Elle a ramené ses cheveux en une longue tresse d’or qui lui tombe sur l’épaule. Elle est allée cueillir des fleurs pour l’occasion et les a glissé à l’intérieur. Une jupe droite et un chemisier aux couleurs chatoyantes qui laisse deviner par transparence la dentelle qui couvre sa poitrine. Un trait de crayon pour souligner son regard aux nuances méditerranéennes. Son rire, léger, s’envole alors qu’elle fait un tour sur elle-même sous les cris joyeux de Jim. Ils sont tous deux les rayons d’un même soleil. Un soleil qui avait touché Selwyn sans pour autant parvenir à faire fondre la glace dont son cœur était prisonnier. Un voile nuageux se glisse devant l’Astre brûlant, quelques secondes avant de disparaitre, soufflé par le vent de magie, d’excitation et de trac qui règne dans le palais du Roi Blanc.
Les mains crispées sur son plateau, elle rentre sa tête dans ses épaules – comme les tortues – en sentant ses joues déjà devenir de la même teinte que les coquelicots. Mais Jim fait le pitre, comme à son habitude. Et June apporte les derniers détails en dansant. Un ultime coup de chiffon sur le comptoir où on peut presque voir son reflet. Les lumières s’allument et le rideau s’ouvre. Malgré sa boule au ventre et ses mains tremblantes, June ne peut refreiner son sourire. L’œil vif, pétillant et ses dents un peu trop écartées dévoilées au grand jour, elle rayonne.
Les premiers clients entrent dans des cris émerveillés et déjà les félicitations fusent. Les fleurs dans ses cheveux blonds se mettent alors à scintiller. Parce que ce lieu est imprégné de magie, de bonheur et d’amour. L’irlandaise est heureuse de faire partie intégrante de cette aventure. Honorée que Jim l’ait choisi parmi tant d’autres pour avoir entre ses mains le destin de son bijou, de son trésor, de son royaume. Elle ne le décevra pas.
Ainsi, oubliant ses joues cramoisies et sa voix chevrotante, elle commence à prendre des commandes, inaugurant son carnet et son stylo, armes qu’elle dégainera, un jour, plus vite que son ombre. Elle écrit donc le nom des cocktails – assez farfelus, faut l’avouer – et les distribue au barman en chef. C’est génial. Génialissime. Ce sera notre havre. la convivialité et l’enthousiasme gonflent son cœur de joie. Elle le sent cogner comme un fou dans sa poitrine, porté par la musique qui pulse contre ses tympans. Les rires s’échangent et les discussions commencent gaiement. La blonde se sent pleinement actrice de ce bonheur, distribuant les verres avec d’immenses sourires bien que ses jambes commencent à être douloureuses. Mais qu’importe, assister à ce spectacle lumineux, ça n’a pas de prix. Oubliés les classes, les différences, les embrouilles. Tous rassemblés dans le but de passer un agréable moment. C’est ça, l’esprit du Wonderland. Et June sillonne entre les tables, laissant derrière elle cette odeur suave de rose, de mandarine et de vanille.
La tension commence à retomber, comme une pluie de paillettes d’or. Tandis que les autres discutent et s’occupent des nouveaux arrivants, June s’attèle à faire la vaisselle qui commence à s’entasser. Derrière le bar, elle ne peut s’empêcher d’esquisser quelques pas de danse, un sourire lumineux pendu à ses lèvres. La clochette retentit à nouveau, dévoilant une chevelure rousse ébouriffée. Le nez de June se retrousse alors qu’il s’assoit au comptoir. Kéane, le farceur. Elle se souvient de leur légère altercation dans le jardin alors qu’il venait piller ses plantes. C’est lui qui joue au plus malin en cours de sport. C’est celui aussi qui a fait une entrée remarquée au pensionnat. Ces pauvres nains de jardins… Sa grimace se transforme bien vite en un sourire rieur. Il est peut-être con, mais il a le mérite d’être créatif. Peut-être qu’un jour, elle pourra tester ses talents de cuisinier ; il lui avait promis en pardon pour le ravage qu’il faisait dans ses cultures. Rah, sale tête à claque. Elle lève la tête, à la recherche de quiconque pouvant la remplacer mais il semble tous occupés. Cruel dessein. Reposant le verre sur lequel elle s’est acharnée depuis quelques minutes, elle plante son regard d’azur dans le sien. Puis dégageant une mèche qui lui chatouillait la joue, elle lui demande d’une voix mielleuse :
« - Que puis-je te servir ? » accompagné d’un sourire lumineux.
