▬ Je crois que j’ai mes règles, intervint Sonera. ▬ Pourquoi, tu saignes du nez ? répondit Anarchy.
Et la p’tite Soni de se facepaumer doublement. C’était bien souvent comme ça entre les deux jeunes femmes. Jamais glamour, toujours dans l’humour (gras, sinon c’est pas drôle). Deux camionneuses à l’état pur. L’italienne fit un magnifique doigt d’honneur teinté d’un bleu écume des mers à son amie et claqua violemment la porte en sortant de la chambre. Pour revenir deux secondes après, faire un grand coucou et un grand sourire à Anarchy. Pour repartir ensuite de plus belle, pour de bon ce coup-ci. Elles n’avaient pas besoin de se parler pour se comprendre et c’est ce qui lui plaisait beaucoup dans cette relation avec la E sauvage. Elles se retrouveraient sur la CB plus tard ou dans la soirée pour une partie de Brawl.
Sur le trajet jusqu’à son bungalow, un lézard passa rapidement devant elle pour faire demi-tour, si bien que Sonera manqua de l’écraser. Il s’agissait de Poke, le messager d’Herbert et le message lui était destiné à elle. Son camarade de B lui demandait de le rejoindre en ville, sans préciser de raison. Le message se résumait simplement en quelques mots griffonnés rapidement. Et l’inquiétude de la blondinette monta en flèche. Est-ce que quelqu’un était en train de l’embêter ? Se moquer de lui ? Ou pire, le tabasser ? Même si Herbert était un grand dadet de deux mètres, il n’était pas violent, bien au contraire. Ils s’étaient fixés pour but de répandre joie et amour sur le monde ensemble et naïf comme il était, tout le monde se jouait de lui. Toujours, même ses amis. Oh Soni n’était pas toute blanche dans l’histoire mais elle ne se servait pas de lui. Du moins elle l’espérait…
Ce fut sur la grand place qu’elle trouva le seul arbre auquel elle osait se frotter. Les grandes gens la mettaient souvent mal à l’aise, même Skygge qui n’était pourtant pas méchant ou menaçant avec elle. Mais avec Herbert, c’était différent. Il était tellement adorable, ils faisaient du piggyback, se faisaient des câlins et des poutoux tellement souvent qu’elle en oubliait parfois qu’il était grand. Oui, Soni oubliait vite ce genre de détail… Imposant. Mais voilà, quand on faisait un mètre quarante-sept, on essayait de faire abstraction de la différence comme on pouvait.
Herbert papillonnait près des manèges, comme attiré par la lumière et la musique légère. Sonera le rejoignit donc en sautillant, rassurée que personne ne l’ennuie. C’était une bonne nouvelle. Mais que lui voulait-il au juste, avec son message trop laconique pour être normal ? Pour s’annoncer, elle tira un bout du pull du jeune homme et lui fit un petit signe de la main, accompagné d’un sourire.
▬ Bah alors, on joue les princes trop préoccupés pour écrire de longs LMS hein ? Ca va bien ?
Herbert faisait partie de ce genre d’individu ou l’on se demande continuellement s’il est plutôt intelligent ou complètement stupide. Dans son cas, Herbert n’était pas bête et avait de bons résultats scolaires, mais il était tellement à côté de la plaque que tout le monde le prenait pour un abrutit. Le fait qu’il ne s’en rendait pas toujours compte accentuait aussi ce côté de sa personne.
Et l’ironie faisait partie des choses qu’il ne parvenait tout simplement pas à comprendre. D’ailleurs, ce jour même, un garçon qu’il ne connaissait pas, environs du même âge que lui, lui avait balancé un « magnifique couleur de cheveux » sur un ton moqueur et agaçant. Evidemment, la glace à l’italienne fraise vanille qu’il avait sur la tête était une perche tendue à l’ennemi. Et évidemment, il avait répondu « merci » en souriant, parce qu’il était trop con pour comprendre.
