Face à une réalité [Pv : Anarqueuse ♥♥]

Le soleil a toujours été son ami, mais pas la nuit. Cet astre lunaire qui n’éclaire que faiblement les alentours, les ombres enveloppant les trois quarts de l’univers … Anarchy n’a que rarement été à l’aise dans la nuit, sans son ordinateur. Munie d’une paire de gants fins pour protéger ses doigts « magiques », elle sort néanmoins de sa cabane, incapable de dormir ce soir-là. Elle pense trop, il faut qu’elle sorte, qu’elle aille quelque part. Alors elle s’engouffre dans l’établissement, elle s’arrête dans le Hall.

Où aller ? Que faire ? D’une main, elle attrape le petit plan dans son sac, et observe méticuleusement le papier. La salle des miroirs, elle n’y est jamais allée. Pourquoi ne pas essayer aujourd’hui ? Un petit sourire nerveux étire ses lèvres, et elle entame son voyage pour atteindre la pièce voulue. Un long chemin, trop long pour ses petites jambes. Essoufflée en arrivant, elle entrouvre à peine la porte, et se glisse à l’intérieur, minuscule souris atteignant son refuge.

Sauf que cet endroit est loin d’être un refuge. Déglutissant, elle effleure les miroirs, dégoûtée de voir son visage ainsi déformé. Déjà qu’elle n’a pas hérité d’un physique assez flatteur, le regarder allongé, bouffi ou aplati, ce n’est pas très enchantant. Doucement, comme si elle avait la vie devant elle, Anarchy s’enfonce un peu plus dans le labyrinthe de glace, perdant de vue l’entrée.

Au bout d’un moment de pure solitude, elle s’assoit, et ferme les yeux, entourée de son propre corps, reproduit des dizaines de fois de façon peu élégante. Elle aurait pu s’endormir, et ne se réveiller qu’au lever du jour, pour aller en cours. Ses colocataires ne remarqueront même pas son absence, invisible comme elle l’est. Un petit sourire se peint sur son visage à cette pensée, elle remet en place sa mèche, devant son œil cerné.

Click. La porte qui s’ouvre. Le silence présent seul lui permet de l’entendre. Elle déglutit, et se redresse faiblement. Le soleil ne s’est pas levé, c’est impossible. Elle n’a même pas eu le temps de s’endormir ! Glissant contre les miroirs, la petite brune tente de regagner la sortie, pour s’éclipser discrètement. Elle y arrive, jusqu’à être derrière l’inconnu. Qui ne lui semble pas si inconnu, au passage.

Paralysée par la peur d’être prise sur le fait, elle n’arrive même pas à faire un pas, un rire lui glaçant le sang. Sa respiration se bloque un instant, avant de repartir de façon saccadée. La silhouette se retourne, laissant une Anarchy crispée et incapable de bouger les jambes. Son esprit est trop embrumé par l’effroi pour qu’elle puisse même mettre un nom sur ce visage. Elle baisse la tête, et lâche dans un murmure effrayé :

▬ E-Euh.. J-Je suis désolée.. J-Je pensais qu’il n’y avait personne..

Son petit corps se colle à un miroir, plus précisément le plus éloigné du rieur. Elle tente de tendre le bras, la porte n’est pourtant pas si loin, en trois pas elle l’atteindrait, en trois pas elle s’enfuirait. Mais il fait nuit, elle est seule avec ce qui semble être un homme. Trop de peur, trop de fatigue. Elle ne pourra pas soulever son pied.

Alors elle n’a plus qu’à attendre que son rythme cardiaque redevienne normal.

▬ Anarchy...

Elle frissonne sans pouvoir s'en empêcher. Incapable de se relever seule, elle ne peut que lui lancer un regard terrifié. Elle déglutit, sans pouvoir tourner la tête. Cette sensation, cette impression d'être aussi vulnérable qu'un chiot, si désagréable et accentuée qu'elle en gémirait presque. L'entendre prononcer son prénom fait battre son coeur. Vite. Tellement vite.

Il s'approche. Elle se tend d'un coup, l'effroi se lisant dans ses yeux verts. Que veut-il ? Pourquoi vient-il ? Lèves-toi, pars, fuis. Sauves-toi. Elle essaye de se relever, mais la peur tétanise ses membres. Un nouveau pas. Il est près, il est trop près. Elle fixe la sortie, elle tente de glisser pour l'atteindre. Mais il le voit, il lui bloque la route. Elle sent son rythme cardiaque s'affoler encore plus.

▬ Avec un peu de courage tu aurais pu y arriver...

Du courage ? Je n'en ai jamais eu. Sa main s'approche d'elle, de son épaule. D'une poussée, Anarchy est debout, son corps tremblant rien qu'au contact des doigts de Youri. T'aurais dû rester dans ta chambre, idiote. Elle se sermonne mentalement, sentant bien que le danger était proche, très proche. Trop proche. Le regard du démon pèse sur la petite brune, si lourd qu'elle a peur de retomber.

▬ Ce n'est pas prudent les promenades nocturnes, que fais-tu ici ?

Une menace voilée. Prudence ? Ce n'est pas dans son habitude, d'être imprudente... Tout son esprit se met en alerte rouge. S'il lui dit ça, c'est qu'il a quelque chose en tête. Parole en l'air ? Jamais, pas lui. Elle essaye de se soustraire à ces yeux vides, de détourner les siens de son visage. Pourquoi n'arrive-t-elle pas à s'échapper, à courir et à le contourner ? Elle pourrait s'enfuir vers les miroirs, au risque de se perdre.

▬ Je... N'arrivais pas à dormir.. Je ne sais plus.

Ses pupilles restent fixes, comme si elle tenait tout particulièrement à imprimer ces traits fins dans son esprit, ces cheveux roux ne le quittant plus. Peur. C'est tout ce qu'elle a, non ? De la peur, une peur insurmontable pour un être indéchiffrable.

Courage. Elle se défait de son emprise, elle regarde un miroir. Elle, si petite, si laide ; lui, si beau, si grand. Une boule enfle dans sa gorge. Elle se retourne, ignorant le danger qu'elle sent. Elle avance, elle tourne. Et se perd au milieu des miroirs. Fuir, son seul objectif. Suis-moi et reste, ou fais demi-tour et disparais de ma vie. Qu'espère-t-elle ?

Je ne sais plus.