Le regard rivé sur lui. Le vinyle, posé sur la table. Un autre tourne sur la machine, diffusant un son rock dans la pièce. Et, à ses pieds, un carton entier en est encore rempli.
La fumée, âcre, s’échappe de ses narines, sous des cernes sans fond. Il est affalé sur la chaise de bureau, et dans sa main, au bout de ses doigts, tourne un couteau de cuisine à la taille importante. Sa pointe, tranchante, est enfoncée dans le disque fendu. Et le couteau tourne lentement, sous le regard mort de Drew.
Rayures. Du bruit autour de lui. Fentes. Des éclats. Cassure. Des voix. Fracas. Le chaos.
Tout les trois sont dans la chambre de Sarah Edwige Blackmore. La toute nouvelle chambre, qu’elle n’occupe que depuis deux jours, au sein du bungalow numéro 3. Deux jours pendant lesquels Drew a disparu du pensionnat.
Parce-qu’il y a deux jours, il l’a appris. La liaison entre Anshu et Sarah. Pendant sa mort.Il bouge la tête lentement, son cou craque. Ses yeux ne quittent pas une seule seconde la pointe du couteau. Destruction. Autour de lui, Léocade et Ulysse sèment le chaos. Les lattes du lit. Les vêtements. Les posters, et tout ce qui est encore dans les cartons. Tout est détruit, et ce qui peut passer sous la flamme du briquet de Léo y passe. Les cours. Les photos. Les souvenirs. Tout. Tout est détruit.
La pointe de la lame glisse sur la surface noir du vinyle. Elle grince. Raye. S’enfonce.
Ca peut sembler idiot, de passer temps de temps pour détruire des vinyles. Il pourrait tous les exploser et passer à autre chose. Mais non. Il prend tout son temps. Et portant régulièrement sa cigarette à ses lèvres, il prend le temps de détruire ces objets. Appliqué. Vicieux.
Blessé.
Parce-que, ces vinyles, c’est le symbole de leur couple. Ils ont crée cette collection ensemble. Quand ils étaient en couple. C’était il y a si longtemps. Ils ont passé tellement de temps à les rechercher, à les acheter, et à les écouter. Combien de fois ont-ils fait l’amour sur ces musiques. Il serre les dents, impassible, et passe au vinyle suivant. D’un calme olympien. Appliqué. Concentré. Stoïque. C’était leur collection, leur petit trésor. Leur passion commune, dans ce carton. Quand Drew est mort, elle en a inévitablement hérité. Et aujourd’hui, il les détruit un à un. Il n’y prend aucun plaisir. Ce n’est qu’un besoin.
Et tout ceci n’a aucun sens. La destruction de tout ses biens n’affectera pas Sarah. Il le sait. Elle n’attachera pas d’importance à ce geste qui peut sembler désespéré. Mais il ne l’est pas. Il n’espère pas l’affecter par ce saccage. Ce n’est qu’une envie. Basse. Immature. Inutile. Mais ça lui procure un certain plaisir.
Et le soin de cette destruction, il l’offre à Léocade et Ulysse. Ils n’ont probablement rien contre Sarah. Mais, tout comme Drew, eux aussi ont des pulsions. Eux aussi ont besoin de cracher leur haine sur quelque chose. Un besoin de jouer les putes. C’est ce qui uni ce trio. Trois pourritures. Trois âmes qui se sont perdues sur le chemin de la belle vie. Trois âmes, à la base, innocentes et belles. Trois âmes qui ont pris la mauvaise direction, se sont plantées dans le décor.
Ils sont out. Hors du circuit. Exclus de la course. Mais plutôt que d’encourager les coureurs restants, fair play, eux préfèrent jeter de l’huile sur le parcours et provoquer des accidents.
Animal blessé. Ulysse a le sang qui boue et le rouge dans les yeux. Ça brûle. Ça fait mal. Son cœur bat trop vite et ses dents grincent dans sa mâchoire bien trop crispée. Et ses mouvements sont cassés, brisés, bridés. Bridés par une circulation sanguine anormale. Ulysse a mal tout son corps est prit de spasmes. Prudence le lui paiera. Un jour ou l'autre Ulysse lui explosera le crâne contre une table, elle la frappera si fort qu'elle pourra se baigner dans son propre sang. Parce qu'elle aime ça le sang hein Prudence... Salope. Ses pas sont lents, les cours sont finis. Tant mieux si personne ne peut la voir dans cet état. Ulysse se traine, sa démarche est cassée, brisée, bridée.
