The End ?

En relisant le LMS de Sarah, puis en lorgnant sur celui de Heath qui s'excusait, j'avoue, j'en perdais un peu mes mots. Je ne m'y attendais pas. Enfin si. Mais pas... déjà ? Et c'est à ce moment-là que les minutes de cette conversation avec Johanna décidèrent de revenir dans mon esprit, comme annonciatrices de cette jolie claque. « Mais franchement Charlie, ça te convient parfaitement cette relation ? ... Comment tu fais pour ne pas avoir de sentiments pour lui... C’est un peu comme si vous étiez ensemble depuis un an... C’est pas rien, me dis pas que ça te fais rien ? T’aimerai pas qu’il assume ? Ça te gène pas de savoir qu’il fait ça avec d’autres ? ... Et le jour ou t’aura un copain, tu vas le lâcher ? Ou alors t’a pas de copain parce-que lui te suffit... » Je ne sais toujours pas quoi en penser, ni quelle réponse je veux donner. La tête dans le sable, pas vrai ? Et pourtant, je le sens déjà... Ce vide qui s'étale un peu plus en moi. Mais c'était prévisible. Inévitable ?

J'écrase les bouts de papier comme des petits mouchoirs et les glissent rapidement dans mon sac. Et je quitte rapidement le complexe sportif où je m'étais bêtement réfugiée pendant la pause déj', rangeant et réorganisant des vestiaires qui n'en avaient pas besoin puisque je l'avais fait la veille. En arrivant devant le pensionnat, je me rends compte que je m'étais précipitée. Pourquoi faire ? Retirer le pansement d'un coup sec et on en parle plus ? Oui c'est ça. Mais calme-toi, il va se méprendre. Je souffle, souffle pour retrouver mon calme de surface alors que mes entrailles se serrent lorsque mes pupilles reconnaissent sa silhouette penchée sur un bout de papier. Je déglutis. Un peu de fierté, Charlie. Allez, souris. Tu lui dois bien ça.

Et c'est réglé comme du papier à lettre. Je souris comme si c'était naturel et que l'échange à venir n'allait pas être awkward.

__ Hey... Allez, maintenant décroche ta mâchoire et dis quelque chose. Ne t'en fais pas pour ça, je sais bien comment tu es. D'ailleurs, ça s'est joué à quelques minutes près. Ma voix s'est faite plus légère que prévue, rieuse et trop enfantine. Alors vraiment... Je me cale à ses côtés sur le muret, sans crainte. Comme si nous n'étions que de vieux amis. Ne t'en fais pas.

Un léger coup d'épaule pour le chahuter quitte à en perdre l'équilibre. Complices. Comme si nous le serions encore. Pourquoi j'arrive à sourire si facilement ?
Je me penche en avant, cherchant son visage, ses yeux entiers. Allez, ne te défile pas Charlie.

__ Ouais. Mmm... En fait, du coup, ça sera certainement la dernière occasion que j'ai de te le dire alors...

Mon regard vrille un instant sur le sol. Oh un caillou en forme de coeur. Je glisse lentement une mèche de cheveux derrière mon oreille percée pour mieux me concentrer et revenir vers lui, tandis que mon pieds shoote doucement dans ledit caillou. J'inspire.

__ Je voulais te remercier d'avoir été là. Ta présence m'a aidé à oublier certaines choses pour un temps. Et je me doute bien que tu t'en es rendu compte. Alors je voulais pas que tu penses que je me suis juste servie de toi... et de ton corps d'athlète.

Et même si ma voix et mes traits s'étaient tendus. Sérieuse. Il a fallu que je termine en rigolant alors qu'une main gracile allait se permettre une dernière audace. Sauf que la proximité que j'engage toujours me rappelle cette fois à l'ordre. J'effleure sa nuque. Recul. Allez, souris, dis une connerie et évite-nous une prise de tête Charlie. Tu es censé savoir faire tout ça. Alors, continue.

__ Je me suis bien amusée et j'espère que je n'étais pas trop une merde au lit.

Éloigne ton coeur. Puis éloigne-toi de lui. Cette fois, je shoote dans sa chaussure. Parce que l'attirance est malheureusement encore présente. Je me mords la langue, lorsque des images de lui me reviennent. Putain, pourquoi ça fait ça maintenant alors que ça ne m'était jamais arrivé sans que je ne le veuille. Respire.

__ De toute façon, c'est trop tard pour se plaindre maintenant.

Et le fourmillement alentour attire mon attention. Entre soulagement d'avoir pu dire merci et belle excuse pour passer à autre chose.

