have shame in anger.

Mais il EST un grand-frère. Il n’en joue pas seulement le rôle. Kéane a une petite sœur, elle s’appelle Coleen et est en 6ème année à Prismver. Seulement ils n’entretiennent pas la meilleure relation qu’on puisse avoir entre frère et sœur. Autant dire qu’ils s’ignorent et s’évitent le plus possible, quand bien même ils seront présents l’un pour l’autre si un réel problème surgissait. Comme cette fois avec Richardson, il y a deux ans, où… Enfin, peut importe ; si Kéane est protecteur, se comporte comme Pascal le grand frère, est capable de rédiger une liste de conseils rarement intelligents mais partant d’un bon sentiment, et s’il s’investit souvent beaucoup dans les problèmes de ses potes : c’est tout simplement parce qu’il a cet instinct un peu spécial qu’il a longtemps refoulé, l’instinct d’aîné.

Ce n’est pas quelque chose qu’il avoue facilement, mais il lui arrive d’avoir des élans d’affection, dissimulés sous une bonne couche de grognements préventifs, ou une main qui ébouriffe vos cheveux rageusement. Il ne s’inquiètes pas souvent pour ses potes, étant plutôt du genre à prendre pour devise « keep cool » et se focaliser seulement sur enjoy life. Mais avec certaines personnes, il ne peut tout simplement pas s’en empêcher. Une en particulier. Mike. Il est petit, il a une gueule de môme, des cheveux blonds qui lui donne un air faussement innocent et regardez-le putain, il est tout chétif ! C’est un enfant, c’garçon, un enfant. Enfin, d’apparence, du moins. Même si Kéké l’a bien compris, c’est plus fort que lui ; il ne peut pas s’empêcher de le surprotéger. De la même façon que la négativité de Sarah lui fend le cœur, il sait que Mike n’a pas toujours le moral au top non plus. En plus de le faire sourire, il s’est mit en tête d’être son psychologue, son avocat à temps partiel, sa bonne conscience et, dernièrement, son médecin.

- MIKE !

Il était entré brusquement dans le réfectoire, sachant qu’à cette heure-ci, le E avait son heure de repas. Se faufilant parmi les élèves et le mobilier, Kéane cherchait du regard –gardé sous contrôle pour ne pas exprimer son coup de stress–,  les cheveux pâles de son petit protégé. Après avoir bousculé un bon nombre d’élèves trop mous et lents à son goût, il atteint une table, où il reconnu Mike immédiatement. Il héla l’adolescent une nouvelle fois avant de le rejoindre pour de bon. Peut-être avait-il appelé trop fort, car dès que sa voie perça le brouhaha ambiant, un long silence s’abattit.

- Quoi encore !?, fit Mike en grognant.

Le roux s’arrêta dans son élan et fronça les sourcils.

- Eh, déjà tu baisses d’un ton ; j’suis pas une de tes fans qui mouille sa culotte dès que t’essaies de faire le bonhomme. Il reprit son souffle et sentit sur lui les regards curieux. …Qu’est-ce qu’y’a ? On vous fascine, c’est ça ? Occupez-vous d’votre bouffe.

Les élèves se dispersèrent aussitôt, pas très désireux de se recevoir une assiette d’insultes. Sensiblement agacé par ces comportements malvenus, Kéane failli oublier pourquoi il était venu trouver Mike. Il s’assit en face du garçon, là où un plateau au contenu plus que douteux attendait d’être mangé.

- …Ah ouais, c’est dégueulasse le self quand Betsabe taff pas..., grogna-t-il en soulevant une fourchetée d’épinards, bien heureux de s’épargner les repas servit ici.

Après un soupir blasé, Kéane croisa ses bras sur la table et planta ses yeux céladons dans ceux de Mike.

- Dis-moi, c’est quoi cette photo, sur twitter ? Celle où t’as le nez en sang. ‘C’est du Ketchup. Sans tomate’. Ca veut dire quoi, tu t’fais vraiment taper ?

Ouuuh le regard menaçant façon don’t-you-dare-lie-to-me. Quelque part, Kéane imaginait qu’il s’agissait seulement d’un produit sensé imiter de l’hémoglobine : Mike s’était finalement lancé dans le cinéma et ce pouvait être une photo de tournage, maquillé. Mais pourquoi aurait-il indiqué cette légende ? Spécifier du ketchup sans tomate ? Ce n’était pas clair, alors le rouquin avait choisi de s’en mêler, question de principe ; il s’agissait de Mike.

