Seconde chance ?

Linked.

Le menton posé sur ma main, coude sur la table, je l’observe, à travers la vitre. A côté de moi, Hamish s’évertue à essayer de faire quelque chose de l’échantillon posé sur le microscope, jetant un oeil à l’interieur et grognant tout seul parce-qu’il n’arrive pas à repérer ce qu’on est sensé repérer.

Mais moi, j’ai repéré quelque chose de bien plus intêressant.

Elle est là, en bas, près d’un banc, entourée de ses amis. Je la regarde, à l'abri, de là où elle ne peut me voir. Mes yeux glissent sur sa chevelure magnifique. Une cascade d’un blond si pur, presque blanc. Rayonnant. Je sens d’ici la douceur de sa peau. Ses vêtements semblent taillés pour elle, tant ils la mettent en valeur, lui correspondent, et sont à la pointe de la mode. J’observe ses courbes délicates. Ses lèvres rieuses. Ses yeux pétillants. Je cille. Mon regard fait de lui même une nouvelle mise au point, et je ne vois plus que mon propre reflet, dans cette même vitre. La peau brûlée, rougeâtre, violacée. Mon oeil, que je ne peux plus ouvrir entièrement. Mon oeil qui me brûle quand je le garde ouvert trop longtemps. Mon sourcil brûlé, qui plus jamais ne repoussera. Laideur. Et pourtant. Je m’autorise un regard triste sur l’autre partie de mon visage. J’étais mignon, quand j’étais petit. J’aurai pu avoir une carrière de mannequin. Et mes traits saints actuels sont loin d’être repoussants, si l’on arrive à ne pas fixer ma cicatrice. La partie droite de mon visage m’est agréable. J’aurai été un jeune homme craquant, j’imagine. Mannequin et sportif, sans cette brûlure, j’aurai été confiant. Et une fille comme Crystal aurait été à ma portée.

Mais ce n’est pas le cas.

Je soupire, las, quittant mon reflet des yeux pour porter secours au pauvre Hamish. J’essai de l’aider, replace la petite plaque de verre en la tournant légèrement, remet la petite pince de fer pour la bloquer mais la lâche avec trop de force, et la plaque de verre se brise, anéantissant les deux heures de travail d’Hamish. Je râle, fatigué de ma maladresse, et m’excuse, croisant mes bras sur ma table, y plongeant ma tête, préférant attendre la fin du cours ainsi plutôt que de continuer de saccager son travail avec ma maladresse légendaire.

La cloche sonne, l’heure du repas. Je remballe mes affaires et salue Hamish, qui ne mangera pas à la cafét' aujourd’hui. Je me dirige vers cette dernière, et mécaniquement, répète les mêmes gestes que tout les jours. C’est que je commence à m’habituer.  Plateau, couverts, entrées, plats, fruit. Mécanique. Je vais m’asseoir à la même table que tout les jours, dans un coin de la salle, près de la fenêtre. Je remplis ma carafe d’eau, reviens, m’assoie et commence mon repas, observant dehors. Les gens. Je commence à connaître des têtes. Ceux que je croise régulièrement. Ceux qui parlent ou rient le plus fort. Je regarde dehors, distraitement, sans penser à rien, soupirant régulièrement. Alors, mon regard croise le sien. Crystal s’approche. Je la regarde arriver, sans un mot. Sans aucune expression. Simplement parce-que, vis à vis d’elle, je ne sais plus quoi penser.

Il est vrai que je l’ai haïe, au début. Mais je ne peux m’empêcher de la regarder, au quotidien. De me dire que ce n’était pas sa faute. Que peut-être, pour elle aussi, cette magie est pesante. Que, peut-être, j’ai fuis trop vite, la dernière fois.

Peut-être que quelque chose d’autre est possible, entre nous.

Apologize.

Elle s’approche, hésitante. Mes yeux la détaillent, une nouvelle fois. C’est étrange, comme l’attirance pour une personne ne se contrôle pas. Et même si cette attirance n’est que physique, même si tout les autres mecs doivent ressentir la même chose que moi en voyant cette fille, elle est bien réelle. Elle a le don d’accrocher mon regard, quoi que je fasse, où que je sois. Le don de me faire ressentir une douloureuse sensation dans le ventre, douloureuse mais agréable. Je ne sais pas ce qu’est Aimer. Je n’en ai jamais eu l’occasion. Mais plus d’une fois, je suis tombé sous le charme de filles. Des filles qui n’ont jamais posé les yeux sur moi, ou alors, simplement pour exprimer dégoût et peur.

