- C’est très impoli de fausser la compagnie des autres, tu sais ?- Et c’est très pète-burnes de suivre quelqu’un qui en a marre de voir ta gueule., soupira Heath en s’arrêtant.
Il leva les yeux au ciel en glissant sa langue dans sa joue, comme il avait l’habitude de le faire à chaque contrariété. Autant dire que plus ça allait, plus ces instants étaient nombreux. Et quelque chose lui disait qu’il n’allait pas finir d’en entendre parler, de ce Oswald.
Tout l’animosité qu’il avait eu à son égard en début de rencontre était de retour. Si un moment, Gabriel lui avait paru sincère et presque convainquant, il ne ressentait de nouveau plus que du mépris pour sa personne, ainsi que pour ses intentions - quelles qu’elles soient.
- Je sais ce que tu m’as fait. Heath baissa les yeux sur le jeune A, haussant les sourcils de l’air le plus blasé qu’il soit. Il souhaitait par là lui faire comprendre qu’il n’était ni intimidé, ni amusé par ce retour à la charge. Mais plus encore, il avait dû décider très vite de sa conduite à adopter, et feignait désormais l’ignorance.
- De quoi tu parle encore ?, souffla t-il, fatigué.
- C’est assez malhonnête, mais qu’importe. Je ne suis pas ici pour les convenances. - Thanks Gooood.- Choisis bien tes ennemis.- Oh en général c’est plutôt eux qui me choisissent.Un rictus goguenard, une joute visuelle provocante destinée à lui montrer qu’en aucun cas il n’était impressionné. Le Violet avait beau être entreprenant, tenace et même menaçant, Heath ne voyait pas de réelle raison de le craindre. C’était probablement sous-estimer l’ennemi, il en avait conscience, pourtant il ne parvenait simplement pas à donner tout le crédit que Gabriel semblait réclamer. Probablement parce-que, en effet, RED était en position de force depuis le hall: Ruthel leur avait fait comprendre mlagré lui.
- Je vais te donner une dernière chance de disparaître pour toujours, RED et toi. C’est votre seule occasion de traiter avec moi. Gabriel n’eut pour réponse qu’un ricanement de défi.
- Je peux t’assurer que si tu te mets encore sur mon chemin, je te persécuterai jusqu’au dernier jour de ta misérable existence. Le Rouge haussa les sourcils, ses lèvres formant un O caricaturant une mise surprise, choquée - en vérité ce qui le surprenait le plus était la hargne dont faisait preuve le A, et la violence de ses menaces contrastant avec ses discours mielleux qu’il avait énoncé dans le bureau, à seulement quelques mètres de là.
Gabriel s’approcha un peu plus, et Heath accompagna le geste en reculant d’un pas. Non pas par peur, mais plutôt par malaise, mépris et dégoût. Il y avait d’abord la proximité avec un garçon, qui en dehors de Joach, le troublait grandement depuis son expérience avec Neil. Qui plus est un inconnu. Et, plus que tout, le fait que ce soit un A aussi exécrable que Gabriel. Un ennemi se permettant une telle proximité avait le don de faire crépiter ses nerfs.
Et il savait que perdre contrôle face à Gabriel Oswald serait une très, très mauvaise chose. Il l’imaginait assez venimeux et manipulateur d’esprit pour profiter de la moindre faiblesse. Quand à son statut de Président de RTP et lèche-bottes de l’administration, il lui donnait le rôle idéale de la victime frappée de violences. Heath, RED et la Vague devaient impérativement garder leur sang froid face à ce garçon. Et fort de cette qualité, Heath inspira, relevant le menton pour le toiser, calme, malgré ses provocations physiques. Gabriel fit un nouveau pas en avant, et lorsque le Renard voulu imposer de nouveau une distance, il sentit la dureté du mur contre ses omoplates.
- Et le plus drôle dans cette histoire, c’est que tu ne peux rien contre moi. Si tu me frappes, si tu attentes de quelconque manière à ma vie, j’anéantirai RED en quelques heures. Heath ne cessait de fixer ses pupilles, hors de question pour lui de baisser les yeux. Et à cela, il ne répondit rien, simplement parce-qu’il n’y avait rien à dire: ce n’était que dire à haute voix ce que lui-même pensait tout bas.
- Mais avouons-le, ce n’est pas très drôle, non. Je préfère détruire ta vie comme j’ai détruit en deux minutes celle d’Anarchy Scarlet.- C’est bien présomptueux. Allons, une dispute avec Nathan et tu crois avoir “détruit une vie” ?- Je comprendrai que tu ne me croies pas. Mais je t’en prie, demande à Anarchy. Intéresse-toi au sort de cette loque humaine de Leith Fleytcher.- Et ceux qui me connaissent te dirons que j'ai la force de me relever de n'importe quelle épreuve.Désormais libéré du confinement physique dans lequel Gabriel l’avait placé un peu plus tôt, il regardait désormais ailleurs, ayant bien vite retrouvé sa mine railleuse. Il avait l’intention de LMS Anarchy, s'assurer qu’elle allait bien. Il doutait très fortement que sa vie ait pu être anéantie par une simple dispute, même avec Nathan. Mais elle faisait désormais partie de la Vague Rouge, une alliée inespérée et engagée - il se devait de prendre soin d’elle. Plus que ça, Anarchy était une fille avec qui il avait toujours pensé pouvoir avoir des atomes crochus. RED était l’occasion de se lier à elle, et il comptait sur elle. Sur elle et sur son frère.
Quand à l’autre personne, son nom était sorti de son esprit aussi vite qu’il y était entré. Heath n’avait pas l’intention de se mêler de cette histoire qui ne le regardait en rien, ni d’aller de lui-même observer les dégâts que pouvait causer Gabriel. Paradoxalement, il se doutait qu’il pouvait être ravageur, mais dans le même temps, n’arrivait pas à se sentir réellement menacé.
- La fête est finie. C’est la fin de la récréation.- A la bonne heure !, répliqua Heath d’un vague geste de la main, pressé de se débarrasser du nuisible.
Mais ce dernier lui saisit la main pour y déposer un bref baiser.
Et ce fut probablement la chose la plus surprenante et déroutante qu’eut fait Gabriel en sa présence depuis le début du rendez-vous.
- À bientôt, très honorable gentleman.Abasourdi, le nouveau Bleu resta sur place, clignant des yeux dans le vide. Lèvres entrouvertes, il lui fallu quelques secondes pour que son cerveau ait la capacité de penser à autre chose que « WTF. »
Et puis, un violent frisson, et sa main vint « effacer » le geste sur le dos de sa jumelle. Parce-que, depuis Neil, aucun garçon n’avait déposé ses lèvres sur sa peau. Réminiscence. Les douloureuses images lui revinrent en mémoire, apportant avec elles le flot de sentiments liés à Neil: l’attachement, la déception, l’abandon, les doutes, les regrets. Le manque. Et cette nuit, qui avait profondément changé Heath, glissant en lui une faiblesse dont, visiblement, Gabriel Oswald se riait.
A des kilomètres de connaître l’impact qu’un geste si anodin venait de provoquer chez son nouvel Ennemi.
Passé mi-août, juste après le rendez-vous chez Ruthel avec Gabriel.