Pain.

T'as toujours mal quelque part, ces derniers temps. Défendre Ryan, encaisser des coups pour lui. Croiser Edean, te prendre un pain dans la tronche. Riposter, stupidement. Mais c'est pas ta faute, t'es pas très futée. T'encaisses comme tu peux, t'ignores tes bleus et tu frappes, encore et toujours. Tu sauras jamais comment t'en es arrivée là, c'est comme ça et ça ne changera pas. Au final, ça ne t'inquiète pas plus que ça - Ça m'endurcit, c'est bon signe.

Idiote. Arrête. T'as mal. Arrête. T'es pas si forte. Arrête. Tu vaux pas mieux que cette rouquine. ARRÊTE. Tu ferais mieux de laisser tomber, Anarchy. Tais-toi.
Et pourtant, au fond t'en as conscience, tu le sais. Mais tu t'arrêtes pas, t'as l'impression de bien faire avec elle. T'as l'impression que la frapper ça lui remet les idées en place, ça lui fait comprendre qu'elle a plus besoin de faire semblant, que t'es au courant de la faiblarde qu'il y a en elle. Alors tu ne cesseras pas ta thérapie, soigner le mal par le mal c'est ton truc.

Soupir. Un regard dans le miroir, qui détaille ce corps meurtri. Tu as mal mais tu ne l'admets pas. Tu regardes les différents hématomes - Ryan cherche trop les ennuis, c'est mauvais pour toi. Tu fermes les yeux et tu entres sous le jet d'eau, tu frottes tes cheveux noirs. Peut-être que ta prochaine teinture serait rose, c'est pas si laid le rose - et c'est original. T'aimes l'originalité, parce qu'être banale c'est pas cool.

Rire. C'est drôle de voir à quel point t'as changé, en deux foutues années. C'est drôle de comprendre qu'au fond, Anarchy est morte, tuée par cette blonde à la con. C'est pas toi, cette brune aux multiples bleus, alors que son visage rayonne. Si Eryk voit tes blessures, comment est-ce qu'il va réagir ? Pire encore, si c'est Nate qui voit tout ça ? Il irait pas frapper une fille, mais c'est toi qui va prendre les sermons.

Réflexions. Depuis que tu t'es accrochée à Nathan, t'as l'impression que Prismver entier veut ta peau. Kéane, ce rouquin qu'a baisé ton amie d'enfance. Tu sais pas grand-chose sur lui, tu devrais demander à Francesca, probablement. Et Edean, c'est ta faute, non ? Tu grognes en sortant de la douche, persuadée que tu n'y es pour rien et que c'est elle qui refuse de voir la vérité.

Et t'arrêtes d'y penser, au final c'est pas grave. Tu glisses sur ton lit pour atteindre le tiroir où sont rangés tes sous-vêtements et, une fois habillée, tu remets es croquettes à ton chat et tu sors après l'avoir caressée. Chewing-gum dans la bouche, pansement sur la joue et cheveux détachés, tu t'extirpes des dortoirs et rentres dans le pensionnat, déjà sûre de l'objectif à atteindre : le balcon au deuxième étage.

Oui, tu sors alors qu'il est tard, tu vas à Prismver alors que les cours sont finis depuis des lustres ; un problème ? Mâchouillant distraitement la sucrerie, tu montes les escaliers d'un air détaché, persuadée de ne croiser personne. Et quelle surprise quand, en atteignant ton but, tu vois la chevelure flamboyante de la principale responsable de tes blessures ? Un sourire se peint sur tes lèvres, tu t'approches silencieusement d'elle et murmures au creux de son oreille d'une voix voulant l'effrayer.

« Alors Roussie, t'as des penchants suicidaires ? Qu'est-ce que tu fous au bord d'un balcon, sérieux ? »

Parfois, on pense que tu es masochiste. Faut croire que c'est la vérité.