I'm a farmer in Malaysia

Dès qu'il le pouvait, Ottavio se mettait pieds nus. Il n'aimait pas être dérangé par des chaussettes.. D'ailleurs, dès qu'il était dans sa cabane avec ses colocataires, il ne se gênait pas pour se mettre à son aise. S'il avait été seul dans une chambre, l'Italien aurait pu passer la majeure partie de son temps en tenant d'Adam. Là, il faisait attention quand même, question de savoir vivre ! Mais les chaussettes.. C'était vraiment pas super utile, ça permettait juste aux pieds de ne pas respirer convenablement et ça se salissait en trente secondes de toute manière. Non, quelqu'un chose d'assez Useless comme une Hache à deux mains pour un Elfe de sang mage... Déjà que les Elfes de sang étaient inutiles...

Mais ce matin là, Ottavio aurait sans doute voulu en porter, des chaussettes. Son pied gauche glissa un peu trop sur le sol et il s'y enfonça une écharde. Un petit cri vite étouffé entre ses dents, Ottavio l'avait bien senti, mais il était trop en retard pour s'en soucier. C'était facile de marcher avec un pied légèrement de biais, en plus.

Il passa sa matinée ainsi, avec le pied continuellement sur le côté, à suivre ses cours normalement. Mais c'était chiant au final, plus qu'il ne l'avait imaginé. Alors le rouquin alla jusqu'au balcon du second étage, pour y trouver un peu de tranquillité surement, y jeta son sac contre la rambarde et s'assit à terre, retirant sa chaussure et sa chaussette gauche pour se saisir de son pied et regarder si l'écharde était bien enfoncée. Elle l'était, mais devait pouvoir se déloger sans trop de mal. Maintenant, c'était l'étape la plus délicate, la faire partir. Parce qu'il pouvait se prendre des millions de points de dégâts en jeu, Ottavio n'en restait pas moins un être humain plutôt sensible à la douleur. Une grande inspiration, un premier essai.. L'échec et la douleur, déjà !

« Ta mère la pute l'écharde ! »

Ca n'allait pas être un jeu d'enfant...

Ca faisait drôle mal ! Trop pour l'enlever en tout cas. Mais de ce qu'il voyait de son pied, il fallait bien qu'il finisse par prendre son courage à deux mains. Ouais, parce que ça devenait rouge autour et qu'il n'avait pas tellement envie que ça s'infecte et qu'on vienne lui couper le pied. Ca servait plutôt bien un pied pour marcher...

« Pourquoi t'en as pas qui ont le don de tout guérir sans douleur... » Lâcha-t-il en soupirant.

En fait, il n'en savait rien. Pas présent depuis longtemps, il ne connaissait pas bien les dons des autres et ne s'en était pas inquiété de toute manière. Tant qu'il vivait sa vie correctement, c'était à peu près tout ce qui pouvait l'importer.

Une voix se fit entendre, une jeune fille qui devait avoir approximativement son âge. Pas un prof, pas une surveillante ou une infirmière ou pas une première année, ça c'était certain. Elle lui demanda si ça allait, ce à quoi Ottavio répondit avec un regard plus que blasé, la fixant tout en montrant sa blessure de guerre de son index. C'était pourtant évident de comprendre que non ! Quel abruti retirerait sa chaussure et sa chaussette comme ça en pleine journée ?! Enfin.

« J'pense que je vais me faire amputer d'ici une heure ou deux.. MAIS C'EST BON HEIN ! » Il éleva la voix à la fin de sa phrase. En fait, l'Italien commençait à flipper. A flipper parce qu'il pensait sincèrement que ça pouvait s'aggraver à ce point là. Il mit quand même sa main devant son pied, pour cacher l'écharde à la jeune fille. « Mais tu touches pas ! Je veux pas que tu touches ! »

Chochotte !

