Grisaille. La casquette de Joach enfoncée à l’envers sur sa tête, le jeune homme frappa de toute ses forces dans la balle de baseball, batte à bout de bras - la balle fut violemment propulsée dans les airs, suivie des yeux par le jeune homme aillant positionné sa main en visière pour en voir sa trajectoire. C’était un joli tir. Très joli. Donnant du bout de sa batte sur le sol, il se repositionna face à la machine qui, à quelques mètres, émettait le cliquetis annonçant l’envoi d’une nouvelle balle. Nouveau coup, aussi bon. Il commençait à prendre le geste. Heath montrait un talent prometteur dans l’équipe de baseball - il semblait y avoir plus sa place que sur le parquet. Il était bon à tout les postes, mais celui de batteur était nettement son préféré: la frappe, le sprint, le combat d’un coureur contre toute une équipe. Il adorait ça. Si bien qu’il était vite devenu l’un des plus talentueux, et l’ancien chef de section étant parti, au commençait à proposer son nom pour le remplacer.
Il aurait dû en être content. Et pourtant.
Pourtant depuis trois jours, il allait mal. Vraiment mal. On l’avait vu s’assombrir avec Ulysse, puis après la rupture. On l’avait vu essayer de cacher sa peine, essayer de sourire. On l’avait vu garder bonne mine, malgré des airs trop souvent songeurs, tourmentés. Même après l’amnésie d’Ulysse, il avait gardé la tête haute. Il avait toujours essayé de se relever. Il avait crée un groupe de musique, s’était donné à fond pour le lancer.
Continuer d’avancer dans les ténèbres.
Mais cette fois c’était terminé. Il n’essayait plus. Il ne se forçait plus.
La dispute avait éclaté, violente, en plein milieu du bungalow, alors que tous étaient présents. Tout leurs potes. Neil avait demandé à Heath de venir dans la cuisine. Alors, il lui avait dit sa décision: partir. Il allait suivre ses parents aux Etats-Unis.
Ils avaient hurlé. Tout avait violemment éclaté dans leurs voix pleines de rage, d’amertume, de souffrance. Neil avait hurlé à Heath qu’il n’en pouvait plus. N’en pouvait plus de l’aimer sans retour, de le voir baiser Charlie, de le voir préférer Ulysse à lui. Qu’il n’en pouvait plus de supporter la culpabilité de l’amnésie d’Ulysse. Qu’il n’en pouvait plus de Joach, de leur amitié. Pétage de câble auquel Heath répondit sur le même ton, son coup de poing faisant un trou dans la porte de la cuisine. Il avait hurlé, lui aussi, hurlé qu’il n’en pouvait plus de sa jalousie, de sa possessivité. Du poids de son amour, écrasant; amour qu’il ne pourrait jamais lui rendre. Jamais.
Et leur secret avait lui aussi éclaté, dans les oreilles de tout leurs amis. Leur nuit à Londres. Une nuit pendant laquelle ils s’étaient donnés l’un à l’autre, certes ivres, mais bien conscients de ce qu’ils faisaient. Toute la bande apprit, malgré elle, ce secret qu’Heath s’était évertué à cacher à tout le monde. Il s’était offert à Neil pour une nuit, et l’avait rejeté dès le lendemain. Et ne supportant déja pas tout le reste, Neil avait décidé d’arrêter les frais.
Et après dix ans d’amitié, sans être séparés ne serait-ce qu’une journée, Neil était parti. La dispute avait fini par mettre Heath dehors, parti dormir chez Skygge. Et dès le lendemain matin, Neil n’était plus là. Sa chambre était vide.
Heath ne faisait plus semblant. Trois jours qu’il restait enfermé à clé dans sa chambre ou sortait faire un tour, fuyant tout ses amis, hurlant avec hargne dès que l’on tentait d’enfreindre son espace vital. Une véritable bête. Agressif, violent. Personne ne pouvait l’approcher, véritable furie.