Sujet: Re: Coquelicot et bombe à eau •• JUKEA Ven 8 Aoû 2014 - 23:58
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Sujet: Re: Coquelicot et bombe à eau •• JUKEA Sam 9 Aoû 2014 - 22:17
Coquelicot et bombe à eau
Alors qu’elle a ses prunelles plantées dans les siennes, elle sent le sang tourbillonner sous ses joues. Ainsi, elle recule d’un pas, s’adossant contre la desserte, perturbée par ce sourire d’imbécile heureux qu’il arbore mais plus particulièrement par des lueurs presque lubriques qui s’agitent dans le fond de ses prunelles. J’sais pas, est-ce qu’y’aurait du thé, par hasard ? Elle cille, tirée de ses réflexions, avant d’acquiescer silencieusement. Il y a en a, de toutes les couleurs, de tous les coins du monde. Elle fronce les sourcils ; il n’a vraiment pas l’air dans son assiette et l’explication arrive aussitôt : J’ai une méchante gueule de bois, alors si tu connais une infusion ou un thé dans l’genre apaisant, j’prends volontiers. En plus c’est plutôt ton rayon les plantes, si j’me souviens bien ?
Un immense sourire illumine presque immédiatement son visage lilial. Elle baisse le regard quelques secondes, triturant ses mains sous le coup de la gêne avant de capter à nouveau son regard et de lui adresser un signe entendu. Et alors qu’elle allait filer dans la réserve pour lui concocter sa boisson, elle surprit cette grimace qu’il tenta de refréner. Pincement au cœur. Il avait beau l’avoir cherché, ça la rend mal à l’aise d’assister au retour à la réalité des débris de soirée. Soupir. Elle attrape une bassine sous l’évier et la pose juste à côté de lui, ajoutant d’une voix amusée : « Évite de crépir le comptoir pour la soirée d’inauguration, tu serais mal vu du patron. Je vais aller chercher ce dont tu as besoin. »
June fait volte-face dans un tourbillon d’éclat irisé pour se diriger dans la réserve. Elle ne tarde pas à trouver la boîte en fer étiquetée « nausée, gueule de bois » posée sagement sur une étagère. Elle remplit avec assiduité la boule à thé du mélange qu’elle avait élaboré ; des plantes qu’elle avait cultivées dans le jardin et qu’elle avait ensuite fait sécher au soleil pour les utiliser, plus tard, dans des situations telles que celle-ci. Pendant qu’elle range son précieux écrin de métal, elle ne peut s’empêcher d’éprouver un bonheur vif et vibrant. Celui d’être enfin utile. Que toutes ces connaissances sur la botanique, accumulées depuis des années puissent enfin lui être utile. Herboriste, voilà le métier dont elle rêve. Pouvoir soulager les maux grâce aux plus beaux cadeaux de la Nature. Peut-être que les gens finiront par le comprendre. Que Kéane le comprendra et qu’il lui adressera autre chose que des sourires moqueurs et des regards insistants.