Et dans le bungalow ça pue la haine. Ulysse soupire. S'infiltre, et prend son pied dans cette atmosphère noire. Drew est là. Drew est revenu après deux jours d'absence. Ses yeux sont terriblement profonds. Tristesse, colère, haine. Ulysse plonge dans ses yeux qui lui font échos. Elle entre ouvre la bouche. Mais est coupée par un appel téléphonique. Serait-ce Heath ? Il n'y a que lui et Crystal qui ont son numéro. Alors elle le quitte des yeux avec difficulté parce qu'elle a peur de le voir sombrer si elle le lâche du regard.
Allo ? Maman ? Papa ? .. Quoi rentrer demain ? Pourquoi ? … Je vois. Bien. Je serais là. Au revoir.
Et ses doigts se crispent contre le téléphone. Quelle. Pe.ti.te. Sa.lo.pe. Ulysse souffle. Souffle très fort mais déjà ses yeux brûlent. Elle sombre. Tombe, chute. Et elle inspire avec fermeté parce que ça bouillonne dans son estomac. Elle reste là une minute ou deux. Ses ongles torturent ses bras, elle se mord la lèvre. C'est pas possible. Ils sont au courant. Au courant pour son histoire avec Heath, un E, ils sont au courant pour Entropy. Ils sont au courant que leur fille est une débauchée, une fille sans âme, une profiteuse, une dragueuse, une droguée, une alcoolique. Ils le savent. Bordel ils le savent. Ulysse perd pied, le ciel l'oppresse, le sol la comprime. Son cœur s'arrête et reprend dans une ultime torture. Ils savent. Il savent.
Stop. Ulysse se retourne d'un coup sec et retourne dans son bungalow. Ce maudit appel. Ce pu-tain d'appel. Ulysse s'engouffre dans l'antre du démon. Ulysse crache le feu, claque la porte. Et Léocade est arrivé, pas un regard dans sa direction pas un bonjour. Rien. Rien de rien. Juste un infime contact avec Drew. Drew et sa disparition. Drew et son âme blessée par Sarah et Anshu. La vie est une salope. Sarah est une salope. Et Ulysse va démolir cette vie. Et elle va démolir cette Sarah.
Et tout les trois savent. Ils n'ont pas besoin de mot, ils n'ont besoin de rien. Ils ouvrent la porte. Lentement, il fait noir mais dans leurs yeux y a la haine qui brule et qui brille. Qui étincelle. Et Ulysse s'approche de la première montagne de carton pas encore déballée qui lui tend gentiment la joue pour se faire frapper. Premier fracas. Tout tombe par terre dans un bruit lourd. Quelque chose a du se casser. Qu'importe. Ulysse s'en moque, elle en a plus rien à foutre. Demain Ulysse s'en va et elle ne reviendra jamais. Parce qu'ils savent. Ils putain de savent.
Avec Léo ils balancent son matelas par terre et ils écrasent de leurs bottes pleine de vice les pauvres lattes fragiles du lit de Sarah. Briser les lattes comme si elle brisait les cotes de cette salope de Prudence. Briser les lattes comme elle briserait le crâne de Sarah. Ou celui de n'importe qui qui se mettrait en travers de son chemin. Briser les lattes comme elle briserait le cœur d'Heath. Briser les lattes comme elle briserait le sourire de Jim. Démon de colère. Ulysse ouvre le placard de cette chère Sarah. Ses mains glissent sur l'étoffe soyeux de ses plus beaux atours. Ses dents grincent. Et ses ongles arrachent les tissus d'un geste net et précis. Démolir, détruire.
Tout. Tout. Tout.
Mais dans son cœur c'est le néant. Ulysse se perd. Ulysse s'éloigne de sa lumière et elle sombre. Elle sombre tellement profondément qu'elle sait que plus personne viendra lui prendre la main. Alors elle pleure. Elle pleure de haine, elle pleure de rage. Ses larmes ne coulent pas mais elle pleure.
