Il pleut, il mouille, c'est la danse à la grenouille ! ~ [Andrew]

Tu as vu par l'une des fenêtres du troisième étage qu'il pleuvait dehors. Pas juste une petite bruine, ni une pluie torrentielle. Non, juste une petite pluie fine, qui a pourtant l'étrange don de tremper quiconque jusqu'aux os. Mais tu t'en fiches, de ça, même si tu dois finir avec un sale rhume, tes manies d'enfant ont reprit le dessus. Tu n'as plus qu'une envie : sortir dehors. Alors, un grand sourire aux lèvres, tu cours dans les couloirs, tu dévales les escaliers quatre à quatre. Bien sûr, tu manques tomber plus d'une fois, et tu heurtes bien quelques personnes au passage, beaucoup te regardent de travers du coup, mais tu n'y fais même pas attention, trop impatiente. Autant qu'une petite fille à qui on aurait promis que dans quelques minutes elle aurait cette peluche qu'elle convoite depuis plusieurs semaines.

Finalement, tu arrives dans le hall. Il n'y a pas grand monde, en fait. Trois ou quatre personnes à tout casser. Et puis, d'un coup, tu as une illumination. Et si tu faisais la danse de la pluie ? Ah mais, toute seule, c'est pas drôle ! Sans t'arrêter ni même ralentir, tu continues de courir vers la porte, attrapant au vol le bras d'un blondinet qui se trouvait sur ta route, l'entraînant avec toi dehors sous la pluie. Tant pis s'il t'en met plein la tête.

Quand la porte d'entrée de l'établissement se referme derrière vous, tu le lâches et tu te mets à sautiller et gigoter dans tous les sens, tu lèves les bras vers le ciel en agitant les mains, puis tu en descends une sur ta bouche pour faire le bruit des indiens. Tu fais la folle, sans penser que le blond pourrait penser que tu l'es vraiment. Et puis, au pire, il faut de tout, dans un monde. Tu t'arrêtes un instant pour aller attraper les deux mains du blond et le faire tourner en rond avec toi, tout en faisant de petits bonds.

- Fais la danse de la pluie avec moi ! Te plaiiiiiit !

Tu ris, un rire enfantin qui s'évade dans l'air alors que tu lèves le visage vers le ciel, l'offrant aux gouttes de pluie que tu tentais de boire en tirant la langue, grimaçant un peu quand certaines te tombaient sur le nez ou au coin des yeux. Oui, t'es folle, t'es gamine, mais tu t'en tapes. Tu t'amuses.

Tu tournoies sous la pluie, le bas de ta jupe à volants se soulèvent pour accompagner ton mouvement. Tu ris aux éclats, tu t'amuses, tu te fous de tout ce qu'on peut penser de toi. Tu danses comme une imbécile sous la pluie et ça t'éclate. Tellement que tu finis par lâcher le blond pour retirer tes chaussures et les laisser là, avant d'emmener ton nouvel ami inconnu au rapport dans un coin d'herbe pour reprendre ta joyeuse danse d'enfant. Il est entré dans ton jeu, avec plaisir comme il a dit, mais une part de ce plaisir est pour toi. Car oui, t'es heureuse qu'il ne se soit pas foutu de toi avant de partir.

- On est les Indiens de la pluie ! Tu es... Petite Cerise Bleue ! A cause de tes yeux !

Tu t'arrêtes pour lui tirer la langue, d'un air joueur, et tu te demandes si lui aussi va te donner un surnom comme tu viens de le faire pour lui. Tu sautilles sur place, cheville croisées, hop, pieds joints, hop, chevilles croisées, hop, pieds joints. Sauf que, à un moment donné, tu t'emmêles les pinceaux. Tu trébuches, et tu tombes sur le blond, tellement maladroite que tu l'entraînes dans ta chute. Tu finis allongée dans l'herbe mouillée, et tu éclates de rire avant de lever les mains en l'air, comme pour toucher les nuages.

- En vrai, je m'appelle Haven ! Haven Mathewsen ! Et toi c'est quoi ton nom ? Tu veux être mon ami ?

Tu es bel et bien ce genre de fille qui ne se prends pas la tête, franche et directe.  Tu demandes, et au choix on te rembarre, on va dans ton sens, on te rit au nez, ou bien d'autres solutions. Tu n'en fais pas une formalité, tu es comme tous les enfants, parfois bien immature pour ton âge.