Pourtant aujourd’hui, plus tard dans la journée, il avait eu comme un éclair de génie et avait cette fâcheuse impression que tout le monde se moquait de lui. Cette sensation l’énerva. Et pire sensation encore, il avait l’impression que Sonera, ou Soni, se moquait un peu de lui aussi. Parce Soni, il l’aime. Soni, il en est amoureux, mais il est trop bête pour le dire. Et surtout Soni a plein de mec qui lui tourne autour et semble amoureuse d’un autre. Mais il voulait au moins qu’elle sache ce qu’il pouvait bien ressentir pour elle, ou du moins qu’elle comprenne parce qu’il n’avait pas l’intention de le dire explicitement.
Il trouva Poke, son petit lézard, et le chargea d’envoyer un message à la demoiselle pour lui. Un LMS court, lui demandant simplement de le rejoindre le plus vite possible sur la grande place, non loin des attractions. Le jeune homme pris ses affaires, se recoiffa un peu, et s’en alla en direction de la ville.
Arrivée sur la place, sa mauvaise humeur fut comme dissipée à la vue de la foule, des couleurs, et de la bonne humeur. Près des manèges, il regardait tout autour de lui. Herbert avait toujours aimé ce genre d’endroit. Parce qu’il s’y sentait bien, et que la foule lui faisait oublier les moments où il était seul. Le jeune homme espérait quand même que Soni aurait bien vite son message, et qu’elle arriverait vite. Lorsqu’il sentit quelqu’un tirailler légèrement son pull, il comprit qu’elle était là. Elle avait dû le repéré au loin, parce que ça n’aurait pas pu être l’inverse. Il la gratifia d’un sourire, elle aussi, et leur discussion pu commencer.
-Oui, ça va bien et toi ? Ah euh… Désolé, j’ai été un peu pressé, c’est tout, haha.
Il n’y avait personne qui semblait s’intéresser à Herbert autour, sauf les gens étonnés par sa couleur de cheveux, personne pour l’ennuyer et il avait le sourire aux lèvres, alors pourquoi ces mots jetés si vite sur un bout de papier ? Sonera n’avait jamais vu le jeune homme énervé ou en colère donc elle avait rapidement écarté cette théorie et elle fut vite corroborée. Il n’avait pas l’air différent de d’habitude. Peut-être un visage encore plus rêveur mais est-ce que c’était réellement possible avec lui ? La jeune fille en doutait beaucoup.
▬ Oui, ça va bien et toi ? Ah euh… Désolé, j’ai été un peu pressé, c’est tout, haha.
Soni haussa un sourcil quand le jeune homme finit sa phrase. C’était quoi ce petit rire nerveux ? Elle effaça toute trace de suspicion de son visage et décida de laisser faire le temps. Peut-être qu’Herbert finirait par dire ce qui le tracassait. Ou alors l’italienne se faisait encore du souci pour rien à propos de lui et il n’avait rien de spécial, qu’il avait vraiment été pressé et ça s’arrêtait là.
La musique du manège à côté d’eux s’était arrêtée pour un moment et Sonera tourna la tête dans sa direction. Les enfants descendaient tous et d’autres prenaient leur place pour un nouveau tour. Elle tira Herbert par la manche vers la petite cabane du vieux monsieur qui s’occupait du carrousel, paya deux places et l’emmena de la même façon vers la plateforme qui lui arrivait au niveau du menton.
▬ Allez, on va faire les gamins ! Tu prends quel truc ? En fait je sais même pas comment ça s’appelle… Bref ! Un cheval ou un machin à deux ?
Voyant l’air hésitant de son ami, Sonera le mena vers une sorte de carrosse sans roue et s’y engouffra en priant pour qu’Herbert ne se tapât pas la tête contre les parois. Après tout, tous les gosses ne faisaient pas deux mètres. Ils étaient plus de la taille de Soni… Puis le manège partit dans un vomi de musique mièvre et de lumières, faisant battre des mains Baby Soni.
▬ Alors, tu m’as fait venir pour un truc spécial ou juste parce que je te manquais trop ?
De la modestie, par Sonera Di Gregorio. Volume 1.
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Sujet: Re: Hush, hush, hug. Dim 25 Jan 2015 - 21:54
Hush, hush, hug
Faire les gamins ? C’était inutile de demander cela à Herbert. Lui se comporte comme un gosse de sept ans tous le temps, et ce fut avec plaisir qu’il se fit entraîner par Sonera dans un manège, grimpant avec elle dans un carrosse pour deux. Il fit même attention à se baisser pour éviter de se cogner. Il aurait tellement aimé faire dix centimètres de moins…. Ou même vingt.