__ Alors, qui est la belle qui a su attraper Monsieur-je-ne-veux-pas-être-en-couple ? Je la connais ? Sarah parlait d'une... Miss Perfection. Mais il y en a plein à Prismver...

Mes yeux se rivent sur la masse d'élèves qui va et vient. Tu vas bien me distraire une dernière fois Heath ?

« Loin de là. Et moi aussi, j’ai apprécié. »
Pourquoi ces quelques mots m’atteignent autant ? Le début de la fin ? Ça y est, on parle au passé et ça me manque déjà. IL me manque. Nos instants. Nos gestes. Cette putain d’alchimie. C’est vrai, je ne peux pas… Je n’ai pas le droit de nier qu’il y a quelque chose. Quelque chose de plus que ce qui était prévu par rapport au plan initial. Enfin… Il y avait.
Les éclats chocolatés de mes yeux se perdent un peu plus dans le flot qui défile devant nous. Je crois bien que j’ai la nausée. Ma bouée de sauvetage se tire au large et embarque une autre sirène (*se lance des fleurs*). Va falloir faire avec cette nouvelle donnée ou je risque de sombrer plus profond que prévu. N’y a-t-il pas un dicton frenchie qui parle de ça… Qu’on se rend compte de la chance qu’on avait, une fois qu’on ne l’a plus.
Possession. Les réminiscences de ces nuits intenses, de ces aurores où la proximité des corps se muait en complicité d’âmes…  Ça s’affole, embue un esprit déjà en proie à la houle de sentiments reniés.
Cela ressemblait bien à un « nous ». Même si ce n’était que pour quelques heures. Des parenthèses imprévisibles faisant finalement tourbillonner des désirs inavoués, masqués par des sourires de sincère respect mutuel, enfouis sous des couches de déni. Je ne suis plus censée m’attacher sérieusement. L’existence de Cale me perturbe déjà bien assez. Alors pourquoi, je me laisse à nouveau atteindre ? Pourquoi ? Haut le cœur. Sa voix m’interpelle, me tirant de ma torpeur.

« ... C’est... C’est une A. Une rousse. »
La curiosité reprend tout de suite le dessus. Rouage instinctif d’un mécanisme rodé depuis longtemps. J’essaye de passer ces demoiselles en revue dans ma tête et pense même à Ashley. Mais je l’élimine directe lorsqu’il pense que je ne la connais pas. Il me semble avoir vu quelques fois Crystal avec une bombasse tirée à quatre épingles. Mais étant donné que je ne connais pas bien la danseuse, je mets vite l’hypothèse de côté, juste avant de décider que c’était bien pathétique de vouloir voir à quoi elle ressemble. Vaine tentative de comparaison, tu veux te prendre un scude dès maintenant et voir à quel point tu n’as pas le niveau ? Ça arrivera à un moment ou à un autre de toute façon. Pas que je doute de mon sex-appeal, mais bon, l’herbe est toujours plus verte ailleurs. La preuve.

__ Une A… Exception faite à Ashley, certaines d’entre elles ont donc un cœur. T’es pas dans la merde…
Boutade.

« On a couché ensemble y’a deux ans. J’étais nouveau, et elle aussi. On s’est rencontré en soirée. ... Ça a fini en plan à trois avec une copine à elle. Et depuis ce jour là, j’ai toujours un peu été attiré par elle… »
Et mon esprit s’arrête là. Écoute à peine le reste. Deux ans qu’il est attiré par une autre ? Frisson. Je déglutis. Je bloque. Ah ouais quand même. Bon et bah ça c’est dit.
« … Je sais pas, quand elle m’a avoué ça, j’ai décidé de tenter le coup… »
Tu ne sais pas ? Vraiment ? Si tu tentes le coup, c’est que c’est sérieux. Une lueur dans les yeux, une moue sur mon visage trahit certainement ma pensée. Je me fais violence pour ne rien dire. Au lieu de ça, je souris. Naïvement, je suis contente pour lui. Je souris d’autant en pensant que cette nana doit vraiment être quelqu’un à connaître. Je creuse peut-être ma propre tombe, mais c’est comme si il y avait un certificat « Heath approuved ». Une confiance presque aveugle en lui. C’est dingue. Je me demande bien pourquoi j’ai ce sentiment-là d’ailleurs. Mon regard glisse à nouveau sur lui, s’y perd pour détailler son profil, sa mâchoire masculine, son cou… Divagation charnelle qui s’interrompt brusquement.