Tu fais les grands yeux en tiltant d'un coup les paroles concernant la coccinelle. Tu lâches un "Beeeeeerk" bien enfantin, tu regardes partout autour de toi, avant d'être rassurée en voyant que la petite coccinelle est toujours vivante, recroquevillée sur un brin d'herbe qu'elle a teinté de jaune sous la peur. Tu la regardes, toujours allongée dans l'herbe, et elle fini par venir se poser sur ta main. Tu souris, tu fermes les yeux, tu fais un vœu.

- Je veux... Je souhaite...

Que nous soyons amis, Cerise Bleue et moi !
Tu rouvres les yeux. La coccinelle agite ses petites ailes, puis s'en va, porteuse de ton souhait. Tu la suis du regard, tu souries. Tu tournes la tête vers le blondinet, et tu vois qu'il a les yeux qui brillent. Tu clignes des paupières, surprise. Tu as peur d'avoir dit quelque chose de mal, tu essaies de savoir quoi. Ou alors, il n'a pas l'habitude d'avoir des amis ? Tu poses doucement ta main sur sa joue, penchant la tête.

- Dis... Pourquoi tu as les yeux qui brillent, Andrew ?

Il se relève, tu le laisses faire, puis tu fais de même. Il te demande s'il est bien à Prismver, et d'un coup tu comprends qu'il est comme toi. Il a un don, lui aussi. Tu te demandes s'il le considère comme un poids ou non. Enfin, ce n'est pas la question. Tu lui prends les mains dans les tiens, les serrant doucement, tout sourire.

- Oui ! Tu es bien à Prismver ! Tu vas voir, on est trop trop bien ici ! C'est ma troisième année ici, et je regrette pas ! On se fait pleiiiiin d'amis ! Tu verras, tu vas t'y plaire !

Tu es vraiment heureuse. Avec un peu de chance, tu auras l'occasion de le revoir, de t'amuser encore avec lui. En ce moment, la pluie qui tombe sur vous malgré le feuillage de l'arbre donne un certain côté mignon à la scène. Il y a le parapluie des amoureux, et il y a l'arbre des amis. Tu souris un peu plus à ta pensée, et tu tires doucement la langue à ton nouveau camarade, joueuse.

Toute l'eau de l'arbre vous tombe dessus suite à un coup de vent, et, même s'il fait froid, même si tu es trempée, tu ris. Tu ris avec cette insouciance dont tu aimes faire preuve. On est jeunes qu'une fois, que tu dis. Alors, tu profites, tu ris, parce qu'un jour tu n'en auras plus le temps. Un jour, ce sera métro, boulot, dodo, et le rire n'aura plus forcément sa place dans ta vie. Qui sait ? On ne connait pas demain. A moins qu'il existe un don qui permette de voir l'avenir ?

Tu acquiesces doucement aux paroles de ton nouvel ami. Toi aussi, tu commences à avoir froid. Alors, tu lâches une de ses mains mais gardes l'autre pour l'entraîner avec toi vers la porte du hall, attrapant tes chaussures au vol. Au moment où tu te redresses, tu te stoppes à la vue qui s'offre à toi. Le ciel, à présent bleu, le soleil qui montre le bout de son nez, les nuages qui s'en vont au loin, et, là, un arc-en-ciel. Tu le vois en entier, d'un bout à l'autre. Tu restes éblouie face à cette beauté de la nature.

- Wouaaaaaouh ! C'est... beau ! N'est-ce pas ?

Tu lances un coup d’œil interrogatif à ton camarade, avant qu'un nouveau souffle froid ne vienne te faire frissonner. Alors, presque à contre-cœur, tu pousses l'imposante porte, revenant au chaud à l'intérieur, toujours pieds-nus, tenant tes chaussures dans ta main qui ne tient pas celle d'Andrew. Le hall est à présent désert, il n'y a plus que vous deux. Tu lâches lentement la main de ton nouvel ami pour lui faire face.

- Tu dois passer au secrétariat, non ? Pour connaître ta chambre, ton emploie du temps et tout ça ?

Au moins, tu pourras l'accompagner et apprendre à le connaître un peu plus. Parce que, c'est bien beau d'avoir rencontré quelqu'un qui a l'air d'être aussi enfantin que toi parfois, mais tu ne sais rien d'autre que son nom.