Herbert en aurait presque oublié la raison de sa venue ici. Ou du moins, il n’avait absolument pas envie de continuer ce qu’il avait tenté d’entreprendre. Mais Sonera le ramena sur terre. Pendant un instant, il voulut répondre par un simple : je voulais te voir. C’aurait été plus simple. Mais Herbert est un très mauvais menteur, et il tenta de balbutier bêtement une raison idiote, en s’emmêlant les pinceaux par la même occasion.
-Ben je voulais juste te dire… enfin non… Enfin bref c’était pas très important…
Si, ça l’était.
-Tu vois, toi et moi… enfin pour ma part je t’aime vraiment beaucoup et…
Il avait beau ne pas être très malin, il savait qu’il était trop tard. Il était grillé. Il bégayait bêtement, jouait avec ses doigts pour tenter de se calmer, mais surtout, sa peau extrêmement blanche avait prit une teinte pivoine. Herbert rougissait facilement, et il n’était jamais parvenu à contrôler ça. Il aurait voulu fuir. Remonter le temps. Il ne se sentait pas bien. Respire. De toute façon, il était trop tard, Sonera devait avoir compris ce qu’il tentait désespérément de lui faire comprendre. Mais Herbert espérait quand même s’en sortir.
-Je… non rien.
Parce qu’il croyait que clore une conversation ainsi allait fonctionner.
Soni rigola comme une gamine quand Herbert se plia presque littéralement en deux pour rentrer dans le carrosse clinquant et quand le manège partit à un rythme doux. Ils étaient un peu à l’étroit dans ce petit espace, surtout le jeune homme avec ses grandes pattes, mais retomber en enfance de cette manière, ça ne faisait pas de mal de temps en temps. Elle lui demanda s’il y avait une raison particulière à sa demande d’un air inquisiteur mais doux, affirmant presque d’elle-même qu’elle lui manquait beaucoup trop pour qu’il puisse vivre.
▬ Ben je voulais juste te dire… enfin non… Enfin bref c’était pas très important…
Les sourcils de la jeune blonde se froncèrent de frustration. Comme il était là, Herbert avec bien quelque chose à lui dire seulement il était trop timide ou trop gêné pour le faire. Il avait une petite amie mais n’osait pas l’avouer ? En même temps, Sonera le comprenait un peu parce qu’elle se connaissait, avec ses réactions toujours un peu démesurée et typiquement italienne. Alors elle attendit, ses petites mains posées sur ses genoux, encourageant son ami du regard pour qu’il continue et crache le morceau.
▬ Tu vois, toi et moi… enfin pour ma part je t’aime vraiment beaucoup et… ▬ Et… ?
Certes, elle n’aidait pas du tout avec ce petit “et” insistant. Rien qu’un petit mot et il pourrait se carapater dans sa coquille. Soni n’était pas sûre de comprendre la façon dont il l’aimait “vraiment beaucoup”, ou peut-être ne voulait-elle pas comprendre. Les signes de nervosités d’Herbert ne tromperaient pas même le plus candide des enfants - autant dire lui, dans une certaine mesure. Elle fit mine de tendre la main vers lui pour le rassurer et l’encourager mais au dernier moment se ravisa. Ce ne serait pas l’aider que ces gestes tendres, non ?
▬ Je… non rien.
Un lourd silence s’installa entre les deux élèves, tout relatif puisqu’il était sans cesse brisé par les cris et les rires des enfants autour d’eux et par la musique qui sonnait trop grinçante aux oreilles de la blondinette. Elle ignorait comment répondre à son ami et ce qu’il voulait vraiment dire, même si elle s’en doutait beaucoup. Elle avait beau avoir la mauvaise couleur de cheveux pour l’intelligence, selon le stéréotype, elle n’en restait pas moins une personne avec des sentiments et qui comprenait rapidement ceux des autres.
Le tour de manège se finit rapidement et ils descendirent toujours en silence, comme s’ils suivaient un corbillard. Soni ne savait toujours pas comment se comporter alors elle opta pour la solution la plus simple : rester elle-même. Elle prit une grande inspiration et parla enfin.
▬ Viens, on va manger une crêpe !
