira en souriant et vint sortir une assiette plate du petit placard à couverts et mis de l'eau en fond. Prenant par son sac à dos le lézard, il le déposa à coté de l'assiette et attendit. Attendit. Attendit. Et le lézard le fixa, avec son regard froid, en ne buvant pas. Cela buvait beaucoup, d'ailleurs ? Un lézard ? Phileas haussa les épaules, et se dit qu'il ne voulait pas s'abreuver peut-être à cause du fait qu'il le regardait. Les animaux c'est comme les hommes, difficiles à la détente ! Alors, en oubliant ses soucis, Phileas s'en alla se faire un bol de chocolat au lait, jetant tout de même des regards au petit reptile qui l'amusait. Et, attendant devant la casserole qui commençait tout juste à chauffer, il se laissa soulever du sol, en s'enlevant un peu de masse par rapport au sol, comme pour se détacher de la réalité, et également ne pas oublier comment utiliser ses dons.

Finalement un « Bonsoir... » vint réveiller le petit état de sereinement que Phileas avait réussi à installer. Et pour bien accentuer le fait qu'il avait été surpris, son don se joua de lui en venant tout lâcher et le faire frapper la tête contre le plafond du cabanon, qui était déjà pas bien haut (juste assez pour mettre des lit superposés quoi). Sa tête produit au contact du bois un magnifique « BOUM » sonore qui fit trembler l'esprit de Phileas qui s'écrasa comme une masse au sol, les coudes sur le rebord de la cuisinière. Il se tenait la tête en chuchotant des « aïe aïe aïe »... Et quand la douleur fut passée, Phileas tourna la tête vers le coin chambre du cabanon pour s'apercevoir que Lewis était déjà mis au lit. Et, non monsieur le narrateur, Phileas est aussi sur un lit superposé en face de celui de Lewis. Figurez-vous que je ne veux pas faire d'erreurs de raccord entre les histoires racontées. Hein.

Revenons à nos moutons ; Phileas, en venant ajouter le chocolat en poudre dans son lait qui chauffait, zieuter ce que pouvait bien faire le petit bonhomme. Pas grand chose, visiblement. Le blondinet vint ce servir son chocolat dans un mug, et en rempli un second. Toujours ce maudit paradoxe du « Il m'a fait mal j'ai peur de lui... » mélangé au « Je l'ai quand même écrasé au sol avec une pression immense qui aurait tué pas mal d'espèce vivante. »... qui l'empêchait même de vouloir lui donner une éventuelle tasse. Phileas se mordit la lèvre inférieure et s'approcha finalement du lit du garçon.

« Tu veux une tasse ? » dit-il en flottant verticalement à coté du garçon, son visage à la même hauteur de la sienne, et la tasse levée pour qu'il capte. Oh, tout comme lui, ses bras... Non, son corps était entièrement recouvert. Zut, il y était vraiment allé fort. Phileas avec ses bras tout bleu/violet ne faisait pas le poids par rapport à ça (on pouvait voir ses bleus à lui également car il était en T-shirt/boxer ; c'est son pyjama). Et Phileas eut comme une espèce de... pitié, ou de sentiment de culpabilité qui le mettait relativement mal à l'aise. Il n'osait pas réellement poser plus de question, ayant cette petite boule au ventre lorsqu'il s'adresse à quelqu'un qu'il ne connaît pas, mais se gifla intérieurement pour s'excuser par un faible ; « D-désolé, j'y suis allé un peu fort tout à l'heure... »

Il avait l'air sincèrement... sincère, ce jeune homme. Et Phileas resta perplexe face à lui. Il se mit à croiser les jambes, en se mettant en tailleur, et se laissa toucher le crane, très doucement cette fois-ci, contre le plafond pour garder un certain équilibre. Ses yeux restèrent rivés sur le blond qui lui faisait face et sur la tasse de chocolat dont il ne donnait pas beaucoup de minutes de vie, s'il continuait à bouger de la sorte.

