ft. nathan#
Une Jim's, c'est censé être pétillant.
C'est censé être joyeux.
C'est censé la rendre heureuse.
Pourtant, alors qu'elle s'observe dans la glace, qu'elle fixe ce reflet vide d'énergie, elle sent un frisson parcourir son échine, traversant sa colonne vertébrale avec la précision et la confiance d'un chirurgien. Elle a un mauvais pressentiment, Anarchy. Son instinct a allumé tous ses phares, et les pointe dans une seule direction : la sienne. Peut-être qu'elle ferait mieux de rester avec Chan, de se coucher tôt ou de passer la nuit à écumer le plus d'animes possibles.
Elle passe une main dans ses cheveux, réfléchissant intensément. Cette tenue est surréaliste, sur elle. La bourrine affublée d'une petite robe rose. Sa crédibilité en prend un gros coup, mais elle voulait être originale, pour une fois. Adieu le blanc, le noir, le rouge. Cette fois, elle a l'intention d'être remarquée, de se montrer en public pour la première fois depuis plusieurs semaines.
C'est la détermination qui brille dans son regard, alors qu'elle attache ses cheveux en un chignon vague le temps de faire quelque chose pour ce visage ravagé. Des émotions trop intenses qui ont marqué ses joues de deux traînées rougeâtres, un manque de sommeil plus qu'alarmant qui a strié ses yeux de cercles violets. Il faut qu'elle soit belle, il faut qu'elle soit à la hauteur de son cavalier. Nathan mérite mieux qu'un cadavre, pour Noël.
Prenant son courage – et un petit pot de fond de teint – à deux mains, elle s'attaque aux marques, aux cernes. Elle y met toute sa volonté, pour quelque chose d'aussi futile que du maquillage ; mais effacer tout ça relève plus du miracle. Alors quand elle achève l'affaire, quand elle repose les pinceaux et qu'elle observe le résultat, ses deux saphirs s'éclairent – une fierté sans borne lui fait bomber le torse. Elle a réussi, on ne voit plus rien.
Elle détache sa chevelure et s'occupe d'elle aussi, décidant après réflexion qu'elle la laisserait lâche, mais que chaque mèche serait à une place méthodique. Elle sait prendre soin de son apparence, Anarchy. Elle sait comment être belle, comment se métamorphoser. Elle le fait juste rarement, parce qu'elle préfère le naturel. C'est cliché, mais c'est comme ça. Une fois prête de la racine des cheveux jusqu'au menton, elle sort de la salle de bain et accueille la nouvelle arrivante avec un fin sourire, recouvert d'une touche de brillant.
« Salut Bébé. T'es prête ? J'te préviens aimablement, j'suis pas des plus douces. Mais essaye de pas bouger, et surtout fais tout c'que j'te dis. »La voix est toujours un peu rauque, rauque à cause des larmes, à cause des nuits passées à grogner, des nuits où elle n'a pas été humaine, même pour une seule seconde. Elle s'en souvient, maintenant. Chaque transformation reste imprimée dans sa mémoire, des mouvements de ses os à la plus discrète des odeurs sentie. Elle s'installe sur le lit à côté de Bérengère, et pose sur ses genoux son arsenal.
Et elle se met au travail, elle passe une bonne demi-heure à retracer ses traits, à affiner la courbe de ses cils, à faire rosir ses joues. Elle est concentrée, Anarchy. Les rires des deux blondes à côté ne l'atteignent pas. Fronçant légèrement les sourcils, elle sort sa pince à épiler et entreprend de retirer sèchement quelques poils – la cire n'enlève pas tout, malheureusement. Finalement elle recule, elle observe le résultat, satisfaite.
« Il nous reste un peu moins de trente minutes, on est dans les temps. Regard vers Sonera, l'air presque sévère.
Si tu ne lâches pas cette manette dans les secondes qui suivent, je te jure que je te tonds le crâne. »Elle est stressée, Anarchy. Ca fait longtemps qu'elle est pas vraiment sortie – encore moins pour rejoindre une fête. Se retenant difficilement de mordre l'intérieur de ses joues, elle s'étale un peu sur le matelas et pousse un soupir las. Revoir toutes ces personnes qu'elle a ignoré pendant plus d'un mois l'effraie un peu. Comment vont-ils réagir ? Elle n'en sait rien, et c'est le plus inquiétant. Regard vers l'horloge. Va falloir y aller.
Son masque patiente sur la table de chevet, aux côtés de sa pochette. Ses ongles sont parfaitement manucurés, son maquillage impeccable et ses pieds sont fermement glissés dans ses chaussures. Pourtant elle a l'impression d'oublier quelque chose, quelque chose de très important. En sortant, en enfilant le susdit masque, elle tremble presque. Peut-être est-ce le froid, peut-être pas.
Ses cheveux tombent en cascade bouclée dans son dos, et ses yeux brillent de malice – d'inquiétude, en partie. Anarchy avance, seule. Elle est en retard, elle sait qu'à ce rythme elle va manquer l'entrée de Jim. Mais comme ça, la foule sera partie, et elle pourra trouver Nathan. Et lorsqu'elle arrive au milieu de la plage, elle le voit plutôt facilement, ignorant les regards qui se posent sur elle ; elle marche vite, cherchant à se réfugier près de son frère.
« Nath' ! »Un œil appréciateur se pose sur le costume du rouquin, une main se tend dans l'intention de prendre la sienne. Mais elle se ravise, elle se contente de le regarder, des étoiles au fond des saphirs. Un petit sourire se dessine sur son visage, elle croise les bras en arquant discrètement un sourcil.
« Waouh. T'es encore plus beau que c'que j'imaginais. »Clin d'oeil imperceptible, et elle enchaîne presque aussitôt. Anarchy est là, repoussant tout son négativisme. Ce soir, c'est entre elle et Nathan, personne d'autre.
« Tu veux aller sur la glace ? » Elle le touche toujours pas. Elle attend. Tu sais Nathan, elle crève d'envie de sentir ta chaleur, cette chaleur si réconfortante, si rassurante. Mais elle dira rien.
Elle a honte, Nathan. Honte de s'être séparée de toi.
HRP •• tenue - masque. jtm