awhile
Début d’après midi.
La cantine est déserte.
Sa tête va exploser.
Presque trois heures à vivre la présence envahissante des élèves. Prismver est en manque d’effectifs mais pas de petits cons. Plus ou moins forcé de se montrer aimables avec les élèves - faire mauvaise impression après deux semaines, ce serait quand même regrettable. On sait jamais avec ces monstres, il pourrait lui arriver quelque chose de malencontreux.
Les assiettes, les couverts et les verres ont déjà atterris dans le lave vaisselle - ils étaient tellement que ce n’était pas suffisant, aussi grand soit-il. Placid avait donc retroussé ses manches pour faire couler l’eau de l’évier et faire le reste à la main - l’habitude quand il était gosse, c’était pas une contrainte tant que ça.
Il s’occupait de cette sale besogne, profitant de ce calme naissant pour aller ranger ce qui se passait dans sa tête. Il ne se passait pas grand chose, la routine la plus totale, sa vie était une véritable cassette qu’on faisait tourner en boucle jusqu’à ce qu’il ait cinquante balais et des lumbagos, les dents pourries à force de cloper et des problèmes d’érection. A ce moment là, on changera simplement de cassette et l’autre tournera de la même manière que l’ancienne.
Sa vie se résume à trois grosses cassettes qui ne servent strictement à rien, à part l’ennuyer de la manière la plus royale.
Juste une femme qui avait fait déconner son magnétoscope il y a quelques temps. Il était allé au bar pour se bourrer la gueule avant de commencer le travail, et avait rencontré cette femme. A l’allure pathétique - pauvre chose qu’elle était. Elle semblait à la quintessence de sa peine et Placid avait essayé de lui remonter le moral. Remonter le morale à une inconnue, quelle ironie.
Et pourtant, elle avait accepté de lui dévoiler un faible morceau de sa vie. Un très faible morceau - infime. Elle lui avait juste dit qu’elle était en merde d’amour. Juste ça. Et le blond a du se contenter de ça, et il ne sait pas si ses efforts ont été infructueux ou non. Il ne connaissait même pas son nom, rien d’elle - et c’était réciproque.
Mais elle, sa vie devait être plus mouvementée. Il pousse un soupir, presque envieux, s’éloignant de l’évier après avoir terminé son boulot sans couper l’eau pour fouiller rapidement dans ses poches en extirpant un paquet de cigarette et un briquet, déposant un des bâtonnets entre ses lèvres, une main faisant barrage devant son amour de toujours pour pouvoir allumer le briquet et enflammer le bout du poison âcre. Il range son briquet et tire une latte, laissant la fumée brumeuse s’échapper de ses conduits nasaux.
Il coupe finalement l’eau, faisant volte-face pour s'appuyer contre les tiroirs du dessous et poser ses coudes contre le rebord de l’évier en calant la cigarette entre ses doigts, observant le plafond. Dans quelques heures, ce sera reparti pour de longues heures à supporter ces gosses.
La porte des fourneaux s’ouvre - faisant sursauter le cuisinier. Une silhouette féminine et étrangement familière débarque. Il cligne des yeux et se les frotte même d'une main pour constater que ce n'était pas un artifice - ne parvenant pas à arracher le moindre mot.
Il savait pourtant que c'était elle - celle qui ne fonctionne pas telle une cassette usée.