Il se méfait quand même de cette autre élève qui voulait l'aider. Ottavio se méfiait toujours des autres quand on voulait l'aider parce qu'il avait du mal à comprendre ce principe là : simplement se montrer gentil, disponible et aimable pour les autres qu'on ne connaissait pas encore.. Qu'un ami lui demande de l'aide.. S'il pouvait et que ce n'était pas trop compliqué, ça allait. Mais se dire qu'un inconnu n'allait pas l'enfoncer dans son malheur plutôt qu'autre chose.. Ca c'était quelque chose de vraiment difficile à assimiler pour lui...C'était comme s'il jouait à Left For Dead 2 et qu'il comptait véritablement sur ses partenaires en jouant Online. Généralement, les trois autres ne voyaient que leur propre intérêt au final..Assez marrant pour un jour qui misait sur la coopération de ses joueurs.

Il leva doucement la main, fixant la jeune fille d'un regard sévère, sans doute prêt à lui mettre un coup de pied si elle faisait un geste un peu trop suspect. Il était clair qu'il était sur la défensive.

« Comme un enfant ?! » Pour le moment, il n'était toujours pas calmé. « J'ai une blessure et c'est tout ce que tu trouves à dire ! Cool ! »

Parce que pour lui, ce n'était pas quelque chose d'anodin. Ca faisait mal et ça ne voulait pas partir. En plus, il avait déjà lu des histoires comme quoi des gens en étaient morts. L'écharde remontait jusqu'au cœur et BIM, plus d'Ottavio. Lui, commençait vraiment à paniquer et il n'aimait vraiment pas quand on ne le comprenait pas.

Et puis, sans savoir pourquoi, sa peur s'en alla. Il n'était plus tendu de partout et posa même son pied à terre. Le rouquin ne chercha pas réellement à comprendre ce qui se passait. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il n'avait plus peur et que d'un coup, il ne trouvait plus son écharde dans le pied si grave.

« Ah c'est cool ça ! C'est rigolo comme prénom ! » Il en profita pour faire craquer ses doigts. « Finalement, j'pense que ça va. En fait, j'arrive même pas à m'en inquiéter... Bizarre hein ? Tu crois que y'a des drogues dans l'air ? C'est bizarre de pas arriver à avoir peur... » Ottavio leva légèrement son nez pour renifler l'air... Non pas d'odeur suspecte, mais ça pouvait être inodore, comme le méthane.

Au moins, c'était bien plus agréable de se sentir apaisé et calme qu'énervé et angoissé. Ottavio snifa l'air quelques instants, avant de se dire que ça devait être une réaction normale, que la pression avait du retomber plus rapidement qu'en temps normal, que ça devait être ses hormones de jeune mâle, quelque chose comme ça avec lequel il avait du mal... Comme quand sa voix avait muée. Il avait cherché des heures et des heures pourquoi ça se produisait sur Internet, et avait toujours eu du mal à en comprendre le sens. Sa voix actuelle lui plaisait en tout cas. Pas trop grave, pas trop aiguë, un peu trainante et amusante. Et puis, il arrivait à imiter plutôt bien les accents des autres pays et ça, c'était comme tout ce qui ne concernant pas la Mastercard : Ça n'avait pas de prix.

Il fixait toujours son pied, approchant ses doigts de là où était plantée l'écharde. On la voyait légèrement, mais ça faisait encore mal de toucher. Enfin, il arrivait à relativiser, restant calme même en sachant d'un bout de bois était à l'intérieur de son corps ! Une grande première !

« Moi c'est Ottavio. » Il releva la tête, prenant un air sérieux. « ..Mais tu peux m'appeler Ottavio si tu veux ! Ahahah ! » Il se permit même de lancer une légère boutade, une blague de merde dont il avait presque le secret tant c'était nul...

A la demande de la jeune fille, Ottavio hésita. Il pouvait dire oui, mais il ne savait pas s'il allait savoir garder son calme pour maintenant. Tout en réfléchissant rapidement, il fit des petits bruits avec sa bouche.

« Ok !... On va dire Ok... Mais faut pas stériliser le truc avant ? » Son pied n'était pas des plus propres non plus.. Après tout ça faisait 4 jours qu'il ne s'était pas lavé là. « J'crois que j'ai un vieux truc pour laver les mains sans eau là dans mon sac.. Ma mère me l'avait mis un jour mais je l'utilise pas. » Ça aussi c'était étonnant... Et ce qu'Ottavio ne réalisa pas, c'était que ce genre de produit contenait de l'alcool.. Et donc que ça allait lui piquer et pas qu'un peu..