Oui oui, une crêpe. Parce que la nourriture remettait toujours tout à zéro, dans sa petite tête. Elle l’emmena par la main près d’un stand, commanda deux crêpes, l’une à la pâte à tartiner et l’autre au parfum que désirait Herbert et une fois les assiettes en carton en main, elle l’emmena s’asseoir sans un mot vers un petit muret. Elle s’assit tout près de lui et lui caressa doucement la joue de son index, une petite moue indescriptible sur le visage, mélange de tristesse, de bonheur et d’amertume. S’il y avait une chose qu’elle craignait presque autant que l’eau, c’était briser le coeur de quelqu’un. Soni était fondamentalement gentille, même si un peu peste sur les bords avec ceux qui le méritaient et réduire les espoirs d’Herbert à néant… Rien que cette idée lui serrait son petit coeur tout mou.
▬ Je… Hem… Je sais pas quoi dire. Je sais même pas si j’ai bien compris ce que tu voulais me dire, et si c’est le cas… Elle joua avec un morceau de la crêpe qui avait un peu grillé au bout, le regard consciencieusement tourné vers le sol. Je veux dire que… Je sais pas ce que je veux dire pfff.
Soni mordit presque rageusement dans sa crêpe pour refouler tout ce qui lui broyait le ventre et la gorge, et renvoyer loin ces larmes qui menaçaient de percer sous ses paupières. Elle était extrêmement gênée et elle avait peur. Peur de blesser Herbert et de le perdre. Parce qu’elle était égoïste, dans le fond.
Il regrettait amèrement. Pourquoi avait-il parlé ? Sans s’en rendre compte au premier abord, il venait de mettre l’une de ses plus belles amitiés en péril. Au fond, Herbert aurait espéré qu’elle ne comprenne pas, que Soni n’ai pas écouté d’une oreille attentive, que tout soit oublié, que tout passe à la trappe. Mais il était trop tard, et le jeune homme devait faire face à sa franchise et ses sentiments dont il avait l’habitude de taire au fond de lui-même.
Les deux descendirent des manèges, en silence. L’atmosphère tendue qui régnait ne manqua pas de mettre mal à l’aise Herbert, qui ne prononça plus un mot, refusant de s’enfoncer encore plus qu’il ne l’était. Finalement, ce fut Soni qui osa briser ce moment.
Sans dire un mot, Herbert la suivi juste derrière puisqu’elle semblait bel et bien décidée à aller mange une crêpe. Il n’avait pas tellement faim, mais le jeune homme refusait de dire quoique ce soit pour le moment.
Arrivés devant le stand de crêpe, Soni en choisi une à a pâte à tartiner, et Herbert en pris une au sucre, tout simplement. Il se fit ensuite traîner près d’un muret ou ils purent s’assoir côte à côte. Le silence commençait à reprendre sa place, mais finalement Soni s’approcha près d’Herbert et lui caressa doucement la joue. Elle semblait triste. Lui aussi d’ailleurs, aussi étrange que cela puisse paraître. C’était quand, au juste, la dernière fois que son sourire avait disparu de son visage ? Il y a très longtemps certainement. Parce qu’il n’était pas du genre à pleurer pour un rien. Mais il avait ses limites, et questions sentiments amoureux, il se laissait facilement abattre.
Elle parla, finalement. Mais pour Herbert, cela ne changea rien. Il avait beau être naïf, il avait vite compris que ses sentiments n’étaient pas partagés. Il savait bien tout cela. Alors lorsque Soni s’arrêta presque brusquement de parler, il eut une de ces réactions impulsives, celle incompréhensible qu’il avait lorsque la situation était trop tendue pour lui. Herbert attrapa Soni et l’étreignit comme pour la retenir.
-Tu sais quoi ? Laisse tomber. Oublie tout. Fait comme si rien n’était. Ce sera plus simple pour moi et pour toi. J’ai été con, très con. Désolé, c’est de ma faute.
Elle ne voulait qu’une chose : le garder près d’elle, même si tous les deux devaient en pâtir. Surtout Herbert. Elle voulait qu’ils soient amis pour toujours, mais arriveraient-ils vraiment à agir comme avant ? Quand ils se prenaient dans les bruns l’un de l’autre, qu’ils se couvaient de bisous et qu’elle montait sur ses épaules pour voir le monde d’un autre point de vue, est-ce qu’ils pourraient le refaire sans penser à tout ça ? Soni ignorait comment le jeune homme en était venu à l’aimer, alors qu’elle n’avait jamais rien fait de plus qu’être elle-même… Et à ce moment-là, elle aurait souhaité pouvoir faire comme Narcisse : modifier les liens.