A l’évocation du problème Mike baissa les yeux. Détourna le regard. N’assumant pas et n’osant pas regarder Kéane qui lui, soupirait, agacé de voir qu’il avait sûrement raison. Le blond toucha son nez, machinalement. Mais Austen s’impatiente, tapote des doigts sur la table. Il mettait la pression. Lorsqu’il voulait mettre quelqu’un mal à l’aise, Kéké savait parfaitement comment s’y prendre. Un regard soutenu, des gestes insistant, la grosse voix, le dos droit. La recette idéale pour que le message passe correctement : joue pas au con avec moi.

- C’est RI-EN.

La tête du rouquin recula, ses sourcils se froncèrent. Le bleu des yeux de Mike avait retrouvé ceux de Kéane, accusateurs. Angoissé, il devait l’être. Son cookie s’éclata dans ses doigts lorsqu’il aboya sur le roux. L’air renfrogné, nez presque froncé de frustration, mister Snow chercha du réconfort dans la gourmandise en glissant un morceau de son gâteau entre ses lèvres qu’il pinça en grignotant. L’élève de D remarqua de quelle façon agacée Mike mâchait.

- Si tu veux être crédible, détend ton string. Là c’est juste obvious que t’as un truc à te reprocher ou à cacher.

Grognements. Pour s’occuper les mains et ne pas s’emporter trop vite, Kéane sorti de sa poche son tabac à rouler et s’activa à préparer une nouvelle clope, laissant Mike savourer son cookie. Seulement, plus le silence s’étendait, plus il y avait de chance pour que le roux réfléchisse à ses reproches et sa manière d’expliquer les choses à Mike. Pas de la façon la plus douce qui soit, bien sûr. Sa langue glissa sur le papier, puis il se racla la gorge, près à reprendre la parole.

- C’est quoi, l’problème ? J’vois pas c’qui te bloque, Mike. Pourquoi tu m’laisses pas t’aider, sérieux. Ca te ferait quoi de me parler un minimum de c’qu’il s’est passé ?

Ca le vexait, clairement. Il préférait que Mike lui dise la raison de cette photo et qu’ensuite il lui demande de rester à l’écart plutôt que de lui taire certaine chose. Il se sentait exclu et blessé. Pourtant, il n’était pas le genre de pote qui répète les secrets, ou même qui fait des maladresses une fois qu’il est au courant du problème d’un tel. Il était davantage celui qui s’inquiète pour ses amis et essayait de les aider à sa façon.

- Donc ? L’histoire. Dis-moi, ça te coûte quoi ? T’as peur que j’me foute de ta gueule parce que tu t’es juste pris un mur ? …Allez, fais pas ta princesse.

Il coinça sa cigarette derrière son oreille droite et croisa ses doigts sous son menton, tout ouï, un sourire narquois sur les lèvres. Au fond de lui, il voulait la vérité. Il imaginait déjà trouver le gars qui aurait pu le frapper, pour lui éclater la gueule sur un mur. Ca le mettait en rogne, mais pour l’instant, il ravalait cette rage, douce-amère, pour ne pas foutre le stress à Mike vainement.

Il savait que Mike n’était pas le genre de gars qui se confiait facilement. Non, loin de là. Mike a toujours été froid et assez distant. Même lorsqu’il rit, on sent derrière l’écho de sa voix des éclats brisé, des fêlures. Mais il sait Kéane, il sait que Mike essaie de colmater les fissures avec sa glace, avec sa neige, toujours ce même froid, cette bise d’hiver, ce blizzard qui finalement ne le fait pas se relever mais le recouvre. Il a conscience que Chainlos s’enterre et s’enterrera toujours plus qu’il n’acceptera qu’on l’entrevoit réellement, qu’on découvre ses secrets et ses non-dits. Par pudeur, par fierté. Malheureusement pour lui, le rouquin savait autre chose, que Mike préférait sans doute ignorer.

