Vers l'infini et l'au-delà
Solveig n'avait pas pour habitude de sortir du pensionnat : malgré quelques années à apprendre à mieux maitriser son don, les espaces à ciel ouvert lui faisaient encore un peu peur.
Mais tout de même, elle avait décidé de se faire violence et d'essayer de se débarrasser de sa phobie. Et ça marchait plutôt bien jusqu'à présent (ça n'allait pas arranger son orgueil).
Ainsi, Solveig décida de se rendre dans les jardins avec son carnet à dessin : sa dernière lubie était de se passionner pour l'architecture et elle voulait faire quelques croquis de la disposition des lieux.
Et puis il faisait relativement beau et elle n'avait rien de mieux à faire.
Et puis elle savait qu'en ce moment, il n'y avait personne. Pas qu'elle était asociale ou qu'elle voulait fuir ses camarades, mais elle trouvait qu'en se moment l'atmosphère du pensionnat était... tendue.
Déjà que ces histoires de rang, de classement la laissaient un tantinet indifférente, mais en plus les rumeurs allaient bon train sur des groupuscules/clans qui se formaient et s'opposaient et ça, cela agaçait Solveig.
Les gens ne pouvaient-ils pas grandir un peu et s'entendre ? Ils étaient dans un lieu d'étude après tout et avaient des pouvoirs spéciaux à maitriser, en plus d'assumer une scolarité et une adolescence normale. Alors se tirer la bourre entre eux...
Irrité par le tour chagrin de ses pensées, la jeune fille barra son croquis, qui avait été gâché par sa distraction.
D'ailleurs il n'y avait pas que ses réflexions qui l'irritait : ses yeux larmoyaient.
"Allons-bon, je vire dans le sentimentalisme maintenant ?" s'étonna-t-elle à haute voix. Ce n'était pas dans ces habitudes de laisser paraitre ses sentiments. Et son agacement n'était que d'ordre général, elle ne ressentait pas de chagrin particulier. Alors pourquoi était-elle au bord des larmes ?
Puis se fut son nez qui se mit à la gratter. Elle réprima un éternuement. Puis un autre. Et sa gorge la picotait à présent. Comme sa main gauche, couverte de petit points rouge et posée dans l'herbe à coté de jolies fleurs de saison qui sentait si bon...Oh !
"Raaaaah !" grogna-t-elle, comprenant soudain et se levant d'un bond.
"Il a fallut que je m'assoie à coté de fleurs qui me filent une allergie !"Solveig éternua violemment alors qu'elle cherchait un mouchoir dans son sac. Le spasme fut si violent qu'elle bascula en avant... Ce qui n'était normalement pas possible, l'informa son cerveau, toujours analytique.
Elle vit la chute au ralentit. Mais c'est que dans les films, le ralentit. Dans la vraie vie, la seule explication à une chute si lente s'était... Une modification de la gravité.
Son coeur se serra alors que son ventre lui renvoyait la sensation familière et nauséeuse du zéro-G... Impression confirmée par les disgracieuses bulles de morve qui flottait autour de son visage et de son sac qui passait mollement à coté d'elle...
Solveig lâcha une belle série de jurons à faire pâlir des E. Heureusement certain était en norvégien.
Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas perdu le contrôle de sa gravité personnelle. Et elle avait surement l'air ridicule, flottant ainsi au dessus du sol, environnée par morve, mouchoirs et autres affaires de classe qui s'ébattait gaiement dans les airs.
La jeune fille reprit son calme. Ce n'était pas si grave : elle n'était pas loin du sol et même si elle avait du mal à se remettre droite (pas facile de se déplacer à G-zéro sans point d'appui), elle allait vite corriger ça et se remettre dans une gravité normale. Au pire, elle récolterait quelques éraflures ou un bleu.
Solveig se concentra donc, et activa son pouvoir, volontairement cette fois.
Enfin, elle essaya. A peine avait-elle commencer qu'elle fut interrompue par une nouvelle crise d'éternuement tonitruant qui l'envoya faire quelques tours sur elle même.
Mais ça avait marché : elle sentait que la gravité reprenait légèrement ses droits : la sensation étrange du zéro-G fut remplacée par celle d'une chute très légère.
"Pas terrible, mais c'est déjà mieux !" maugréa-t-elle en virevoltant pour stabiliser sa rotation.
sauf qu'il y avait un problème : le sol n'était pas si loin, et même en faible pesanteur, elle aurait déjà du le heurter.
La peur au ventre elle réalisa qu'elle ne tombait pas : elle montait, le sol déjà à deux mètres d'elle. Lentement, mais surement. Elle était passé en anti-gravité. Elle chutait vers le ciel. A nouveau.
Solveig lança un cri déchirant, paniquée : pas le moindre arbres, pas le moindre morceau de mur où se raccrocher.
Entre la panique et son allergie, impossible également pour elle d'utiliser ses dons !