De retour derrière le comptoir, elle remplit une énorme tasse d’eau brûlante avant d’y plonger sa concoction. L’essence des plantes commence déjà à se dégager, libérant doucement un nuage verdâtre. Fierté. La main sur la hanche, elle apporte sa commande au rouquin. « Attend. Elle réapparait avec un pot dans la main. Elle s’approche, se met sur la pointe des pieds pour atteindre la tasse. Je vais te mettre un peu de miel. Le goût n’est pas génial mais ça calmera au moins tes nausées. » Et la cuillère, pleine de ce nectar doré, est immergé. « Fais moi confiance. » mumure-t-elle en croisant son regard. Sourire. Il a des yeux magnifiques. Elle se redresse, surprise par sa réflexion. Le chiffon qu’elle vient d’attraper se tord dans tous les sens alors qu’elle tente de se calmer et de faire disparaitre la teinte pivoine de ses joues. Elle range la bassine dans des gestes précipités et entreprend de se replonger dans sa vaisselle, pestant contre elle-même de se laisser attendrir par le trublion du pensionnat. Elle espère que son thé le remettra d’aplomb.
Sujet: Re: Coquelicot et bombe à eau •• JUKEA Ven 22 Aoû 2014 - 18:28
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Sujet: Re: Coquelicot et bombe à eau •• JUKEA Sam 23 Aoû 2014 - 0:25
Coquelicot et bombe à eau
Ce regard. Il a le goût du miel. Alors qu’elle relève des yeux timides, elle aperçoit ses lèvres se fendre en un rictus sincère. Puis une moue, pas très enjouée. La mâchoire de la jeune fille se contracte malgré un soupçon d’amusement au fond de son cœur. Il boit une gorgée. Sa respiration reste en suspens alors qu’elle suit le mouvement de sa pomme d’Adam sur sa gorge claire. - EUUUUH, le goût non plus me met pas la confiance ! … Uuha… Elle sursaute et se mord aussitôt la lèvre inférieure. Un rire gêné s’échappe de ses lèvres. Elle passe une main dans ses cheveux, avec un regard désolé. Parce qu’elle ne peut pas faire mieux. Son premier client. Elle aurait du faire mieux. Pincement au cœur, son sourire s’efface.
Elle sursaute de nouveau lorsqu’il s’écarte violemment du comptoir. Et son angoisse à lui l’enveloppe comme un manteau. Elle le regarde s’agiter, l’œil flou, le visage grimaçant et n’ose pas bouger. Elle s’imprègne, comme une éponge, de son inquiétude. De son mal. De ses maux physiques. Si seulement elle le pouvait, elle lui volerait sa souffrance. Les plantes, oui, ses plantes le feraient un jour alors pourquoi pas aujourd’hui ? Doute. T’peux venir avec moi s’te plaît ? Imagine j’fais un malaise, allez, please… Elle reste bouche bée, tétanisée, perdue, perturbée. Sa main couverte de tâche brune venant saisir son bras est comme ne décharge qui lui électrise tout le corps. Elle étrangle un hoquet de surprise tandis que son corps est emporté par le tourbillon flamboyant. Elle cherche Jim, désespérée, suppliante, incapable de résister à cette étreinte qui l’emporte loin de ses verres et de la mousse irisée remplissant l’évier. Mais la porte se referme sur les diverses silhouettes, claquement sourd les isolant de toute la magie, de toute la joie et le confort régnant dans ce cocon scintillant. Rupture brutale.
L’air de la rue lui fouette le visage. Elle se sent comme un chaton, jetée en plein terrain hostile sans possibilité de replis. Comme lorsqu’on a regardé trop longtemps le soleil et que notre vision ne ressemble plus qu’à une immense tâche immaculée. Puis l’hébétude se dissipe lentement comme le brouillard qui s’éclaircie un matin d’été, balayé par la brise estivale. Ses cils battent frénétiquement, s’habituant à l’obscurité et à l’odeur, beaucoup plus âpre, de l’extérieur. Frisson. Kéane est à terre, le regard perdu dans des territoires que lui seul semble voir. Si loin et pourtant si proche. La chaleur au bout de ses doigts. Son cœur rate un battement alors qu’elle voit la main du rouquin encore accrochée à la sienne. Un naufragé emportant dans sa dérive sa bouée de sauvetage. Vague de chaleur.
