I just wanna run away !

Il devait être 14h30 quand mon train arriva à la gare de Prismver. Durant tout le trajet, je m’étais demandé comment allait être la vie là-bas, si j’allais me faire des amis - bien que je ne pensais pas en avoir vraiment besoin -, si j’allais m’adapter, ou encore si ici aussi je serai rejetée. Mais tout cela n’était pas très important. J’avais fait le choix de commencer une nouvelle vie, et que je réussisse ou non, je ne pourrais plus revenir en arrière.
Mais voilà, une fois que je posai un pieds à terre, je commençai déjà à me sentir mal. Il y avait trop de gens ici, et une horrible boule me nouait le ventre. La forêt, la nature et l’air libre de ma petite ville d’Angleterre me manquaient déjà. J’aurai peut-être dû remonter dans ce train et rentrer chez moi ? Pourtant quelque chose en moi me l'interdisait, il y avait bien trop de souvenirs de ma petite-amie décédée, et bien trop d’années de malheur laissées derrière moi là-bas. Alors je me suis contentée de courir pour sortir de cette gare étouffante puis j’ai fui vers l’endroit le plus proche qui me semblait paisible. Je ne m’étais déjà pas présentée à mes tests, - et c’est d’ailleurs ainsi que j’ai fini en E, mais je suis pas douée avec mon pouvoir alors, je ne m’en plains pas -, alors ça ne serait pas si grave si je me présentais au pensionnat avec une heure, voir une journée de retard.
A la lisière d’une forêt se dressaient d’étonnantes ruines. Ici, je retrouvai peu à peu mon calme, j’avais l’impression d’être en sécurité, comme chez moi. Je m’assis par terre, derrière une sorte de muret, et sortis de mon sac - qui avait fait office de “valise”-  une cigarette et une bouteille de Vodka. Je respirais doucement, en observant le paysage merveilleux qui s’offrait à moi.

- Alors, ici non plus il n’a pas neigé.. murmurai-je en m’adressant à moi même

Il faisait assez frais, mais j’avais besoin de sentir cette fraîcheur, alors je retirai ma veste, laissant à découvert mes bras remplis de cicatrices. Leur vue me faisait me détester, et me donnait paradoxalement encore plus envie de me faire du mal. Quand allais-je arrêter tout ça ? Quand pourrais-je sourire sereinement à nouveau ? Peut-être jamais..
Soudain, j’entendis des bruits de pas, et des voix. Des gens se rapprochaient.. Et j’étais stressée, j’avais presque peur. Cela ne présageait rien de bon. Je me doutais que des gens peu fréquentables venaient ici. Avaient-ils vu la fumée ? Qu’allaient-ils me faire ? Ce qui est sûre, c’est que je me défendrai et que je ne les laisserai pas me voler le contenu de mon sac ! Mais peut-être que je me trompais sur toute la ligne, peut-être qu’il n’y avait qu’une personne aussi paumée que moi, j’espérais cela. N’osant pas bouger, je criai d’une voix tremblante:

- Ooh ! Y a quelqu’un ?

J’avais scruté les alentours, n’attendant pas vraiment de réponse à ma question. C’est vrai, si il s’agissait de gens mal intentionnés, ils ne répondraient sûrement pas ! Mais soudain, j'aperçus quelqu’un qui se rapprochait, ce n’était d’abord qu’une tâche floue à l’horizon - je me demandais d’ailleurs si je ne commençais pas à avoir besoin de lunettes - puis c’était devenue une forme humaine avec de longs cheveux blancs. Blancs ? Peu commun comme couleur, enfin, je m’étais bien teint les cheveux en rouge pour rendre hommage à ma petite amie décédée.. Rien que d’y penser, mon coeur allait exploser, et je sentais les larmes monter. Je pris donc une gorgée de Vodka pour me calmer.

▬ Oui, qui êtes vous ?