Mais pas elle. Elle, elle a fait l’effort de sympathiser avec moi. Et même si ça a dérapé à cause de mon impulsivité, c’était un moment agréable. Un moment qui m’a fait du bien. un moment qui, quelques minutes, m’a donné une certaine confiance en moi.

Je la regarde, qui s’approche. Elle a des tas d’amis. Elle pourrait s’offrir les bras de n’importe quel mec. Elle peut avoir qui elle veut, que ce soit en ami ou en petit ami. Et pourtant, ses prochaines minutes, c’est à moi qu’elle vient les offrir. Je la regarde approcher, elle se mord la lèvre, est gênée. Mes yeux vrillent derrière elle; ses copines me regardent, grimaçant, riant. Oui, que vient elle faire ici, avec moi, c’est ça ? Je reporte mon regard sur elle.

« Est-ce que je peux m’asseoir s’il te plait ? Je dois te parler à propos de la dernière fois et surtout te présenter mes excuses même si je suis consciente que c’est impardonnable ce que je t'ai fait… Mais je comprendrais que tu ne veuilles pas me parler, c'est normal... »
« Non vas-y, assieds toi.»

Mes yeux glissant sur mon assiette, ma voix était douce. Comme une source de chaleur, agréable. Rien à voir avec le brasier ardent dont elle avait été victime la dernière fois. Je joue avec un petit pois du bout de ma fourchette, fixant ce dernier. Je l’entend qui inspire, s’apprêtant à parler, mais je lâche ma fourchette, levant vivement le visage vers elle.

« Ecoute... C’est à moi de m’excuser. J’ai été exécrable, je suis désolé. C’est juste que... » Je cherche mes mots. Non, ils sont déja là, au bout de ma langue. Ose. « J’aurai aimé que tu me vois autrement. Pas comme je suis réellement, pas de cette façon. » Je déglutis. Je ne sais pas si elle comprendra ce que mes mots insinuent. Mais il est certain que j’aurai mille fois préféré lui mentir, lui faire croire que je suis un autre, bien plus valeureux, plutôt qu’elle ne sache tout ça sur moi.

Toute la vérité, si décevante.

« Je n'aurai pas dû m'en prendre à toi alors que tu as eu l'honnêteté de me dire que tu avais vu des choses. »

Smile.

Elle s’excuse à son tour, et je l’écoute, mais sans la regarder, trop gêné pour ça. C’est Elle quoi, je ne sais déja même pas comment j’ai pu me retrouver deux fois en tête à tête avec la fille qui me fait le plus craquer ici. Je ne dis rien, parce-qu’il n’y a rien à dire. On avait tout les deux des choses à s’avouer, à se faire pardonner. Pour ça, notre rencontre aura été intense. Sur les chapeaux de roues, dès le départ. Et on aurait pû se détester après ça. On aurait pû s’ignorer. On aurait aussi pû s’oublier, si j’avais accepté son ultimatum. Ou si, elle même, après l’incident, s’était ôté tout ça de la tête. Elle aurait pû se débarasser de ces souvenirs désagréables. Mais non, elle a fait le choix de les garder. Elle a fait le choix de se souvenir de moi. Je ne sais quoi en penser, mais je dois avouer que je ne suis pas insensible à cette petite attention. Peut-être que les gens ne sont pas tous des monstres, finalement. Je me rappelle qu’elle m’a dit qu’il y avait des tas de gens bien ici. Peut-être qu’un jour, elle pourrait me les présenter... Peut-être qu’un jour, je pourrais traîner avec elle et sa bande, à rire, moi aussi, dans l’insouciance et le bonheur.

Arf, je divague. Le problème sera toujours le même Co. Un nouveau coup d’oeil pour ses copines me ramène à la dur réalité. Je ne fais pas partie du même monde.