« C'est p-pas grave... », il lui adressa un faible sourire. Aller, Phileas, fais comme-ci rien ne s'était passé et part d'un bon pied, hein ? « Si j'ai bien compris, c'est en faisant le geste... quand tu as montré mon é-étage que ça s'est déclenché... Evite d'en faire et ç-ça ira... »

Et d'un mouvement d'index, il fit pivoter Lewis sur lui même, en tenant sa tasse, flottant à coté de lui sans qu'elle se renverse. Juste un petit mouvement de son corps pour qu'il voit l'étendu des dégâts. Oh, faire flotter de manière stable une personne, lui, plus faire pivoter une autre, tout en gardant une tasse dans les airs, c'était pas quelque chose de bien compliqué pour lui. Ça, il ne faut pas s'en soucier... Ce dont il se souciait le plus se trouvait en face de lui, et il continua son petit manège en faisant bien attention à ni lui faire de mal, ni le rendre ridicule. Non, une simple utilisation de son Don dans une sorte de respect qu'il essayait de faire passer par le regard. Et plus il le regardait, plus la gorge de Phileas se nouait sous cet horrible sentiment de regret.

« On t'a soigné j'espère ? Tu as l'air d'avoir plus pris que moi au final. T'as besoin d-de quelque chose ? J'peux sortir t'chercher des trucs... »

D'un petit geste de la main, Phileas rendit la tasse de chocolat chaud au jeune garçon, en écoutant calmement sa réponse. Ça semblait le faire rire, mais Phileas n'arrivait franchement pas à trouver la scène amusante. Et ne souriait pas du tout, trop coupable de se qu'il avait bien pu faire. Pourvu que la demoiselle de l'infirmerie se soit bien occupé de lui, il s'en voudrait énormément si il avait eu des séquelles plus longues sur la durée. Il s'en voulait, il s'en voulait trop, et buvait par petites gorgées sa tasse de chocolat chaud, sans se bruler les lèvres pour autant, pour venir se plonger et fuir dans le mug.

Le silence s'installa rapidement, et Phileas vint s'approcher un peu plus de Lewis, venant poser ses coudes sur son lit, et déposer la tasse sur sa couverture pour avoir les mains libres quelques secondes. Et comme s'il connaissait le jeune homme depuis un moment, il vint glisser la phalange de son index le long de ses bras et de son cou bleuté, en ne faisant absolument pas attention aux éventuels dépôts de graisse bien écœurantes que la pommade avait laissée derrière elle. « J'suis tellement désolé tout de même de t'avoir fait ça... »

Il releva le regard vers lui, fronçant des sourcils, vraiment attristé par ce qu'il avait bien pu faire. S'il pouvait se cacher dans le mur de la honte à cet instant précis, il l'aurait fait. Il aurait voulu fuir, fuir ses responsabilités et ne plus être en face de ce petit être qu'il avait blessé. Le peu de personnes qui s'en sont pris à Phileas ne regrettaient pas le mal qu'il lui avait fait. Ce qui faisait que Phileas ne regrettait pas de leur avoir foutu la pire frousse de leur vie en les envoyant flotter dans le ciel, faillant les asphyxier, ou bien de les écraser dans le sol d'un geste brusque. Mais lui, c'était différent. Lui, il avait zappé l'étape de la timidité et l'avait injustement violenté alors qu'il ne contrôlait pas ce qu'il faisait. Car oui, en une fraction de seconde, en voyant ce petit blond s'excuser, son avis avait bien vite changé.

Phileas opta finalement pour un changement de sujet. Lewis voulait simplement faire connaissance, eh bien, il allait le faire. Il tendit sa main poliment et lui sourit avec sa timidité naturelle ; « Phileas Iserhwood, en quatrième A... E-et toi ? »

La main de Phileas vint être serrée très doucement par celle du jeune garçon qui lui rendit la politesse. Il avait donc le même âge que lui, bonne nouvelle, ça pouvait le mettre en confiance plus rapidement, ça. Un petit blond, comme lui, de son âge aussi, et presque de sa taille (Phileas avait trois centimètres de plus que lui, attention!), on aurait dit deux frères, vu de loin, c'était plutôt funny à voir. Et dire que Phileas ne l'avait même pas capté auparavant...

« Enchanté Lewis. » dit-il en souriant un petit peu, et en venant finit son mug, qu'il posa sur la table de chevet en venant se laisser couler vers le sol. Et en prenant un petit élan avec son pied, revenir à sa hauteur où il était auparavant. Il retendit son bras et vient caresser une fois de plus, superficiellement pour ne pas le faire souffrir, les blessures internes du jeune garçon, au niveau de ses épaules. Et non, la graisse ça le dérangeait toujours pas. Il avait fait et vu pire avec Gody, par exemple. Il aurait voulu avoir des pouvoirs de guérisons, ça serait tellement plus pratique que réussir à flotter dans les airs. Quoi que, il aimait tellement faire ça que peut-être allait-il regretter ça. M'enfin, il se demandait ce que pouvait être exactement le pouvoir de Lewis. Il lui poserait certainement la question un petit peu plus tard. Là, il fallait simplement lui changer les esprits et continuer sur le petit bout de bonne entente polie qui s'était enfin installée, même si les événements passés plus t^pot dans la journée restaient dans l'esprit des deux camarades de chambre.

C'est en repensant au tout début de leur première rencontre catastrophique que Phileas eut une idée pour continuer la conversation. Il semblerait que Lewis aime l'algèbre, hein ? Demandons lui, si c'est sa passion, ça devrait le faire causer un peu et lui faire oublier ses soucis.

« T'aime l'algèbre et les mathématiques, la géométrie et les trucs comme ça, non ? T-tu avais l'air de t’intéresser au cours que je relisais à voix haute, tout à l'heure. » et après un petit silence, il ajouta ; « J'me trompe pas ? »

La spontanéité de Lewis surpris un tantinet Phileas qui ne s'attendait pas à avoir une réponse si... directe. Il était mignon, avec son sourire gêné et son ton joueur, ou gai, au choix. A dire que l'algèbre, il y arrivait son préparation et qu'à la géométrie préparée, il se foirait. Comme quoi, chacun ses faiblesses... Et il est vrai que Phileas préférait lui aussi travailler l'algèbre ; plus logique mais plus compliqué à apprendre pour lui que la géométrie assez barbante. Après tout, il n'allait pas devenir architecte, même s'il ne s'avait pas tellement quoi faire comme métier d'avenir. Mais surement pas ça, arg, les calculs de surface ça va bien trente secondes. Bref. Et de suite, le jeune blondinet qui lui faisait face vint lui retourner la question.

« Hm... Logiquement je suis censé aimer toutes les matières... »

Oui, car un A travaille toutes les matières de la même manière, pour assimiler toutes les connaissances de la même manière, vous voyez. Et avoir des préférences serait privilégier des connaissances à d'autres, et ce ne serait acceptable. Mais en réfléchissant bien, oui, il avait forcément des choses qu'il aimait plus que d'autre. La langue de sa professeur, par exemple, les arts en général également... Et son Don. Oui, on pourrait faire cette liste ça. Phileas vint se laisser totalement envoler jusqu'au plafond, et resta collé dessus en fixant du dessus le jeune homme en dessous de lui.