Elle pleure de culpabilité, Ulysse.
hrp : jtm sarah #ff6699
InvitéInvité
Sujet: Re: Erase. Mer 5 Mar 2014 - 0:17
Erase w/
Ulysse & Drew
We're just an unsuccessful abortion
Un seul regard, pas un mot, et Léo’ suit, parce que c’est ce qu’il sait faire de mieux. Il se laisse entraîner parce que tout seul c’est qu’un incapable. Lorsqu’ils avaient passés le seuil de la porte, il avait eu comme une once de culpabilité. C’est ridicule, c’est vain, ça ne changera absolument rien. Et puis Sarah. Pourquoi avoir choisi Sarah ? Parce que Drew en a besoin ? Si ça fait plaisir à Drew, pourquoi pas. Comme souvent, Léo’ se voile la face, dissimule ses envies égoïstes sous de bons prétextes. Sarah, parce qu’elle est entourée, parce qu’elle s’en sort, parce qu’elle va bien. Et eux ils n’ont rien, et eux ils galèrent. Et Léo’, il se sent désespérément seul. C’est injuste, alors il va falloir rétablir l’ordre. Et ici tout est trop bien rangé. Trop de photos dans les tiroirs, trop d’objets symboliques sur les meubles, trop de posters accrochés au mur. Ça le dégoûte. Léo’ s’étouffe rageusement dans sa jalousie et sa haine.
Le papier, les feuilles de cours, les photos, victimes des flammes, noircis, cornés, carbonisés, comme nécrosés. Les oreillers éventrés, se vident de leurs entrailles dans une explosion de plumes. Les lattes font un bruit d’os qu’on brise sans pitié. Une chambre pleine de souvenirs qu’ils contaminent, souillent. Poisons. Ça irait plus vite de craquer une allumette et laisser faire, mais ils s’appliquent. Tout leur échappe alors ils veulent au moins contrôler ça. Démolition assistée. Brise, casse, explose, crame, réduit tout en miette, manquerait plus que d’entendre les meubles hurler de douleur et ça serait juste le parfait défouloir. On pourrait y voir une vengeance, des représailles, mais nan, ça veut plus rien dire, et c’est ça qui est génial. De la folie à l’état pure.
Et ça en dévient presque mécanique. On arrache les pages d’un livre, on passe au suivant et chacun pense que plus on détruit, plus on s’approche d’un sentiment de bien-être. Ils se plantent, ils sont complètement à coté de la plaque. On évacue pas la noirceur aussi facilement, et par la destruction on la nourrit.
Il peine à réfléchir. Désormais c’est le chaos dans la chambre, et c’est toujours le chaos dans sa tête. Il est là pour décompresser, pas vrai ? Switcher, sauter à pied joint dans tous ses sauts d’humeurs, c’est usant, crevant. Qu’est-ce qu’il fout là. Faut trouver la réponse, sinon ça n’ira pas mieux, ça n’aura servi à rien. Pourquoi il participe. Parce que le problème c’est lui, parce qu’il se rend compte que c’est pas possible de plaire à tout le monde sans s’éloigner de certaines personnes. Parce que l’hypocrisie, cette soi-disant voie rapide, ça le bouffe, parce qu’y a aucun résultat, parce qu’il est bon qu’à ça. Et parce qu’il est mal dans sa peau, tellement mal, aucune estime de lui, si peu d’amour-propre qu’il bouscule et agresse ce qui lui reste. Comme il l’a fait avec Céleste, comme il l’a fait avec Johanna, comme il est en train de le faire avec Sarah.
Les mouvements saccadés s’arrêtent alors qu’il vient de faire basculer une pile de cartons. Ils flanchent. Non, non le problème c’est eux, c’est les autres, c’est tout le monde, pour ça que t’es ici, là, maintenant, à foutre en l’air la piaule de Blackmore. Ils s’écrasent dans un bruit sourd, se vident. Léo’ s’appuie au mur derrière lui, le souffle court. Stop. Son dos glisse le long du mur, contre lequel il s’adosse lorsqu’il finit assis à même le sol. Soupir. Ils ont bien bossé. Ça mérite une clope. Ouais. Marlboro. Paquet souple. Aluminium déchiré sur les cylindres immaculés des filtres. Mon royaume pour une cibiche. Odeur caramélisée. 20 class A cigarettes typographié sur le côté. Arrête de te laisser distraire Léo’, réveille toi, putain. Et il pose sa tête contre le mur, le filtre entre les lèvres, affalé, coudes posés sur ses genoux. Il voit les cernes macabres sous les yeux de Drew, il remarque enfin ce néant effrayant dans les iris d’Ulysse. Mais qu’est-ce qu’il peut y faire ? Y a plus rien à briser ici, tout a déjà volé en éclat. Alors il se tait et il apprécie la musique.