C’est lorsque la neige arrêtera de tomber, lorsque la tempête arrêtera de gronder qu’enfin il pourra retrouver un rayon de soleil, à travers les nuages qui se seront dissipés. Un bras de lumière qui lui tendra la main, comme l’avait fait Morgan dans le passé. Les jours passent Mike, la météo n’est pas toujours la même et le Soleil tourne, en réalité il y en a même plusieurs. Des milliers d’étoiles que le garçon refusait de voir, enfermé dans son palais de glace. ’Faut qu’t’apprennes Mike, ‘faut que tu recommences à accepter qu’on t’aide, qu’on t’aime et qu’on a besoin parfois de plus de chaleur en retour.

Keep your chin up.

Parce qu’à la longue, ça commence à vraiment inquiéter Kéane. C’est vrai que Mike n’avait pas beaucoup d’affection pour qui que ce soit et le roux était loin d’être dans le top 3 de ses relation, il le savait parfaitement, sans que ça ne le gêne non plus. Si le blond l’appréciait moins que Kéane pouvait le faire pour lui, ce n’était pas un problème. Mais c’était cette asociabilité qui le faisait chier. Mike était trop timide, trop réservé, ses seules émotions apparentes étaient la mélancolie ou la colère. A 17 ans ce n’était pas possible de rester seul aussi souvent ou de se montrer autant agressif.

Encore moins avec le peu de ses amis, qui tentent souvent d’aider.
L’indulgence, ça va un moment.

N'ESSAYE PAS DE SAVOIR. JE VAIS ENLEVER CETTE PHOTO DE TOUTE FAÇON.

A peine les mots étaient-ils sortis de la bouche de Kéane, que déjà son interlocuteur, piqué au vif comme d’habitude, se faisait la malle. ‘Manquait plus que ça putain. En l’espace de deux secondes, Mike s’était levé et avait jeté son sac sur son dos.

Quoi ? Mais qu’est-ce que tu fais ?!

Pas de réponse, il tourne les talons et part en direction de la sortie. En grognant sans faire attention à être discret, le roux recula brusquement sa chaise pour se lever à son tour et emboîter le pas à Mike. Maintenant, il était furieux. Il lui suffit de quelques enjambées pour le rattraper et si tôt fut-il dans son dos qu’il lui saisi le bras avec fermeté. Ils étaient maintenant tout les deux dehors, de l’autre côté de la porte que Mike avait eu le temps de franchir.

EH. Tu te fous de moi ? Il le fait se retourner d’une poigne vigoureuse, l’oblige à le regarder. Pourquoi tu t’es barré comme ça ? Putain, tu sais pas parler, genre juste t’excuser de t’en aller ? Tu connais pas le respect ? On avait une conversation là !

La tension monte. Les attitudes de Mike commence à le rendre mad. Il a peu de patience.

‘Faudrait que tu m’explique c’qui va pas. J’ai fait quelque chose ? Parce que jusqu’ici tu te comportes comme une enflure, tu l’sais ça ? Ca t’fais chier peut-être que je m’inquiète pour toi ? Ca te fait chier, que j’te porte un peu d’attention ?? Il le lâche. Brusquement. J’crois qu’il s’rait temps que t’apprenne à être plus flex’ Mike. J’suis ton pote. C’est normal que j’m’inquiète pour toi, que j’veuille te protéger. Seulement si tu continue de jouer au con, tu vas vraiment finir tout seul. Alors qu’moi j’suis prêt à faire des efforts pour toi.

Réfléchis-y, merde.

Second souffle, Kéane rangea ses mains dans les poches de sa veste. Il toisa Mike de toute sa hauteur avec une moue déçue. Ouais, Mike était pas facile. Ouais, Mike était farouche. Blessant. Sincèrement, c’est pas l’genre de truc que Austen aimait s’enquiller. Il avait d’autre poids à porter et soulever Mike a deux mains ça le fatiguait assez. Pourtant il pouvait pas se résoudre à l’abandonner comme d’autre avait pu l’faire avant. Il tenait à lui, désormais. Sauf que quelques questions venait mettre un déséquilibre dans ses certitudes ; est-ce que Mike en avait quelque chose à foutre, de sa gueule, à Kéane ? Est-ce qu’il agissait comme ça, parce qu’en réalité Austen était vraiment indésirable ? Il secoua la tête ; si c’était le cas, il le sentirait. Non ?