« Pour être franc, j'pense adorer par dessus tout le cours de maîtrise des dons ! Et aussi... » il se laissa retomber très doucement, pour finalement s'allonger à coté du petit bout. La légère peur qu'en le touchant, ses bras vrillent dans tous les sens lui ré-traversa l'esprit. Non, fais-toi du mal Phileas et reste à coté de lui. « Et aussi je pense que j'aime énormément le français », en français dans le texte, s'il vous plait. « Parce que cette langue est très jolie même si c'est super compliqué à parler ! Et puis pour terminer j'aime les arts... A peu près tous les types... » il se mit à énumérer en comptant sur ses doigts ; « La musique, le cinéma, la photographie, la peinture, la littérature... »

Des rougissements vinrent faire brûler les joues de Phileas lorsque le blondinet qui était en face de lui vint se blottit contre son torse. Qu'est-ce qu'il foutait ? Il faisait un câlin ? Pourquoi ? Ça ne semblait pas le gêner, et vu comment il était tactile et je-fais-copain-copain avec le premier venu, cela devait être tout à fait normal pour lui de faire ça. Non non, c'était trop pour Phileas qui sentit son cœur battre la chamade en sentant le blond contre lui. La peur ? La honte ? Sa timidité excessive qui voulait le faire balancer à l'autre bout de la planète, l'écraser contre le sol et le balancer dans l'espace pour qu'il soit LOIN DE LUI ?!

« Et tu pratiques tout ça ?.. C'est plutôt énorme comme nombre d'activités en dehors du temps scolaire non ? Tu trouves le temps de tout faire ? »

Gneuh. Euh. Quoi ? Ah wi, ils étaient en train de parler, c'est vrai. Juste avant que Phileas implose de l'intérieur, ils parlaient ensemble. Phileas fixa la touffe de cheveux sous lui, et pouvait voir des yeux fermés... Il allait pas s'endormir contre lui en parlant, tout de même... ? Phileas déglutit, et essaya de ne pas montrer par les tremblements légers de sa voix qu'il était très gêné. Il fallait continuer de parler comme si de rien n'était.

Et bien-sûr que non, il ne pouvait pas faire tout cela d'un seul coup ! Phileas travaillait trop, et trouvait généralement du temps de libre aux périodes où il n'y avait pas de contrôles, ou aux récréations, lorsqu'il allait dans la salle intemporelle. Ce qui est un peu de la triche, vu qu'il ne perd pas son temps dedans, clairement. « Non, bien sûr que non... Si j'ai un petit peu de temps de libre, j'alterne ce que je veux faire selon mes envies... »... Il réfléchit un petit peu, la dernière fois, il avait dessiné avec Shiki. L'autre fois, il avait chanté dans un couloir... L'autre, il avait lu un livre en français, un truc littéraire d'un certain Hugo. Victor, Hugo. Au final, il n'avait pas le temps de tout faire, alternances, pauses, voilà ce qui lui permettait de tenir un petit peu toutes ses petites passions, après les tonnes de boulot qu'il avait. « …Je pratique dès que j'ai une petite pause ! Dès que j'ai fini mes révisions, que je n'ai rien à faire, ou dans les récréations, en cours lorsque c'est le cours de musique par exemple ! C'est pas trop dérangeant, quand on s'habitue au rythme. ».

Il lui délivra un sourire... ...Mais il avait les yeux fermés. Phileas eut envie de se prendre la tête dans la paume de sa main, mais vu dans quelle position il se trouvait, c'était compliqué. Alors, pour suivre une envie qu'il essayait de refouler, le blondinet vint glisser sa main derrière Lewis et lui poka le dos doucement... pour poser sa main dessus, comme pour le tenir contre lui. Il espérait qu'il n'avait pas de bleus dans le dos (qu'il n'aille pas lui faire de mal, quoi !), et avait la boule au ventre en se disant que, peut-être que s'il le touchait, il allait encore se faire tordre dans tous les sens. La peur ne partira peut-être jamais, sûrement.

« Tu aimes bien ce genre de matières également ? Enfin, ses loisirs, les arts, et tout ce qui s'y approche. », rajouta-t-il en ne voulant pas que la discussion se concentre sur lui. Non, ça serait trop gênant ! ...Et il avait la vague sensation de curiosité envers ce petit bout, la sensation de vouloir le connaître, un peu... Beaucoup, sans pour autant s'en faire un ami, hein ! Mais connaître son colocataire est quelque chose que font les gens normaux, n'est-ce pas ?