InvitéInvité
Sujet: Re: Erase. Mer 5 Mar 2014 - 14:05
#SURPRISE BITCH
Je ne suis pas en colère. Non, non, je ne suis pas foutrement en colère. Pas seulement en colère.
Je bous de rage.
Mes talons claquent sur le sol, alors que je progresse lentement vers mon bungalow, boule de haine faisant retourner les têtes sur son passage. Léocade, Ulysse et Drew. Trois petits démons au service de la destruction. Se croyaient-ils à l’abri ? Non. Ils le savaient. Au moins Drew devait savoir que quoiqu’ils fassent, je les aurais entendus. Quant aux autres, ils devaient s’être contentés de suivre, comme les deux hyènes stupides qu’ils étaient. Juste guidés par leurs pulsions les plus primaires.
J’ouvre la porte avec force – marquant mon entrée en scène par le bruit de la poignée qui claque contre le mur. Mes pas résonnent, lents et contrôlés, alors que je m’avance vers l’encadrure de la porte – une expression glaciale sur le visage. J’inspire à plein nez l’odeur de plastique brûlé, intoxicant mes poumons. Remplis toi de poison Sarah, tu vas en avoir besoin.
Regard amusé sur le cadavre éventré qu’est mon lit, et sur tous les morceaux de souvenirs étalés de ci et là. Ils s’étaient bien appliqués. Et bizarrement, tout ça me fait rire. Je m’attendais à ce que la perte de tout ce qui m’appartenait me fasse mal, et j’attends la brûlure. Mais rien ne vient. Rien de rien. La collection de vinyles détruite, les photos brûlées, les fringues déchirées. Je rigole – les éclats rebondissant, tordus, dérangés, contre les murs de ma chambre saccagée. C’était si puéril, si stérile –
Si ridicule.
J’avance sans un mot, sans un regard, et vient attraper lentement une des lattes cassées du lit, que je serre avec hargne dans la main. Sourire. Je commente, de ma voix langoureuse et douce, je profite de ces regards rivés sur moi.
« Vous avez oublié ça. » Et soudain, d’un coup – il y a la colère qui explose. Et je frappe la fenêtre encore intacte avec la latte – me délectant du bruit fracassant du verre qui explose tout autour de moi. Un vient écorcher ma main, mais je m’en moque, je m’en moque, j’en rigole – encore pire, encore plus enfantine qu’eux.
Quand je me retourne pour leur faire face, le sourire a disparu de mon visage pour faire place à cette haine. Toujours si froide, si brûlante, toujours là, partant du bas de mon dos pour remonter lentement jusqu’à mon regard. Je jette la latte qui vient s’écraser contre le mur avec violence. Je les fixe – et dans mes yeux s’arme lentement le chien sanglant d’un révolver.
Première balle – pan – Ulysse. Je plonge dans ses iris – et j’observe. Je vois sa honte, sa culpabilité derrière ses orbes violacés. Je m’en délecte – je la dévore. Alors quoi, alors comme ça Miss Perfection, on est perdue ? On a peur ? Qu’est ce que ça fait, de sentir ce putain de sentiment d’être inutile au fond de ses tripes ? J’ai pitié d’elle – comme j’ai pitié de moi. Rire étouffé. Next.
Deuxième balle – pan – Léocade. Je m’approche, et pique la clope qu’il savourait pour la porter à ma bouche. Effrontée, j’attends une réaction – prête à l’écraser du poids de mon aversion. Pas de sourire pour Léocade – juste de la pitié. De la pitié pour cette belle folie qui lui vrille le crâne, et qui ne fera qu’empirer. On ne pourra pas te sauver Léocade – tu es déjà foutu. Et ton précieux amour propre, je le descends avec ma simple colère.