Le silence s’est installé entre nous. Un silence à la fois gêné, mais aussi apaisé. Apaisé, car la flamme de ce début de relation s’est adoucie. Je porte mon verre à mes lèvres, bois, et le repose. Une seconde. Deux. Les yeux toujours fixés sur mon assiette, je laisse un demi sourire s’étirer, du côté saint de mon visage, car l’autre face est moins sensible à mes mouvements. Et sans la regarder, je laisse ma voix cassée, traînante, briser le silence.

« Je m’appelle Corentin Bolton. J’ai 18 ans, classe B. Mon pouvoir est la matérialisation du Feu. Je suis français, et je sais que mon accent anglais est horrible.» Sourire. Je lève les yeux vers elle. Mémoire, aide moi encore. Rappelle toi de toutes ses questions. « Je suis Bélier, ça ne doit pas trop t’étonner. Ma couleur préférée est le rouge. Ou le orange. J’ai un grand frère. Brillant. Il travaille au Ministère, en France. Et ma petite soeur a dix-sept ans. Elle sera vétérinaire. » Je les aime. Je les aime passionnément. Mais je brûle de jalousie. Je laisse échapper un sourire plus franc, heureux de m’être rappelé de tout, alors qu’il me semblait n’avoir rien écouté, ce jour la. Finalement, j’ai peut-être aussi une mémoire auditive, et peut-être plus efficace que je ne le pensais. Je glisse un morceau de viande entre mes dents, profitant de ces quelques secondes de fierté que je m’offre. « A ton tour. »

Cherry.

Je souris à son petit jeu gestuel, profitant. Elle est là, souriante, rieuse, et elle est avec MOI. Fier comme un coq, je laisse échapper un rire. J’écoute les informations, faisant confiance à ma mémoire pour enregistrer. Je remarque le regard accusateur qu’elle lance à ses copines. Sourire discret. « Pardonne-moi si je gaffe mais tu t’en sors en cours ou pas ? Etant donné que t’es un nouveau, il se peut que tu galères. Ah et aussi… Il faudrait peut-être que je te rende ta veste, elle est en train de prendre la poussière dans ma chambre. »

J’hausse les épaules. « C’est pas urgent. Pour la veste, j’veux dire. » L’idée que ce soit elle qui l’ai me plaît. Bon, ok, je mes gèle tout les matins et tout les soirs, mais savoir qu’elle est dans son cabanon a quelque chose de plaisant, alors, je m’en passe.

C’est d’ailleurs totalement stupide. Elle a dû la poser dans un coin, ne plus la toucher, ni même y prêter une quelconque attention, ou alors s’en agacer parce-qu’elle encombre. Et moi, comme un idiot,  je suis fier d’avoir quelque chose à moi chez elle. Liés par une veste. Pitoyable. Je chasse de mon esprit la pensée ridicule que j’ai de temps en temps, quand j’imagine qu’elle s’endort avec ma veste dans ses bras. Qu’est-ce que je peux être idiot. Un sourire amusé, moqueur envers moi-même, je termine mon verre. « Et les cours... Non, je m’en sors pas. Je suis en B uniquement parce-que j’ai géré mon pouvoir le jour du test. Mais j’ai clairement pas le niveau de la classe. J’ai les pires notes dans toutes les matières. C’est certain que j’vais passer en C, voir plus bas, après les tests.» J’hausse les épaules. « J’ai l’habitude. J’ai toujours eu de grosses difficultés en cours. J’dois être idiot. » Et je ris. Parce-que j’ai dis ça purement et simplement, et si ça peut passer pour de l’auto-dérision, c’est pourtant bien ainsi que je me juge.

Son ventre gargouille, et je la vois, rougissante, faire comme si de rien n’était, alors que la chos était plus que flagrante. Haussant un sourcil, je souris, et pousse vers elle mon bol de cerises. « J’ai plus faim, sers toi. » Et j’en prend une par gourmandise, la glissant entre mes dents. « T’a un copain ? » PUTAIN. DE. MERDE. C’est moi qui ait dit ça ?! kljpihuogftdrvgbh. Je plonge mon nez dans mon assiette, y rangeant mes couverts en prenant le soin le plus délicat du monde pour qu’ils soient parfaitement parallèles, me mordant les joues, ma main inoccupée venue se réfugier sous ma cuisse, comme si même elle pouvait crever de honte à cet instant là. Idiot.

HRP:

HRP: