Assouvir & Rassasier. Ft Anarchy.

Un énorme hamburger dans les mains, un coca géant à côté, sur la table. Le bonheur, la joie, le plaisir, tout englobé en deux simples choses. Elle porte le sandwich à ses lèvres, et le croque, s'attendant à son goût fabuleux. Qui ne vient pas, qui ne vint jamais. Le coca disparaît, le décor tout entier s'envole en un instant. Parce qu'elle a ouvert les yeux. Parce qu'elle s'est réveillée.

Grognement frustré de la part de son ventre, et d'un bond, elle se lève, prête à devenir présentable dans le seul espoir de satisfaire sa faim. Si elle avait mangé la veille, elle n'en serait pas à jeter ses vêtements sur le lit pour trouver un foutu tee-shirt propre. Une personne normale aurait laissé éclater sa rage, mais Anarchy n'émet pas un son, de peur de réveiller ses colocataires. Il fallait être discrète, ne pas faire un bruit.

Une fois les fringues enfilées, la brunette bondit jusqu'à la porte, manquant au passage de s'étaler dans les vagues d'habits qu'elle a crée. Ils se démerderont avec, elle a pas le temps de s'en occuper. Tant pis ! A l'instant où ses pieds franchissent la limite des dortoirs, une peur soudaine s'accroche à elle, comme une voix qui lui souffle dans le creux de l'oreille des paroles terrifiantes.

Et si elle se fait prendre ? Elle aurait des problèmes ? Si elle se perd dans le lycée, est-ce qu'elle en sortirait un jour ? Si elle tombe sur un psychopathe pédophile, est-ce qu'elle survivrait à un viol subit ? Ou a un viol tout court, d'ailleurs ?! Nyaaa trop de questions sans réponses, trop de craintes injustifiées, comme à chaque fois.

Un nouveau grondement venant de son estomac la décide finalement, elle fonce comme une balle au ralenti vers les cuisines, tentant de rester la plus discrète possible. De toute façon, personne n'est censé être debout à cette heure, si ? Légèrement paniquée, elle continue d'avancer, sa frêle carcasse frissonnant sous le froid qui l'enserrait. Encore quelques secondes, et elle serait arrivée ...

Chaque pas est un peu plus froid, un peu plus lourd et un peu plus stressant. A force de s'accélérer, sa respiration allait finir par la faire suffoquer. Passant la porte comme un fantôme, elle manque de coincer un chaton en la refermant. Zut, manquait plus que son pouvoir se manifeste encore ! Rapidement, elle attrape la bestiole, et scelle l'entrée, traversant la salle en serrant la petite chose dans ses bras.

▬ Bon ... Où est-ce que c'est, le manger ?


Incapable de réfléchir avant onze heures du matin, Anarchy pose la bête sur une table, et fouille les placards, cherchant ce qui pourrait soulager sa faim. Un pot de confiture, des tranches de pain et même un petit bol de chocolat chaud ! Pas de café, pas de café, pas de café. Elle ne désire pas être excitée comme une puce jusqu'à la fin de la journée. Et puis y a personne pour se moquer de son côté gamine. Les chocolats chauds, c'est pas très mature.

▬ Alors comme ça, je suis pas le seul à avoir la dalle?

Merde merde merde et enfin meeeerde. C'est pas possible, qu'il y ait quelqu'un d'autre, pas vrai ? Son imagination, encore. Voilà, juste son imagination, rien de plus, rien de moins. Par précaution, elle se retourne, lentement, terrifiée à l'idée de tomber sur un gros baraqué cinq fois plus grand et large qu'elle. NON ELLE EST PAS PETITE. Juste verticalement désavantagée. EUKAY ?!

... Elle a pas rêvé. Elle a rien imaginé. Y a bien quelqu'un, de présent. Recroquevillée sur elle-même, la brunette n'ose pas répondre, sa tartine récemment ... Tartinée tremble dans sa main. Ou peut-être est-ce l'inverse ? Aucune idée, et honnêtement, RAF. Paniquée comme un petit chiot devant un loup adulte, elle recule jusqu'à heurter la première table, ses dents mâchonnant nerveusement la lèvre inférieure déjà bien abîmée qui frémit.

Okay okay okay. On se calme, il a juste dit avoir faim. Rien de bien grave, de bien important. Anarchy lève le bras, pointant timidement le pot de confiture. Elle pourrait partir, s'enfuir en courant et en hurlant. Mais ça réveillerait tout le monde. Ils lui gueuleraient dessus, elle pleurerait et s'enfermerait dans le premier carton qu'elle trouverait. Mauvaise idée, donc. Et puis crier l'épuiserait, elle tomberait par terre et se ridiculiserait.