Je tire sur ma cigarette, et laisse s’échapper de mes lèvres un long filet de fumée – je me sens étonnamment puissante, dragon – alors que j’ai tout perdu. Frisson. J’articule, et ma langue claque dans ma bouche. « Dégagez. » Tous les deux, pauvres vermines, pauvres âmes – partez d’ici. Avant que vous ne soyez vraiment blessés - anéantis - par le monstre de rage qui se lève progressivement en moi.
Quant au dernier restant. Quant à Drew.
Je me retourne, lentement, pour lui faire face. Et je vois ses cernes de mort – et j’attends le moment où mon regard flanchera et faiblira de nouveau, comme il l’a toujours fait. Mais rien ne vient. Le dégoût, la culpabilité, la fureur – le trop plein m’empêche de faiblir, et je souris à nouveau. Horrible rictus de mépris sur mes lèvres carmines. Je n’ai pas faibli. Je ne faiblirai plus. J’avance – ignorant la scène autour de moi – j’avance, féline, souple, décidée. Je tente une fois de plus ses yeux – m’y accrochant désespéramment et je vois toute sa fatigue, sa lassitude, et sa folie.
Oh, quelle magnifique folie réside au fond des yeux de Drew. Je me demande pendant un instant s’il en est de même pour moi – et là, le décor ressurgit. Les photos de mon père brûlées ; les restes de notre idylle en morceaux. La fureur envahit ma bouche de son goût âcre, et ma main part.
Elle part s’écraser dans la jolie petite gueule de ce connard de Drew – brisant le silence, brisant mon cœur, brisant l’ennui.
Silence. Léo et Ulysse se sont arrêtés. Le premier est assis, clope. La seconde, elle, tremble. Elle tremble de tout ses membres. J’ai vu, quand elle est arrivée, qu’elle semblait étrange. Blessée. Mais c’est Ulysse. Et parce-qu’on respecte sa fierté, on a pas cherché à en savoir plus. Et moi, je suis là, immobile, tenant entre mes mains une photo. Notre photo. Tout ce qu’il reste de nous. Mes yeux quittent Ulysse et retombent lourdement sur le morceau de papier.
Rage.
Déchire-la. Brûle-la. Garde-la.
Je déglutis. J’entend le souffle d’Ulysse, il me dérange. Ferme la, salope. Je fronce les sourcils. ... Je voulais pas penser ça. Je veux qu’elle ferme sa grande bouche, ou je lui fout mon poing dans la gueule. Non. Pourquoi je penserai ça ? Pas d’Ulysse. Pas maintenant. Elle va mal, je le sais, et ça me fait de la peine pour elle.
Je vais t’éclater la gueule contre le bureau, salope, arrête de faire du bruit.
Je ferme les yeux, inspire avec force et laisse tomber ma tête en arrière. Ce ne sont pas mes pensées. C’est pas moi qui pense ça. Et pourtant c’est dans ta tête. Tu es seul maître de tes pensées. T’a juste envie qu’elle crache son sang, cette salope. Pourquoi t’assume pas, Drew ? Pourquoi t’assume pas ça ? Pourquoi tu ne nous assume pas ?
J’ouvre les yeux, inspire de nouveau, me passe la main dans les cheveux pour finalement déchirer la photo, qui tombe à terre à côté de mon mégot éteint.
Il y a ces voix, dans ma tête. C’est de plus en plus fréquent. Des pensées hors de contrôle. Ce ne sont pas des voix extérieures, c’est bien mes pensées... Mais elles sont irrationnelles, violentes, noires. Et surtout, incontrôlées. Je me penche en avant, coudes sur les genoux, joint mes mains devant moi et ferme les yeux un instant. Je tente de fermer mon esprit. Arrêter de penser. Arrêter d’entendre ces voix.
Crève-la.
La porte claque, et je lève les yeux dans le vide, tend l’oreille. Mais mes yeux glissent d’eux-même sur ma main, posée sur la table; j’ai saisi le couteau sans m’en rendre compte.