Elle lui dit que c'était de l'alcool, mais d'un coup de main, Ottavio lui fit comprendre qu'il s'en fichait bien. Il n'avait pas trop fait le rapport encore et pour lui, ça allait juste le chatouiller, au pire.

Mais avant de continuer, la jeune fille se remit à discuter. C'était vrai qu'elles aimaient bien ça les filles, discuter. un concept étrange auquel Ottavio ne participait que très rarement. Au pire, il allait se faire une partie d'Angry Bird sur son portable pour passer le temps. Là, la fille en question était là pour l'aider, donc il se devait bien de faire l'effort d'écouter presque attentivement. En plus, c'était intéressant et ça résolvait l'histoire de drogues dans l'air. Alors comme ça, elle pouvait contrôler les émotions ?! Et ça fonctionnait en plus ! Regardant plus attentivement, il remarqua le bleu de son nœud... C'était une B donc ? Ils étaient mieux quotés et les élèves avaient surement une bonne maîtrise de leur don...

« Eh ! » Lui était enthousiaste et ne comprit pas la réaction d'Alana. « C'est trop cool comme don ça ! Tu peux faire ce que tu veux avec ? J'veux dire, tu peux me rendre triste et me faire pleurer comme une GROSSE tapette ? » Vraiment enthousiaste. « Vas y ! Essaie pour voir ! J'suis sûr que je peux résister à ton pouvoir ! »

Et il commença à se concentrer, plissant les yeux en pensant à des trucs drôles pour ne pas être triste.

Lui se concentrait déjà avant qu'Alana ne fasse de même. Il pensait à des vidéos de chats qui se cassaient la gueule, d'Homer Simpson et de son Spider-pig... Voila, le genre de vidéos qui le faisaient hurler de rire quand il était en train de les regarder.. Il pouvait le faire dix fois dans la même journée, le rire était intacte. Il s'amusait d'un rien, ce qui était un sacré avantage dans un sens. Et quand elle lui demanda si il était sûr, il hocha une fois la tête. Parler l'aurait déconcentré, alors il se contenta de ça pour approuver. Il allait tenir ! Parce qu'il n'était pas un Tauren Chasseur pour rien ! Il était fort, il était solide, il était...

Non. Il ne l'était pas. Plus les secondes passaient, plus Ottavio se sentit triste. Il ne pensait plus aux chats ni à Homer, mais à quelque chose qui l'avait vraiment rendu triste, une fois. C'était plus fort que lui d'y penser, comme si son esprit le forçait à revivre ce moment qui lui avait arraché des larmes à l'époque et lui avait déchiré le cœur aussi. Il n'avait pas pu jouer de la soirée, repensant à ce qu'il avait vu, ce qui allait se passer par la suite et à quel point les choses ne seraient plus jamais les mêmes...

« Non...Pas cet... » Il renifla un grand coup, les premières larmes tombèrent. « Pas Rose ! Non ! Pas Rose Tyler !...Beuheuheuheu... Je veux pas revoir le docteur pleurer.... »

Le dernier épisode de la saison 2 de Doctor Who.. Voila ce qui le rendait triste... En même temps, apprendre que Rose Tyler n'allait plus être la compagne du Docteur avait été un coup dur pour lui...Il aurait fait n'importe quoi pour qu'elle n'aille pas rejoindre sa mère et son ex petite ami dans un monde parallèle, loin du héros de la série.

Enfin, la jeune fille cessa, mais Ottavio devait se remettre de ses émotions. Il essuya ses yeux avec la cravate de son uniforme puis se moucha rapidement dedans. Très élégant en somme. Ca ne lui permit pas de voir ce qui se tramait contre lui.. Alana venait de poser de l'alcool sur son pied, et ça lui piquait plus que ce qu'il avait imaginé. Ottavio fit la grimace, serrant les dents en gémissant pour ne pas hurler. Une chose était sûre, c'était loin de lui faire du bien !