« …J’serai toujours là Charlie. ... Pas de la même façon, mais... si je peux t’aider à “oublier certaines choses pour un temps” d’une autre façon, je le ferais.»
Nos regards se croisent, s’attrapent alors que je hausse une épaule et dodeline de la tête vers cette même épaule. Un sourire tendre s’esquisse et s’étire sur mes lèvres qui soufflent un Je sais attendri. Tu es trop…

Gentil.

Le contact inopiné tranche le fil de mes pensées dans le vif. Bouffée de chaleur. Je ferme les yeux. Et je réalise qu’il n’y a toujours eu qu’avec lui que ma température corporelle s’échauffe d’instinct, naturellement. Ne me dites pas que je pique un fard seulement maintenant ? Après un an ? Ridicule.
Why ? De nous deux, la plus susceptible d’agir de la sorte, c’est bien moi. La plus faible. La demandeuse égoïste. Alors pourquoi ? Je lui fais pitié ? Ca devait arriver.
Frustration. Une nouvelle fois, ma naïveté me perdra. Dire que je ne m’en rends compte que maintenant. Et pourtant… Ses mains, son odeur, sa force, sa peau qui appelle la mienne, nostalgique. God. Je n’arrive même pas à lui en vouloir d’avoir pitié. Si faible. Je ne suis qu’une faible !

Heath s’éloigne, me laisse. Lui aussi…
Claque mentale. Rejet en bloc de cette dernière pensée. Heath et Aaron n’ont rien avoir ensemble. Ils ne sont pas du tout de la même trempe. Et je me hais pour avoir pensé ça. Le regard fuit quelques instants pour mieux faire face. Ses tics gestuels me font sourire. Je me pince les lèvres comme pour éviter de sortir une taquinerie de mon cru. Il semble gêné, mal à l’aise. Et ça me fend le cœur.

« ... Enfin, on va y aller doucement hein. Genre. Tu sais. Plus de contacts comme ça. »

Et c’est lui qui fuit. Il me fuit des yeux. Il ne me regardera plus. Sa nervosité me contamine. Je remets une mèche de cheveux derrière l'oreille, croise les jambes, impatiente. Parce que jusqu’à aujourd’hui, on n’a jamais pris de gants pour se parler. Alors on va commencer maintenant ? Non, ça ne me plaît pas. Je ne veux pas de ça. Rafale. Je m’approche et tente de capturer ses yeux.

__ Désolée mais…

Et à défaut, je le chope par le col pour le tirer derrière un poteau. Je l’y plaque et me colle à lui dans la foulée. Une jambe se glisse entre les siennes et joue les aimants. Sur la pointe des pieds, mon visage se niche dans cou… Souffle. Une main se faufile dans sa nuque pour terminer sa course dans ses cheveux, tandis que l’autre s’empare de sa mâchoire et se fait directive. Je prends ma dose. Je mords. Prunelles ardentes. Je m’empare de sa bouche. M’y accroche encore un peu. Lascive, audacieuse, intense.
Ma main quitte ses cheveux et descend direct dans la poche arrière de son pantalon. Dernier « tatage » de marchandise outrageux. Et je me défais de lui.

Ça n’a duré que quelques secondes. Enfin je crois.

Je respire, essoufflée, autant par mes actes que par le trop plein d’adrénaline qui a surgit. Mes lèvres se retrouvent comme pour profiter encore un peu de son goût. Je déglutis, à la recherche de salive.

__ Je pense au contraire qu’il vaut mieux couper court et tout de suite. Parce que ça… Je mime ses propres gestes pour nous désigner. Ça ne peut plus arriver.

Je me recule d'un pas tout en soutenant ses yeux bouteille quelques secondes de plus. Ne me touche pas. Pas comme tu viens de le faire. Je ne l'autoriserais plus. Obstinée dans ma déraison et dans ma perte. Et j'en ferais de même.

Je m'éloigne. Retour à la case départ. Sous la pulsion, j’avais lâché mon sac au sol. Je le récupère et ressort de derrière le poteau comme si de rien n’était. Comme si. Volte-face, je me plante à nouveau devant lui.

__ Bon. Et même si un « homme, un vrai », ça n’a pas besoin de conseils, au cas où…

Taquinerie bon enfant. Sourire. Je hoche la tête comme si c’était une évidence qu’il pouvait venir me parler de sa relation. Mais oui. Comme si.

