Still there for u ▬ PV

ft. heath

Merde. Elle aurait du s'y attendre. A force d'être absente, à force d'ignorer l'extérieur, on finit par être remarquée ; ils se rendent compte qu'il manque quelque chose. Elle pensait avoir plus de temps, plus de solitude avant de devoir affronter – de devoir justifier. Alors Anarchy, qu'est-ce que tu vas faire ? Tu vas lui avouer, que t'es terrorisée ? Tu vas lui dire que t'en es à un point où entendre une porte s'ouvrir te fait sauter au plafond ?

Non, bien sûr que non. Elle va vouloir feindre, faire semblant que c'est rien de grave. Elle va planquer son dos, ses yeux. Elle va mentir comme une arracheuse de dent, et quand il s'en rendra compte elle aura réussi à se reprendre, elle aura remonté la pente. Si seulement c'était aussi facile. Si seulement elle pouvait arrêter de trembler, de surveiller chacune des ouvertures. Personne va en sortir pour la bouffer, personne va briser les vitres dans l'unique but de lui dévorer les entrailles.

Merde Anarchy, t'es censée être la lionne, la bourrine qu'a peur de rien. La nana qui broierait les couilles d'une brute épaisse sans même baisser les yeux. Maintenant, c'est quoi ? Une loque, une putain d'loque. Elle est perdue, elle est foutrement seule et c'est uniquement sa faute. Parce qu'elle s'est éloignée, parce qu'elle voulait pas perdre la face. Grâce à ça, elle va devoir se battre contre sa honte, contre leur pitié et contre leur mépris. Jack-pot.

Elle se redresse, elle jette un regard à la fenêtre. Toujours verrouillée, rien à craindre. Jetant un paquet de chips vide sur le sol, elle se frotte les bras et rallume le chauffage, avant de reporter son attention vers l'ordinateur. Les volets sont fermés – on est jamais trop sûr – et la luminosité ambiante se résume à celle du pc sur son bureau. Comme ça, elle voit pas le bordel qu'est devenu sa chambre. Comme ça, elle voit pas les petits détails ; le vent qui soulève une feuille de papier et qui la fait sursauter, le chat qui gratte à la porte à côté. Elle peut même pas le toucher, elle peut même pas l'approcher. Alors elle laisse les autres s'en occuper, elle se contente de survivre toute seule. A coups d'chips, de chocolat et d'heures interminables d'animes.

Griffonnant une réponse à Heath, elle met un moment à comprendre qu'il va bientôt arriver, et que sa piaule est dans un sale état. Quelques secondes d'hésitation, durant lesquels elle pèse le pour et le contre – allumer la lumière, au risque de revoir les traces de ses propres griffures sur le sol, de ravoir la vision d'elle-même, lacérant sa propre chair et de Shane, qui la dirige ? Non. Hors de question. Elle sait qu'elle n'en est pas capable, après plusieurs semaines à éviter cet endroit, ce petit coin au bord de son propre lit.

Et elle en est tellement dégoûtée qu'elle a rassemblé la plupart de ses vêtements sales sur un périmètre d'une demi-douzaine de mètres – de son lit jusqu'à la porte de la salle de bain, en une véritable montagne de petites culottes, de t-shirts et de jeans déchirés. Elle s'est pas regardée dans la glace depuis un moment ; depuis que la réalité l'a rattrapée. Pourtant elle a essayé de lutter, elle a voulu faire comme si de rien n'était. Pendant un mois, à passer sa vie dehors, à ignorer les creux dans son dos quand elle se douchait. A éviter le sujet avec Chan, à sourire même lorsqu'elle avait envie de pleurer.

A présent, elle a même plus la force de pousser un seul gémissement. Elle frotte son vieux débardeur et jette un regard à son jogging gris. Ouais, ça suffira.
Quelqu'un frappe à la porte, lui arrachant un sursaut. Son rythme cardiaque part en vrille, même si elle sait qu'il s'agit d'Heath. Elle ne dit rien, elle attend qu'il confirme son identité et déverrouille la porte, se réfugiant la seconde suivante sous sa couette.

« Ana... ? J'suis là, t'es où... ?
- Sur le lit. »

C'est un murmure rauque qui remplace sa voix ordinairement claire, un chuchotement éraillé. Ca fait longtemps qu'elle a pas ouvert la bouche, pardonne-la. Elle laisse la partie supérieure de son corps ressortir, sans lui lancer un regard. Elle veut pas qu'il voit que ses yeux brillent, ou qu'il remarque les cercles violets qui les entourent. Elle est plus très belle Anarchy, maintenant qu'elle ressemble plus à un cadavre qu'autre chose. Elle serait peut-être pas capable de sourire, même en y mettant toute sa volonté. Même si elle en avait envie – ce qu'est pas le cas.

Elle se racle la gorge et se recroqueville un peu sur elle-même, repliant ses genoux contre sa poitrine.
« ..J't'avais prévenue, pour le bordel. Me regarde pas comme si j'étais qu'une merde, j'en ai pas vraiment besoin. »

Son agressivité, elle est pas partie. Sa paranoïa, elle, s'est accentuée. Alors Heath, qu'est-ce que tu penses de la bourrine ? Elle a fière allure, dans son costume de zombie, pas vrai ? Elle passe une main dans ses cheveux ébouriffés, juste pour s'occuper. Elle a peur qu'il la juge, elle a peur qu'il s'approche.
Parce qu'elle tremble, Anarchy.
L'animal blessé.