- J’suis désolé hein… C’est comme une violente gifle. Sa gorge se serre alors qu’elle se laisse tomber à ses côtés. Ses doigts se libèrent des siens. Elle se sent comme une bombe à retardement. Une bombe qui tente de contenir tout le débordement qui l’assaille. Comme une horloge déréglée, elle s’efforce de caler le rythme de sa respiration sur la sienne, le regard fixé sur le point éblouissant d’un lampadaire. Un, mouvement du diaphragme. Deux, battement de cils. Trois, battement de cœur. Les bruits de la ville, les éclats de rire parfois perceptibles malgré les murs épais, cette vie grouillante tout autour les berce de sa langueur monotone. Pourtant, June ne parvient pas à estomper cette sensation de mal être qui l’accable. Ses lèvres tremblent alors qu’elle ramène ses genoux contre sa poitrine. Tant pis pour la jupe. Son visage se tourne lentement vers le rouquin mais elle est incapable de le regarder. De croiser encore les étincelles de ses prunelles.
- C’est moi qui suis désolée. Sa voix est chevrotante, mal assurée, à peine plus audible qu’un murmure. Inspiration. J’ai peut-être fait une erreur en récoltant les plantes. Ou, ou,bien… alors tu es allergique à un ingrédient. Son cœur s’accélère, cogne à en presque jaillir hors de sa poitrine. Le timbre d’habitude si doux commence à gravir les aigues. Non, je n’y avais jamais pensé. La panique commence à la submerger. Oh mon dieu Kéane, si ça se trouve, je t’ai empoisonné. Sa voix se brise alors qu’elle ose enfin plonger ses orbes dans les siennes. Ses yeux sont voilés d’humidité. Kéane, Kéane…, elle répète ce prénom comme s’il allait le maintenir en vie, auprès d’elle, tant qu’elle le prononcera, Kéane, je t’ai empoisonné. Son dernier mot se mue en sanglot alors que les reflets des lumières citadines se mettent à danser sur un fond azuré quasi inondé de larmes.
Ses doigts viennent retrouver les siens, par instinct, et leur étreinte se resserre. Le sang gronde dans ses tempes, résonne dans toute sa boite crânienne. Incapable de réfléchir convenablement, elle concentre néanmoins toutes ses forces sur ses souvenirs. Les plantes qu’elle a utilisées. La couleur. L’odeur. Le craquement des tissus séchés enfermés dans cette boîte. Oui, elle parvient à toute les visualiser et les identifier.
- Non, je suis pourtant sûre de ne pas avoir fait d’erreur. Confidence à elle-même. Délire paranoïaque d’une fille un peu obsessionnelle. Est-ce que tu veux que j’aille te chercher quelque chose à l’infirmerie ? Oui, elle est forcément ouverte. Tu es tout pâle. Tu veux que je te ramène au cabanon ? Oh, oh, je suis vraiment désolée.
Débit de parole incontrôlé ; elle s’arrête et respire bruyamment, haletante. Le vent de l’angoisse souffle entre ses oreilles alors qu’elle s’accroupie en face de Kéane, sa main toujours serrée dans la sienne. Déconnectée. Elle ne sent plus la morsure du froid sur ses bras nus. Le tiraillement des muscles de ses jambes fatiguées. La brûlure des larmes qui sont là, juste au bord de ses yeux, comme des vagues prêtes à s’échouer sur les rivages de ses joues. Non, elle est pendue à ses lèvres, attendant un quelconque ordre. Une quelconque réprimande. Un moyen d’absoudre sa faute. Et les fleurs dans ses cheveux commencent à flétrir, abimées par l’angoisse qui est en train de ronger la jolie blonde.