Narcisse… Herbert devait penser la même chose qu’elle à ce propos. S’il n’était pas là, ce S trop arrogant pour tous ceux qui ne le connaissaient pas, peut-être qu’à cet instant, les deux B seraient en train de se bécoter tels deux inséparables fous d’amour. Elle se retint à grand peine de soupirer pour ne pas enfoncer encore plus la situation mais Sonera se disait qu’avec des si et des peut-être, le monde serait sûrement plus beau.
Puis soudain, une vague de chaleur l’entoura. Douce, parfumée, rassurante. Les bras d’Herbert entouraient son petit corps et sous le choc, Soni manqua de lâcher sa crêpe, qu’elle se hâta de poser à côté. Avec un pauvre petit sourire, elle se tortilla pour s’asseoir sur ses genoux en espérant ne pas être trop cruelle avec lui et le serra à son tour contre elle, aussi fort qu’elle le pouvait. C’était son ami, elle ne voulait pas le perdre.
▬ Tu sais quoi ? Laisse tomber. Oublie tout. Fait comme si rien n’était. Ce sera plus simple pour moi et pour toi. J’ai été con, très con. Désolé, c’est de ma faute.
Sonera déglutit un instant, se sentant un peu coupable sans même avoir clairement rejeté Herbert mais elle lui toqua la tête de son poing fermé en lui faisant les gros yeux, pour finalement reposer sa tête contre son épaule, au creux de son cou.
▬ T’es pas con, ok ? Et j’suis désolée de… Enfin non, on a dit qu’on oubliait. J’veux pas que t’aies mal mais j’suis égoïste, je veux qu’on reste comme on était avant. Si un jour c’est trop dur pour toi, on arrêtera tout parce que… J’ai pas envie que tu sois encore plus triste que tu l’es maintenant.
Il pourrait nier autant qu’il le voulait, Soni le voyait bien. Herbert avait perdu son sourire doux et innocent que certains qualifieraient aussi de “benêt”, il avait les yeux éteints et les épaules affaissées sur elle. Alors elle le serra à nouveau dans ses bras en déposant un énorme baiser claquant sur sa joue, avec un sourire à la fois gêné et encourageant. Remets-toi vite, repartons répandre amour et joie sur les autres même si ça les emmerde. Une question lui vint soudain à l’esprit et sans réfléchir, elle la posa.
▬ Tu pourrais utiliser ton don sur moi non ? Tu le ferais pour ne plus souffrir ?
L’imbécilité des blondes n’était plus à prouver quand la petite demoiselle posait de telles questions et elle s’en rendit compte juste après avoir demandé ça, rigolant nerveusement.
▬ Question conne et malvenue, excuse-moi.
Tu devrais vivre et aller de l'avant le plus vite possible, Herbert. Oublier avant de trop souffrir ou profiter de la situation. Mais profite surtout de la vie, profite sans rien regretter.
L’atmosphère s’apaisa lentement, et Herbert aurait même souhaité arrêter le temps quelques instants. Mais un petit coup sur sa tête le sortit de ses émotions. Sonera le regarda avec des gros yeux, puis reposa sa tête contre l’épaule du jeune homme. Cependant, il ressentait tout de même cette envie de pleurer, comme pour évacuer tout ce qu’il avait accumulé, pour essayer de se vider de ses émotions. Mais il se le refusait. « Pas maintenant ! Non. Pas maintenant. » Se répétait-il mentalement.
Sonera faisait de son mieux pour ne pas le blesser. Mais inconsciemment, cela faisait souffrir le jeune homme plus que jamais. Elle était si gentille. Et même dans de tel moment, elle refusait de lui faire du mal. Savoir qu’elle agissait comme ça renforçait l’idée d’Herbert. Sonera était si adorable.
Le silence recommença à s’installer, et Herbert le brisa pour éviter un nouveau moment glaciale et gênant.
-T’inquiète pas. Ça va aller.
