just burn like fire •• lukas

Tu avais senti le danger. Tes instincts de renarde avaient pressenti ce qui allait se passer. Et avant même que tu puisses dire ou faire quoi que ce soit, un hurlement avait retenti. Puis les flammes avaient jailli. Lukas était là, complètement affolé. Le feu provenait de lui, comme de longues langues de feu qui, bientôt, trouvèrent où s'échouer. L'incendie ne tarda pas à se déclarer. La priorité était de faire sortir tout le monde. Tant pis pour les affaires et qu'importe la valeur qu'elles ont. Ce ne sont que des biens matériels après tout. Tu te souviens avoir poussé les autres dehors tandis qu'Hamish s'emparait de l'extincteur pour tenter d'arrêter le feu grignotant la cabane.

Tu ne te souviens plus très bien comment se sont déroulées les choses après ça. Tu as juste le souvenir d'avoir empêché les autres de retourner à l'intérieur, usant de tes neuf queues pour faire une barrière entre le feu et eux. Tu te rappelles aussi avoir vu O'Connor arriver avec d'autres adultes. Puis plus rien. C'était la panique et le chaos complet pour toi. Chacun d'entre vous avait été soigneusement examiné. Mais seul Lukas restait à l'infirmerie. On parlait d'une blessure grave, mais tu ne l'avais pas vu.

En retournant sur les lieux de l'incendie, et ce malgré les bandeaux d'interdiction, tu avais récupéré quelques unes de tes affaires. Une bonne partie de tes livres avaient volé en fumée. Personne n'est mort et c'est une bonne chose, mais réaliser tout ce qu'on a perdu, du point de vue matériel, ça fait un choc. La colère s'empare de toi. Et c'est d'un pas vif que tu prends le chemin de l'infirmerie.

Lukas c'est un B, qui était chez ces inutiles S. En gros, c'est quelqu'un qui maîtrise bien son don. Alors comment cet accident a-t-il eu lieu ? De base, il avait la transformation démoniaque en pouvoir. Il peut aussi faire jaillir du feu maintenant ? Tu ne comprends strictement rien.

En arrivant à l'infirmerie, on te demande de faire doucement, de respecter les malades et autres conneries du genre. Tu hoches la tête pour la forme, mais t'es clairement remontée. On te conduit jusqu'à Lukas, qui est allongé derrière des rideaux tirés.

« J'peux savoir ce qui... »

Et là tu la vois. La blessure. Énorme, monstrueuse. La bouche entrouverte, toute ta colère s'évapore, laissant place à une étrange angoisse, à un malaise dans le creux de ton estomac. Tu finis par t'asseoir sur la chaise à côté du lit, posant ta main sur l'épaule de ton colocataire pour attirer son attention.

« La vache... tu t'es pas loupé... »

Tu te rends compte que c'est pas la chose la plus intelligente à dire et tu te masses la nuque. On sait que pour communiquer t'es pas la première non plus. D'habitude, tu frappes pour t'exprimer. Mais t'allais quand même pas lui coller une beigne vu son état. Tu te mords la lèvre, hésitante.

« Ça va aller... ? » Pause. « Question con, désolée. »

Tu fixes sa blessure, comme si elle allait disparaître d'un moment à l'autre. Mais rien. Nouveau regard désolé pour ton camarade.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé Lukas ? »

Lukas tente de s'expliquer. Il semble tellement perdu, tellement désolé. Tu te mords discrètement la lèvre. Dire que t'étais venue passer tes nerfs sur lui. Alors que c'est pas sa faute. Tout le monde peut faire des cauchemars. Tu t'es déjà réveillée dans un bois un matin alors que tu t'étais bien endormie dans ton lit. Y a des choses qu'on peut pas contrôler, surtout quand on les comprend pas. Et c'est là que l'infirmière débarque avec sa blouse et son air de constipée.

« Monsieur Peters n’a pas pu contrôler son don. »
« Waw. Hello Captain Obvious. »
« L’élève mystère n’a aucune conscience de la dangerosité de ses actes... »

Sans blague. Et il lui a fallu un doctorat pour comprendre ça ? Tu lèves les yeux au ciel. T'es pas du genre insolente ou irrespectueuse avec les adultes, mais t'as horreur qu'ils disent des trucs aussi évidents à voix haute. Comme si vous étiez trop cons pour comprendre à cause de votre âge. Tu soupires, croisant les bras sous ta poitrine en t'enfonçant dans ta chaise, attendant qu'elle se tire.