Qu'est-ce qu'elle peut faire ? Bah rien, comme d'habitude. Rester naturelle, surtout rester naturelle. La dernière fois qu'elle a essayé d'être jolie ... Un passage qu'elle souhaite effacer de sa mémoire. Elle pose sa tartine sur la table contre laquelle elle est collée, et regarde le chaton, souhaitant le faire venir. Les apparences sont trompeuses, cet inconnu peut très bien être un taré violeur d'animaux et de brunettes sans défense, non ?

▬ E-euh ... O-oui ...

Non. Elle a pas mis dix minutes à répondre, non. En plus, c'est sûrement une réponse inutile. Mais qui peut peut-être introduire un dialogue ? Elle tente, on sait jamais. En espérant qu'il soit assez bavard pour se contenter de ses paroles à lui.

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Son rire est presque aussi terrifiant que son arrivée subite. Il se moque ? Elle réfléchit quelques instants, jette un regard à sa propre posture. Mains sur la table derrière, buste en arrière et probablement visage apeuré. Génial, tout est génial. Ironiquement, évidemment. Au bord des larmes, elle mord vivement sa lèvre inférieure en s'insultant mentalement.

▬ Putain de merde!

Elle sursaute. C'est à elle qu'il parle ? Qu'est-ce qu'elle a fait de mal ? Elle n'a même pas eu le temps de bouger. Subitement tendue, elle tourne de nouveau les yeux vers lui. Et ne peut retenir un glapissement de terreur, ses doigts serrant violemment le bois. Son regard, pourquoi est-ce qu'il la regarde comme ça ? Il la déteste ? Mais elle a rien fait ! Le pot. Le pot est par terre. Elle lui a fait peur et il l'a lâché ? Non, il aurait pas pu avoir peur d'elle, il la regardait même pas. Mais alors quoi ?!

▬ Tu peux regarder si y a du beurre de cacahuètes, la ?

Et il rajoute la politesse. De toute façon, elle aurait obéi. Il est trop flippant pour prendre le moindre risque. Tremblante, elle se retourne, et tend la main pour ouvrir le placard. Plusieurs gestes maladroits plus tard, elle y parvient, et regarde à l'intérieur. Confiture, farine, sucre, sel, poivre ... Et enfin le beurre de cacahuète. Beurk, c'est dégueu, ça, en plus.

Mais il faut le dire à cet inconnu, ce qui va être bien dur. Prenant une grande inspiration, la brunette se tourne vers lui, et lui jette un regard mi-triste mi-effrayé. Un regard habituel, de la part d'Anarchy. Ses doigts s'emmêlent entre eux, signe de stress profond. Okay, on se calme et on lâche une seule phrase. Une seule.

▬ I-i-il ... Y en ... A-a ...

Vu le volume de sa voix, il l'a peut-être même pas entendue. Pour appuyer ses paroles, elle soulève le pot, réussissant à cacher son visage grâce à ses cheveux. Au moins, il verra pas que ses joues sont cramoisies. Au moins, il verra pas qu'elle hésite entre s'enfuir en pleurant et se recroqueviller sur la table comme si le sol était fait de lave.

▬ Dé-désolée.

Elle a pas vraiment à s'excuser. Mais c'est un réflexe. Il doit même pas comprendre qu'elle s'excuse d'être aussi timide. Elle le frôle du regard, et le classe dans la catégorie "doué mais pas trop". Il a quand même fait tomber un pot de beurre de cacahuète, c'est un détail à ne pas écarter. Ses jambes tremblent, ses bras tremblent, tout tremble. Okay, ne pas lâcher ce qu'elle tient.

Elle s'avance vers lui sans même le regarder, et pose son poids sur la table à côté. La confiture est pas loin, elle peut faire d'une pierre deux coups et l'attraper d'une main. Ce qu'elle fait sans réel problème, essayant ensuite de tartiner son morceau de pain. Trop trop trop trop proche. Beaucoup trop proche.

De trois pas, elle recule. Son coeur bat si fort qu'elle a l'impression que seul ce bruit résonne dans toute la salle, mis à part les ronronnements impatients de la petite chose à ses côtés. Okay, on oublie l'humain on se concentre sur le chat. C'est pas bien dur, il suffit qu'elle le nourrisse pour ne plus regarder le brun. Rassurée, elle commence son repas, son rythme cardiaque effréné l'inquiétant quand même un peu.

Foutue timidité.

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Son esprit est occupé par une unique pensée. Manger. Manger. Manger. Jusqu'à ce qu'une autre s'y joigne, formant un fouillis multiple dans le for intérieur de la petite chose toute tremblante. Partir, partir, et putain, partir. Elle déglutit. Elle ne bouge pas. Elle a l'impression que la mort va la rattraper, avant même qu'elle ne puisse porter à sa bouche un simple morceau de tartine.