Le ton ne sa voix n’était plus enjoué comme à son habitude, mais étonnement calme et serein, presque rassurant. Il ne savait pas comment se sentir. Evidemment qu’il était triste. Mais ce sentiment était mélangé à une certaine ataraxie, une certaine plénitude. Une nouvelle étreinte. Puis un baiser sur sa joue. Herbert était définitivement amoureux, et quand bien même il avait compris qu’elle n’éprouvait rien pour lui, il ne pouvait contrôler ses sentiments, et ceux-ci étaient bel et bien ancrés dans son être.
Cependant Sonera posa une question qui ne manqua pas de rendre confus le jeune homme. Sonera s’excusa de suite de l’avoir poser, excuse accompagné d’un petit rire nerveux. Mais revenons-en au fait. Utiliser son don ? Et pour faire quoi, au juste. Herbert ne pouvait pas démonter les liens amoureux existant déjà. De plus, son pouvoir fonctionnait sur tout le monde, sauf sur lui. C’aurait été bien trop simple.
-Tu sais, même en l’utilisant, je pourrais pas faire grand-chose. Mon don ne marche qu’avec les autres et leurs sentiments, pas avec moi. Je suis juste un entremetteur hors de la partie. Et quand bien même je pourrais m’en servir dans mon intérêt je ne le ferais pas.
Il marqua une petite pose.
-Parce que c’est une question… d’éthique. Avoir un don, ça oblige bien quelques responsabilités. Je ne pourrais et ne peux pas me servir de mon don sans me soucier des autres. Parce que ma conscience me l’en empêche.
Sa vision des choses, aussi niaise et puérile qu’elle soit, prouvait bien que la méchanceté et même l’égoïsme n’avait pas de place dans le caractère d’Herbert. Il refusait de faire du mal aux autres, c’était tout. Même si cela pouvait le faire souffrir lui. Il posa sa tête contre celle de Soni et regarda l’horizon au loin, tandis que la mélancolie s’emparait de lui. Il savait que rien ne serait plus comme avant. Rien ne serait plus aussi naturel. Et ça le rendait triste.
C’était douloureux finalement, de “mettre un rateau”, selon l’expression populaire. Sonera s’en rendait de plus en plus compte, parce que rien ne serait comme avant avec Herbert. Adieu embrassades et câlins, rires et confidences. Ou plutôt, adieu naturel dans tout ça. S’ils devaient en rester au statu quo, ils seraient sans cesse gênés par ces pensées mais elle ne pouvait pas lui demander d’oublier et lui ne pourrait sûrement pas le faire avant longtemps. Le temps pansait beaucoup de blessures de coeur, c’était un fait, mais et lui alors ?
Altruiste et égoïste à la fois, le paradoxe dans un concentré de femme. Qu’est-ce qui l’en empêchait vraiment, de sortir avec Herbert ? Narcisse ne faisait que jouer avec elle après tout, non ? Cette situation amoureuse était tout bonnement digne d'un drama japonais... Elle avait presque envie de s’arracher les cheveux ou bien de s’enterrer vivante et ressortir dans quelques temps après mûre réflexion, à défaut de pouvoir entrer dans un temple bouddhiste.
▬ Tu sais, même en l’utilisant, je pourrais pas faire grand-chose. Mon don ne marche qu’avec les autres et leurs sentiments, pas avec moi. Je suis juste un entremetteur hors de la partie. Et quand bien même je pourrais m’en servir dans mon intérêt je ne le ferais pas.
La blonde venait de se rendre compte un peu plus de l’horreur de sa question. C’était tout bonnement puéril de demander ça à Herbert, qui avait déjà sûrement du faire face à ce genre de questionnement. “Et si… ? Pourquoi pas ?”
▬ Parce que c’est une question… d’éthique. Avoir un don, ça oblige bien quelques responsabilités. Je ne pourrais et ne peux pas me servir de mon don sans me soucier des autres. Parce que ma conscience me l’en empêche.
Et toi, tu ne penses pas aux conséquences de ces dons, Soni.