S'en suit alors une conversation entre l'infirmière et Lukas. Le forcer à dormir, hein ? Tu t'apprêtes à expliquer que, toute façon, son corps pourra effectivement pas supporter une ou deux nuits blanches de plus et qu'il finira par tomber de sommeil comme une bûche. Mais, alors que Lukas hausse le ton, une flammèche sort de sa bouche, disparaissant aussi vite qu'elle était apparue. Ce qui semble suffire à l'infirmière pour reculer.

« Wow. T'es devenu un Salamèche ? »
« ... Je vais vous redonner un cookie annulateur... Et vous prendrez ces somnifères, même si je dois vous assommer pour vous les faire avaler. »

Tu fronces les sourcils, émettant un grognement animal. Tes prunelles s'étaient muées en celles du Kitsune avant de redevenir normaux quand l'infirmière s'en va. Tu soupires à nouveau, venant t'asseoir au bord du lit de Lukas. Oui, t'en qu'à faire, tu prends tes aises. Vous êtes colocs après tout, vous êtes potes. Enfin, ça c'est ta vision des choses. En fait, tu le connais pas plus que ça non plus, Lukas. Tu sais que c'était un S qui est redevenu un B parce que les méthodes des S lui déplaisaient. Et qu'il est devenu leur bouc émissaire. Forcément que tu l'apprécies le petit. Petit qui n'a qu'un an de moins que toi, mais passons.

« J’veux pas dormir... Si jamais ça recommence... »
« Ça recommencera pas. Et y penser ne fera qu'aggraver les choses. »

Comment tu peux en être aussi sûre, Syd ?

« ... Désolé pour vos affaires... J’voulais pas... »
« Eh. » Pichenette sur le front. Et qu'il s'estime heureux de pas avoir un coup de poing dans l'épaule. « Te prends pas la tête pour ça. C'est du matériel, ça se remplace. »

Et c'est toi qui dit ça alors que tu venais justement pour l'engueuler à cause de ça. Bravo, on grandit Syd. La prochaine étape c'est quoi ? Te sociabiliser sans utiliser la violence comme moyen de communication ? Ouais bon, faut pas trop t'en demander non plus. Tant pis pour tes bouquins, t'en trouveras d'autres. Les photos, t'en refera d'autres. Les fringues, t'en achètera d'autres. T'aurais pas pu payer pour ramener une vie.

« ...Y’a un miroir dans le couloir... Tu voudrais bien me l’amener avant qu’elle revienne... ? »
« Pourquoi ? Tu veux te refaire une beauté et tenter de la séduire pour qu'elle te laisse partir ? »
« S’teuplait... »
« Okay okay. »

Tu t'écartes donc de lui, partant à la recherche du fameux miroir. Tu mets un moment à le trouver. A croire qu'on l'avait planquer exprès pour que personne puisse le lui donner. Tu reviens prêt de lui, le reflet calé contre ta poitrine pour un cacher le reflet. Tu l'observes, les yeux plantés dans les siens, le laissant se préparer mentalement. Puis, quand il te donne enfin le signal, tu tends le miroir face à lui, l'orientant plusieurs fois de manière un peu hasardeuse pour qu'il puisse se voir. Tu sais que ça lui fera un choc, mais mieux vaut un choc comme celui-ci pour comprendre qu'il n'a blessé personne d'autres que lui, plutôt que de lui montrer les tombes des personnes qui seraient mortes brûlées vives.

Tu finis par laisser le miroir sur le côté, observant Lukas. Tu sens bien que c'est un choc. Tu aimerais lui dire que tu comprends ce qu'il peut ressentir, mais ce serait vraiment lui manquer de respect. Plaisanter, d'accord, mais pas lui faire croire des choses complètement fausses. Tu ne peux pas comprendre ça. Personne ne le peut dans votre entourage. Enfin, t'as pas souvenir d'avoir vu beaucoup d'estropiés à Prismver en même temps. Avec tous les dons qu'il y a, on trouve forcément de quoi se soigner.

Tu te redresses et tu prends la décision de le détacher, glissant ensuite ta main dans la sienne. Simple signe de soutien, d'amitié.

« Si t'as besoin de quoi que ce soit, demande-le moi. Je ferais de mon possible pour t'aider. Mais fais pas l'erreur de penser à ce que t'as perdu. Pense à ce que tu as gagné, ce que tu as pu préserver. Et si tu le vois pas encore, ça viendra. »