Sujet: Re: Coquelicot et bombe à eau •• JUKEA Mer 27 Aoû 2014 - 17:00
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Sujet: Re: Coquelicot et bombe à eau •• JUKEA Ven 29 Aoû 2014 - 15:07
Coquelicot et bombe à eau
… Ok, ça suffit maintenant. Mouvement de recul. Elle s’attendait à une telle réaction. Elle s’attend à recevoir la tempête de sa colère ou de son angoisse. Mais seul un soupir s’échappe d’entre ses lèvres. Sa gorge est prise dans un étau. Son regard glisse, s’écorche sur les lèvres du rouquin tandis qu’une larme coule sur sa joue. Elle tremble lorsque la chaleur de son pouce vient se mêler à l’humidité sur sa peau. Ne pleure pas. S’te plaît. J’aime pas ça... D’accord ? Tu ne pleu- Battement de cils. D’autres perles sont arrachées à ses prunelles, contre sa volonté. Parce qu’elle ne veut pas rendre Kéane plus mal qu’il ne semble déjà l’être. … Bouge pas.
Elle reste immobile tandis qu’il efface les marques de sa tristesse. Les yeux toujours accrochés à sa bouche, elle se concentre sur la sensation apaisante de la caresse du bout de ses doigts. Sa respiration ralentie pourtant son cœur ne cesse de cogner dans sa poitrine. Elle libère son souffle, doucement. Je préfère rester ici pour le moment. Je me sens un peu mieux et j’ai peur qu’en me levant, ça reprenne d’un coup, tu vois ? June relève la tête avec ses grands yeux humides alors que la pression autour de sa main augmente. Elle sent cette chaleur se diffuser dans tout son organisme, coulant à travers ses veines. Elle l’écoute avec attention, se pinçant les lèvres.
Il est si gentil. De vouloir la rassurer, comme ça. Alors que rien ne l’y oblige. C’est vrai, elle n’a jamais été très tendre avec lui, toujours à lui crier dessus à cause de ses plantes. Mais le jardin ne lui appartient pas et c’est même plaisant, que ses cultures soient utiles à quelqu’un d’autre qu’elle-même. Des futilités, au final.
J’crois même que c’est ton thé qui m’fait du bien. Ses sourcils se froncent. Tu veux qu’on vérifie si c’est du poison ? Si j’m’évanouis profite pas d’mon corps ; j’le saurais. Son visage s’illumine d’un sourire amusé. Même malade, il trouvait le moyen de lui remonter le moral. Kéane est un baume, un baume qu’il applique avec douceur sur son cœur ankylosé. Un être créatif, rayonnant et avec un humour piquant. Et arrogant. Elle le regarde porter la tasse à ses lèvres. Son cœur suspend ses battements dans sa cage thoracique. Elle hausse un sourcil pendant qu’il pince son nez. Puis ses lèvres se fendent ; pas un rictus de dégoût, plutôt de contentement. … Même pas mort.
Elle rit, elle rit sincèrement et ses deux petits morceaux d’ivoire s’illuminent sous la lumière de la ville. Elle glisse d’ailleurs sa langue dans l’espace entre ses dents. Elle plante son regard azuré dans le sien et le remercie, intérieurement. D’avoir été son premier cobaye. De ne pas l’avoir laissée se noyer dans son angoisse. Elle a envie de glisser sa main dans ses cheveux. Dans cette crinière flamboyante. Sanguine comme les capucines qui grimpent sur le mur de pierre. Comme les coquelicots qui fleurissent dans un coin, exposés plein Sud.