Trois jours qu’il gardait sa musique dans ses oreilles, ne parlait à personne. Il n’avait pas l’âme d’évacuer sa colère dans sa batterie - il n’avait même plus aucun sens du rythme. Alors c’est dans le baseball qu’il avait trouvé un semblant d’échappatoire. Frapper fort pour évacuer ses pulsions, courir autour du stade pour ne plus penser. Sprinter pour fuir sa culpabilité, sa colère, sa tristesse, son amertume.
Son manque.
Foutaises. Comme la veille, il termina en larmes, sous la grisaille, à frapper les balles que la machine lui lançait, foirant la moitié de ses coups à cause de son regard embué, de son manque de concentration, de sa peine.
Il s’écroula finalement à côté de la machine après l’avoir éteinte, essuya rageusement ses larmes dans son tee-shirt et cala son front sur ses bras croisés par dessus ses genoux. Cocon. Et seul sous le ciel épais et lourd, il se remit à pleurer, ne pouvant s’en empêcher.
Parce-que depuis ses 10 ans, Neil avait été là. Il avait toujours été là. Chaque jour. Chaque heure. Chaque minute. Chaque seconde. Et il ne l’était plus.
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Sujet: Re: To move on. Mer 9 Avr 2014 - 1:32
I'll be there for you
Trois jours. Trois longs jours qu’il n’est plus le même. Sombre. Irascible. Déprimé. Il souffre et s’éloigne. Joach comprend. Mais, il a peur. Peur de le voir partir trop loin, peur qu’il ne puisse plus jamais le rattraper et que rien ne soit jamais plus comme avant. Il ne veut pas le perdre. Il ne voulait pas ressentir ce même vide que subissait Heath depuis le départ de son meilleur ami. Cet ami qu’ils n’ont plus revu après cette fameuse discute. Durant laquelle ils ont appris de nombreuses. Ce qui c’était passé à Londres. Ça a sans doute été une grossière erreur et ça le faisait réfléchir. Parce qu’au final, il aurait très bien pu faire pareil avec Johanna. Tout aurait très bien pu mal se terminer. Et le brun a eu plus de chance. Que Neil ou Heath? Les deux, sans doute. Joach se tenait là, à quelques mètres à peine. Il l’avait observé frapper la balle avec rage avant de s’effondrer. Pincement au coeur. Grimace. « Sympa la casquette. » La sienne. Mais, il s’en fiche. C’est le genre de chose qu’il partage avec lui. Le jeune homme se laisse glisser au sol, à ses côtés en sachant pertinemment qu’il pourrait l’envoyer chier, lui hurler de partir. Mais cette fois, il ne le fera pas. Joach restera avec lui.
« Heath... » Il ne sait pas par où commencer. Heath pleure, il le sait. Il l’a vu. Et ça lui brise le coeur. Joach supporte mal le fait que ses proches souffrent. Joach supporte mal le fait que leur amitié puisse se dégrader. Ce serait trop dur. « Ne me demande pas de partir. Je ne le ferai pas. » Il ne pourra pas l’y obliger. Le chef d’Entropy avait besoin de parler, qu’il l’admette ou pas. Il avait besoin de quelqu’un, d’un soutien. « J’veux pas t’entendre dire, laisse-moi seul, t’inquiète pas pour moi ou je vais bien. » En clair, il ne voulait pas entendre de mensonge. « Parce que tu ne vas pas bien, Heath. Tu peux pas rester seul éternellement. » Rien ne s’arrangera de cette manière.
Il ne fera que fuir.
Oui, fuir. Le choix le plus facile. La pire des solutions. Parce qu’il ne fera que sombrer, toujours plus. Pour finalement devenir méconnaissable. Chose que Joach ne pouvait tout simplement pas tolérer. Chose qu’il ne pouvait accepter. Le brun pose une main sur l’épaule de son ami et sourit, tristement. « Ça fait que trois jours. Trois jours qu’on se parle plus, mec. » C’est court, c’est rien, c’est supportable. Non? Pas dans cette situation. Pas quand l’un ne cesse de rejeter l’autre et préfère broyer du noir seul plutôt que de se confier à ses amis. « Laisse-moi être là pour toi, Heath. » Il resserre légèrement l’étreinte sur son épaule, perd son sourire.