Quelqu’un venait de me répondre, on ne me voulait donc pas de mal. J’étais rassurée, au moins je n’aurai pas à me battre. De plus, la voix avait vraiment l’air calme et innocente, alors, il n’y avait pas de s’affoler. J’avais étais stupide. J’avais sans cesse l’impression d’être en danger, cela m’épuiser. Pourrais-je agir ou penser normalement au moins une fois dans ma vie ?!
La fille aux cheveux blancs se rapprochait et finit par s'asseoir à côté de moi. Je ne pus m’empêcher de remarquer son étrange beauté. Je devais être pitoyable à voir à côté d’elle, je n’étais qu’une fille à la chevelure rouge, aux bras remplis de cicatrices, sans compter la clope que je ne comptais pas éteindre et la bouteille déjà bien entamée. Mais quand cette étrange inconnue enleva sa veste, et que j'observai ses bras, je compris directement que nous avions quelque chose en commun et que ça allait nous rapprocher !
J’avais une envie folle de lui demander pourquoi. Oui, pourquoi elle se faisait du mal comme ça ? Il devait y avoir une bonne raison. Et cela me tracassait, elle me tracassait. Mais je me tus, ne voulant pas qu’à son tour, elle me demande pourquoi. Car je savais déjà que j’allais fondre en larmes, et je ne voulais pas paraître faible, non pas devant quelqu’un. Je me l’interdisais.

▬ Alìsa, et toi ?

Elle venait de m’adresser la parole.. Pourtant, je ne ressentais pas le besoin de lui répondre. Je vis ses yeux fixaient ma bouteille, elle pensait peut-être que j’allais partager ? Si ça se trouve, elle n’était venu que pour cela ! Mais elle affichait se sourire stupide. Pendant un instant, j’eus envie de m’énerver contre elle, de lui gueuler d’arrêter de sourire comme ça ! Mais pourquoi ? Sans doute car je suis une fille idiote incapable de gérais ce qu’elle ressent. Ca ne m’avancerai à rien non, juste à perdre encore une fois quelqu’un qui semblait me porter un peu d’attention. Et elle avait le regard d’une fille qui n’avait encore jamais avaler une goutte d’alcool, j’en étais sûre !
Alors dans un soupir, je répondis à sa question, pour pouvoir à mon tour proposer quelque chose.

▬ Edean.. Tiens, goûte !

Je lui tendis la bouteille, espérant vraiment qu’elle accepterait. Je ne voulais pas finir seule à “planer”, et j’avais une envie irrésistible de décoincer cette dénommée Alìsa.

J’esquissais un sourire, voyant que la dénommée Alìsa affichait un drôle de visage. Elle n’avait jamais goûté à l’alcool, j’en étais sûre ! C’était amusant de voir à quel point cette fille pouvait être différente de moi tout en me ressemblant à travers ses cicatrices. “Pourquoi tu t’fais du mal comme ça ?” était une question qui ne me quittait pas l’esprit, cependant je ne pouvais pas la poser. Mais je me demandais aussi depuis quand elle avait commencé, si elle avait des cicatrices sur d’autres parties du corps ou encore si elle les affichait aussi librement quand elle était avec ses amis ? Car oui, une fille aussi jolie qu’elle devait avoir des tas d’amis, mais je pense qu’elle cachait à la plupart d’entre eux qu’elle se scarifiait.

Elle me répondit en toussant quelque chose dont je ne perçu que deux ou trois bribes. L’alcool et la cigarette commençaient déjà à me faire planer. C’était bon putain !

▬  Alors c'est *kof kof* c'est toi la nouvelle dans la cabane.

▬ Hum ? D’quoi ? répondis-je. Mais mon cerveau compris un instant plus tard ce que la fille à la longue chevelure blanche venais de me dire. Owh.. Cool ! Je sais même pas où sont les cabanes.

Les cabanes ! C’était vrai, je n’y avais même pas penser et je ne pouvais pas squatter les ruines indéfiniment… Apparement, Alìsa était dans la même cabane que moi alors peut-être qu’elle accepterait de m’y emmener plus tard ? Je ne savais pas combien nous étions par cabane, je savais simplement que je n’allais pas me retrouver seule et cette idée ne me plaisait pas ! Alors je ne pouvais qu’espérer que les autres n’y soient pas très souvent. Quoique, la présence d’Alìsa ne me dérangeait pas tant que ça ! Certes je ne la connaissais pas, mais elle savait se taire quand il le fallait et nous avions un point commun.

On dit qu’un secret est difficile à porter, mais que faut-il faire quand ce secret est gravé sur notre corps pour toujours ? Se taire et souffrir en silence était la solution que nous avions choisi toutes les deux, je pense.

Secouant la tête, buvant une gorgée de vodka et tirant un coup sur ma cigarette, je l’observai en silence et finit par demander:

▬ Et ton pouvoir, c’est quoi ?

Son visage devint triste, froid. Elle avait les yeux vides et je sentis que j’avais touché la corde sensible… Je n’aurai pas du poser cette question, qui avait pourtant l’air banale. Je n’avais aucune idée de quel pouvait bien être son pouvoir mais je pouvais lire sur son visage qu’elle le détestait encore plus que je détestais le mien !