« - Je vais rester avec toi, si ça te dérange pas. On sait jamais, au cas où tu fasses un choc toxique à retardement… » Elle se traine à côté de lui, colle son dos contre le mur, brise l’étreinte de leurs mains liées. Ses doigts, libres, viennent chercher le contact froid des pavés. Repère immuable, minéral dans le tumulte des sentiments. De la tristesse à la joie, les montagnes russes. June est secouée, balancée, perturbée. Fatiguée par cette journée, les nerfs agacés par cette mésaventure. La tête contre les briques, elle fixe ce ciel que l’on perçoit comme une grande étendue sombre. Immense mer d’encre dont les étoiles se dérobent au regard à cause de la pollution lumineuse de la ville.
« Ma mère disait que les âmes perdues deviennent des étoiles filantes. Son regard ne quitte pas la voûte céleste ; elle semble absorbée par ses pensées, happées par les souvenirs dont elle cherche à retrouver la consonance exacte. Les âmes aimantes, celles qui veillent sur nous, seront étoiles aimantes et aimantées et elles formeront ainsi des constellations. Seules, elles brillent mais ensemble, elles rayonnent et dans les ténèbres, elles seront toujours là pour nous guider. » Sa voix, douce, s’est peu à peu muée en un murmure, mélodieux comme le roulis des vagues sur le sable.
Elle ferme l’écrin de ses paupières, assistant au film agréable de quelques réminiscences de bonheur. Un léger sourire, serein, ourle son visage. La pulsation dans mon crâne s’apaise et la douleur dans ses muscles se dissipent. Tout est moins intense, moins violent. Il n’y a que la chaleur qui se dégage du corps de Kéane, qui adoucie la morsure du froid sur ses épaules. Son odeur, musquée, à fois celle de la pluie et du feu, mêlées. Sa tête roule sur le mur et ses yeux, découverts, viennent capter le reflet du visage du rouquin. Et son sourire s’agrandit avant de se muer en bâillement qu’elle cache de sa main. Puis retirant une des fleurs parsemant sa tresse, elle la glisse derrière l’oreille percée du D. En signe de sa gratitude. Les mèches flamboyantes caressent le bout de ses doigts, y jouent, s’y enroule. June libère ses cheveux et se mord la lèvre inférieure tandis que le rouge empourpre déjà ses joues. Raclement de gorge, gêné. Elle reporte son attention sur les étoiles, se disant que le ciel était particulièrement beau ce soir.
Sujet: Re: Coquelicot et bombe à eau •• JUKEA Dim 7 Sep 2014 - 2:21
what a surprise
Je l’avais reconnu direct, Kéane. Un des rares types avec qui j’trainais quand j’étais pas avec ces deux connards de A. Kéké était dans ma classe, je squattais à côté d’lui, ou d’vant, ou derrière; peu importe - on était jamais bien loin l’un d’l’autre, à faire criser les profs. On s’marait bien avec Kéane, ouais, j’étais assez persuadé qu’il deviendrait vite un sacré bon pote. Moi, j’étais encore nouveau à Prismver. A peine un mois que j’étais là. Mais ça m’avait pas empêché d’aller à la fête, la veille. La « Jim’s Party » au complexe sportif. C’était un nom de merde, mais putain, Jim, qu’est-ce qu’il était bon.
J’avais pas passé la nuit seul nan, j’étais resté vachement tard avec Léocade et Stan, et puis je m’étais retrouvé seul. Scott Newton m’avait rejoins et... on s’était amusé tout les deux. Comme des grands garçons. Une sacré bonne nuit.
- Wooooow qui voila maaaan !
C’te gueule de roux, il passait pas inaperçu. J’le fixais en m’approchant, grand sourire aux lèvres, sans trop m’soucier de la personne avec qui il était assis. J’avais juste grillé qu’il était avec une fille, et de loin j’avais l’impression qu’ils se lançaient des petits regards, qu’ils avaient des attitudes toutes mignonnes. Bref, ça flirtait, et moi j’passais par là pour aller au Wonderland, fallait bien que j’emmerde mon roux préféré sur la route.
- T’étais dans un sacré état toi hier soir, coquin !