__ Ah mais attention. Si elle déconne, je peux aussi lui péter la gueule.

Clin d’œil graveleux, posture de « mec ». Ou comment passer du chaud au froid.  Du sérieux à la bêtise.

Spoiler:

#ff6633 HRP : il me semble que c'est Fani qui a trouvé le gif du haut. Mici. Krr krr. Et euh, oui. On devait faire court. Sorry. J'étais inspirée ♥

Bon c'est bon.
Il a pigé.
On est sur la même longueur d'onde. Aucun contact physique et ça se passera nickel, comme sur les roulettes d'un skate.

Entre soulagement et honte, mon coeur balance. Mais mon corps lui, maintenant, il veut s'enfuir. Ne plus l'approcher. Et c'est bien pour ça qu'au lieu de la tape dans le bras ou d'un coup d'épaule, je me suis contentée d'un clin d'oeil merdique pour appuyer mes dires. La distance s'installe déjà, à regret...

__ Oh crois-moi je... j’adorerais réellement vous voir vous battre dans des combats de boue, tout ça... Mais franchement, à ta place, je chercherai pas la merde avec elle, elle peut être vraiment, vraiment flippante.
__ Ah bah, merci. Maintenant que MONSIEUR a une copine, il dénigre toutes les autres filles. Sympa. Tu ne crois même pas en mes capacités. Comme quoi, tu ne me connais pas vraiment...
Oups. J'étais censée jouer les vexées et je laisse filtrer un truc. Faux pas. Disons qu'il n'a pas entendu. Et ça semble être le cas puisqu'il s'entête une nouvelle fois à me faire faire ce check de sportifs. Ça fait un an et ça, je maîtrise toujours pas. Dessus, dessous, sur le côté. Ah non, merde ! Dans l'autre sens. Je m'emmêle toujours les pinceaux. Et même à cet instant, je me perds.
__ Tsk... 'chier.
__ C’était cool. Et... ça, là, aussi, c'était cool. Même si, demain à cette heure là, je serai probablement mort et enterré.
__ Mm... Moui... Ma main rompt le contact, retombe. Je papillonne des cils. Le mot "cool" gravé dans la peau. Pauvre chou... Tu veux peut-être que je te plaigne ?

Oeillade directe et sans détour. Silence awkward. Je souffle. Je respire. Le détaille encore une fois, avant que mes prunelles ne s'adoucissent en croisant les siennes.

__ Si elle t'a donné envie de commencer un truc sérieux, c'est que c'est une fille qui a du chien. Une fille bien. Je suis sûre qu'elle n'est pas si... dure que tu le dis. Je ne me rends même pas compte que je me rapproche. Encore Ça se passera bien. ... Si tu fais pas le con.

Je voulais lui donner un petit peu de confiance. J'essaye. Alors qu'il en possède déjà bien plus que moi. Toujours aussi pathétique ma pauvre Charlie. Surtout si c'est pour finir par lâcher un rire éclatant bien pathétique. Chassez le naturel et il revient au galop. J'allais lui taper à l'épaule le plus normalement du monde, mais je me suis ravisée à mi-chemin. So obvious.
Merde. Vite une échappatoire, j'ai honte. J'ensers d'une main mon sac accroché à l'épaule. Le visage fuyant qui tombe comme par hasard sur l'horloge de l'entrée.

__ Ha merde. Je vais être en retard...

Instant. On se regarde comme deux idiots. Je dis quoi ? Je lui raconte ma vie ? Et conclut par un "On se voit plus tard !" ? Impossible. Ça ne sort pas. Prise de tête qui s'installe.
Un sourire qui ne sourit pas ça existe ? Je ne sais pas et pourtant ma bouche a beau s'étirer, même moi je sens que les commissures de mes lèvres ne suivent pas et ne donnent pas le change. Putain.

Signe de main.
Ma silhouette et moi, on s'évade. Les pas hésitants, j'ai froid d'un coup. Et c'est pas normal. Mais ça ne me préoccupe pas plus que ça. Non. Mes sourcils se froncent sans que je m'en rende compte. Et ma joue s'échoue contre le revers de ma main qui maintient mon sac à l'épaule comme pour essuyer le rouge qui la mord soudainement. Le regard perdu sur le sol, je ne remarque même pas Gautier dont je croise la route. Pourtant, c'est au moment où la voix de mon président résonne dans mon dos que je lève la tête et me souviens.
Je viens -réellement- de me rappeler que c'est dans une demi-heure que je commence mon p'tit job extra pour payer le cadeau des filles.

Fuite en avant.

#ff6633 KRR KRR LUV ♥