Hurlement.

Elle sursaute, elle couine de peur et bondit en arrière. Son bout de pain reste dans sa main, figé, comme elle. Son regard se lève. La première chose qu'elle voit bloque sa respiration. Du sang, du sang, du sang. Son coeur ne bat plus. Non, il bat trop vite. Elle n'en sait rien, elle s'en fiche. Il se tourne vers elle, lui glaçant tout bonnement le sang.

▬ Je me meurs. Aide moi.


Et il secoue son bras. Avant de faire quoi que ce soit, elle prend une bouchée de sa nourriture. Son regard effaré l'intrigue. Elle mâche. Elle mâche. Et elle se fige, une nouvelle fois. Un goût métallique envahit sa bouche, comme si elle avait avalé un morceau de métal. C'est ignoble, c'est horrible, c'est impossible. Elle baisse lentement les yeux vers ce qu'elle tient entre ses doigts, et voit ses craintes se confirmer : une grosse trace d'hémoglobine a envahi le morceau de pain.

Malédiction ? Pourquoi tant de haine ? Les chats portent réellement malheur ? Elle renifle, l'odeur parvient à ses narines. C'est pas du ketchup, c'est pas e la sauce tomate. C'est du sang. Elle a avalé ce qui coule sur le sol, ce qui fait souffrir cet homme, ce qui lui donne la nausée. Sa main libre se pose sur la table. A ce rythme, elle va pas tenir longtemps. Sa gorge est bloquée, par une grosse boule. Elle tente de la retirer, elle manque de tapisser ses propres pieds du faible contenu de son estomac.

Anarchy lève enfin les yeux. Qui suivent, dans le sens inverse, la coulée du liquide carmin. La blessure de son doigt n'est pas petite. C'est rapide, c'est dévastateur. Comme s'il se vidait de son sang, tout bonnement.

Aide-moi. Je me meurs. Meurs. Mourir. Mort. Fin. Assister à la fin de quelqu'un, c'est trop pour elle. Dans sa tête, cette simple plaie peut le réduire au silence à tout jamais. Tremblante, elle fait un pas vers lui, elle lève la main, attrape la sienne.

Le courage. Non. La peur, la peur qu'il meure, la peur qu'elle le voit se vider à ses pieds sans pouvoir rien faire. Pour la première fois, elle agit. Pas un mot ne lui échappe, pas un sourire timide. Elle se concentre, elle oublie à qui appartient ces doigts, à qui appartient le sang qui tâche ses propres phalanges. C'est qu'une foutue main, c'est qu'une foutue main.

Elle fouille un placard, sans lâcher. Son pouce appuie sur la plaie, pour retenir le sang. C'est plus Anarchy, c'est pas possible. Elle prend une trousse. Croix rouge dessus. Bingo. Sans attendre, sans écouter d'éventuels commentaires, elle lâche, elle sort ce qu'elle trouve. " Souviens-toi, Kyara. Si quelqu'un est blessé, si c'est grave, désinfecte. " Maman, qui a tout appris. Anarchy, qui n'a rien écouté, pratiquement.

Elle l'a cru. Elle le pense. Qu'il meurt, comme ça, bêtement.

▬ T-tiens.. Le doigt ...

Murmure timide. C'est Anarchy, c'est personne d'autre. Des tremblements agitent sa carcasse. Elle crise à moitié. Mais elle s'arrête pas. Elle est bornée. Sans chercher à capter, elle prend du coton, du désinfectant, elle en met dessus. Elle inspire profondément. Et elle regarde encore la blessure, elle pose le coton dessus. " Tamponne. " Elle obéit, elle tamponne. Elle enroule le bandage, elle fait tout comme Maman a dit.

C'est fait, c'est fini. Elle jette un regard à l'inconnu. Elle sourit pas. Elle tombe pas dans les pommes. Mais elle recule, elle heurte la table, elle s'y accroche. Son cerveau repart, revient, remarche. Elle a touché du sang. Elle en a sur les mains. C'est rouge, c'est sale, c'est horrible. Elle couine, comme un chiot blessé. Elle a pas mal, mais bon Dieu, elle a l'impression de mourir, sur le coup.

▬ T-tu peux .. Partir ...

Qu'il ne la touche pas. Qu'il ne l'approche pas. Elle est souillée, elle est tâchée. Son coeur bat si vite qu'elle va probablement mourir. Il faut qu'elle parte, qu'elle retourne dans sa cabane, et surtout qu'elle ne voit pas les autres.

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