... Je le lâche, frissonne. Je ne me suis pas vu le prendre. Crève tout ces chiens. Les talons claquent. Je me laisse tomber au fond du fauteuil, passe ma main sur mon visage, et souffle, yeux clos. Sarah arrive. Ce n’était qu’une question de temps. J’ouvre les yeux.
« Vous avez oublié ça. » Fracas. Je la fixe. Elle se retourne. Haineuse. Puissante. Terrible. Et elle rive ses yeux revolvers sur Ulysse, puis Léocade. Les miens, gouffres sans fin, ne l’ont pas quittée une seconde. « Dégagez. »
... Est-ce que tu te sens forte, Sarah ? Regarde, Drew. Regarde comme elle se sent puissante. En toute circonstance. Sarah, terrible dragonne, danse au milieu des flammes.
Et nous trois brûlons.
Un sourire s’esquisse sur mon visage. Et au même moment, elle se tourne vers moi. Regards. Fracas. Je reste de profil un instant. Ma joue picote quelques secondes, mais mon sourire n’a pas faibli. Alors, je lève les yeux sur elle, doucement. Tout doucement.
Pousse-la. Frappe-la. Crève-la. Contente toi de sourire. De rire. Et casse-toi. T’a envie d’la buter. Tu le sais. Pourquoi est-ce que j’ai encore envie de l’embrasser.
Alors mord-la.
J’inspire, profondément, bougeant alors lentement. Mes mains viennent s’appuyer sur les accoudoirs du fauteuil, et je me lève. Je la regarde. Je la surpasse.
Je la domine.
Près, très près d’elle. Ses talons lui donnent l’impression d’être puissante. Elle est presque aussi grande que moi. Presque. Et mon visage est tout proche du sien. Mes lèvres entrouvertes embrassent son souffle. Déversent en elle le poison de ma haine. Mes yeux l'enlacent, la cajolent, la poignardent. Nos lèvres se frôlent.
Alors, je ricanne. Mauvais. Moqueur. Et l’ignorant, je la contourne, sors de la pièce sans un regard de plus pour elle. Elle veut se sentir importante ? Elle veut être la reine dansant au milieu des flammes ?
Ce sera sans moi. Elle ne m'intéresse plus. Et je vais à la cuisine, abandonnant la rage, la haine, les larmes, abandonnant tout dans cette pièce sordide. Lassé. J’ouvre le frigo, me sors une bière, et vais m’affaler dans le canapé, buvant une gorgée.
Son corps n'est plus qu'une vaste charpie. Une vaste blague. Son sang ne marche pas, il court et puis parfois il s'arrête subitement pour reprendre un rythme effréné la seconde d'après. Ulysse est perdue, elle s'appuie contre le mur et observe le carnage. Dans ses yeux c'est le désert, c'est la folie à l'état pure qu'il lui prend les tripes. Pourquoi ? Pourquoi avoir perdu le contrôle de cette manière ? Pourquoi s'être laissé allé de la sorte. Qu'est ce qu'elle lui a fait cette pauvre Sarah ? Rien. Rien du tout et c'est bien ça le pire, elle ne lui a rien fait. Et Ulysse se mordille la lèvre, ses poumons crachent elle n'arrive plus à respirer. Le moindre effort lui pompe trop de sang. Son regard balaye la pièce lentement avant d'être capté par l'ombre dans les yeux de Drew.
Ulysse s'y arrête. Ses poings se serrent d'un coup et instinctivement elle recule. Animal blessée, elle sent le danger s'approcher, et le danger à l'heure actuelle c'est Drew. Elle entre ouvre la bouche, ses jambes tremblent légèrement. Pose ce couteau Drew. Maintenant. Elle déglutit, et tente de cacher sa peur. Son visage se relève et ses lèvres se referment. Inspiration mais son cœur ne cesse de battre la chamade. Ses gestes sont lents, ses ongles s'enfoncent dans sa chair, elle a sentie une montée d'adrénaline parcourir son échine. Et pourtant elle n'a pas bougé, elle n'a pas bougé car cette effroyable montée lui a donné des envies de vomir. Salope de Prudence et son pouvoir de merde.