C’était ainsi qu’elle l’avait interprété, même si le B ne le pensait sûrement pas comme ça. Mais cette phrase sonnait presque comme une prophétie, sauf que Sonera ne le savait pas encore. Elle soupira discrètement et ferma les yeux quand Herbert posa sa tête contre la sienne. Une fois de plus, le peu de force mentale de la jeune fille lui faisait défaut et elle eut envie de pleurer. La culpabilité lui bouffait déjà la gorge et lui remontait dans le canal lacrymal, alors qu’elle avait juste répondu par la négative.
La culpabilité et la peur.
Peur de perdre un excellent ami, que la distance se creuse un peu plus entre eux, bien qu’ils fussent encore proches à cet instant. Alors avant qu’elle ne craquât totalement, Sonera sera peut-être pour la dernière fois le jeune homme dans ses petits bras, aussi fort qu’elle put et déposa un léger baiser sur son front, dans un sourire crispé. Sa lèvre inférieure commençait déjà à trembler plus que de raison.
▬ Pardonne-moi d’être aussi égoïste et de te faire souffrir, mais ça devient une habitude chez moi… Je serais toujours là pour toi si t’as besoin, Herbert, même s’il y aura une gêne entre nous. Il y en aura forcément une, on va pas se leurrer, mais voilà. Je suis toujours ton amie, déclaration ou non, je tenais à te le dire.
Petite pause pour refouler un peu plus ce qu’elle avait sur le coeur, pour reprendre rapidement, dans une même respiration.
▬ Maintenant je vais te laisser et m’éloigner rapidement avant de me mettre à chialer comme une madeleine. À plus tard…
Il allait penser qu’elle fuyait parce qu’elle avait peur de lui désormais, alors que ce n’était pas ça. Elle avait juste peur de ce qui se passerait après, venant de sa part à elle surtout. Alors Sonera s’en alla sans se retourner, en esquissant simplement un geste vers son oeil droit. Ce soir-là, les draps de la blonde seraient humides, alors qu’elle se réfugierait dans les bras de son Kurogane en peluche.
Hrp : C'est fini pour moi ! *hug Lisounette et pleure*
« Je suis toujours ton amie ». Cette phrase résonnait dans l’esprit du jeune homme. Et cette phrase, elle le faisait souffrir aussi bien qu’elle le réconfortait. De savoir qu’il pourrait tout de même compter sur Sonera, quoi qu’il arrive, même après une telle épreuve. Mais savoir que d’avoir surmonté sa foutue peur n’avait servie à rien, qu’ils en resteraient là, ne pouvait que le torturer plus qu’il ne l’était déjà.
Il la regarda s’en aller, après ce moment si douloureux qui venait de s’achever. Mon dieu, ne cessait-il de se répéter dans son petit cerveau. Il lui envoya un dernier sourire forcé, comme pour masquer sa tristesse.
-A plus tard.
Murmure du bout des lèvres. Les larmes commençaient à lui monter aux yeux, et juste après que Sonera se soit retourné, la première glissa le long de sa joue. Herbert l’essuya d’un bref revers de sa manche, et se retint de ne pas pleurer. Du moins, pas ici. Car il savait très bien qu’il ne pourrait pas se retenir très longtemps. Il était trop sensible, sentimental et expansif pour ça.
Il rentra à l’académie. Sur le chemin, il croisa quelques amis à qui il aurait habituellement tenu la jambe pour discuter avec pendant plus d’une heure. Certains lui demandèrent ce qu’il avait. Il répondit brièvement rien, qu’il était pressé, et repartit aussi vite qu’il était apparu. Ses pieds le faisaient souffrir, le jeune homme souhaitait juste être déjà rentré chez lui, dans sa chambre, au chaud.
Il arriva dans sa chambre. Personne. Heureusement, il aurait honte d’être vu dans cet état. Apercevant son reflet dans le miroir, il comprit qu’il avait déjà un peu pleuré sans s’en rendre compte. Merde, pensa-t-il. Il ôta ses chaussures, posa ses lunettes sur sa table de chevet avant de s’allonger dans son lit sur le côté, juste pour essayer de se calmer. De réfléchir à la situation.
Certes, le problème était passé, mais venait alors l’après coup.
Tous deux en B, ils se croiseraient forcément dans les couloirs. Comment réagir ? Que faire ? Lui qui était d’habitude si doué pour les liens entre lui et ses amis se retrouvaient désormais perdu et désemparé. Il ne pouvait pas l’ignorer. Pas elle.