Tu as déjà plus chaud que dehors, et tu remets tes chaussures, ignorant superbement le gardien dans sa loge. Tu souris à ton nouvel ami qui vient de demander tout juste ce que tu espérais. S'il semble gêné, toi tu n'en es que ravie. Tes mains jointes dans ton dos, tu te balances légèrement d'avant en arrière, en hochant la tête. Bien sûr que tu vas l'y emmener ! Tu ne vois aucune raison de l'abandonner, surtout que tu sais à quel point il est facile de se perdre, au début. Puis, vous venez à peine de vous rencontrer, dans des circonstances assez étranges si on y repense. Mais, justement, ça n'a rendu les choses que meilleures.

Et puis, tu entends la porte de la loge, puis des pas qui viennent dans votre direction, et une voix qui marmonne dans sa barbe des choses inaudibles, certainement furax que vous ayez trempé le sol. Tu soupires, jettes un coup d’œil à la valise du blond, puis au gardien. Mouais, bof, enrobé comme il est, il doit pas savoir courir. Tu sautilles alors un peu avant de te stopper pour murmurer.

- A trois, on cours ! Tu vas voir, il va jamais nous choper, même avec ta valise, il va rien comprendre à la vie !
- Mademoiselle Mathewsen, j'espère que vous n'entraînez pas déjà un nouvel arrivant dans vos pitr...
- Un, deux, TROIS !

Tu te saisis de la main de ton camarade avant de filer en courant dans les couloirs, vers le secrétariat, regardant juste si Andrew te suivait sans trop de mal dans ta course folle. Tu entends les pas lourds du gardien et sa voix désagréable qui vous crie de vous arrêter, mais tu t'en fiches, surtout que, finalement, il semble avoir abandonné la course-poursuite, puisque tu n'entends plus rien. Eh voilà, une nouvelle victoire pour toi ! ~

Tu l'entraînes à toute allure dans les couloirs, ton rire résonne contre les murs, et fait se retourner les quelques personnes qui traînent encore dans le coin. Ta réputation de gamine bruyante est déjà faite, ça plait ou ça ne plait pas, tu t'en fiches. Certains t'adorent pour ton côté décalé, insouciant, d'autres te méprisent parce que tu es naïve et immature. Mais c'est là ton caractère, et tu ne changerais pour rien au monde, encore moins depuis que tu as retrouvé ta raison de vivre : ton frère. Alors, ta joie de vivre, elle n'est pas prête de s'en aller. Dommage pour ceux qui ne supportent pas ton rire, ils l'entendront pendant longtemps encore.

Et puis, d'un coup, il s'arrête. Il a réussi à ne pas tomber, mais toi, tu trébuches comme une belle imbécile, et tu te ramasses au sol dans toute ta classe et ton élégance. Certains auraient rougi de cette situation, d'autres auraient piqué une crise de nerfs. Toi, tu t'assois en tailleur à même le sol, et tu regardes ton nouvel ami, en hochant la tête.

- Vas-y ! Je t'attends ici !

Et puis, tu éclates de rire, c'est plus fort que toi. Tomber, tu en as l'habitude, ne passe presque pas un jour sans que tu ne sympathises un peu plus avec le sol. Un jour, tu seras capable de décrire le carrelage avec précision, chaque endroit plus abîmé que les autres à force de passages. Ca y est, tu as trouvé ton but dans la vie ! Ou le sujet de ton prochain exposé en cours, à voir.

Tu finis par te relever, époussetant ses vêtements en attendant le retour d'Andrew. Un trio de mecs en profitent alors pour s'approcher de toi, moqueurs. Ils sont en D, comme toi, à en juger par leur cravate orangée, mais ils sont plus vieux. Et, à leur façon de te toiser, tu te doutes qu'ils font partie de ceux qui ne t'aiment pas. Tu recules un peu, méfiante, alors que l'un d'entre eux bien te pousser à l'épaule.

- Alors, quoi de neuf, gamine ?
- Rien... Et vous trois ? Vous voulez quoi ?
- Nous ? Oh, juste nous amuser un peu...

Tu lâches un couinement, peu rassurée, et recules encore un peu, contre le mur. Tu regardes la porte du secrétariat, priant pour qu'elle s'ouvre sur Andrew, et qu'il t'aide. Ou qu'un adulte arrive et les remette à leur place. N'importe quoi, tant qu'on te tirait de leurs griffes.