« T’es pas seul, Heath… Tu m’as toujours moi... »
Ils étaient proches. Joach tenait à lui. Ils ne se connaissaient pas depuis leur dix ans, il ne savait pas autant de choses que Neil pouvait savoir de Heath. Sûrement n’était-il pas aussi important que le disparu. Ce n’est pas ce qui allait l’empêcher d’agir. Ce n’est pas ce qui allait l’empêcher de se comporter en ami. Un véritable ami.
En une fraction de secondes, ses larmes avaient étaient essuyées, comme si il avait pu cacher quoi que ce se soit à Joach. Son visage rapidement caché entre ses bras, de nouveau, il l’avait entendu s’asseoir près de lui. Quel têtu. Ca faisait trois jours qu’Heath lui hurlait dessus à la moindre approche, il l’avait même poussé à deux reprises quand Joach avait tenté de lui choper le bras pour le forcer à rester. Ils en étaient presque venus aux mains - ça aurait été le cas, si Joach avait insisté. Mais Heath s’était montré agressif, presque effrayant, tant on avait pas l’habitude de le voir ainsi.
Mais ça n’empêchait pas Joach de revenir, aujourd’hui. Le visage d’Heath était aussi morose que le temps, et il ne fallu que quelques secondes pour que de nouvelles larmes coulent, à l’abris du regard de Joach, dans le creux de ses bras. Et lorsqu’il sentit la main de celui-ci sur son épaule, sa gorge se serra plus violemment: la présence de son meilleur pote lui réchauffait le coeur, beaucoup plus que ce qu’il ne voulait admettre.
- Ça fait que trois jours. Trois jours qu’on se parle plus, mec.
Seulement trois jours ? Ca lui semblait pourtant long, tellement plus long. Pour sa part, cela faisait trois jours et trois nuits blanches. Près de soixante-douze heures. C’avait été long. Beaucoup trop long. Ne plus avoir Neil était une chose, ne plus avoir Joach en était une autre. Et, ce n’est qu’à ce moment, sentant la main de Joach sur son épaule, qu’il comprit que s’infliger en plus de cela le manque de Joach était stupide. Il avait besoin de lui. Plus que jamais.
- T’es pas seul, Heath… Tu m’as toujours moi...
Et ce fut plus fort que lui. Ses bras se défirent l’un de l’autre et s’ouvrirent à Joach alors qu’il glissait sur les genoux, enlaçant avec force son ami, enfouissant son visage sur son épaule. Il se perdit quelques instants dans les bras de Joach, laissant tomber toutes les barrières. Qu’importe qu’on le prenne pour un bébé, il l’était. Qu’importe qu’on le prenne pour un gay; visiblement il était bel et bien bisexuel. Il savait Joach assez intelligent pour voilà un geste fraternel et non pas intéressé, malgré tout. Parce-que dans cette accolade de frères, Heath laissa tomber les armes, laissa tomber toute la pression, tout le poids qui pesait sur ses épaules. Et pour une fois, il accepta l’idée que Joach puisse l’aider à porter tout ça. Juste un petit peu. Juste pour ne pas tomber.
- J’ai tout foiré mec... Ulysse, Charlie, Neil... . Il se redressa assis, lâchant Joach pour effacer d’un revers de main ses larmes. J’déçois tout le monde, j’gère ma vie n’importe comment, c’est l’bordel, j’fais n’importe quoi...
Pieds au sol, il posa ses coudes sur ses genoux, se prenant la tête entre les mains, glissant ses doigts dans ses cheveux en fixant le sol, l’air dépité.
- J’en ai marre qu’on me donne trop d’importance alors que je suis le plus gros égoïste de ce putain d’univers. J’suis comme ça, j’changerai pas, alors putain... Pourquoi on me laisse pas tout seul... ?
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To move on.
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