Ouais, j’étais mal placé pour parlé, j’étais high toute la soirée. Faut dire que j’en avais régalé plus d’un avec mes petites saveurs, et Kéane faisait parti de ceux à qui j’avais offert quelques doses. J’étais pas resté longtemps avec lui, mais on s’était croisé quelques fois, c’était cool.
- T’a une sale gueule mon gars haha., avais-je lâché en arrivant près de lui, donnant un petit coup de pied dans le sien, sourire attendri aux lèvres.
Et c’est qu’à ce moment là que j’ai levé les yeux sur la fille qui était là. Il m’avais fallu quelques secondes pour tilter. Reconnaître ses traits qui s’étaient affinés. Mais ouais, c’était elle, sans aucun doute possible. Son visage était plus adulte, ses cheveux plus longs, plus foncés, mais son regard était toujours le même. Et ses pupilles dans les miennes, j’avais l’impression d’me revoir à douze ans, face à elle, quand elle me souriait et que je l’embrassais.
Mais là, elle me souriait pas. Elle avait l’air aussi surprise que moi, et totalement troublée. Et moi j’étais là, comme un con, bouche ouverte, à pas savoir quoi dire. Je m’étais vraiment pas attendu à ce que ce soit elle, j’étais à des milliards de kilomètres d’y penser, je savais même pas qu’elle était là.
Moi aussi, j’étais troublé. J’avais débarqué comme un connard, insouciant, et là y’avait juste un gros silence bien awkward qui m’donnait l’vertige. Et des images, dans ma tête. La voiture avec cet enfoiré d’fils de pute de Bobby. On s’y disputait lui et moi, comme toujours, j’le provoquais, il menaçait de m’frapper, encore. Puis il avait amorcé un geste vers moi, et tourné l’volant comme un connard. On avait percuté la voiture d’en face, c’était violent.
Et lui et moi, on avait rien, ou presque. Et la conductrice en face était morte. La mère de June. Ma petite-amie de l’époque. La fille face à moi à ce moment la.
- ... Hey June...
il me semblais qu’c’était la première fois d’ma vie que j’me retrouvais sans voix face à quelqu’un d’autre que Bobby. J’crois qu’j’ai un peu paniqué. Parce-que j’étais sur le cul, parce-que j’p’ensais pas la revoir, surtout pas là, comme ça, n’importe comment. Et quand j’voulais m’amuser à charier Kéane devant la fille qu’il draguait, j’pensais pas à elle. J’aurai pensé à n’importe qui, mais pas elle.
- Je..., j’avais réussi à dériver mon regard sur Kéane, essayant de retrouver un semblant de contenance. J’allais voir Jim. ... On s’voit plus tard...
Deux pas, je m’éclipsais, sortais ma carte étudiant pour la passer devant le capteur pour pouvoir entrer dans l’bar.
- Un d’ces quatre’ aussi June... Si... si ça t’dis...
A ce moment, je me suis engouffré dans le bar sans leur accorder un mot ou un regard de plus, filant au plus vite trouver n’importe quelle compagnie. J’avais des remous dans l’bide d’avoir revu June, de l’appréhension, de la culpabilité d’avoir débarqué au milieu d’eux. J’étais vraiment à des kilomètres d’être timide normalement, mais là c’était juste trop chelou, le moment, la situation, eux...
Awkward. Pour le coup, moi qui était bon en impro, j’venais vraiment d’foirer mon coup. Et je m’en voulais. j’voulais pas que June me revoit comme ça, au hasard, et j’avais pas voulu casser l’ambiance avec Kéane. Pas si j’avais su qu’il était avec elle. J’voulais pas gâcher le moment de June. J’voulais plus rien gâcher dans sa vie. J’en avais déja fait assez.
- Heeey Jim, j’fais qu’passer en fait. T’a une sortie d’secours s’teuplai ? J’t’expliquerai plus tard, là j’vais rentrer.
*
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Coquelicot et bombe à eau •• JUKEA
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