« PUTAIN PUTAIN PUTAIN ! Ca déchire à mort ce truc ! » Heureusement, ça ne restait pas bien longtemps et ça avait eu l'avantage de le sortir de sa tristesse passagère. « J'crois que c'est bon, pas besoin d'en mettre plus ! J'ai une idée, je ferme les yeux, tu me dis pas quand tu essaies, et tu vois pour retirer l'écharde ! »

Parce que c'était voir ce qui se passait en bas qui l'inquiétait le plus. Mais Ottavio était méfiant, ça se sentait. Au moindre bruit ou à la moindre sensation de touché, son pied allait vers l'arrière. Même s'il avait les yeux fermés.

Ca n'allait pas être facile de lui retirer l'écharde s'il reculait son pied et craignait d'avoir peur comme ça dès qu'on s'approchait un peu trop... Mais il n'avait pas de bons souvenirs de quand il s'était enfoncé des échardes dans les pieds dans le passé. Une fois, en jouant à cache-cache avec deux de ses frères et sœurs, il s'était même rentré une punaise dans le genoux en voulant se cacher derrière la table de chevet de sa mère... Il avait sérieusement douillé pour qu'on la lui retire.

Les yeux toujours bien fermés, et plissés car il forçait pour se faire, Ottavio entendit bien qu'elle demandait pourquoi il avait été si triste d'un coup. Une chose était certaine, elle était douée pour contrôler son don.

« Baaaah...Tu connais Doctor Who ? C'est une série TROP géniale ! A la fin de la saison 2, y'a Rose qui est séparée du Docteur et c'est...AIE PUTAIN MERDE !!! »

C'était bien joué de la part d'Alana, le faire parler pour qu'il oublie ce qui allait se passer. Le plus gros de la douleur était passé maintenant. Ottavio rouvrit les yeux et regarda la plante de son pied pour voir les dégâts. Pas grand chose, même pas de saignement. Il regarda ensuite l'écharde et se sentit bien bête d'avoir fait un tel cinéma pour quelque chose d'aussi minuscule au final. Heureusement qu'il n'y avait pas foule.

« Merci ! Vraiment, j'pense que je vais pouvoir marcher normalement maintenant ! » Lança-t-il tout en attrapant sa chaussette pour la remettre... La chaussure était un peu trop loin, mais il avait une idée. « Eh ! Tu veux voir mon pouvoir à moi ?! Allez ! J'te mets au défi de deviner s'que c'est ! »

Merde ! Maintenant qu'il avait remis sa chaussette, voila qu'Alana avait la gentillesse de lui donner sa chaussure... C'était justement grâce à cette dernière qu'il allait pouvoir lui montrer son pouvoir. Ottavio la garda dans ses mains, ne la mettant pas tout de suite. Il préfère l'observer faire son petit rituel, arquant un sourcil de curiosité. Elle avait un autre don et était capable de connaître ceux des autres ? Ottavio ne savait même pas qu'on pouvait en posséder deux.. Mais après tout, depuis qu'il avait découvert le sien, le monde avait changé du tout au tout.. Alors pourquoi pas.

« Il a pas l'air au point ton deuxième don Ahah ! » Ottavio en profita pour lancer sa chaussure un peu plus loin. Oui, celle qu'on venait de lui rendre, mais il en avait besoin. « Donc l'indice ! » Pour l'illustrer, l'Italien tendit ses deux bras en avant, mettant ses mains à la perpendiculaires et à plat. « J'ai besoin de mes deux mains pour l'utiliser. Genre, si on me coupe un bras un jour, j'suis dans la merde. »

Ca ne devait pas trop l'avancer, mais c'était un indice comme un autre. Et quand la jeune fille parla du lézard, Ottavio ne comprit pas tout de suite. Il comprit mieux en apercevant la bestiole confortablement installée au soleil. Berk, le soleil, vraiment pas top.

« J'ai parofis du mal à faire venir le mien sans qu'il ne s'endorme en chemin... Non, c'est pas trop ça non.. Ca concerne pas des choses vivantes. »