Le noir dans les yeux de Drew a quelque chose de terrifiant. Une lueur meurtrière qui fait écho à ses souvenirs. Et Ulysse n'entend même pas Sarah arrivée, elle ne la regarde même pas à part quand elle se pose devant elle pour lui cracher son regard à la gueule. Mais Ulysse s'en moque, son cœur bat encore trop vite. Dégagez. Oh ça, Sarah, elle aimerait bien mais ses jambes sont cloués sur place. Impossible de bouger. Le kraken a été emprisonné dans les filets.
Un bruit sec, et Ulysse sursaute. Son regard se perd dans une effroyable réminiscence. Tremblement tandis que sa joue lui brûle, rouge, piquante, ce n'est qu'un souvenir. Ses yeux sont ronds, fou. Et son visage s'agite d'avant en arrière, lentement, mollement. Ulysse se rappelle tandis que son cœur tambourine dans sa poitrine. Tout est sombre, tout est noir.
Il n'y a des pleures, ceux d'une petite fille assise au milieu d'une pièce miteuse. Le sol est froid et déjà ses petits pieds sont teintés de bleu. Il y a un homme devant elle, un homme avec la même lueur dans les yeux que celle de Drew. Il a un pistolet. Un énorme et glaciale pistolet avec lequel il s'amuse en le plaçant dans la bouche de l'enfant. Rire démoniaque, rire effrayant, l'enfant pleure. Ses yeux pleurent mais sa bouche est close, le silence de ses larmes est effrayant. Tais toi. Tais toiiiii salope. Ferme là sinon j'te bute.
Et pendant ce temps Drew s'approche de Sarah, il ricane et s'en va. Mais Ulysse elle voit rien. Elle voit plus rien Ulysse.
Ferme là putain. Tais toi salope sinon j'te bute.
Une claque. Ça fait mal. C'est violent. Il y a du rouge partout. Partout par terre et qui coule le long de sa joue. Et l'enfant a arrêté de pleurer, trop choquée, trop terrifiée. Mais l'homme s'en amuse, il ricane face à ce regard perdu alors il s’accroupit et pose son pistolet sur sa tempe...
Ulysse tremble de plus en plus fort et il y a des larmes qui se forment au coin de ses yeux. Sa main vient toucher sa tempe qu'elle caresse d'un mouvement sec et puissant.
Non... non... non. Sourire de l'homme. Sa main sur la gâchette. NOOOOOOOOOOOON
Et Ulysse hurle. Elle hurle de toutes ses forces. Tellement fort qu'elle tombe a quatre pattes sur le sol. Elle tente de reprendre son souffle en fixant intensément les lattes de bois du planché de la chambre de Sarah. Une goutte de sang, puis deux, puis trois. Elle saigne du nez et elle saigne de la bouche parce qu'elle se mordait la lèvre Ulysse.
Elle s'essuie le visage d'une main. Son regard se pose sur Léocade, puis Sarah. Elle se relève alors prend appuie sur le mur tout en y laissant une très belle marque de sang. Je suis désolée.. je .. Perdue, paumée, dépassée Ulysse se glisse en dehors de la chambre. Ses pas trainent sur le sol lentement et sa main bouche sa cavité nasale évitant ainsi le sang de couler. Pas un regard en direction de Drew, ses iris sont fixés sur la porte de sa chambre. Et plus elle avance plus elle a l'impression qu'elle est loin. Son autre main se tend dans la direction de la poignée. Lentement, difficilement elle a l'impression que le trajet dure des heures alors qu'en réalité il ne lui a fallu que quelques dizaines de secondes pour atteindre sa chambre.
Clic.
Ulysse ferme le verrou derrière elle et se laisse tomber au pied de sa porte. Sa main tâte aveuglement son bureau à la recherche d'un mouchoir qu'elle place ensuite à son nez. Et elle regarde sa main pleine de sang trembler. Reprend toi Ulysse, souffle. Garde ça au fond de toi, referme la porte. Maintenant. Et elle se concentre sur sa main. Elle se concentre tellement fort que ça lui fait mal mais elle ne s'arrête pas pour autant. Son cœur se calme légèrement. Son souffle reprend un semblant de normalité, ses muscles se détendent et sa main cesse de trembler.
Ses yeux se ferment et sa tête se pose contre le bois de la porte. Soulagement.
hrp :voilàvoilà #ff6699
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Sujet: Re: Erase.
Erase.
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